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peu pénétrés et purifiés du dedans au dehors, non sans conserver longtemps, à cause de la dureté de cœur du peuple, des choses qu'elle n'approuvait pas, ainsi le vengeur du sang, l'esclavage, la polygamie et ses conséquences. Elle n'a pas transformé tout d'un coup le devin en un prophète de Dieu au sens le plus spirituel; mais elle a insensiblement dégagé la prophétie des phénomènes inférieurs de l'interprétation des souges et de la divination. Elle ne s'est élevée elle-même que graduellement et selon les lois de la croissance historique jusqu'à sa plus haute manifestation ou sa parfaite expression, telle que nous la trouvons en Christ.

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Si de la forme nous passons au fond, il ne nous sera pas difficile de discerner quel est le principe essentiel de la religion biblique. Il n'y en a qu'un pour les deux Testaments. Tous les récits de cette religion, et même ses légendes sacrées, forment une histoire du salut, de la rédemption et de la réconciliation. A travers et malgré le péché des hommes, Dieu dans son amour veut les faire participer à sa propre vie. La sagesse de cette religion consiste à connaître la voie où se trouve la vie divine. Les institutions, les ordonnances, les lois, la poésie, jusqu'aux doutes et aux luttes intérieures, tout y tourne autour du même centre. En un mot, le principe matériel de la bible est le salut, ou la communication de la vie parfaite et divine. Quant à la différence des deux Testaments, elle git tout entière en ceci dans l'Ancien Testament le salut devient (qu'on nous passe ce terme d'école); dans le Nouveau il est apparu. On a dit il y a longtemps: Vetus testamentum in novo patet, novum in vetere latet. Cela est vrai, si l'on entend par là que le salut chrétien est déjà contenu dans l'Ancien Testament sous la forme de germes confus et de vagues instincts, et que le salut juif ne reçoit sa signification éternelle et sa réelle puissance que dans le Nouveau Testament. De là découle la nécessité de connaître un des Testaments pour comprendre l'autre. Pour qui n'a pas vu le fruit, la fleur et le bouton resteront toujours une énigme. La méthode à suivre pour traiter la théologie biblique doit être génétique aussi bien qu'historique.

Encore la meilleure méthode ne peut-elle donner ici des

résultats solides qu'à l'homme sérieusement touché par l'esprit

de la religion véritable.

Notre champ d'études se divise en trois périodes :

1o Le mosaïsme va jusqu'à la décadence des deux royaumes, vers l'an 800 avant Jésus-Christ.

2o Le prophétisme va de l'an 800 jusqu'au rétablissement de l'état sous Esdras et Néhémie.

3o Le lévitisme va d'Esdras aux princes asmonéens.

A la fin de son introduction, ainsi qu'au commencement de divers chapitres, M. Schultz donne des renseignements abondants et très précis sur la littérature de son sujet. Mais il est temps d'arriver à ce sujet lui-même.

PREMIÈRE PÉRIODE

Le mosaïsme.

Le grand ouvrage historique, base de notre Pentateuque et du livre de Josué, a été composé à l'époque de Samuel ou de David. Nous désignerons son auteur par la lettre A. C'est l'Elohiste. Il est généralement facile de reconnaitre dans le Pentateuque ce qui vient de lui. D'autres fragments sont dus, comme on l'a reconnu depuis longtemps, au Jéhoviste, que nous appellerons B. C'est le quatrième narrateur de l'histoire des origines, selon Ewald. Il ne retravaille pas l'écrit de A, comme le pensent la plupart des critiques contemporains. Il est tout à fait indépendant de A, ne le connaît pas et le contredit parfois, bien loin de songer à le compléter.

Les Sémites du désert, en présence d'une nature uniforme et grandiose, étaient portés sinon au monothéisme, du moins à une religion où l'un des dieux avait une prédominance beaucoup plus sensible que dans le polythéisme romain ou grec. Les dieux secondaires n'ont pas de personnalité marquée. La divinité se compose bien d'une variété d'Elohim, mais elle a une certaine unité, dont l'idée de puissance est le centre. Cette ancienne religion sémitique sert de base à la religion de l'Ancien

Testament, elle la rend possible, mais elle ne la produit pas comme sa conséquence naturelle et nécessaire.

Malgré leur fraicheur et leur beauté, les plus anciens récits bibliques sont pourtant des traditions ou des légendes populaires et sacrées. Nous ne pouvons donc les employer comme sources immédiates, et nous devons recourir à des moyens indirects pour savoir quel était l'état religieux des Israélites avant Moïse.

L'accueil que Moïse reçut de sa nation prouve qu'elle croyait à un Dieu et à des rapports spéciaux de ce Dieu avec elle. Ce Dieu pouvait être peu différent des divinités nationales adorées par les autres peuples. Mais il était personnel, et, dans un certain sens, spirituel. La moralité et la justice sont mises en relation avec lui. Il a fait aux pères la promesse de la possession de Canaan. Les mœurs sont rudes, mais on observe certaines lois morales et religieuses. Il n'y a encore ni formes fixes pour le culte, ni prêtres.

Tous les souvenirs de la religion antémosaïque se groupent autour du nom d'Abraham, l'ami de Dieu, dont la réputation grandit à mesure qu'on s'éloigne de lui, et qui est aussi respecté des mahométans que des chrétiens. Les tableaux toujours plus brillants que l'Ancien Testament nous présente de ce patriarche ne peuvent pas être considérés comme historiques. Ce qui paraît certain, c'est qu'Abraham a épuré, spiritualisé l'ancienne religion sémitique. Mais qui est-ce qui l'a ainsi élevé au-dessus de son entourage? Nous sommes obligé de répondre une action révélatrice du Dieu qui voulait communiquer à l'humanité par le moyen des Hébreux la religion de la rédemption et de la réconciliation. Les facultés religieuses d'Abraham et sa réceptivité pour les impressions de la vie divine doivent avoir été éveillées par l'Esprit de Dieu. Sous cette influence d'en haut, pendant la période patriarcale, la religion de la nature est devenue chez les Hébreux une religion spirituelle. Sans doute, ils conservaient encore bien des éléments superstitieux et impurs. Mais il y avait là déjà le commencement de la religion véritable, les fondements des usages sacrés et de la moralité du mosaïsme. Le terrain était prêt pour l'immense progrès reli

gieux qu'une nouvelle intervention de Dieu allait accomplir et dont Moïse devait être l'instrument.

Moïse est après Jésus la plus grande personnalité religieuse sur laquelle l'histoire nous donne des renseignements certains. Malgré la corruption de son peuple, il se rattache avec ardeur aux traditions sacrées de ses ancêtres, conservées peut-être dans sa famille avec un soin particulier. Ce qu'il sera, il est bien loin de le devoir à la sagesse des prêtres égyptiens. Il se montre leur adversaire, et la sortie d'Egyte a le caractère d'une guerre de religion. Cependant son éducation distinguée au sein d'une civilisation relativement très développée, son initiation à toute la science des Egyptiens ne lui a pas été inutile. Si elle n'en a pas fait un prophète, -car il ne l'était pas encore, il était un simple patriote quand il dut se réfugier dans le désert, elle lui a donné une préparation formelle, tandis que la matière nécessaire à son œuvre lui était fournie par la religion de sa race. Mais cette double préparation n'explique pas ce que Moïse est devenu. Ici encore nous sommes forcé d'admettre qu'une révélation divine a été la cause première et déterminante de sa carrière prophétique. Comme l'esprit national d'Israël n'est pas le Saint-Esprit de la révélation, ainsi l'esprit de Moïse n'est pas l'auteur de la religion de l'Ancien Testament. Un ordre positif de Dieu appelle Moïse à sa gigantesque tâche. Il ne devient prophète qu'en rencontrant le Tout-Puissant sur le mont Horeb, lieu sacré dès la plus haute antiquité. Il lui est donné de regarder plus profondément qu'un autre dans les perfections et l'essence même de l'Eternel. La voix de Dieu ne se fait pas entendre de lui dans des moments exceptionnels d'extase elle lui parle continuellement, durant son travail ordinaire comme lorsqu'un saint enthousiasme le saisit. Dans tout ce qu'il fait, il est le fidèle exécuteur du plan d'amour que Dieu a conçu en faveur d'Israël.

C'était une pensée grandiose que de former un peuple élu, destiné à porter le salut aux autres nations de la terre. La caractère national que Moïse imprime à la religion, est dans un sens un recul; car l'idée religieuse ne peut s'exprimer tout d'abord pour le peuple que par des formes sacrées, non par la

C. R. 1873.

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vie et les sentiments des individus. Elle se manifeste extérieurement par des coutumes nationales qui font loi pour chacun. Pourtant ce changement constitue un immense progrès. Il fallait ces formes extérieures et immuables, il fallait ces lois et ces institutions diverses pour que le salut pût se conserver jusqu'à sa consommation, à travers tous les orages d'une époque où les âmes n'étaient pas mûres pour le comprendre et le recevoir. Ne pensons pas d'ailleurs que Moïse ait inventé beaucoup de formes ou de cérémonies. Probablement il n'a guère créé que le sabbath, le nom de Jhvh et une conception plus pure du sacrifice.

Le Dieu de l'univers devient le Dieu d'Israël. Le peuple, tiré par lui d'Egypte, lui appartient en propre, doit le considérer comme son roi et le glorifier au milieu des nations. Toutes ses obligations, civiles ou directement religieuses, forment une loi, un tout indivisible. Il est illogique de vouloir négliger des ordonnances cérémonielles en conservant le Décalogue. En tant que loi ou moyen de salut, toute l'économie mosaïque a été abolie et remplacée par la religion de l'esprit.

Parmi les hommes qui ont influé sur le développement de la religion d'Israël, nous remarquons en premier lieu les prophètes. La grande figure du prophète est à la base de tout dans le peuple de la révélation. Dans le prophète, l'esprit humain, éveillé par l'Esprit de Dieu, obtient une certitude immédiate, une vue intérieure de ce qui ne peut être ni perçu par les sens, ni infailliblement reconnu par le travail de l'intelligence. Moïse est prophète, mais son œuvre mourrait avec lui s'il ne se levait pas après lui, pour parler au peuple avec autorité, des hommes animés du même Esprit. Aussi, d'après Deut. XVIII, 15, le grand serviteur de Dieu annonce-t-il l'apparition d'une série non interrompue de prophètes, auxquels Israël doit obéir.

Le ministère libre des prophètes est un puissant préservatif contre la raideur et le formalisme qu'un sacerdoce héréditaire amène facilement avec soi. Leur activité est d'abord unique. ment personnelle. Il y a des prophètes isolés, envoyés par Jéhovah, comme les messagers de sa colère ou de sa grâce, pour parler aux grands ou au peuple: ils ne forment pas encore un corps dans l'état.

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