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mettre avec cet appui, dont on ne saurait se passer, on trouve de la force et du courage pour soutenir les plus grands malheurs. Je vous souhaite donc, mon cousin, la continuation de cette grâce: c'en est use, ne vous y trompez pas; ce n'est point dans nous que nous trou

vons ces ressources.

Lettre du Chevalier de Saint-Véron, à Madame la Marquise de***.

Des complimens, des étrennes, des vœux, c'est, madame, toute la monnaie du jour: mais comment, avec cela, puis-je m'acquitter & votre égard? Des complimens, vous en méritez sans doute plus que personne: il n'y a qu'un petit malheur, c'est que votre modestie vous les fait toujours refuser; je pourrais ajouter aussi que je n'ai pas le talent de les bien faire. Pour des étrennes, ce n'est pas sans doute à moi d'en offrir à celle que la fortune a comblée de ses dons: il ne me reste que des vœux, et ceux que je fais pour vous, madame, sont les plus étendus; ils n'ont de terme que mon respect l'un et l'autre sont infinis.

RÉPONSES À DES LETTRES DE BONNE ANNÉE.

Réponse de M. Fléchier à M.*** ̧

Il y a long-temps, monsieur, que je jouis de la sincérité et de la constance de votre amitié. Sur cela les années finissent comme elles ont commencé, et commencent comme elles ont fini. Je suis pourtant bien aise qu'il y ait un jour où nos vœux se réunissent, et où votre cœur s'ouvre tout entier. J'en connais tous les sentimens, et j'aime à les entendre renouveller. Je vous souhaite, à mon tour, une santé parfaite, un doux repos, et des prospérités plutôt utiles qu' agréables, telles que je crois que vous les souhaitez vous-même.

Réponse de Madame de Simiane.

Je ne pourrais en quatre pages d'écriture répondre aux lignes que je reçois de vous, monsieur: je n'ai rien vu de si joli, de si galant. Comment faites-vous pour rendre si agréable un compliment si commun, si trivial, si répété? Expliquez-le moi, je vous en prie. Désespérée de ces lettres de boune année, il me prend envie de souhaiter toutes sortes de guignons à ceux à qui j'écris, afin de varier un peu la phrase.

Je n'ai pas la force de commencer par vous: ainsi, monsieur, apprenez que je vous souhaite de bonnes années sans nombre, tous les

bonheurs que vous méritez, et que je suis avec un attachement trèsparfait, &c.

Réponse de Madame de Sévigné à sa Fille.

Si j'avais un cœur de cristal où vous puissiez voir la douleur triste et sensible dont j'ai été pénétrée, en voyant comme vous souhaitez que ma vie soit composée de plus d'années que la vôtre, vous connaîtriez bien clairement avec quelle vérité je souhaite aussi que la Providence ne dérange point l'ordre de la nature qui m'a fait venir en ce monde beaucoup avant vous pour être votre mère. La raison ́et la règle veulent que je parte la première; et Dieu sait avec quelle instance je lui demande que cet ordre s'observe en moi! Il est impossible que la justice de ce sentiment ne vous touche pas autant que j'en suis touchée. De là, ma fille, vous n'aurez point de peine à vous représenter quelle sorte d'intérêt je prends à votre santé.

DES BILLETS.

Ils supposent une sorte de familiarité entre ceux qui se les envoient. On en écrit aussi à ses inférieurs; on n'en reçoit point d'eux. Ils diffèrent d'une lettre en ce qu'ils n'exigent aucun cérémonial, qu'ils sont plus courts, qu'ils ne portent qu'un simple nom pour adresse, que, jusqu'à la manière tortillée ou bizarre de les plier, ils bravent toute étiquette, qu'enfin ils ne s'emploient guère que pour faire une invitation, accompagner un petit présent, annoncer un événement de société, se donner même une simple marque de souvenir, et tenir lieu d'une visite.

Lorsqu'un mot agréable ou ingénieux se place naturellement dans un billet il y ajoute quelque prix.

Je vous

"Les affaires et les ennuis continuent à me tourmenter. attends à dîner aujourd'hui; venez jeter quelques fleurs sur ma vie." Voltaire invita l'auteur de l'Art d'Aimer à souper chez Madame du Châtelet par ce quatrain si connu.

Au nom du Pinde et de Cythère

Gentil Bernard est averti,

Que l'art d'aimer doit samedi

Venir souper chez l'art de plaire.

On écrit communément les billets en se servant de la troisième personne, et sous ce rapport, ils demandent beaucoup d'attention pour ne pas être amphibologiques. Par exemple: M. A*** prie Mr. B*** de vouloir bien diner chez LUI. Chez qui? Il y a évidemment ici une équivoque au moins grammaticale.

Madame D*** prévient Madame G*** qu'ELLE a aujourd'hui 84 loge à l'Opéra. A laquelle des deux se rapportent ces pronoms elle et sa.

Il est facile d'imaginer d'autres manières de tourner saus amphibologie ces billets qu'on nomme du matin. Par exemple: Madume de M *** aura samedi au soir, un ou deux violons et quelques danseurs; elle s'estimerait heureuse si Madame et Mesdemoiselles de L venaient embellir sa petite fête ainsi qu'elle a l'honneur de

les en prier.

Le

Madame M✶✶✶ a aujourd'hui sa loge aux Français.* plaisir du spectacle sera doublé pour elle si elle peut avoir l'avantage d'en jouir avec Madame le P*** à qui elle offre une ou même deux places.

M. de *** serait bien aimable s'il pouvait aujourd'hui venir diner chez M. L. qui l'en prie avec instance et lui dit mille choses honnêtes.

Madame S envoie savoir des nouvelles de la migraine de Mademoiselle P***, à qui elle fait les plus tendres complimens. Elle espère que cette indisposition n'aura pas de suites, et que la déesse de la santé ne voudra pas se brouiller avec les grâces.

Les billets suivans et leurs réponses relatives aux circonstances les plus ordinaires de la société, peuvent servir de modèles en ce genre.

Lundi, à une heure.

Mr. de Cimar présente ses plus sincères complimens à Mlle. de Bourdic, et lui demande la permission de l'accompagner à l'assemblée demain soir.

Réponse.

Lundi, trois heures.

Mlle. de B. fait mille remercîmens à Mr. de C. pour son offre obligeante, qu'elle est très-fâchée de ne pouvoir accepter, étant ellemême déjà engagée.

Lundi, dix heures du matin.

Mme. Deshayes fait ses respectueux complimens à Mme. Maillard, et l'engage à lui faire l'honneur de venir ce soir prendre le thé,

Réponse.

Onze heures du matin.

Mme. M. fait ses complimens à Mine. D.; elle se fait un plaisir d'accepter son aimable invitation.

* Nom du principal théâtre de Paris.

Mille complimens de la part de Mme. de Beauharnais à Mme. de Ste. Amaranthe et à ses jeunes demoiselles; elle espère qu'elles sont arrivées sans accident à la maison, et parfaitement remises des fatigues de la dernière soirée.

Réponse.

Mardi, à deux heures.

Mme. et Mlles. de Ste. A. sont sensibles à l'intérêt que leur témoigne Mme. de B.; elles sont arrivées saines et sauves, et se portent toutes bien, à l'exception de Joséphine, qui a attrapé un petit rhume.

Mercredi.

Mille complimens de Mme. de Ségur à Mlle. le Compte; elle la prie de lui accorder le plaisir de sa société à dîner Dimanche prochain. On se mettra à table à cinq beures.

Réponse.

Mille complimens de Mlle. le C.; elle ne manquera pas de æ rendre à l'invitation de Mme. de S.

Jeudi.

Je vous invite, ma chère, à venir prendre le thé ce soir avec moi; je serai seule, et j'espère que vous voudrez bien me procurer le plaisir de votre charmante compagnie: ne me refusez pas cette grâce. Adieu.

Réponse.

Je vous remercie infiuiment, ma chère, de votre obligeante invitation; mais je suis extrêmement fâchée de ne pouvoir l'accepter, parce que nous attendons compagnie ce soir; pour demain, vous pouvez disposer de moi; et, si vous ne venez pas me voir le matin, j'irai' certainement vous trouver le soir.

Vendredi.

Je viens d'arriver de Luxeuil. Si vos occupations vous permettent de venir chez moi, je vous apprendrai des nouvelles qui vous feront plaisir. Je serai toute la journée à la maison, ainsi choisissez votre heure.

Réponse.

Je suis charmé d'apprendre que vous soyez enfin de retour de Luxeuil: n'eussé-je d'autre motif que celui de vous en féliciter après une si longue absence, cela seul m'engagerait à vous aller voir.

Vous pouvez donc compter que je me rendrai chez vous cette aprèsmidi, sur les cinq heures.

Samedi matin.

Mme. Pelletier présente ses complimens à Mlle. de Neufchâteau, et espère qu'elle voudra bien l'honorer ce soir de sa compagnie, à une partie de cartes.

Réponse.

Mlle. de N. fait ses très-respectueux complimens à Mme. P. Elle est désolée d'avoir un engagement de même nature.

Si vous n'êtes pas engagée demain, ma chère amie, je vous invite à venir faire un tour de promenade avec ma sœur et moi; ma voiture sera prête à midi. Ne cherchez point de prétexte pour vous excuser, et faites-moi savoir votre résolution au plutôt.

Réponse.

Comme j'ai promis de sortir demain avec ma tante et ma cousine, et que je ne puis raisonnablement m'en dispenser, je ne saurais, ma chère amie, profiter de l'offre gracieuse que vous me faites. Je n'ai point d'autre excuse, et vous me connaissez trop bien pour douter de ma sincérité.

Avouez, monsieur, que vous êtes bien paresseux. Quoi! deux semaines entières se passent sans vous voir, et même sans recevoir de vos nouvelles. Vous négligez vos amis; vous n'en avez cependant point de plus sincère que moi. Venez donc vous excuser de la longueur de votre absence; je vous attends ce soir.

Réponse.

Vous ne serez plus surpris, monsieur, de mon absence, quand vous saurez, que j'ai eu depuis quinze jours un mal de tête affreux. Que m'aurait-il servi de vous en informer? D'ailleurs, vous saurez que je suis naturellement indolent: c'est mon faible. Ce soir, sans faute, j'irai vous voir.

Mme. Duclos souhaite le bonjour à M. Caperonnier. Comme elle va ce soir, au bal, elle ne pourra pas avoir le plaisir de le voir aujourd'hui, et prie M. C. de ne vouloir bien venir demain qu'à onze

heures.

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