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Là sont des berceaux toujours verts,
Assis à côté de Lesbie,

Je leur parlerai de tes vers
Et de ton aimable génie;
Je leur raconterai comment
Tu recueillis si galamment
La Muse qu'ils avaient laissée;
Et comme elle sut sagement,
Par la paresse autorisée,
Préférer avec agrément,
Au tour brillant de la pensée,

La vérité du sentiment.

Voltaire a joint à ce beau naturel de Chaulieu plus de correction et de coloris; et ses poésies familières sont pour la plupart d'excellens modèles de la gaieté noble et de la liberté qui doivent régner dans l'ode Anacréontique.

Boileau feint qu'Apollon,

DU SONNET.

Voulant pousser à bout tous les rimeurs françois,*
Inventa du sonnet les rigoureuses lois,

Voulut qu'en deux quatrains de mesure pareille,
La rime avec deux sons frappât huit fois l'oreille,
Et qu'ensuite six vers artistement rangés
Fussent en deux tercets par le sens partagés,
Sur-tout de ce poëme il bannit la licence;
Lui-même en mesura le nombre et la cadence,
Défendit qu'un vers faible y pût jamais entrer,
Ni qu'un mot déjà mis osât s'y remontrer.
Du reste il l'enrichit d'une beauté suprême.

Un sonnet sans défauts vaut seul un long poëme.

Le Sonnet est composé de quatorze vers d'une mesure égale, et pour l'ordinaire de douze syllabes; ces vers sont partagés en deux quatrains et un sixain.

Les rimes masculines et féminines des deux quatrains sont semblables, et on les entremêle dans l'un, de la même manière que dans l'autre.

Le sixain se coupe en deux tercets, c. à. d. en deux stances de trois vers. Ces tercets commencent l'un et l'autre par deux rimes semblables, en sorte que le troisième vers du premier rime avec le troisième du second.

Il faut éviter que le mélange des rimes, dans les quatre derniers vers du sixain, soit le même que dans les quatrains.

Le second vers de chaque quatrain doit avoir un repos. Les deux

On est forcé ici de prononcer et d'écrire François pour que ce mot rime avec lois; du temps de Boileau, cette licence, pouvait être permise, mais aujourd'hui elle ne serait plus soufferte.

quatrains et les deux tercets doivent être terminés chacun par un repos encore plus grand.

D'ailleurs tout doit être noble dans ce poëme, pensées, style, élocution. Point de répétitions, point de redondance. La force et l'élévation en sont les principaux caractères.

On voit cependant des Sonnets, dont les sujets ne blimes; le style alors en est médiocre, et doit l'être. exemples du Sonnet. Le premier dans le genre simple, nature même du Sonnet.

Doris qui sait qu'aux vers quelquefois je me plais,
Me demande un sonnet, et je m'en désespère.
Quatorze vers, grand Dieu! le moyen de les faire?
En voilà cependant déjà quatre de faits.

Je ne pouvais d'abord trouver de rimes, mais
En faisant on apprend à se tirer d'affaire.
Poursuivons, les quatrains ne m'étonneront guère,
Si du premier tercet je puis faire les frais.
Je commence au hasard, et si je ne m'abuse,
Je n'ai pas commencé sans l'aveu de la muse,
Puisqu'en si peu de temps je m'en tire si net.
J'entame le second, et ma joie est extrême:
Car des vers commandés j'achève le treizième.
Comptez s'ils sont quatorze, et voilà le sonnet.

AUTRE SONNET.

Grand Dieu, tes jugemens sont remplis d'équité:
Toujours tu prends plaisir à nous être propice.
Mais j'ai tant fait de mal, que jamais ta bonté
Ne me pardonnera qu'en blessant ta justice.

Oui, Seigneur, la grandeur de mon impiété
Ne laisse à ton pouvoir que le choix du supplice
Ton intérêt s'oppose à ma félicité,

Et ta clémence même attend que je périsse.

Contente ton désir, puisqu'il t'est glorieux:

Offense-toi des pleurs qui coulent de mes yeux:

sont pas suVoici deux exprime la

Tonne, frappe, il est temps, rend-moi guerre pour guerre.

J'adore en périssant la raison qui t'aigrit.

Mais dessus quel endroit tombera ton tonnerre,

Qui ne soit tout couvert du sang de Jésus-Christ?

DU RONDEAU.

Le Rondeau né Gaulois a la naïveté.

Tel est le caractère de ce petit poëme. Toutes sortes de vers y sont propres, excepté les Alexandrins qui ont trop de gravité. Il y entre treize vers de même mesure sur deux rimes.

On peut faire dans le Rondeau ce qu'on ne fait point dans les autres poëmes. Comme il ne doit y avoir dans les huit derniers vers que trois rimes féminines, on peut mettre de suite sur trois rimes mas

culines le cinquième, le sixième et le septième. Mais on fait rarement ce mélange dans les cinq derniers vers.

Le Rondeau a deux repos nécessaires, l'un après le cinquième vers, l'autre après le refrain.

Le refrain qui se place après le huitième vers, et à la fin de la pièce, n'est autre chose que la répétition d'un ou de plusieurs mots du premier vers. Il doit avoir un sens lié avec ce qui précède, et être amené délicatement. Le premier des deux Rondeaux qui suivent explique les règles du poëme.

Ma foi, c'est fait de moi, car Isabeau
M'a conjuré de lui faire un rondeau:
Cela me met en une peine extrême.
Quoi! treize vers, huit en eau, cinq en ême!
Je lui ferais aussi-tôt un bateau.

En voilà cinq pourtant en un monceau.
Faisons-en huit, en invoquant Brodeau,
Et puis mettons, par quelque stratagème.

Ma foi, c'est fuit.

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L'Epigramme plus libre, en son tour plus borné,
N'est souvent qu'un bon mot de deux rimes orné.

Cette pièce ne doit contenir qu'autant de vers qu'il en faut pour exprimer vivement la pensée ou le bon mot qui en est l'ame. C'est pourquoi le nombre n'en est pas déterminé, non plus que la mesure et le mélange des rimes. Exemples:

Cy git ma femme: Ah! qu'elle est bien
Pour son repos et pour le mien!

Un magister s'empressant d'étouffer
Quelque rumeur parmi la populace,
D'un coup dans l'oeil se fit apostropher,
Dont il tomba, faisant laide grimace.
Lors un frater s'écria: Place, place;
J'ai pour ce mal un baume souverain.
Perdrai-je l'œil? lui dit messer Paucrace.
Non, mon ami, je le tiens dans ma main.

Contre un mauvais médecin.

Mes malades jamais ne se plaignent de moi,
Disait un médecin d'ignorance profonde.

Ah! répartit un plaisant, je le croi,

Vous les envoyez tous se plaindre en l'autre monde.

Contre Fréron.

Je te tiens souris téméraire ;

F. de Neufchâteau.

Un trébuchet me fait raison:

Tu me rongeais, coquine, un tome de Voltaire
Tandis que j'avais là les œuvres de Fréron.

Guichard.

DU MADRIGAL.

Le Madrigal plus simple, et plus noble en son tour,
Respire la douceur, la tendresse, et l'amour.

Ce petit poëme ne diffère que par là de l'épigramme, dont la pointe est souvent aiguisée par la satire. Exemples:

L'autre jour l'enfant de Cythère,
Sous une treille à demi gris:
Disait, en parlant à sa mère:
Je bois à toi, ma chère Iris.
Vénus le regarde en colère.
Maman, calmez votre courroux;
Si je vous prends pour ma bergère,
J'ai pris cent fois Iris pour vous.

A Madame la Marquise du Châtelet, au nom de Madame de
Boufflers, en lui envoyant une étrenne.

Une étrenne frivole à la docte Uranie!
Peut-on la présenter? oh, très-bien, j'en réponds.
Tout lui plaît, tout convient à son vaste génie:
Les livres, les bijous, les compas, les pompons,
Les vers, les diamans, le biribi, l'optique,
L'algèbre, les soupers, le Latin, les jupons,
L'opéra, les procès, le bal, et la physique.

Réponse de Madame du Châtelet.

Hélas? vous avez oublié
Dans cette longue kirielle.
De placer la tendre amitié;

e donnerais tout le reste pour elle.

A Madame de

Vous êtes belle, et votre sœur est belle,
Entre vous deux tout choix serait bien doux,
L'amour était blond comme vous,

Mais il aimait une brune comme elle.

Sur Madame de

Iris s'est rendue à ma foi.
Qu'eût-elle fait pour sa défense?
Nous étions trois, elle, l'Amour, et ami,
Et l'Amour fut d'intelligence.

DE L'ÉPITAPHE.

L'épitaphe est une inscription que l'on met sur un tombeau.
Epitaphe de Piron, par lui-même.

Ami passant, qui désire connaître
Ce que je fus: je ne voulus rien être:
Je vécus nul, et certes je fis bien;
Car, après tout, bien fou qui se propose,

De rien venant, et redevenant rien,
D'être ici bas, en passant, quelque chose.

Autre Epitaphe de Piron, par lui-même.

J'achève ici-bas ma route;
C'était un vrai casse-cou.
J'y vis clair, je n'y vis goutte;
J'y fus sage, j'y fus fou:
A la fin j'arrive au trou
Que n'échappent fou ni sage,
Pour aller je ne sais où:
Adieu Piron, bon voyage.

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D'un ivrogne qui voulut avoir pour cercueil un tonneau qu'il avait

vidé.

Ci-git qui creusa son tombeau.

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