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SYLVESTRE.

N'est-ce point quelqu'un de ses amis?

SCAPIN.

Non, monsieur; au contraire, c'est son ennemi capital.

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Ah! parbleu, j'en suis ravi. (a Argante.) Vous êtes ennemi, monsieur, de ce faquin d'Argante? Hé?

SCAPIN.

Oui, oui; je vous en réponds.

SYLVESTRE prend rudement la main d'Argante.

Touchez là. Touchez. Je vous donne ma parole, et vous jure sur mon honneur, par l'épée que je porte, par tous les serments que je saurois faire, qu'avant la fin du jour je vous déferai de ce maraud fieffé, de ce faquin d'Argante. Reposez-vous sur moi.

SCAPIN.

Monsieur, les violences en ce pays ne sont guère souf

fertes.

SYLVESTRE.

Je me moque de tout, et je n'ai rien à perdre.

SCAPIN.

Il se tiendra sur ses gardes, assurément; et il a des parents, des amis et des domestiques, dont il se fera un secours contre votre ressentiment.

SYLVESTRE.

C'est ce que je demande, morbleu! c'est ce que je demande. (11 met l'épée à la main.) Ah, tête! ah, ventre! Que

ne le trouvé-je à cette heure avec tout son secours! Que ne paroît-il à mes yeux au milieu de trente personnes ! Que ne les vois-je fondre sur moi les armes à la main! (Il se met en garde.) Comment! marauds, vous avez la hardiesse de vous attaquer à moi! Allons, morbleu, tue! (I pousse de tous les côtés, comme s'il y avoit plusieurs personnes devant lui.) Point de quartier. Donnons. Ferme. Poussons. Bon pied, bon œil. Ah! coquins! ah! canaille! vous en voulez par là! je vous en ferai tâter votre soùl. Soutenez, marauds, soutenez. Allons. A cette botte. A cette autre. (11 se tourne du côté d'Argante et de Scapin.) A celle-ci. A celle-là. Comment, vous reculez! Pied ferme, morbleu; pied ferme! 1

SCAPIN.

Eh eh eh! monsieur, nous n'en sommes pas.

SYLVESTRE.

Voilà qui vous apprendra à vous oser jouer à moi.

1. Le comédien Rosimond, dans la Dupe amoureuse, comédie jouée en 1670, un an avant les Fourberies de Scapin, a employé exactement le même moyen que Molière dans cette scène. Une suivante rusée, qui veut délivrer sa maîtresse d'un vieillard ridicule qui l'obsède, dit au valet Carrille :

Dis-moi, pourrois-tu bien faire le fier-a-bras?
Ne parler que de sang, de fer et de trépas?

CARRILLE.

Te moques-tu de moi? La chose est si facile !
Combien en voyons-nous d'exemples à la ville!
S'il ne faut que jurer un ventre, un têtebleu,
Laisse faire Carrille, et tu verras beau jeu;
Et si, pour mettre mieux à bout ton entreprise,
Tu crois qu'un ton gascon soit encore de mise,
Je puis facilement...

Marine répond que cela ne nuira point, donne quelques instructions à Carrille, et lui dit qu'il saura le reste à la maison. Carrille, habillé en capitan, revient, aborde le vieillard, et lui tient, pour l'effrayer, à peu près les mêmes discours que Sylvestre à Argante.

SCÈNE X.

ARGANTE, SCAPIN.

SCAPIN.

Hé bien! vous voyez combien de personnes tuées pour deux cents pistoles. Oh sus, je vous souhaite une bonne fortune.

ARGANTE, tout tremblant.

Scapin.

SCAPIN.

Plaît-il?

ARGANTE.

Je me résous à donner les deux cents pistoles.

SCAPIN.

J'en suis ravi pour l'amour de vous.

ARGANTE.

Allons le trouver; je les ai sur moi.

SCAPIN.

Vous n'avez qu'à me les donner. Il ne faut pas, pour votre honneur, que vous paroissiez là, après avoir passé ici pour autre que ce que vous êtes; et, de plus, je craindrois qu'en vous faisant connoître il n'allât s'aviser de vous demander davantage.

ARGANTE.

Oui; mais j'aurois été bien aise de voir comme je donne mon argent.

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