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CHAPITRE VII.

Des éclipses.

Le calcul des éclipses est la chose qui étonne le plus dans les recherches des astronomes; mais c'est parceque le spectacle en est plus frappant pour le public; car la difficulté n'est pas plus grande que celle des autres parties de l'astronomie. Les éclipses totales de soleil sont sur-tout remarquables; on passe dans un instant du jour le plus éclatant à une obscurité pareille à celle de la nuit, et même plus sensible et plus frappante; les chevaux sont obligés de s'arrêter dans le milieu du chemin, ne sachant où mettre le pied; la rosée commence à tomber, par l'interruption subite de la chaleur; les oiseaux même retombent vers la terre par l'effroi que leur cause une si triste obscurité. Il n'y a eu depuis long-temps à Paris d'autre éclipse totale que celle du 22 mai 1724, et il n'y en aura point dans le dix-neuvième siècle, comme je m'en suis assuré pour satis

faire la curiosité de Louis XV, qui desiroit beaucoup de le savoir. Il y aura seulement une éclipse annulaire en 1847 comme en 1748 et 1764, dans lesquelles le soleil déborde la lune tout autour et forme un anneau de lumière.

La trace de l'orbite de la lune dans le ciel est différente de 5 degrés de celle du soleil, c'est-à-dire de l'écliptique; mais elle la coupe en deux points que l'on appelle les nœuds; la lune passe tous les quinze jours dans un de ces nœuds, et si le soleil se trouve vers le même endroit, la lune nous le cache, ce qui fait l'éclipse de soleil; ou bien, si elle est à l'opposite du soleil, elle est cachée par la terre, ce qui fait une éclipse de lune.

Ainsi il doit y avoir éclipse au moins deux fois l'année, dans les nouvelles lunes ou dans les pleines lunes, qui arrivent quand le soleil se trouve vers un des deux points du ciel où sont les nœuds; mais ces éclipses ne sont pas toujours visibles pour nous, parceque la lune ne peut cacher le soleil qu'à une partie de la terre. En 1786, nous n'avions aucune éclipse à Paris.

Il peut arriver six ou sept éclipses dans la

même année, pour différents pays de la terre, parcequ'il n'est pas nécessaire que le soleil réponde précisément aux noeuds de la lune pour qu'il y ait éclipse; la largeur de ces deux astres suffit pour qu'ils paroissent se toucher, sans qu'ils répondent précisément au même point du ciel ; et la largeur de la terre fait que la lune peut cacher à un pays le bord du soleil, quoiqu'elle soit éloignée de plusieurs degrés du noeud ou de l'intersection des deux orbites.

Les éclipses reviennent à-peu-près dans le même ordre au bout de dix-huit ans et dix jours: cette remarque importante et curieuse, qui avoit été faite plus de six cents ans avant l'ère vulgaire, servit peut-être à Thalès pour prédire aux Ioniens une éclipse totale de soleil qui arriva pendant la guerre des Lydiens et des Médes; les uns rapportent cette éclipse à l'an 585, d'autres à l'année 621 avant l'ère vulgaire. Au reste, ce qu'Hérodote dit de cette prédiction est si vague, qu'il est encore douteux qu'elle ait jamais été faite réellement.

CHAPITRE VIII.

Du système du monde.

Jusqu'ici nous avons parlé du mouvement diurne de tout le ciel et du mouvement annuel du soleil. L'un et l'autre sont de pures apparences, et c'est ce que nous avons à développer en expliquant le système de Copernic.

Le mouvement de la terre est difficile à concevoir pour tous ceux qui sont imbus des anciens préjugés; mais l'astronomie en fournit des preuves si frappantes, que les plus anciens philosophes en ont senti la vérité. Aristarque de Samos, Nicétas, Philolaüs, et d'autres pythagoriciens, avoient compris la difficulté qu'il y avoit à supposer que tous les astres tournoient en vingt-quatre heures autour de nous, et le grand Copernic y trouva de quoi confirmer ses idées.

En effet, quand on voyoit cette concavité immense de tout le ciel, où nous distinguons

cent millions d'étoiles, qui sont toutes à des distances prodigieuses de nous, et des planètes qui ont toutes des mouvements contraires à ce mouvement de tous les jours; quand on réfléchit à la petitesse de la terre, il devient impossible de concevoir que tout cela puisse tourner à-la-fois d'un mouvement régulier et constant en vingt-quatre heures de temps, autour d'un atome tel que la terre. Non seulement le mouvement diurne de tous les astres en vingtquatre heures autour de la terre est une chose invraisemblable, j'ose dire qu'elle est absurde, et qu'il faut être aveuglé par le préjugé de l'ignorance pour pouvoir persévérer dans cette idée: toutes ces planètes, dont les mouvements propres sont si différents les uns des autres; toutes ces cométes, qui semblent n'avoir presque aucune ressemblance avec les autres corps célestes; ces cent millions d'étoiles fixes, que les lunettes nous font voir dans toutes les parties du ciel; tous ces corps, dis-je, qui n'ont aucune connexion, qui sont indépendants l'un de l'autre, et à des distances que l'imagination a de la peine à concevoir, se réuniroient donc pour tourner chaque jour ensemble et comme tout d'une pièce autour d'un axe ou essieu, le

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