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le paga

l'empereur Julien, qui étoit si zélé pour nisme. Je ne sais pas trop bien comment de grands hommes ont pu mettre Auguste en la place de, Julien, et avancer hardiment que l'oracle de Delphes avoit fini par la réponse qu'il avoit rendue à Auguste sur l'enfant hébreu.

Quelques auteurs modernes, qui ont trouvé cet oracle digne d'une fin éclatante, lui en ont fait une. Ils ont lu dans Sozomène et dans Théodoret, que sous Julien le feu avoit pris au temple d'Apollon, qui étoit dans un fauxbourg d'Antioche, appellé, Daphné, sans qu'on eût pu découvrir l'auteur ou la cause de cet incendie; que les payens en accusoient les chrétiens, et que les chrétiens l'attribuoient à un foudre lancé de la main de Dieu. A la vérité, Théodoret dit que le tonnerre étoit tombé, sur ce temple; mais Sozomène n'en parle point. Ces modernes se sont avisés de transporter cet événement au temple de Delphes, qui étoit fort éloigné de-là, et de dire que, par une juste vengeance de Dieu, les foudres l'avoient renversé au milieu d'un grand tremblement de terre. Ce tremblement de terre, dont ni Sozomène ni Théodoret ne parlent dans l'incendie même de Daphné, a été mis là pour tenir compagnie aux foudres, et pour honorer l'aventure.

Ce seroit une chose ennuyeuse de faire l'histoire de la durée de tous les oracles depuis la naissance

de Jésus-Christ: il suffira de remarquer en quels temps on trouve que quelques-uns des principaux ont parlé pour la dernière fois; et souvenez-vous toujours que ce n'est pas à dire qu'ils aient effectivement parlé pour la dernière fois, dans la dernière occasion où les auteurs nous apprennent qu'ils aient parlé.

Dion, qui ne finit son histoire qu'à la huitième année d'Alexandre Sévère, c'est-à-dire l'an 230 de Jésus-Christ, dit que de son temps Amphilochus rendoit encore des oracles en songes. II nous apprend aussi qu'il y avoit dans la ville d'Apollonie un oracle, où l'avenir se déclaroit par la manière dont le feu prenoit à l'encens qu'on jettoit sur un autel. Il n'étoit permis de faire à cet oracle des questions, ni de mort, ni de mariage. Ces restrictions bizarres étoient quelquefois fondées sur l'histoire particulière du dieu qui avoit eu sujet, pendant sa vie, de prendre de certaines choses en aversion. Je crois aussi qu'elles pouvoient venir quelquefois du mauvais succès qu'avoient eu les réponses de l'oracle sur de certaines matières.

Sous Aurélien, vers l'an de Jésus-Christ 272, les Palmiréniens révoltés consultèrent un oracle d'Apollon Sarpédonien en Cilicie. Ils consultèrent encore celui de Vénus Aphacite, dont la forme étoit assez singulière pour mériter d'être rapportée ici. Aphaca est un lieu entre Héliopolis et Biblos.

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'Auprès du temple de Vénus, est un lac semblable à une citerne. A de certaines assemblées que l'on y fait dans des temps réglés, on voit dans ces lieuxlà un feu en forme de globe ou de lampe; et ce feu, dit Zozime, s'est vu jusqu'à notre temps c'est-à-dire, jusques vers l'an de Jésus-Christ 400. On jette dans le lac des présens pour la déesse : il n'importe de quelle espèce ils soient. Si elle les reçoit, ils vont au fond; si elle ne les reçoit pas, ils surnagent, fût-ce de l'argent ou de l'or. L'année qui précéda la ruine des Palmiréniens, leurs présens allèrent au fond, mais l'année suivante tout surnagea.

Licinius ayant dessein de recommencer la guerre contre Constantin, consulta l'oracle d'Apollon de Didyme, et en eut pour réponse deux vers d'Homère, dont le sens est : « Malheureux vieillard, » ce n'est point à toi à combattre contre les jeunes » gens; tu n'as point de forces, et ton âge » t'accable ».

Un dieu assez inconnu, nommé Besa, dit Ammian Marcellin, rendoit encore des oracles sur des billets, à Abide, dans l'extrémité de la Thébaïde, sous l'empire de Constantius; car on envoya à cet empereur des billets qui avoient été laissés dans le temple de Besa, sur lesquels il commença à faire des informations très-rigoureuses, et jetta dans les prisons, ou envoya en exil, ou fit tourmenter

cruellement un assez grand nombre de personnes. C'est que par ces billets on consultoit le dieu sur la destinée de l'Empire, ou sur la durée que devoit avoir le règne de Constantius, ou même sur le succès de quelque dessein que l'on formoit contre

lui.

Enfin Macrobe, qui vivoit sous Arcadius et Honorius, fils de Théodose, parle du dieu d'Héliopolis de Syrie et de son oracle, et des fortunes. d'Antium, en des termes qui marquent positivement que tout cela subsistoit encore de son temps.

Remarquez qu'il n'importe pour notre dessein que toutes ces histoires soient vraies, ni que ces oracles aient effectivement rendu les réponses qu'on leur attribue. On n'a pu attribuer de fausses réponses qu'à des oracles que l'on savoit qui subsistoient encore effectivement; et les histoires que tant d'auteurs en ont débitées, prouvent du moins. que l'on ne croyoit pas qu'ils eussent cessé.

CHAPITRE IV.

Cessation générale des Oracles avec celle du

EN

Paganisme.

général, les oracles n'ont cessé qu'avec le paganisme, et le paganisme ne cessa pas à la venue de Jésus-Christ.

Constantin abattit peu de temples, encore n'osat-il les abattre qu'en prenant le prétexte des crimes qui s'y commettoient. C'est ainsi qu'il fit renverser celui de Vénus Aphacite, et celui d'Esculape qui étoit à Éges en Cilicie, tous deux temples à oracles. Mais il défendit que l'on sacrifiât aux dieux, et commença à rendre, par cet édit, les temples inutiles.

On trouve des édits de Constantius et de Julien, alors Césars, par lesquels toute devination est défendue sur peine de la vie, non seulement celle des astrologues, et des interprètes des songes, et des magiciens, mais aussi celle des augures et des aruspices, ce qui donnoit une grande atteinte à la religion des Romains. Il est vrai que les empereurs avoient un intérêt particulier à défendre toutes les devinations, parce qu'on ne faisoit autre chose que s'enquérir de leur destinée, et principalement des successeurs qu'ils devoient avoir; et tel se révoltoit

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