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deux

mais c'est surtout pour la télégraphie non électrique que son emploi nous semblerait utile. Puisque avec les seuls mouvemens à droite et à gauche de la pointe d'une aiguille aimantée on transmet une dépêche, on le ferait également bien avec deux points lumineux électriques, susceptibles de briller l'un au-dessus de l'autre, ou l'un à côté de l'autre. Les trois indications de la pointe de l'aiguille aimantée, savoir: -en place,— à droite, — à gauche, remplacées par les trois indications suivantes : une seule lumière, lumières l'une sur l'autre, — deux lumières l'une à côté de l'autre. Avec ce système télégraphique, si facile à dissimuler, il n'est presque point de cas où une place assiégée ne pût communiquer avec l'extérieur, comme les forts isolés avec le corps de la place, ou bien les navires stationnaires en mer avec la côte. Nous ne faisons aucun doute que si la télégraphie électrique n'eût pas été inventée ou plutôt mise en pratique avec les chemins de fer, le sys tème télégraphique des feux électriques n'eût été adopté partout, et qu'il ne soit dès aujourd'hui exclusivement applicable à toutes les contrées privées de voies ferrées et de fils électriques.

II.

Il n'est presque point de château, de manoir ou même d'habitation bourgeoise éloignée des villes, qui n'ait ce qu'on appelle vulgairement une longuevue, une lunette de mer, une lunette de télégraphe ordinaire, ou bien même une lunette montée sur un pied. Ceux qui possèdent une lunette à pied de Soleil ou de Lerebours ont tout ce qu'on peut désirer pour les observations terrestres ou célestes qui se recommandent à la curiosité des tranquilles possesseurs des propriétés provinciales, tandis que ces mêmes observations s'imposent à la sécurité du voyageur, du marin et de l'explorateur qui suivent une route privée de relais de poste et d'auberges comfortables. Ce qui suit est donc plutôt de l'astronomie curieuse que de l'astronomie sérieuse, quoique souvent la première ait mené à la seconde, et qu'après avoir vérifié les découvertes des autres, des esprits de bonne trempe aient été conduits à en faire pour leur propre compte. J'espère que de plus en plus l'espoir d'appeler à l'observation des phénomènes célestes les amateurs qui ont un peu d'aisance et beaucoup de loisir se réalisera en France à mesure que les moyens d'observation seront mis à la portée de ces amateurs, et que des indications pratiques leur seront communiquées.

Laplace fait observer, à la louange des théories astronomiques, que la science du ciel est la seule qui jusqu'ici puisse avec certitude prédire les événemens futurs. A la vérité, ces événemens ne sont pas de ceux qui passionnent la société. Qu'importe à la plupart des hommes de savoir que dans plusieurs milliers d'années notre étoile polaire actuelle cédera sa place à la brillante étoile de la Lyre, et que des astres cachés aujourd'hui sous l'horizon de Paris y reparaitront pour quelques dizaines de siècles? Cependant les éclipses, les marées, les mouvemens du soleil et de la lune, ceux des planètes et l'aspect variable des configurations célestes qui brillent dans chaque saison attirent encore l'attention du public non citadin, et surtout de ceux qui sont pourvus d'une lunette. L'indication de ce qu'il y a à voir dans le ciel intéresse toujours

les questionneurs qui s'adressent à ceux qu'ils croient initiés à ces infaillibles pronostics des mathématiques. Faisons de l'astronomie curieuse pour cette année; mais notons que d'ici à 1861 une série d'observations uniques sur les planètes, les comètes, les éclipses, les particularités physiques des planètes, du soleil et des étoiles, viendra réclamer l'attention des amateurs.

Les éclipses cette année n'offriront rien de curieux en France et en Europe. Les marées ne seront pas d'une très grande force; celles du 28 février, du 14 avril, du 13 et du 14 mai, du 9 et du 10 août, du 8 septembre et du 7 octobre seront les plus remarquables et amèneront assez d'eau vers Quillebeuf, à l'embouchure de la Seine, pour que les mascarets dont nous avons parlé dans la Revue (1) fassent un spectacle unique de déploiement en grand des forces motrices de la nature. Les marées de septembre et d'octobre seront audessus de la moyenne, et mériteront d'avoir des spectateurs parisiens témoins de ce beau phénomène naturel; c'est le même qu'observait, à ses grands périls, la flotte d'Alexandre à l'ouverture de l'Indus. « On était à la troisième heure du jour lorsque l'océan, soumis à des lois immuables, commença à envahir le fleuve et à le faire reculer. Les eaux, d'abord arrêtées, couraient ensuite vers leur source avec plus de rapidité que les torrens n'en ont en descendant des montagnes. » Suit l'énumération de tout ce que ce mascaret produisit d'accidens et de désordres pour la flotte échouée. Cette description de Quinte-Curce aurait pu littéralement être écrite aussi bien sur les rives de la Seine inférieure que sur les rives de l'Indus inférieur. Avis au lecteur sensible aux beaux spectacles de la nature obéissant à des forces étrangères à notre globe.

Les taches du soleil et les comètes seront aussi impossibles à prévoir que curieuses à observer. Les portraits daguerréotypes du soleil sont au premier rang d'utilité pour la théorie des taches du soleil, qui sont liées à la nature interne de cet astre. L'éclipse totale de soleil du 31 décembre 1861 nous dira sans doute bien des choses sur ces curieux problèmes physiques. Attendons.

L'aiguille aimantée, dont la pointe était dirigée au nord précis en 1666, année de la fondation de l'Académie des Sciences, a, depuis cette époque juɛqu'en 1816, toujours marché vers l'ouest. En 1816, M. Arago trouva qu'elle était stationnaire, et depuis ce temps elle revient vers le nord, où elle pointera de nouveau exactement en 1967, suivant M. Chazallon. Moi, je prétends que ce sera en 1966. C'est ce que nous verrons! Quoi qu'il en soit, la déclinaison extrême que M. Arago avait trouvée, en 1816, de 22o 1/2, à partir du nord vers l'ouest, n'a été trouvée, en 1853, le 3 décembre, par M. Laugier, que de 20° 1/4 environ (20° 17'). Sous les règnes antérieurs au règne de Louis XIV, depuis 1571 jusqu'à 1660, l'aiguille déviait du nord vers l'est, et sans doute, dès le siècle de François Ier, la déviation de l'aiguille aimantée était déjà vers l'est. Aristote se jeta, dit-on, dans la mer d'Aulide, de chagrin de ne pas pouvoir pénétrer le mystère des marées de ce détroit poétique sur lequel les utilitairiens modernes ont eu l'insolence de jeter un pont. Je ne désespère pas de voir quelque jour un physicien, las des mille spéculations théoriques sur la direction de l'aiguille aimantée, se poignarder avec une de ces aiguilles,

(1) Voyez la livraison du 1er novembre 1852.

dont plusieurs sont maintenant d'une dimension énorme. J'en ai employé pour ma part qui avaient plus de deux mètres de long. A ce propos, nous dirons que la proximité trop grande de Paris, cette masse de fer couchée sur les bords de la Seine, ne permet aucune précision dans les indications de la direction de l'aimant. Il faut, comme je l'ai fait, s'éloigner de 10 à 12 kilomètres de Paris, dans les plaines de la Belle-Épine, entre Choisy-le-Roi et Bourg-la-Reine, pour obtenir des résultats exempts des perturbations du fer que contiennent les constructions de tant de milliers de maisons et de tuyaux de conduite.

La lune passera deux fois cette année devant l'étoile epsilon des Gémeaux. Une de ces occultations a déjà eu lieu, et la seconde s'observera le 5 avril prochain, mais elle durera peu. Les deux planètes Saturne et Mars seront aussi occultées par la lune. La première de ces occultations, toutes deux de courte durée, a pu être observée le 5 février dernier, un peu avant le coucher du soleil; la seconde aura lieu le 13 mars, en pleine nuit. Quant aux éclipses des satellites de Jupiter, je renverrai à la Connaissance des temps, qui pour chaque jour enregistre la position des quatre lunes de cette planète, leurs éclipses, leurs passages devant Jupiter, etc. Venons aux planètes.

Le petit croissant de Mercure sera visible vers le 15 mars et vers le 10 avril, vers le 15 juillet et vers le 5 août, vers le 8 novembre et vers le 27 du même mois. Une lunette de force moyenne fera distinguer cette curieuse figure, analogue à celle de la nouvelle lune et de la lune précédant le soleil le matin. Vénus est jusqu'au 15 de ce mois visible le soir en belle forme de croissant. Après le 15 mars, elle reparaitra en croissant le matin, avant le lever du soleil, pendant tout ce mois et une portion d'avril. Son plus grand éclat aura lieu le 5 avril, et son plus grand écart du soleil — le 9 mai. Mars sera à son plus grand éclat vers minuit dans les derniers jours de février et les premiers jours de mars. Ainsi nous avons encore quatre mois à le voir très brillant. Au 1er février, il se lève à 7 heures 3/4.

Jupiter sera visible le matin, avant le lever du soleil, jusqu'au mois de juillet, et passé cette époque, il brillera jusqu'à la fin de l'année sur l'horizon du soir. Les positions variées de ses satellites sont ce qu'il y a de plus curieux à observer avec des lunettes de force moyenne. Nous renvoyons de nouveau à la Connaissance des temps et à l'Annuaire du bureau des longitudes.

La curieuse planète Saturne et ses anneaux seront visibles cet été à leur plus grand avantage. C'est au mois d'août que les anneaux atteindront leur plus grande largeur, à laquelle ils sont ensuite quinze ans à revenir. L'année 1853 nous a valu d'excellentes observations physiques de cette planète et de ses satellites par M. Lassel à Malte, par le capitaine Jacob à Madras, par M. Otto Struve à Poulkova, près Saint-Pétersbourg, et par M. Bond à Cambridge des États-Unis. L'année 1854 confirmera et augmentera sans doute cette riche moisson de faits curieux; nous les ferons connaître.

Il est un genre d'observations qui n'exigent point l'emploi du télescope, et auxquelles on prête maintenant peu d'attention: c'est la marche des planètes au travers du ciel étoilé. Généralement les planètes abandonnent les étoiles placées à l'ouest pour s'avancer vers les étoiles orientales. Cependant il est des époques où, vues de la terre, elles semblent marcher en sens con

traire. Ainsi, dans la dernière moitié de mars et dans celle de novembre, comme du 16 juillet au 12 août, Mercure marchera à l'occident. Il en est de même de Vénus, du 5 au 19 février, ce qu'on peut reconnaître facilement en la comparant aux étoiles voisines du Verseau. Depuis le mois de février jusqu'au 15 avril, Mars ira de même vers les étoiles occidentales, et pourra être comparé à Régulus, situé dans son voisinage. Jupiter, du 15 mai au 15 septembre, exécutera le même tour de force entre les étoiles du Capricorne et celles du Sagittaire. Enfin Saturne, au milieu de la constellation du Taureau, marchera aussi vers l'ouest depuis le 30 septembre jusqu'à la fin de l'année. Une des occupations les plus agréables et les plus instructives, c'est la comparaison du ciel étoilé avec une carte du ciel faite de manière à reconnaître les diverses constellations dont les étoiles servent de points fixes auxquels on rapporte la marche du soleil, de la lune, des planètes et des comètes, et même les changemens plus lents que les siècles amènent dans notre système solaire. Plusieurs astronomes, et notamment sir John Herschel, ont montré un grand dédain pour ces bizarres figures d'hommes et d'animaux dont l'antiquité avait peuplé son ciel. Cependant les divisions mathématiques qu'on a proposé d'y substituer n'ont obtenu aucune sympathie. Ces configurations ont été étudiées par Hipparque, par César et par Cicéron. Plusieurs remontent au-delà de Thalès, qui nomma la Petite-Ourse, puisqu'on les trouve dans Homère et dans le Livre de Job. Ainsi elles ont la consécration d'une vénérable antiquité. J'avoue que les figures des animaux célestes sont loin d'être correctes, et que la Grande-Ourse d'Homère comme la Petite-Ourse de Thalès sont dessinées avec de longues queues, tandis que les ours et ourses terrestres en sont dépourvus; mais si pour chaque étoile vous mettez un chiffre d'ascension droite et un autre de distance polaire avec degrés, minutes et secondes, il n'y a point de mnémonique, même la mnémonique miraculeuse de M. Pick, qui puisse retenir tant de nombres, encore moins se représenter la situation respective des astres ainsi désignés. Les dénominations païennes du ciel ont résisté même aux scrupules des astronomes catholiques depuis saint Augustin jusqu'à nos jours. Nous avons de belles cartes célestes où les douze signes du zodiaque ont pris les noms des douze apôtres, où la constellation du Navire est devenue l'Arche de Noé, et où toutes les autres constellations ont reçu la dénomination d'un saint ou d'un objet sacré; mais le zèle pieux de l'auteur n'a obtenu aucun assentiment même dans les écoles ecclésiastiques, et rien ne fait présumer que les anciennes figures soient près de disparaitre du ciel; seulement on a soin de les dessiner en traits légers ou en rouge, de manière à ne pas couvrir les signes des étoiles, qui sont la réalité dont les figures ne sont que la fantaisie. Pour suppléer à un exposé imparfait et difficile à comprendre, le lecteur voudra bien recourir à une carte céleste en s'attachant d'abord de préférence aux étoiles voisines du pôle, au milieu desquelles on n'a point à craindre que les planètes viennent se placer, opérant ainsi une confusion fatale. Au reste, la scintillation est un caractère qui fait reconnaître infailliblement les étoiles; mais au premier coup d'œil, et avec un peu de distraction, on pourrait méconnaître les constellations voisines de la zone que parcourent les planètes. Voilà pourquoi on fera bien de reconnaître d'abord les deux ourses et ensuite les autres con

stellations par des alignemens. La biographie des astronomes nous fournit plusieurs exemples de vocations astronomiques écloses à l'occasion d'observations fortuites. Espérons que la contemplation du ciel, provoquée par nos conseils, nous vaudra quelque Herschel ou quelque Lassel pour prendre part aux innombrables travaux de la science des astres.

BABINET, de l'Institut.

LE CHEVAL BARBE.

Nous avons entendu dire souvent que le cheval de nos possessions africaines, dont nous avons essayé de faire apprécier les rares qualités, était bien inférieur au cheval arabe. Malgré une conviction fondée sur une longue expérience et de sérieuses études, nous nous sommes fait un devoir d'accueillir et de discuter une opinion qui se produisait avec autorité. Nous avons voulu prendre pour arbitre dans cette question un homme que son intelligence, ses habitudes, sa vie tout entière, rendent souverainement compétent en matière chevaline : l'émir Abd-el-Kader. Nous avons adressé à cet homme de cheval par excellence une lettre où nous exprimions franchement les objections que chacune de nos assertions rencontrait. C'est la réponse à cette lettre que nous publions aujourd'hui. On verra par ce curieux document que l'émir ne se borne pas à confirmer ce que nous avons avancé, qu'il développe, par des réflexions ou par des faits, toutes nos opinions. Suivant lui, le cheval berbère, loin d'être une dégénérescence du cheval arabe, lui serait au contraire supérieur. Les Berbères auraient autrefois occupé la Palestine, c'est là qu'ils auraient élevé ce cheval qui est devenu le modèle des chevaux de guerre. Amenés en Afrique par les vicissitudes de leur vie aventureuse, ils y auraient soigneusement conservé l'hôte de leurs tentes, l'instrument de leurs chasses, le compagnon de leurs combats. Leurs chevaux auraient gardé des qualités si éminentes, qu'un souverain d'Asie engagé dans une guerre périlleuse aurait fait venir des coursiers berbères. Le lecteur appréciera la valeur de cette dissertation historique, qui, quelle que soit la manière dont on la juge, n'en a pas moins un incontestable intérêt.

Ce qui est certain, c'est que le cheval barbe doit au ciel sous lequel il se développe, à l'éducation qu'il reçoit, à la nourriture qu'on lui donne, aux fatigues qui lui sont familières, une vigueur qui lui permet d'égaler, sinon de surpasser les chevaux les plus vantés de la Perse et de la Syrie. Appuyé sur la lettre que nous publions, nous nous croyons donc fondé à répéter aujourd'hui que tous les chevaux de l'Afrique et de l'Asie peuvent être confondus sous une dénomination commune. Nous opposons au cheval européen un seul cheval, le cheval d'Orient, que, grâce à la conquête de l'Algérie, nous croyons appelé à rendre chaque jour à notre pays des services plus efficaces et mieux appréciés.

Voici la lettre de l'émir Abd-el-Kader; elle m'est parvenue de Brousse: « Louange au Dieu unique! son règne seul est éternel!

«Que le salut le plus complet et la bienveillance divine la plus parfaite soient étendus sur la personne de M. le général Daumas, de celui qui cherche

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