= PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE M. RENOUVIER PREMIÈRE ANNÉE I PARIS LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE 17, RUE DE L'ÉCOLE-DE-MÉDECINE, 17 1872 LA CRITIQUE PHILOSOPHIQUE POLITIQUE, SCIENTIFIQUE, LITTÉRAIRE CE QUE C'EST QUE LE CRITICISME Le criticisme n'est pas, comme son nom pourrait le faire croire, et comme plusieurs le pensent, une philosophie négative. D'abord, là même où il nie, il affirme. N'est-ce rien affirmer que de nier la valeur des preuves alléguées par l'athéisme ou par le panthéisme? Le criticisme tire son nom de ce qu'il juge, choisit, prononce, décide (xpivo: discerno, judico; xpíois: examen, judicium), et non pas de ce sens corrompu du mot français critiquer, qui exprime dépréciation et blame sans principes. Le criticisme est le contraire de ce qu'on appelle scepticisme. Il a été confondu à dessein avec le scepticisme par une école de philosophes intéressés à faire croire qu'on ne peut contester ce qu'ils enseignent à moins de tout mettre en doute, impugner leurs démonstrations sans renoncer à la raison, ni combattre leur philosophie et ne point détruire toute philosophie. Le criticisme est le contraire du scepticisme, car être sceptique est ne rien croire, selon le sens vulgaire donné à ce mot. Mais le criticisme ne ruine systématiquement les doctrines dites rationnelles des métaphysiciens que parce qu'elles sont mal fondées en raison théorique pure. La partie respectable des thèses que certains d'entre eux défendent, il l'établit par des raisons d'ordre pratique ou moral, les seules sûres et vraiment concluantes dans l'espèce. Le criticisme est donc éminemment une doctrine croyante. Le criticisme, en remplaçant la prétendue preuve métaphysique par la preuve morale, et, au besoin, par des thèses agrandies, généralisées, les thèses étroites de l'ancien rationalisme, s'établit sur un terrain complétement distinct de toute religion et des anciennes philosophies. Cellesci ne manquent jamais, ou de faire cause commune avec la religion, ou, au contraire, de nier tout principe spécifiquement religieux et toute croyance allant au delà des sphères qu'elles se font. Le criticisme se borne aux grandes inductions morales que la raison CRIT. PHILOS. 1.-1 |