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vention, Vergniaud combat Robespierre; il soutient que l'on doit faire appel au peuple pour juger Louis XVI (31 décembre 1792). Mais le plus beau discours de Vergniaud est sa réponse aux accusations que Robespierre avait formulées contre le parti girondin. La dernière partie, celle où il se glorifie d'être un

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UN EFFET DE L'ÉLOQUENCE RÉVOLUTIONNAIRE: LE BAISER LAMOURETTE.

« Le 7 juillet 1792, sur la motion perfide de M. Lamourette, évêque de Lion, qui proposa d'oublier toute haine d'opinion, aussitôt une grande partie des membres s'embrassent. » D'après une estampe de Dalencour.

modéré, est remarquable par la chaleur et la précision du style (10 avril 1793) (1).

Parmi les Girondins, il faut encore signaler Guadet, Gensonné, Buzot, Brisset.

DANTON (1759-1794) fit partie de la Législative et de la Convention. Il faut beaucoup lui pardonner, pour avoir été un des patriotes les plus courageux, et pour avoir payé de sa tête son opposition à Robespierre. Physiquement, il n'est pas sans rapport avec Mirabeau; comme lui, il en imposait par sa carrure et par son aplomb. Mais il était tribun populaire, plutôt qu'orateur. Le 2 septembre 1792, à la nouvelle du siège de Verdun par les Prussiens, l'as

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(1) Morceaux choisis, 2 cycle, p. 869.

semblée est frémissante; c'est ce jour-là que Danton prononce la harangue qui se termine par la phrase célèbre, souvent mal comprise : « Le tocsin qu'on va sonner n'est point un signal d'alarme, c'est la charge sur les ennemis de la patrie. Pour les vaincre, Messieurs, il nous faut de l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace, et la France est sauvée. » Il prononce encore un discours impétueux, le 7 mars 1793, pour arracher à la Convention, au soir d'une séance longue et incertaine, l'organisation du tribunal révolutionnaire. Il voulait, à l'en croire, n'en faire qu'un instrument de victoire contre les ennemis de la France; on sait ce qu'il advint, et qu'il en fut lui-même la victime (1).

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ROBESPIERRE (1759-1794). L'éloquence de Robespierre est très difficile à définir. Ses discours sont souvent gâtés par la rhétorique la plus artificielle, un goût d'antiquité qui sent moins l'humaniste que le pédant, de l'emphase à froid, un jargon sentimental qui lui vient de Jean-Jacques, et surtout je ne sais quoi de fuyant et de faux qui caractérise son hypocrisie jacobinc. Mais les qualités sont remarquables. Robespierre sait composer, placer et enchaîner ses arguments; il sait aussi développer un lieu commun, en le rajeunissant par l'adaptation aux circonstances; il enveloppe ses adversaires et ses auditeurs dans un réseau de plus en plus serré, et finit par convaincre, sans persuader; il est souvent vif et nerveux, àpre, jusqu'à faire frissonner.

Parmi ses discours les plus célèbres, rappelons son accusation contre les Girondins, le 31 mai 1793, et sa défense personnelle, dans la séance du 26 juillet 1794.

Nommons encore Saint-Just et Barère, Tallien, Carnot.

Il ne faut pas oublier non plus: Malesherbes (1721-1794), qui, après s'être distingué par son intelligente tolérance comme directeur de la librairie, devint ministre, suivit Turgot dans sa retraite, et réclama de la Convention le périlleux honneur de défendre le roi accusé; De Sèze (1748-1828), qui, déjà célèbre comme avocat, plaida également pour Louis XVI. On a retenu de son plaidoyer ces mots : « Je cherche parmi yous des juges, et je n'y trouve que des accusateurs. >>

III. LES JOURNALISTES.

Nous voulons seulement signaler quelques-uns de ceux qui, en même temps que les orateurs précédents luttaient à la tribune, contribuèrent par la plume à l'attaque ou la défense.

Camille Desmoulins (1760-1793) travailla aux Révolutions de France et de Brabant et au Vieux Cordelier, où il soutint les idées républicaines modérées. Mallet du Pan (1749-1800), au Mercure de France et au Mercure britannique, (1) CHABRIER, pp. 309. 329.

combattit la Révolution, ainsi que le faisait Rivarol au Journal politique national et aux Actes des Apótres; André Chénier, au Journal de Paris, fut un des plus courageux et des plus clairvoyants adversaires des excès jacobins.

Marat (1744-1793) soutint le jacobinisme dans l'Ami du Peuple, comme Hébert (1755-1794) dans le Père Duchesne.

Enfin, on peut rattacher à la littérature révolutionnaire les Mémoires de Mme Roland (1754-1793), écrits par elle dans sa prison. Cet ouvrage est intéressant à la fois pour l'histoire politique du parti girondin, et pour la connaissance de la plus grande et de la plus délicate âme féminine qu'ait jamais enflammée jusqu'au martyre l'amour de la liberté.

BIBLIOGRAPHIE.

A. CHABRIER, les Orateurs politiques de la France, des origines à 1830. Hachette, 1905.
E. ROUSSE, Mirabeau (Collection des grands écrivains français). Hachette.

Histoire de la littérature française (Julleville, Colin), t. VI, chap. xu (la Littérature sous la
Révolution, par M. A. CHUQUET).

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ORNEMENT TIRÉ DU Livre du Sacre DE NAPOLÉON I'
Dessiné par Percier (1764-1838) et Fontaine (1762-1853).

CINQUIÈME PARTIE

Dix-neuvième siècle.

CHAPITRE PREMIER

TABLEAU GÉNÉRAL DU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE.

SOMMAIRE

1. Deux grandes divisions dans le dix-neuvième siècle : le romantisme de 1815 à 1850; le réalisme de 1850 à 1900. A la fin du siècle, un retour au symbolisme.

2o Le public est devenu légion. Les écrivains ne peuvent plus s'adresser à un goût déterminé ; ils chantent et racontent pour eux-mêmes. La littérature devient individuelle. Tout le siècle a: le sentiment de la nature, la religiosité, la manie des thèses morales et sociales.

3o Le romantisme a des origines françaises (J.-J. Rousseau), des origines étrangères (Goethe, Schiller, Ossian). Il se caractérise par l'abandon de l'anti

quité et des littératures méridionales pour les littératures du Nord; l'imagination substituée à la raison; l'individualisme; la liberté des genres et des styles.

4o Le réalisme est objectif, impersonnel, documentaire, amoral.

5. La presse devient au dix-neuvième siècle une puissance nouvelle, qui forme et déforme l'opinion.

6° Les arts suivent le mouvement littéraire: pseudo-classiques avec David et ses élèves, ils deviennent romantiques avec E. Delacroix, et réalistes avec Courbet. Les sciences prennent en tous sens un prodigieux essor et envahissent la philosophie et la critique.

7o PARMI LES INFLUENCES EXTÉRIEURES: l'Angleterre (Scott, Byron), l'AIlemagne (Schiller, Schlegel, Mommsen), l'Italie (Léopardi, Manzoni), la Russie (Gogol, Tourgueniev, Tolstoï).

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I. GRANDES DIVISIONS.

E dix-neuvième siècle commence littérairement et socialement avec Chateaubriand et Mme de Staël; l'apparition d'Alala (1801) et du Génie du Christianisme (1802), celle de la Littérature (1800) contiennent déjà toutes les aspirations nouvelles. Mais l'Empire retarde leur influence, qui ne se fait sentir que sous la Restauration (1814). Cependant, avant cette date, se pose et se poursuit l'antagonisme entre pseudo-classiques et novateurs. Des opinions politiques se mêlent aux théories littéraires.

LETTRE FANTAISISTE

du temps de Louis-Philippe.

Après 1870, une

De 1820 (Méditations de Lamartine) jusque vers 1850, c'est la période romantique.

De 1850 à 1870, le réalisme pénètre tous les genres, surtout le théâtre, et la poésie subit des influences archéologiques et scientifiques.

crise de naturalisme, et, vers 1880, un retour à des formes d'art plus subtiles, avec le symbolisme, qui se développe parallèlement au naturalisme.

Le siècle s'achève sur une nouvelle poussée de romantisme, mais qui a profité du réalisme et du symbolisme, et qui se manifeste surtout au théâtre avec le Cyrano de Rostand.

On remarquera que, dans la littérature du dix-neuvième siècle, les changements d'écoles et de tendances correspondent à des faits historiques : le romantisme, contenu sous l'Empire, éclate en gerbe éblouissante sous la Restauration et la monarchie de Juillet; après 1848, le réalisme; après 1870, le natura

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