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1° Le dix-septième siècle se divise en trois périodes: a) 1600-1660, époque du pré-classicisme; b) 1660-1688, époque du pur classicisme; c) 1688 à 1715, transition.

2° LE CLASSICISME a pour caractères généraux: l'imitation des anciens, l'esprit chrétien, la raison, l'impersonnalité, la distinction des genres, une langue choisie, un style poli.

3° INFLUENCE DE LOUIS XIV: le roi pensionne les écrivains, encourage les Académies, accueille et distingue les hommes de génie en tout genre, donne une certaine unité à l'art et à la littérature.

4° LE PUBLIC: la littérature est en général mondaine, faite pour les salons et pour une élite. Cette élite se compose de deux éléments qui s'équilibrent: la cour et la ville.

5. LES ARTS: l'architecture et la peinture tendent au grand et à l'harmonie. - Les Sciences : les grandes découvertes se font plutôt à l'étranger.

6 Parmi les INFLUENCES EXTRINSÈQUES : les querelles religieuses; les misères de la fin du règne; l'Italie et l'Espagne : mais de 1660 à 1685, la France se dégage plus que jamais des littératures étrangères.

I. — GRANDES DIVISIONS DU DIX-SEPTIÈME SIÈCLE.

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LETTRE ORNÉE

A littérature du dix-septième siècle peut se diviser en trois périodes:

1° De 1600 environ jusque vers 1660; l'esprit classique n'est pas encore complètement déterminé, sauf en Malherbe. Les grands génies, comme Corneille, Descartes, Pascal, ont plus d'indépendance et de vigueur. Les genres ne sont pas absolument fixés, et les écrivains de second ordre luttent pour la liberté de l'esprit et de la langue;

2o De 1660 à 1688, se fait sentir sur les lettres l'influence directe de Louis XIV. Les plus grands écripar Abraham Bosse (1602-1676). vains concourent à réaliser, dans l'éloquence et dans la poésie, un mème idéal. Bossuet, Racine, Boileau, Molière, La Fontaine (les deux derniers avec moins de docilité) représentent le classicisme au moment de sa plus harmonieuse maturité (1);

3o De 1688 à 1715, période de transition. Par leurs idées comme par leur style, La Bruyère, Saint-Simon et Fénelon annoncent le dix-huitième siècle.

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Si nous envisageons le classicisme chez ses représentants les plus complets, voici quels en sont les éléments essentiels; nous les notons brièvement, l'étude des auteurs nous offrant sans cesse l'occasion d'y revenir:

1. Le respect et l'imitation des anciens, mais considérés comme des maîtres plutôt que comme des modèles. On ne s'intéresse pas chez eux à la partie archéologique, historique, ou sociale; mais on leur demande des lieux communs de psychologie et de morale, que l'on enrichit de tout ce que l'âme humaine a gagné par le christianisme; et des genres, que l'on modifie pour les accommoder au monde poli du dix-septième siècle.

2o Le christianisme, c'est-à-dire la conception de l'homme foncièrement corrompu, et qui doit combattre ses mauvais penchants, anime toute cette littérature, même, quoi qu'on en ait dit, la comédie et la fable. Ce christianisme est poussé jusqu'au jansénisme non seulement par Pascal, mais par Boileau et par Racine. Cependant, les poètes usent de la mythologie; mais ils n'y voient qu'une convention. Ils respectent trop, ou sont trop obligés de respecter le christianisme, pour pratiquer le merveilleux chrétien.

(1) La date de 1688 est celle de la 1" édition des Caractères, de La Bruyère; en 1689, Fénelon écrit son Traité de l'éducation des filles.

3o La littérature classique est psychologique. Elle s'occupe de l'homme intérieur, qu'elle juge seul intéressant. Le monde extérieur apparaît seulement comme cadre ou comme décor, et l'on en réduit la description au minimum. La Fontaine fait exception. Cette psychologie est générale et choisie; elle vise au vrai et surtout au vraisemblable, c'est-à-dire à un ensemble de traits où l'homme de tous les temps puisse se reconnaître.

4° La qualité dominante est la raison, c'est-à-dire la faculté qui nous permet de séparer le vrai du faux, le relatif de l'absolu. Rien ne serait plus naïf que de

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refuser l'imagination et la sensibilité aux Pascal, aux Bossuet, aux Racine, aux La Fontaine; mais chez eux la raison est dominante; elle tient en bride et discipline les autres facultés. De là l'absence du lyrisme, qui est fait de rêverie et d'élan passionné.

5o Toute cette littérature est impersonnelle. L'auteur n'exprime pas directement sa propre façon de penser ou de sentir. Il traite didactiquement ou dramatiquement ses sujets, c'est-à-dire qu'il développe des principes pris en dehors de lui, ou qu'il fait parler, selon le vraisemblable, à chacun de ses personnages, le langage de sa situation et de son caractère. - Là encore, point d'exagération. La vérité, c'est que chaque écrivain veut être impersonnel. Mais, pour ne s'être pas racontés eux-mêmes, un Corneille, un Bossuet, un Racine, un Molière, n'en trahissent pas moins, dans tous leurs écrits, la plus puissante personnalité.

6o Les genres sont distincts et ont leurs lois; ce qui veut dire : chacun d'eux,

pour réaliser son plein effet et atteindre son but particulier, use de procédés qui lui sont propres. Mais, dans chaque genre, la variété intérieure n'a jamais été plus grande. Une tragédie de Racine ressemble moins à une tragédie de Corneille, qu'un drame de Victor Hugo à un drame d'Alexandre Dumas. Et Athalie est plus différente de Bérénice que Ruy-Blas d'Hernani. Que dire de Molière ? Elles étaient bien peu tyranniques, ces règles qui lui permettaient, sans parler de ses farces et de ses grandes comédies en prose, d'écrire, dans le même genre, l'École des femmes, le Tartuffe et le Misanthrope ! Parmi toutes ces règles, il faut faire une place à part aux trois unités; Corneille a peut-être perdu quelque chose à s'y soumettre; Racine y a trouvé le cadre naturel de ses actions simples.

7o La langue des écrivains classiques, encore très riche et très hardie chez Corncille, Pascal et Bossuet, se réduit chez Boileau, Racine, La Rochefoucauld, à un vocabulaire plus choisi et plus abstrait. Mais, à la mème époque, La Fontaine et Molière offrent plus de liberté. Et bientôt, La Bruyère usera d'une langue infiniment variée. La langue reste donc bien personnelle à chaque écrivain, en dépit de l'Académie, des salons et de Vaugelas. Le style, plutôt, a des caractères généraux. Il s'est dégagé de la syntaxe latine, avec Pascal, et il a acquis un suprême degré de clarté. Il tend, à partir de 1669, au naturel, c'est-à-dire à l'expression la plus directe et la plus simple des sentiments. Il est noble sculement dans les genres nobles, comme la tragédie et l'oraison funèbre; mais, là encore, les passages simples abondent. Mème dans les genres les plus familiers, le style du dix-septième siècle a une allure élégante, une décence, une mesure, qui lui viennent de la conversation polie; il ne descend jamais à la trivialité.

Quand on a énuméré ainsi les principaux caractères extérieurs du classicisme, on a sculement fait une série de constatations; rien n'est expliqué. Au fond, nos chefs-d'œuvre du dix-septième siècle sont nés d'un accord mystérieux entre le génie, le moment social et politique, et la maturité de la langue.

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A partir de 1660, Louis XIV exerce une influence sur les lettres et sur les arts. 1o ll prend sous sa protection directe les écrivains et les artistes, jusqu'alors livrés à la domesticité des grands seigneurs, ou à la rapacité des acteurs et des libraires. En 1663, le Roi fait dresser une feuille des pensions, sur laquelle ont figuré tous les grands écrivains du temps, à côté de gens de lettres plus médiocres, mais qui passaient alors pour avoir un mérite éminent (1). Louis XIV pensionne également des savants et des érudits étrangers.

2o Louis XIV protège l'Académie française, à laquelle il donne un local au

(1) N'oublions pas, d'ailleurs, que cette liste fut d'abord établie par Chapelain, qui avait une très grande réputation de critique.

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