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V.2

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217

W16
1827

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Voici un second recueil de fables que je présente au public'. J'ai jugé à propos de donner à la plupart de celles-ci un air et un tour un peu différent de celui que j'ai donné aux premières, tant à cause de la différence des sujets, que pour remplir de plus de variété mon ouvrage. Les traits familiers que j'ai semés avec assez d'abondance dans les deux autres parties' convenoient bien mieux aux inventions d'Esope qu'à ces dernières, où j'en use plus sobrement pour ne pas tomber en des répétitions3; car le nombre de ces traits n'est pas infini. Il a donc fallu que j'aie cherché d'autres enrichissements, et étendu davantage les circonstances de ces récits, qui d'ailleurs me sembloient le demander de la sorte. Pour peu que le lecteur y prenne garde, il le reconnoîtra lui-même: ainsi je ne tiens pas qu'il soit nécessaire d'en étaler ici

'Ce recueil formoit la troisième et la quatrième partie, deux volumes in-12, 1678 et 1679. Il contenoit cinq livres.

2 C'est-à-dire la première et la seconde partie, qui contenoient les six premiers livres : ils avoient paru en 1668 et en 1669, in-12 et in-4°, et ils furent réimprimés en 1678 avec la troisième et la quatrième partie.

3 Ce n'étoit pas là le seul motif qui avoit décidé La Fontaine à mettre moins de concision dans ses récits. Voyez à ce sujet notre Histoire de la vie et des ouvrages de La Fontaine.

les raisons, non plus que de dire où j'ai puisé ces derniers sujets. Seulement je dirai, par reconnoissance, que j'en dois la plus grande partie à Pilpay, sage indien. Son livre a été traduit en toutes les langues. Les gens du pays le croient fort ancien, et original à l'égard d'Ésope, si ce n'est Ésope lui-même sous le nom du sage Locman. Quelques autres m'ont fourni des sujets assez heureux. Enfin j'ai tâché de mettre en ces deux dernières parties toute la diversité dont j'étois capable.

Il s'est glissé quelques fautes dans l'impression. J'en ai fait faire un errata '; mais ce sont de légers remédes pour un défaut considérable. Si on veut avoir quelque plaisir de la lecture de cet ouvrage, il faut que chacun fasse corriger ces fautes à la main dans son exemplaire, ainsi qu'elles sont marquées par chaque errata, aussi bien pour les deux premières parties que pour les dernières 2.

' L'errata des deux premiers volumes se trouve sur un feuillet séparé, qui, par cette raison, manque à beaucoup d'exemplaires : on le place ordinairement après la table des matières du premier volume. L'errata de la troisième partie est à la fin de cette préface, et celui de la quatrième partie est à la fin de la table des matières et du volume.

1 On a pu voir, par la préface que nous avons mise en tête de ces fables, et par les variantes que nous avons données, que ces errata ne suffisoient pas pour rétablir la pureté du texte.

DE MONTESPAN'.

L'apologue est un don qui vient des immortels;
Ou, si c'est un présent des hommes,
Quiconque nous l'a fait mérite des autels:

Nous devons tous tant que nous sommes
Ériger en divinité

Lé sage par qui fut ce bel art inventé.

C'est proprement un charme : il rend l'ame attentive,

Ou plutôt il la tient captive,

Nous attachant à des récits

Qui mènent à son gré les cœurs et les esprits.
O vous qui l'imitez, Olympe, si ma muse
A quelquefois pris place à la table des dieux,
Sur ses dons aujourd'hui daignez porter les yeux;
Favorisez les jeux où mon esprit s'amuse!

Le Temps, qui détruit tout, respectant votre appui,
Me laissera franchir les ans dans cet ouvrage:
Tout auteur qui voudra vivre encore après lui

1

Françoise-Athénaïs de Rochechouard de Mortemart, marquise de MONTESPAN, née en 1641, morte le 28 mai 1707, à l'âge de soixante-six ans. Sa liaison avec Louis XIV avoit commencé en 1668, et dura près de quinze ans, jusqu'en 1683.

Doit s'acquérir votre suffrage.

C'est de vous que mes vers attendent tout leur prix :

Il n'est beauté dans nos écrits

Dont vous ne connoissiez jusques aux moindres traces.
Eh! qui connoît que vous les beautés et les graces!
Paroles et regards, tout est charme dans vous.
Ma muse, en un sujet si doux,

Voudroit s'étendre davantage :

Mais il faut réserver à d'autres cet emploi ;
Et d'un plus grand maître que moi
Votre louange est le partage'.

Olympe, c'est assez qu'à mon dernier ouvrage
Votre nom serve un jour de rempart et d'abri;
Protégez désormais le livre favori

Par qui j'ose espérer une seconde vie :

Sous vos seuls auspices ces vers
Seront jugés, malgré l'envie,
Dignes des yeux de l'univers.

Je ne mérite pas une faveur si grande;
La fable en son nom la demande:

Vous savez quel crédit ce mensonge a sur nous.
S'il procure à mes vers le bonheur de vous plaire,
Je croirai lui devoir un temple pour salaire :
Mais je ne veux bâtir des temples que pour vous.

Ce grand maître étoit Louis XIV.

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