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brebis.

Oui, mais j'ai ensuite troqué la vache contre une

Cela vaut mieux, en effet. Nous avons juste assez d'herbe pour nourrir une brebis, et elle nous donnera du lait tout de même. Je raffole du fromage de brebis. Et par-dessus le marché, j'aurai de la laine, dont je tricoterai des bas et de bonnes jaquettes bien chaudes. Oh! nous n'aurions pas eu cela avec une vache. Comme tu réfléchis à tout !

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Ce n'est pas fini, ma bonne; ce mouton, je l'ai 10 échangé contre une oie.

Nous aurons donc cette année à Noël une belle oie rôtie! Tu songes toujours, mon cher vieux, à ce qui peut me causer le plus de plaisir. A la bonne heure! D'ici à Noël, nous aurons le temps de la bien engraisser. 15 Je n'ai plus cette oie; j'ai pris une poule en échange.

Une poule a son prix, dit la femme.

Une poule pond des œufs, elle les couve, il en sort des poulets qui grandissent et qui forment bientôt une basse-cour. Une 20 basse-cour, c'est le rêve de ma vie.

- Ce n'est plus cela, chère vieille. J'ai troqué la poule contre un sac de pommes rabougries.

-

Quoi est-il vrai? C'est maintenant que je vais t'embrasser, cher homme! Veux-tu que je te conte ce 25 qui m'est arrivé? A peine étais-tu parti ce matin, que je me suis mise à penser quel bon fricot je pourrais te faire pour ce soir quand tu rentrerais. Des œufs au lard avec de la civette, voilà ce que j'ai imaginé de mieux. Les œufs, je les avais; le lard aussi; mais point de 30 civette. Je vais alors en face chez le maître d'école,

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qui en cultive, et je m'adresse à sa femme; tu sais comme elle est avare, quoiqu'elle ait un air doucereux. Je la prie de me prêter une poignée de civette: «Prêter! reprit-elle; mais nous n'avons rien dans notre jardin, 5 pas de civette, pas même de pomme rabougrie. — Vraiment, j'en suis désolée, ma voisine; » et je m'en suis allée: demain j'irai, moi, lui offrir des pommes rabougries, puis qu'elle n'en a pas; je lui offrirai tout le sac, si elle veut. La bonne riposte ! Comme elle sera Io honteuse! Je m'en réjouis d'avance.

Elle jeta ses bras au cou de son mari, et lui donna des baisers retentissants.

«Très bien, voilà qui me plaît, dirent à la fois les deux Anglais. La chose n'a pas altéré un instant sa 15 bonne humeur. Ma foi, cela vaut une forte somme ! »

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Ils donnèrent un quintal d'or au paysan que sa femme avait bien accueilli après de pareils marchés, et le bonhomme se trouva plus riche que s'il avait vendu son cheval dix fois, trente fois sa valeur.

Voilà l'histoire que j'ai entendu raconter quand j'étais enfant, et qui m'a paru pleine de sens. Maintenant tu la sais aussi, et ne l'oublie jamais: « Ce que fait le vieux est bien fait. >>

OBRIEL LE CHASSEUR.

BRIEL était le chasseur le plus renommé du pays;

il n'y avait point d'archer plus adroit; nul ne lançait une javeline avec plus de vigueur. Quelquefois cependant il manquait son coup; il revenait à la maison les mains vides et le cœur mécontent. Sa femme Jasina

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Qu'est-ce que cela? dit Obriel avec une nouvelle
rise. Le chevreuil que j'avais blessé est plus leste
jamais, et il me laisse avec un singulier cadeau !
à ce qu'il appelle un présent inestimable?... Eh!
peut-être !... Ces génies font sagement de ne
oir pas se prêter à toutes nos fantaisies.
Ils nous
raient un bien mauvais service, s'ils daignaient
ter toutes les vaines prières des hommes. Je me
erai donc à demander les choses vraiment nécessaires.
vre comme je suis, je n'aurai que trop d'occasions
onner du cor.>>

briel faisait ces réflexions en regagnant sa demeure à ers les bois. Tout accoutumé qu'il était à les ourir, il finit par s'égarer dans l'obscurité, et se gua longtemps en vain à chercher sa route.

-Eh quoi? se dit-il, accablé de lassitude, le moment it-il déjà venu de recourir au présent du chevreuil ? >> Dans cette pensée, il dégaîna son couteau de chasse, coupa la pointe de la corne, afin de pouvoir s'en vir au besoin. Mais il s'en abstint pour le moment, ce qu'il sentit sous ses pieds une mousse épaisse, sur quelle il pouvait à la rigueur passer la nuit.

Il serait gîté un peu fraîchement, mais il y avait des illes par terre: il pouvait les ramasser et s'en couvrir, our se garantir dd. On ne meurt pas pour une uit passée à la pile. Il aimait mieux trembler le tout son co voir la main brûlée. Il fallait garder le cor e autre occasion. Comme i

ainsi, en ramassant à tâtons les lui, il entendit dans le voisinage ps. Il interrompit son travail et

était alors plus mécontente que lui. Ni l'un ni l'autre ne savaient supporter avec patience les contrariétés de la vie ils voyaient tout de suite dans le moindre accident le dernier malheur.

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Un jour Obriel, qui s'était fatigué à poursuivre un chevreuil blessé, venait de l'atteindre au milieu de la forêt, et tirait déjà son couteau de chasse pour achever l'innocente bête, quand elle fit un bond en arrière, et, regardant fixement son ennemi, lui dit avec douceur : « Obriel, épargne-moi, et je te ferai un présent in- 10 estimable.

Eh! que pourrais-tu me donner, pauvre bête? dit le chasseur, bien surpris d'entendre parler un chevreuil. Obriel, montre-toi d'abord généreux, et tu me trouveras reconnaissant.

Eh bien, je te laisse la vie, répondit le chasseur en remettant son arme dans le fourreau.

Approche, dit le chevreuil, et prends de ta main droite ma corne gauche. »

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L'homme n'eut pas plus tôt fait ce que lui avait dit 20 le chevreuil, que la corne se détacha d'elle-même, et lui resta dans la main.

«Voilà, dit la bête fauve, le don que je t'ai promis. Tu en fabriqueras un cornet, et tu n'auras qu'à souffler dedans pour me voir paraître, quand tu auras besoin 25 d'un secours surnaturel. Mais prends-y garde: il faut que ta demande soit sage, et mon secours nécessaire. Si tu m'appelles mal à propos, le cornet s'enflammera dans ta main, et ta main sera consumée avec lui. »

Après avoir ainsi parlé, le chevreuil bondit et disparut, 30 aussi prompt que l'éclair.

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