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ANGÉLIQUE.

Moi! lui pardonner tout ce qu'il m'a dit? Non, non, mon père, il m'est impossible de m'y résoudre; et je vous prie de me séparer d'un mari avec lequel je ne saurois plus vivre.

Le moyen d'y résister!

CLAUDINE.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.

Ma fille, de semblables séparations ne se font point sans grand scandale; et vous devez vous montrer plus sage que lui, et patienter encore cette fois.

ANGÉLIQUE.

Comment patienter, après de telles indignités? Non, mon père; c'est une chose où je ne puis consentir.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.

Il le faut, ma fille; et c'est moi qui vous le commande.

ANGÉLIQUE.

Ce mot me ferme la bouche; et vous avez sur moi une puissance absolue.

Quelle douceur!

CLAUDINE.

ANGÉLIQUE.

Il est fâcheux d'être contrainte d'oublier de telles injures; mais, quelque violence que je me fasse, c'est à moi de vous. obéir.

Pauvre mouton !

CLAUDINE.

MONSIEUR DE SOTENVILLE, à Angélique.

Approchez.

ANGÉLIQUE.

Tout ce que vous me faites faire ne servira de rien; et vous verrez que ce sera dès demain à recommencer.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.

Nous y donnerons ordre. (à George Dandin.) Allons, mettez-vous à genoux.

A genoux?

GEORGE DANDIN.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.

Oui, à genoux, et sans tarder.

GEORGE DANDIN, à genoux, une chandelle à la main '. (à part.) O ciel! (à monsieur de Sotenville.) Que faut-il dire?

MONSIEUR DE SOTENVILLE.

Madame, je vous prie de me pardonner...

GEORGE DANDIN.

Madame, je vous prie de me pardonner.....

MONSIEUR DE SOTENVILLE.

L'extravagance que j'ai faite....

GEORGE DANDIN.

L'extravagance que j'ai faite...... (à part.) de vous épouser.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.

Et je vous promets de mieux vivre à l'avenir.

GEORGE DANDIN.

Et je vous promets de mieux vivre à l'avenir.

MONSIEUR DE SOTENVILLE, à George Dandin. Prenez-y garde, et sachez que c'est ici la dernière de vos impertinences que nous souffrirons.

MADAME DE SOTENVILLE.

Jour de Dieu! si vous y retournez, on vous apprendra le respect que vous devez à votre femme, et à ceux de qui elle

sort.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.

Voilà le jour qui va paroître. Adieu. (à George Dandin.} Rentrez chez vous, et songez bien à être sage. (à madame de Solenville.) Et nous, m'amour, allons nous mettre au lit 2.

⚫ Cette situation est une répétition de la scène huitième de l'acte premier de cette pièce; elle est fort comique, quoiqu'elle ne soit pas neuve. Remarquez que George Dandin se met à genoux devant sa femme, une chandelle à la main, comme pour lui faire amende honorable; circonstance plaisante qui rend la situation de George Dandin plus risible. (L. B.)

* Le dénoûment de la pièce laisse à découvert le défaut du sujet ; car, non seulement les Sotenville ne sont pas punis de leur ridicule, mais leur fille n'est pas punie de sa conduite : George Dandin seul reçoit le prix de sa sottise. C'étoit le but

SCÈNE XV.

GEORGE DANDIN.

Ah! je le quitte maintenant, et je n'y vois plus de remède. Lorsqu'on a, comme moi, épousé une méchante femme, le meilleur parti qu'on puisse prendre, c'est de s'aller jeter dans l'eau, la tête la première '.

de Molière, et il l'a rempli. (C.) - Oui: mais les ridicules signalés par Molière étoient-ils plus funestes à la société que les vices qu'il laisse sans punition? La question ainsi posée, on peut laisser au lecteur le soin de porter lui-même son jugement sur la pièce.

Il n'y a point de pièce de Molière où la naïveté des bourgeois du dix-septième siècle soit exprimée d'une manière plus franche et plus gaie; le rôle de George Dandin fourmille de mille traits qui naissent de la situation, et qui peignent ce mélange de bonhomie et d'égoïsme qui distinguoit cette classe. En général, on ne trouve pas un mot dans cette pièce qui ne soit du comique le plus naturel et le plus fort. C'est l'unique fois que Molière ait représenté sur la scène une femme mariée manquant à ses devoirs ; et l'on peut remarquer comme une chose singulière que le sujet n'excita de scandale ni à la cour de Louis XIV, où la pièce fit partie d'une fête célèbre, ni à la ville, où elle fut jouée avec le plus grand succès, ni parmi les précieuses, qui s'étoient soulevées contre l'École des Femmes. (P.)

FIN DE GEORGE DANDIN.

MONSIEUR

DE POURCEAUGNAC,

COMÉDIE-BALLET EN TROIS ACTES.

1669.

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