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LE SICILIEN,

OU

L'AMOUR PEINTRE,

COMÉDIE-BALLET

EN UN ACTE.

1667.

PERSONNAGES DE LA COMÉDIE.

DON PEDRE, gentilhomme sicilien'.

ADRASTE, gentilhomme françois, amant d'Isidore'.
ISIDORE, Grecque, esclave de don Pèdre'.

ZAÏDE, jeune esclave'.

UN SÉNATEUR3.

HALI, Turc, esclave d'Adraste'.

DEUX LAQUAIS.

PERSONNAGES DU BALLET.

MUSICIENS.

ESCLAVE chantant.

ESCLAVES dansants.

MAURES et MAURESQUES dan ants.

'MOLIÈRE. -2 LA GRANGE.

Mademoiselle DE BRIE.-Mademoiselle

MOLIÈRE (Armande BEJART). — DU CROISY. - 'LA Thorillière.

OU

L'AMOUR PEINTRE.

SCÈNE I'.

HALI, MUSICIENS.

HALI, aux musiciens.

Chut. N'avancez pas davantage, et demeurez dans cet endroit, jusqu'à ce que je vous appelle.

Le Ballet des Muses devoit être dansé une seconde fois à Saint-Germain-enLaye, dans les premiers jours de janvier 1667. Molière se hâta de composer le Sicilien, et de le substituer à Mélicerte et à la Pastorale comique, dont il n'étoit pas content. Ce ne fut que le 40 juin suivant que le Sicilien parut sur le théâtre du Palais-Royal. La mauvaise santé de Molière fut cause de ce long retard. Cette pièce, destinée à faire partie d'une fête de la cour, se terminoit par un ballet général, plaisamment lié à l'action. Le roi, Madame, madeinoiselle de La Vallière, et plusieurs seigneurs de la cour, y dansèrent. La tragédie de Britannicus n'avoit point encore paru, et deux ans s'écoulèrent encore avant que Racine fit entendre ces vers sublimes où Louis XIV crut voir une leçon dont sa grande ame sut profiter. (B.) — Il étoit difficile d'imaginer un sujet qui prêtât davantage aux divertissements, et de combiner une action où ils pussent être mieux placés. La singularité des mœurs siciliennes, le mélange des nations, la variété des costumes, l'amour ombrageux et tyrannique d'un noble messinois ou palermitain en contraste avec l'amour respectueux et tendre d'un gentilhomme françois, des scènes de nuit, des sérénades galantes, des voiles, cette invention de la coquetterie ou de la jalousie, que l'une peut si facilement tourner contre l'autre, tout cela composoit un spectacle animé et pittoresque, que la musique et la danse venoient naturellement embellir.

On seroit tenté de croire que la comédie-ballet du Sicilien a donné naissance à l'opéra-comique. Ne trouve-t-on pas, en effet, dans la pièce de Molière, les duos, les ariettes, les couplets dont le dialogue de nos comédies lyriques est entremêlé, et jusqu'à ces divertissements que le poëte place d'ordinaire à la fin des actes,

SCÈNE II.

HALI.

Il fait noir comme dans un four le ciel s'est habillé ce soir en Scaramouche', et je ne vois pas une étoile qui montre le bout de son nez. Sotte condition que celle d'un esclave, de ne vivre jamais pour soi, et d'être toujours tout entier aux passions d'un maître, de n'être réglé que par ses humeurs, et de se voir réduit à faire ses propres affaires de tous les soucis qu'il peut prendre! Le mien me fait ici épouser ses inquiétudes; et, parcequ'il est amoureux, il faut que nuit et jour je n'aie aucun repos 2. Mais voici des flambeaux, et, sans doute, c'est lui.

comme autant de canevas préparés pour la musique et pour la chorégraphie? Le Sicilien, d'ailleurs (je me sers ici de l'expression consacrée), est coupé comme un opéra - comique; les tableaux, les situations, les airs y sont préparés et amenés de la même manière. Cette similitude a paru si exacte, qu'en 1780 on a donné la pièce sur le théâtre italien, sans y faire aucun autre changement que de rimer en quelques endroits la prose de Molière, afin de multiplier un peu davantage les morceaux de chant ; et il n'a peut-être manqué à l'ouvrage que d'être mis en musique par Philidor ou par Grétry, pour s'établir avec honneur sur la même scène où brillent Tom Jones et l'Ami de la maison. (A.)

* Scaramouche étoit un personnage bouffon de l'ancien théâtre italien, qui étoit habillé de noir de la tête aux pieds, et dont le masque même étoit rayé de noir au front, aux joues et au menton. (A.) — Molière avoit de grandes obligations à Scaramouche; voyez à ce sujet les notes des Mémoires de Grimarest. tome I, page 62.

On peut comparer ce monologue avec le commencement de celui de Sosie dans Amphitryon, où Molière a reproduit à peu près les mêmes pensées. Ce rapprochement ne sera pas sans intérêt, car on peut y voir un modèle de l'art de mettre en excellents vers une excellente prose, et cela sans lui faire rien perdre de son naturel et de sa vigueur.

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