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pour celui qui fe regarde toujours comme membre de l'Etat, qui fe les loix, dont la pro

gouverne par bité & la juftice règlent toutes les actions, & qui rapporte tout au bien public (a). Ce ne fut pas feignant la Morale

feulement en en

que les Philofophes produifirent ce changement, mais en perfectionnant auffi la Légiflation. Lycurgue, célèbre Légiflateur de Lacédémone, commença par blâmer le luxe. Il tâcha d'éloiles Lacédémoniens de la vogner lupté, en leur en faisant perdre la pensée, & en leur ôtant les moyens de s'y livrer. A cet effet, il recommanda le travail, & ne laissa perfonne oifif. Il voulut qu'on élevât. les enfans durement, afin de les y accoutumer de bonne heure ; &

(a) Ubi fuprà, pag. 391
, pag. 391 & 392.

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pour

pour les rendre forts & courageux, il ordonna que les jeunes filles fiffent les mêmes exercices que les jeunes garçons. Il endurciffoit leur corps en les exerçant à la courfe à la lutte, à lancer le javelot. Il prétendoit par là que le fruit qu'elles concevroient dans la fuite trouvant un corps robuste & vigoureux, y prendroit de plus fortes, racines, & qu'elles-mêmes fortifiées par ces exercices, en auroient plus de facilité, de force & de courage pour réfifter aux douleurs de l'enfantement. Pour leur retrancher même toute forte de délicateffe, il fit une loi qui les obligeoit à paroître en public toutes nues de même que les jeunes garçons, & à danfer devant eux dans cet état à certaines fêtes folemnelles. Elles étoient chargées de fe moquer de ceux d'entre ces jeunes gens qui n'aTome 11,

voient pas fait leur devoir, & de louer & fêter les autres qui avoient bien mérité de la Patrie. Cela rendoit ceux-ci fiers, & ceux-là honteux. Il résultoit de-là de plus grands effets que les plus fortes remontrances n'en auroient pu produire, d'autant mieux que le tout fe paffoit en préfence des Citoyens, des Sénateurs & des Rois mêmes.

Comme le but de Lycurgue étoit d'avoir des hommes robuftes, il enjoignoit aux maris de ne s'approcher de leur femme qu'à la dérobée, & de fe lever de cette table avec une partie de leur appétit. Par cette même raifon, il permettoit aux vieillards qui avoient une jeune femme, de la communiquer à un jeune homme bien fait. Il autorifoit même les femmes à paffer du lit de leur mari dans celui de leurs amans. Perfuadé que l'amour

tout feul feroit ce commerce, & qu'il ne s'exerceroit qu'entre de jeunes perfonnes des deux fexes également bien faites, il en concluoit que les enfans qui en naîtroient auroient tout l'avantage du corps, de l'efprit & du cœur, que la nature & l'amour unis ensemble font capables de former (a). C'étoit ici. une pure conjecture, qui n'avoit point affez de poids pour autorifer l'adultère. On a beau dire que Lycurgue, tout occupé de fon zèle pour la Patrie, ne fongeoit qu'à lui procurer de braves citoyens ; cette raison ne fuffit pas pour permettre de bleffer la pudeur & de refroidir l'union conjugale (b). Il eft vrai que ce Législateur ne croyoit,

(a) Voyez la vie de Lycurgue dans Plutarque.

(b) Voyez les Remarques de M. Dacier fur la vie de Lycurgue,

point que ce qui étoit utile à la Patrie, dût être mal-honnête; & il eftimoit qu'un des plus grands avantages qu'elle pût recevoir d'une bonne Légiflation, c'étoit une féconde & vigoureufe poftérité.

Cependant cette Légiflation ne touchoit pas aux mœurs. Or ce n'est point affez d'indiquer les moyens

de former les hommes forts & vigoureux : l'effentiel eft de les rendre fages & vertueux. C'eft auffi à quoi s'attacha le second Légiflateur de l'Antiquité. Solon (c'eft le nom de ce Légiflateur) commença par exhorter à fe donner de garde de foimême. Il recommanda enfuite qu'on fouffrît plutôt le dommage, que de le réparer par un gain fordide; qu'on n'insultât point aux malheureux; qu'on ne fe laiffât point dominer par l'envie; qu'on ne fouhaitât pas l'impoffible; qu'on

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