refte, il laiffoit, fuivant l'expreffion de Ciceron, la Philofophie errante & vagabonde parmi les planètes & les étoiles fixes. Mais Socrate, ajoute l'Orateur Romain

culte fe fît avec le moins de cérémonies qu'il étoit poffible. Il difoit que les plus beaux préfens que Dieu ait fait à l'homme, c'eft de dire la vérité & de rendre de bons offices: ces deux actions reffemblant aux œuvres du Créateur. Il recommandoit fur-tout qu'on fît la guerre à cinq choses. 1o. Aux maladies du corps, en s'abstenant des débauches qui les produifent. 2°. A l'ignorance de l'efprit en fe donnant la peine de le cultiver. 3. Aux paffions du cœur, en les foumettant à la raifon. 4°. Aux féditions des Villes, en s'attachant aux devoirs d'un bon Citoyen. 5°. Enfin aux difcordes des familles, en évitant les querelles, les haines & les calomnies. Ses Difciples apportoient tous leurs biens à un fonds commun. Ils méprifoient les plaifirs des fens s'abftenoient de tout jurement, ne mangeoient rien qui eût été en vie & croyoient à la Métempfy cofe,

"

plus éclairé ou plus heureux, là fit en quelque forte defcendre du Ciel, l'introduisit dans les Villes, l'obligea à fe familiariser avec les hommes & la rendit maîtreffe de leurs fentimens & de leurs cœurs (a). Ces raifons le font regarder comme l'Inftituteur de la Morale.

Ses difciples étendirent fa doctrine. Ariftipe crut qu'on pouvoit la réduire à ces trois points. 1°. A bien diftinguer le bien & le mal. 2o. A fe dégager de la superftition & de la crainte de la mort. 3°. A fe former des idées juftes du vice & de la vertu. Cette doctrine bien entendue n'étoit que l'art de par

(a) Socrates primus Philofophiam devos cavit è cælo & in urbibus collocavit, & in domos etiam introduxit & coegit de vita & moribus rebufque bonis & malis quærere Fufcul. quæft. Li. III, N. 8,

venir au bonheur, en fe livrant ä une douce volupté, & la conduite d'Ariftipe étoit affez conforme à cette façon de penfer. Ce Philofophe portoit des habits fomptueux, & fa table étoit délicate. Il ne rougiffoit pas de fon affiduité chez la fameufe Courtifane Laïs; & lorfqu'on lui en faifoit un crime, il répondoit: Je poffede Laïs, mais elle ne me poffede pas. Cela ne le juftifioit pas aux yeux des vrais Sages.

Diogène, qui étudioit la Morale quand Ariftipe la profeffoit, fut choqué de ce fafte & de cette fenfualité. Il penfa que la vertu pouvoit bien s'acquérir par les enfeignemens, mais qu'un Philofophe devoit la communiquer par fes leçons. C'eft pourquoi il méprifa la nobleffe, les richeffes, les titres & les rangs, parce que ces

fortes

le

fortes de biens ne dépendent point de nous, & que nous ne devons eftimer que ce qui eft en notre pouvoir de pofféder. Il n'ambitionna que néceffaire. Une fimple tunique & un manteau formèrent tout fon vêtement. Il endossa là - dèffus une beface & prit un bâton à la main. Son logement fut un tonneau. Peu inquiet fur les moyens de fubfifter, il fe confia entièrement à la Providence, s'eftimant très heureux' d'avoir des miettes de pain pour fe nourrir, & de pouvoir fe paffer de ces rafinemens de mets dont fe repaiffoient les Athéniens. Sa frugalité & fon mépris pour tout ce qui s'appelle aprêts dans les repas, étoient portés à ce point de vouloir manger les mets crus, fans en excepter la viande. Afin d'accoutu mer fon ame aux maux auxquels elle eft fujette par fon union avec Tome II.

.C

le corps, il fe rouloit pendant l'été. dans le fable brûlant, & fe couchoit fur la glace en hiver.

Après s'être ainfi bien éprouvé, Diogène joignit l'inftruction à l'exemple. Il tança les Athéniens. avec hauteur & fans ménagement fur leur molleffe, leur fafte & leur fenfualité; & malgré ce ton dur & offenfant, il parloit fi bien, débitoit des chofes fi folides, & vivoit avec tant de régularité, qu'il fe concilioit l'eftime & le refpect, de fes Auditeurs. Ce n'eft point, disoit-il, à vaincre des hommes, inquiets & turbulens, que confifte la véritable gloire, mais à triom pher de l'horreur de la pauvreté,. de la crainte, de l'efpérance, de la concupifcence, & de cet animali dangereux & féduifant, qu'on ap-> pelle la volupté. Il recommandoit: après cela l'amour du travail, là