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donne d'abord les moyens de se délivrer des préjugés de l'enfance, & de tirer fon ame de la preffe. Elle enfeigne en fecond lieu la manière de diftinguer ce qui eft ef fentiellement bon & abfolument néceffaire, de ce qui eft de pure fantaisie ou de caprice. Elle nous fait voir que l'entretien de notre individu n'exige que peu de biens, & que ce luxe, ce fafte & cet éclat, qui éblouiffent le vulgaire, font des inventions dignes d'amufer des enfans. Enfin elle nous éclaire fur l'objet propre des fciences, en nous avertissant qu'on ne doit les regarder que comme de fimples occupations & des alimens qu'on peut donner à l'efprit, ou pour le foutenir, ou pour en étendre la capacité. Prendre les connoiffances au pied de la lettre; penfer qu'on eft né pour mefurer des lignes, Tome II.

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pour examiner le rapport des angles, pour considérer les divers mouvemens de la matière; s'eftimer un être important, parce qu'on a plié fon entendement à une étude particulière, & qu'on y a fait quelque progrès, c'eft aux yeux du Moralifte une pure démence, ou du moins une grande illufion (a). On l'a dit: » La Morale eft la propre fcien»ce & la grande affaire des hommes » en général, qui font intéreffés à rechercher le fouverain bien, & qui font propres à cette recherche, » comme d'autres par différens arts qui regardent différentes parties » de la nature, font le partage & » le talent des Particuliers qui doivent s'y appliquer, pour l'ufage ordinaire de la vie, & pour leur

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(a) Voyez la Logique ou l'Art de penser, pag. 16 de la cinquième édition.

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propre fubfiftance dans ce monde » (a). Cette science consiste à bien régler nos goûts, nos penchans, nos passions & nos inclinations, afin de n'en être point troublés; à être avec foi, à fentir fa propre existence, & à fe fervir de toutes chofes en les prenant pour des inftrumens qui, quoiqu'utiles, nous font tout-à-fait étrangers. Agir autrement, c'eft reffembler à ces foux qui courent les rues, & qui ne peuvent demeurer tranquillement chez eux, & y jouir des avantages que leur condition peut leur procurer.

Cette comparaison eft de Socrate. Ce Philofophe est le premier qui a appris que l'attention princi

(a) Effai Philofophique fur l'entendement humain, Tom. IV, pag. 220 de la trième édition.

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pale d'un Etre raisonnable, eft de fe débarraffer de toutes les opinions que le préjugé a pu introduire dans le monde, & de n'admettre que celles qu'une raison éclairée pouvoit adopter. Toute la vie, dit-il, fe confume dans des occupations vaines & inutiles. Elle fe diffipe fans qu'on s'en apperçoive, & nous manque avant que nous ayons pu en jouir. ¡Auparavant que ce Sage eût paru, les Philofophes n'étudioient que les fciences naturelles. Les plus célèbres d'entr'eux, Thales & Pythagore, avoient négligé la Morale. Celui-ci faifoit confifter la fageffe en la foumiffion aux loix & en une tolérance univerfelle; & il donnoit le nom de Sage à ceux qui font prêts à tout sacrifier à la vérité, honneurs, parens, réputation

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même, & qui cherchent à être utiles aux autres hommes (a). Du

(a) Tout le monde fait que Pythagore eft le premier qui a pris le nom de Philofophe, qui fignifie Amateur de la Sageffe: ce qui fait voir qu'il ne croyoit point l'avoir en partage, mais qu'il défiroit fort de la pofféder. Par cette confidération je crois devoir expofer ici fes autres ma ximes de Morale.

I. L'étude de la Philofophie tend uniquement à élever l'homme à la reffemblance de la Divinité. Ainfi la connoiffance de Dieu ne peut être en nous que l'extrême effort de l'imagination vers la perfection..

II. Dieu est une ame répandue dans toute la nature, & les ames humaines. dérivent de lui: elles font immortelles. mais elles ne peuvent être unies à la Divinité, qu'en fe purgeant de leurs vices. III. L'unité eft le principe de toutes chofes

IV. Entre Dieu & l'homme, il y a dif férens ordres d'Etres fpirituels, qui font autant de Miniftres de l'Etre fuprême.. Pythagore condamnoit toutes les ima ges de la Divinité, & vouloit que for

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