Page images
PDF
EPUB

le Lecteur n'a point de peine en les lifant. Voiture qui paroift fi aife, travailloit extrêmement fes ouvrages. On ne voit que des gens qui font aifément des chofes mediocres; mais des gens qui en faffent, mesme difficilement, de fort bonnes, on en trouve tres-peu.

Je n'ay donc point de regret d'avoir encore employé quelques-unes de mes veilles à rectifier mes Ecrits dans cette nouvelle Edition, qui eft, pour ainfi dire, mon Edition favorite. Auffi y ai-je mis mon nom, que je m'eftois abftenu de mettre à toutes les autres. J'en avois ainfi ufé par pure modeftie mais aujourd'hui que mes ouvrages font entre les mains de tout le monde, il m'a paru que cette modeftie pouroit avoir quelque chofe d'affecté. D'ailleurs j'ai efté bien aife, en le mettant à la tefte de mon Livre, de faire voir par là quels font précisément les ouvrages que j'avoue, & d'arrefter, s'il eft poffible, le cours d'un nombre infini de méchantes piéces qu'on répand par tout fous mon nom, & principalement dans les Provinces & dans les Païs étrangers. J'ay mefme, pour mieux prévenir cet inconvenient, fait mettre au commencement de ce volume, une lifte exacte & detaillée de tous mes Ecrits, & on la trouvera immediatement aprés cet

te Préface. Voila dequoy il eft bon que le Lecteur foit inftruit.

Il ne reste plus prefentement qu'à luy dire quels font les ouvrages dont j'ay augmenté ce volume. Le plus confiderable eft une onzième Satire que j'ay tout recemment compofée, & qu'on trouvera à la fuite des dix precedentes. Elle eft adreffée à Monfieur de Valincour mon illuftre Aflocié à l'Hiftoire. J'y traite du vray & du faux Honneur, & je l'ay compofée avec le mefme foin que tous mes autres Ecrits. Je ne fçaurois pourtant dire fi elle eft bonne ou mauvaise car je ne l'ay encore communiquée qu'à deux ou trois de mes Amis, à qui mefme je n'ay fait que la reciter fort vîte, dans la peur qu'il ne luy arrivast ce qui eft arrivé à quelques autres de mes picces, que j'ay vû devenir publiques avant mefme que je les euffe mifes fur le papier: plufieurs perfonnes, à qui je les avois dites plus d'une fois, les ayant retenues par cœur, & en ayant donné des copies. C'est donc au Public à m'apprendre ce que je dois penfer de cet ouvrage, ainfi que de plufieurs autres petites pieces de Poëfie qu'on trouvera dans cette nouvelle Edition, & qu'on y a mêlées parmy les Epigrammes qui y eftoient déja. Ce font toutes bagatelles que j'ay la plupart compofées dans ma premiere

:

jeuneffe mais que j'ay un peu rajuftées, pour les rendre plus fupportables au Lecteur. J'y ai fait auffi ajoûter deux nouvelles Lettres, l'une que j'écris à M. Perrault, & où je badine avec lui fur noftre démêlé Poëtique, prefque auffi-toft éteint qu'allu mé. L'autre eft un Remercîment à Monfieur le Comte d'Ericeyra, au fujet de la Traduction de mon Art Poëtique, faite par luy en vers Portugais, qu'il a eu la bonté de m'envoyer de Lisbonne avec une Lettre & des vers François de fa compofition, où il me donne des loüanges tres-delicates, & aufquelles il ne manque que d'eftre appliquées à un meilleur fujet. J'au rois bien voulu m'acquitter de la parole que je luy donne à la fin de ce Remercîment, de faire imprimer cette excellen te traduction à la fuite de mes Poëfies; mais malheureusement un de mes Amis à qui je l'avois prestée m'en a égaré le premier Chant, & j'ay eu la mauvaise honte de n'ofer r'écrire à Lisbonne pour en avoir une autre copie. Ce font là à peu près tous les ouvrages de ma façon bons ou méchans, dont on trouvera icy mon Livre augmen té. Mais une chofe qui fera feurement agreable au Public, c'eft le prefent que je luy fais dans ce mefme Livre, de la Lettre que le celebre Monfieur Arnauld a écrite à

Monfieur P** à propos de ma dixiéme Satire, & où, comme je l'ay dit dans l'Epître à mes vers, il fait en quelque forte mon apologie. J'ay mis cette Lettre la derniere de tout le Volume, afin qu'on la trouvast plus aifément. Je ne doute point que beaucoup de Gens ne m'accufent de temerité, d'avoir ofé affocier à mes écrits l'ouvrage d'un fi excellent Homme, & j'avoue que leur accufation eft bien fondée. Mais le moyen de refifter à la tentation de montrer à toute la Terre, comme je le montre en effet par l'impreffion de cette Lettre; que ce grand Perfonnage me faifoit l'honneur de m'eftimer & avoit la bonté meas effe aliquid putare nugas?

Au refte comme malgré une apologie fi authentique, & malgré les bonnes raifons que j'ay vingt fois alleguées en vers & en prôfe, il y a encore des gens qui traitent de médifances les railleries que j'ay faites de quantité d'Auteurs modernes, & qui publient qu'en attaquant les défauts de ces Auteurs, je n'ay pas rendu juftice à leurs bonnes qualitez; je veux bien, pour les convaincre du contraire, repeter encore ici les mêmes paroles que j'ai dites fur cela dans la Préface de mes deux Editions précedentes. Les voici. Il est bon le Lecteur foit averty d'une chofe : C'est qu'en attaquant dans

que

[ocr errors]

mes ouvrages les defauts de plufieurs Ecrivains de noftre Siecle, je n'ay pas prétendu pour cela offer à ces Ecrivains le merite & les bonnes qualitez qu'ils peuvent avoir d'ailleurs. Je n'ay pas prétendu, dis-je, nier que Chappelain, par exemple, quoique Poëte fort dur, n'ait fait autrefois, je ne fçay comment, une affez belle Ode; & qu'il n'y ait beaucoup d'efprit dans les ouvrages de Monfieur Quinaut, quoique fi éloigné de la perfection de Virgile. Fajoûteray mefme fur ce dernier que dans le temps où j'écrivis contre luy, nous eftions tous deux fort jeunes, & qu'il n'avoit pas fait alors beaucoup d'ouvrages, qui lui ont dans la fuite acquis une jufte reputation. Je veux bien aussi avouer qu'il y a du genie dans les écrits de SaintAmand, de Brebeuf, de Scuderi, de Cotin mefme, & de plufieurs autres que j'ay critiquez. En un mot, avec la mefme fincerité que j'ay raillé de ce qu'ils ont de blâmable, je suis preft à convenir de ce qu'ils peuvent avoir d'excellent. Voilà ce me femble leur rendre justice, &faire bien voir, que ce n'eft point un esprit d'envie & de médifance qui m'a fait écrire con

tre eux.

Aprés cela, fi on m'accufe encore de médifance, je ne fçai point de Lecteur qui n'en doive eftre accufé: puis qu'il n'y en a point qui ne dife librement fon avis des écrits qu'on fait imprimer, & qui ne se

« PreviousContinue »