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l'esprit et le cœur, quels principes il accorde, quelles choses il aime; et ensuite remarquer dans la chose dont il s'agit, quels rapports elle a avec les principes avouez ou avec les objets delicieux par les charmes qu'on luy donne. De sorte que l'art de persuader consiste autant en celuy d'agreer qu'en celuy de convaincre, tant les hommes se gouvernent plus par caprice que par raison!

Rien n'est plus commun que les bonnes choses: il n'est question que de les discerner; et il est certain qu'elles sont toutes naturelles et à nostre portée, et mesme connues de tout le monde. Mais on ne sçait les distinguer. Cecy est universel. Ce n'est pas dans les choses extraordinaires et bizarres que se trouve l'excellence de quelque genre que ce soit. On s'eleve pour y arriver, et on s'en esloigne: il faut le plus souvent s'abaisser. Les meilleurs livres sont ceux que ceux qui les lisent croyent qu'ils auroient pu faire. La nature, qui seule est bonne, est toute familiere et commune. Je ne fais donc pas de doute que ces regles, estant les veritables, ne doivent estre simples, naïves, naturelles, comme elles le sont. Ce n'est pas barbara et baralipton qui forment le raisonnement. Il ne faut pas guinder l'esprit; les manieres tendues et penibles le remplissent d'une sotte presomption par une elevation etrangere et par une enflure vaine et ridicule au lieu d'une nourriture solide et vigoureuse. Et l'une des raisons principales qui esloignent autant ceux qui entrent dans ces connoissances du veritable chemin qu'ils doivent suivre, est l'imagination qu'on prend d'abord que les bonnes choses sont inaccessibles, en leur donnant le nom de grandes, hautes, eslevées, sublimes. Cela perd tout. Je les voudrois nommer basses, communes, familieres: ces noms-là leur conviennent mieux: je hais ces mots d'enflure.

PENSÉES.

Eloquence. Il faut de l'agreable et du reel, mais il faut que cet agreable soit luy mesme pris du vray.

Eloquence qui persuade par douceur, non par empire, en tiran, non en Roy.

Il y a un certain modele d'agrement et de beauté qui

consiste en un certain rapport entre nostre nature foible ou forte, telle qu'elle est, et la chose qui nous plaist. Tout ce qui est formé sur ce modele nous agrée, soit maison, chanson, discours, vers, prose, femme, oyseaus, rivières, arbres, chambres, habits, etc. Tout ce qui n'est point faict sur ce modele desplaist à ceus qui ont le goust bon. Et comme il y a un rapport parfaict entre une chanson et une maison qui sont faictes sur le bon modele, parce qu'elles ressemblent à ce modele unique, quoique chacune selon son genre, il y a de mesme un rapport parfaict entre les choses faictes sur le mauvais modele. Ce n'est pas que le mauvais modele soit unique, car il y en a une infinité, mais chaque mauvais sonnet par exemple sur quelque faux modele qu'il soit faict, ressemble parfaictement à une femme vestue sur ce modele. Rien ne faict mieux entendre combien un faux sonnet est ridicule que d'en considerer la nature et le modele et de s'imaginer ensuite une femme ou une maison faicte sur ce modele la.

Beauté poetique. Comme on dict beauté poetique, on devroit aussy dire beauté geometrique et beauté medicinale, mais on ne le dit pas, et la raison en est qu'on sçait bien quel est l'object de la geometrie et qu'il consiste en preuves, et quel est l'object de la medecine et qu'il consiste en la guerison; mais on ne sçait pas en quoy consiste l'agrement, qui est l'object de la poesie. On ne sçait ce que c'est que ce modele naturel qu'il faut imiter, et à faute de ceste cognoissance on a inventé de certains termes bizarres: siècle d'or, merveille de nos jours, fatal etc., et on appelle ce jargon beauté poetique. Mais qui s'imaginera une femme sur ce modele là, qui consiste à dire de petites choses avec de grands mots, verra une jolie damoiselle toute pleine de miroirs et de chaisnes dont il rira, parce qu'on sçait mieux en quoy consiste l'agrement d'une femme que l'agrement des vers. Mais ceus qui ne s'y cognoistroient pas l'admireroient en cest equipage, et il y a bien des villages où on la prendroit pour la roine; et c'est pourquoy nous appelons les sonnets faicts sur ce modele la les roines de village1.

1 The reader will naturally think of Molière's Scène du sonnet. But Le Misanthrope was acted in 1666 and the Pensées did not appear till 1670.

Quand un discours naturel peint une passion ou un effect, on trouve dans soy mesme la verité de ce qu'on entend, laquelle on ne sçavoit pas qu'elle y fust; en sorte qu'on est porté à aymer celuy qui nous le fait sentir. Car il ne nous a pas fait monstre de son bien, mais du nostre, et ainsi ce bienfait nous le rend aimable, outre que cette communauté d'intelligence que nous avons avec luy incline necessairement le cœur à l'aymer.

Quand on voit le stile naturel, on est tout estonné et ravi, car on s'attendoit de voir un autheur et on trouve un homme. Au lieu que ceux qui ont le goust bon et qui en voyant un livre croyent trouver un homme, sont tout surpris de trouver un autheur: plus poetice quam humane locutus es1. Ceux là honorent bien la nature qui luy apprennent qu'elle peut parler de tout.

1 Petronius, Satyricon, c. 90.

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THE STUDY OF MAN

TH HE glory of French classical literature is its psychological realism-its study of man as he is. Montaigne had powerfully shewn the way; he had made it clear that the prelude to any profound study of mankind must be the study of yourself. He was widely read during the first half of the seventeenth century and during its second quarter exercised a very considerable influence. But an even more popular work than the Essais was L'Astrée (1607-1627), the long pastoral romance of Honoré d'Urfé, which recorded, with innumerable digressions, the fortunes of Celadon and Astrée. Its one subject was love, but, as this was analysed and dissected in every possible aspect, it helped to develop the spirit of psychological analysis. In the heroic romances which followed it, from Polexandre to Cléopâtre, this spirit was overshadowed by the taste for incident and adventure, but Mlle de Scudéry in Le Grand Cyrus (1649-1653) and Clélie (1654-1660) returned to the analysis of sentiment, and in the sixth part of Le Grand Cyrus (1653) set that fashion for "portraits" which for the next few years became so favourite a pastime of French literary society. As it was an essential part of the game that the portraits should be wholly flattering, they contributed little to the growth of a sound psychology. But meanwhile the serious study of human passions had been furthered by numerous works on the subject, notably by Descartes's Traité des passions de l'âme (1649).

Ten years later a great noble, François de La Rochefoucauld, having completed the account of his experiences during the Fronde, began to put together in the form of carefully chiselled maxims his thoughts on the self-love, the vanity, the ingratitude of human nature. Though they reflect the bias of his own deception and disillusion in his dealings with his fellow-men, they shew great penetration and an accurate knowledge of the aristocratic society in which he had passed his life, and when they appeared, first

in an unauthorised edition in 1664, and then in an authorised one in 1665, they met with immediate success.

Meanwhile an observer of wider outlook and more genial temper had embodied in half-a-dozen or more immortal comedies the fruits of his study of human nature, and two years later (1667) a great writer of tragedy began to explore the secret springs of passion, and especially of female passion, with rare precision and audacity.

But Molière and Racine must be reserved for the next section. It need only be pointed out here that though they are less uniformly pessimistic than La Rochefoucauld, they take no exalted view of human nature. Philinte in Le Misanthrope, who answers very closely to La Rochefoucauld's conception of an honnête homme, says to his friend Alceste:

Oui je vois ces défauts dont votre âme murmure
Comme vices unis à l'humaine nature;

Et mon esprit enfin n'est pas plus offensé

De voir un homme fourbe, injuste, intéressé,

Que de voir des vautours affamés de carnage,

Des singes malfaisants, et des loups pleins de rage.

Narcisse (Britannicus), Acomat (Bajazet), Mathan (Athalie) are all examples of self-seeking ambition and disbelief in the virtue and disinterestedness of their fellow-men.

"Les animaux sont les précepteurs des hommes dans mon ouvrage," says La Fontaine, and if some of his animals teach us lessons of friendship and sympathy, of justice and independence, others reflect the very qualities which Philinte finds so characteristic of human nature. Moreover in more than one fable, and notably in Les Compagnons d'Ulysse, La Fontaine proclaims, as Montaigne had done before him, the superiority of animals to men.

...Scélérat pour scélérat,

Il vaut mieux être un Loup qu'un homme.

But Pascal more justly said, "il est dangereux de trop faire voir à l'homme combien il est égal aux bestes sans luy montrer sa grandeur," and by the side of man in his misery he painted man in his greatness.

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