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DÉFENSE

DE

LA BRUYERE

ET DE SES

CARACTERES,

Contre les Accufations & les Objections

DE VIGNEUL - MARVILLE.

I ce que Vigneul- Marville
vient de publier dans fes
Melanges d'Hiftoire & de
Litterature, contre la per-

fonne & les Ecrits de la Bruyere, me paroiffoit de quelque force, je n'entreprendrois pas de le refuter, de peur de faire tort à la Bruyere par une méchante Apologie. C'est un tour que

bien des gens ont joué à leurs meilleurs Amis, témoin l'Auteur du Traité de la Délicateffe, qui voulant défendre le Reverend P. Bouhours contre le fameux Cleante, ne fit autre chose que fournir à ce dernier le fujet d'un nouveau triomphe. Je ne crains pas de

tomber dans cet. inconvénient en repouffant les Objections de VigneulMarville: car elles font fi foibles pour la plûpart, qu'il n'eft pas befoin de beaucoup de pénétration pour les détruire, comme j'efpere le faire voir à tous ceux qui voudront prendre la peine de lire cet Ecrit avec toute l'attention néceffaire pour le bien comprendre.

Il faut pourtant que ces Objections ayent quelque chofe d'éblouïffant, puifque le judicieux * Auteur qui continue à nous donner les Nouvelles de la République des Lettres après le célébre Bayle, en parle ainfi dans l'Extrait qu'il a fait de ces Mélanges d'Hiftoire & de Litterature: Il n'y a gueres

d'ap

Bernard, mort en 1718, Profeffeur en Philofophie dans l'Univerfité de Leyde. * Au mois de Janvier 1700. pag. 82.

d'apparence, que M. de Vigneul-Marville faffe revenir le Public de l'eftime qu'il a conçue pour les Caractères de M. de la Bruyere cependant on ne fera pas fâché de lire la Critique qu'il fait de cet Auteur, fur la fin de fon Ouvrage. J'ai conclu de-là que, fi cette Critique méritoit d'être lûe, elle valoit auffi la peine d'être refutée. Et c'est ce qui m'a déterminé à publier ce petit Ouvrage.

Vigneul-Marville attaque la perfonne de la Bruyere, & l'Ouvrage qu'il a donné au Public fous le titre de Caractères ou Mœurs de ce fiécle. Je vais le fuivre pas à pas, & commencer avec lui par la perfonne de la Bruyere.

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I.

PREMIERE PARTIE.

De la perfonne de la Bruyere.

VANT toutes chofes, j'avoue

A rai fincerement que je n'ai

jamais vû la Bruyere. Je ne le connois que par fes Ouvrages. Il ne paroît pas que Vigneul-Marville l'ait connu plus particulierement que moi, du moins fi l'on en juge par ce qu'il nous en dit lui-même dans fon Livre. Car c'eft fur le Portrait que la Bruyere a fait de luimême dans fes Ecrits, que VigneulMarville croit qu'il eft aifé de le connoître ; & l'on ne voit pas qu'il ajoute de nouveaux traits aux différens Caractères qu'il prétend que cet Auteur nous a donnés de lui-même dans fon Livre. Si donc je puis faire voir que Vigneul-Marville, a mal pris les paroles de la Bruyere dans tous les endroits, où il s'imagine que cet illuftre Ecrivain s'est dépeint lui-même, peu importe que je n'aye jamais vu la Bruyere, je ne fuis pas moins en droit de le défendre contre les fauffes accufations de fon Adverfaire.

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