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favante, a goûté les Belles-Lettres & ceux qui en faifoient profeflion. Comparez vous, fi vous l'ofez, au grand Richelieu, Hommes dévoués à la fortune, qui par le fuccès de vos affaires particulières, vous jugez dignes que l'on vous confie les affaires publiques! qui vous donnez pour des génies heureux & pour de bonnes têtes, qui dites que vous ne favez rien, que vous n'avez jamais lû, que vous ne lirez point, ou pour mar quer l'inutilité des Sciences, ou pour paroître ne devoir rien aux autres, mais puifer tout de votre fonds, apprenez que le Cardinal de Richelieu a fu; qu'il a lû; je ne dis pas qu'il n'a point eu d'éloignement pour les gens de Lettres, mais qu'il les a aimés, careffés, favorifés; qu'il leur a ménagé des priviléges, qu'il leur deftinoit des penfions, qu'il les a réunis en une Compagnie célébre, qu'il en a fait l'Académie Françoife. Oui, Hómmes riches & ambitieux, contempteurs de la vertu & de toute affocia-. tion qui ne roule pas fur les établiffemens & fur l'intérêt, celle-ci eft une des penfées de ce grand Ministre, në hom

homme d'Etat, dévoué à l'Etat, efprit folide, éminent, capable dans ce qu'il faifoit des motifs les plus relevés, & qui tendoient au bien public comme à la gloire de la Monarchie, incapable de concevoir jamais rien qui ne fût digne de lui, du Prince qu'il fervoit, de la France à qui il avoit confacré fes méditations & fes veilles.

Il favoit quelle eft la force & l'utilité de l'Eloquence, la puiffance de la parole qui aide la Raifon & la fait valoir, qui infinue aux hommes la juftice & la probité, qui porte dans le cœur du Soldat l'intrépidité & l'audace, qui calme les émotions populaires, qui excite à leurs devoirs les Compagnies entieres, ou la multitude: il n'ignoroit pas quels font les fruits de l'Hiftoire & de la Poëfie', quelle eft la néceffité de la Grammaire, la bafe & le fondement des autres Sciences, & que pour conduire ces chofes à un degré de perfection qui les rendît avantageufes à la République, il falloit dreffer le plan d'une Compagnie, où la Vertu feule fût admife, le mérite placé, l'efprit &

le

la

le favoir raffemblés par des fuffrages, n'allons pas plus loin; voilà, Mcffieurs, vos principes & votre régle, dont je ne fuis qu'une exception. Rappellez en votre mémoire, comparaifon ne vous fera pas injurieufe, rappellez ce grand & premier Concile, où les Peres qui le compofoient étoient remarquables chacun par quelques membres mutilés, ou par les cicatrices qui leur étoient reftées des fureurs de la perfécution : ils fembloient tenir de leurs playes le droit de s'affeoir dans cette Affemblée générale de toute l'Eglife: il n'y avoit aucun de vos illuftres prédeceffeurs qu'on ne s'empreffât de voir, qu'on ne montrât dans les places, qu'on ne défignât par quelque Ouvrage fameux qui lui avoit fait un grand nom, & qui lui donnoit rang dans cette 'Académie naiffante qu'ils avoient comme fondée, tels étoient ces grands Artifans de la parole, ces premiers Maîtres de l'Eloquence Françoise, tels vous êtes, Meffieurs, qui ne cédez ni en favoir ni en mérite à nul de ceux qui vous ont précédés.

L'un auffi correct dans fa Langue

que

que s'il l'avoit apprife par régles & par principes, auffi élegant dans les Langues étrangeres, que fi elles lui étoient naturelles, en quelque idiome qu'il compofe, femble toujours parler celui de fon pays : il a entrepris, il a fini une pénible Traduction que le plus bel efprit pourroit avouer, & que le plus pieux perfonnage devroit défirer d'avoir faite.

L'autre fait revivre Virgile parmi nous, tranfmet dans notre Langue les graces & les richeffes de la Latine, fait des Romans qui ont une fin, en bannit le prolixe & l'incroyable pour y fubftituer le vraisemblable & le naturel.

Un autre plus égal que Marot & plus Poëte que Voiture, a le jeu, le tour & la naïveté de tous les deux, il inftruit en badinant, perfuade aux hommes la Vertu par l'organe des bêtes, éleve les petits fujets jufqu'au fublime, homme unique dans fon genre d'écrire, toujours original, foit qu'il invente, foit qu'il traduife, qui a été au-delà de fes modéles, modèle lui-même difficile à imiter.

Celui-ci paffe Juvenal, atteint Ho-
Tome II.
Р race,

race, femble créer les penfées d'autrui, & fe rendre propre tout ce qu'il manie, il a dans ce qu'il emprunte des autres toutes les graces de la nouveauté & tout le mérite de l'invention fes vers forts & harmonieux faits de génie, quoique travaillés avec art, pleins de traits & de poësie, feront lûs encore quand la Langue aura vieilli, en feront les derniers débris: on y remarque une critique fûre, judicieufe, & innocente, s'il eft permis du moins de dire de ce qui eft mauvais, qu'il eft mauvais.

Cet autre vient après un homme loué, applaudi, admiré, dont les vers volent en tous lieux & paffent en proverbe, qui prime, qui régne fur la fcéne, qui s'eft emparé de tout le théâtre il ne l'en dépoffede pas, il eft vrai, mais il s'y établit avec lui, le monde s'accoutume à en voir faire la comparaifon : quelques-uns ne fouffrent pas que Corneille, le grand Corneille, lui foit préferé, quelques autres qu'il lui foit égalé; ils en appellent à l'autre fiécle, ils attendent la fin de quelques vieillards, qui touchés indifféremment de tout ce qui

гар

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