Page images
PDF
EPUB

langue d'avocat, avec des paroles « qui valent un sequin la pièce. » On met Célia et Bonario en prison, et Volpone est sauvé. Cette imposture publique n'est pour lui qu'une comédie de plus, un joyeux divertissement et un chef-d'œuvre. « Duper la cour, détourner le torrent contre les innocents, c'est un plaisir plus grand que si j'avais joui de la femme'. » Pour achever, il écrit un testament en faveur de Mosca, se fait passer pour mort, et regarde, caché

[blocks in formation]

O, more than if I had enjoy'd the wench!

(Acte IV, sc. II; acte V, sc. I.)

derrière un rideau, les visages des héritiers. Ils viennent de le sauver, tant mieux; la méchanceté en sera plus grande et plus belle. « Torture-les bien, Mosca! » Mosca étale le testament sur une table, et fait tout haut l'inventaire. « Neuf tapis de Turquie. Deux cabinets, l'un d'ivoire, l'autre d'écaille de perle. Une boîte à parfums faite d'un seul onyx. » Les héritiers défaillent de douleur, et Mosca les chasse à coups d'insultes. Il dit à Corvino 1:

Que tardez-vous ici? Dans quelle pensée? Sur quelle promesse?

Écoutez. Ne savez-vous pas que je vous connais pour un âne, Et que vous auriez été bien volontiers un maquereau,

Si la fortune l'avait souffert? Que vous êtes

Un cocu déclaré, et en bons termes? Cette perle,

1.

Why would you stay here? With what thought, what promise?
Hear you do you not know, I know you an ass,
And that you would most fain have been a wittol,
If fortune would have let you? That you are
A declared cuckold, on good terms? This pearl,
You'll say, was yours? Right. This diamond?
I'll not deny 't, but thank you. Much here else?
It may be so. Why, think that all these good works
May help to hide your bad....

CORBACCIO.

I am cozen'd, cheated, by a parasite slave;
Harlot, thou hast gull'd me.

MOSCA.

Yes, sir; stop your mouth,

Or I shall draw the only tooth is left.

Are you not he, that filthy covetous wretch,

With the three legs, that here, in hope of prey,

Have, any time, this three years, snuff'd about,

With your most grovelling nose, and would have hired
Me to the poisoning of my patron, sir?

Are you not he that have to day in court

Profess'd the disinheriting of your son,

Perjured yourself? Go home, and die, and stink.

(Acte V, sc. 1.)

[ocr errors]

Direz-vous, était votre bien? Très-vrai. Ce diamant?

Je ne le nie pas, mais je vous remercie. Beaucoup d'autres choses?

Cela peut bien être. Eh bien, imaginez que ces bonnes œuvres Serviront à cacher vos mauvaises.

CORBACCIO.

Esclave, parasite, giton, tu m'as dupé!

MOSCA.

Oui, seigneur. Fermez votre bouche,

Ou j'en arracherai la seule dent qui y reste.
N'êtes-vous pas ce sordide et misérable convoiteux,
Aux trois jambes, qui ici, dans l'espérance d'une proie,
Avez, tous les jours de ces trois années, flairé par ces salles,
De votre nez rampant; qui auriez voulu m'acheter
Pour empoisonner mon maitre, seigneur?

N'êtes-vous pas celui qui aujourd'hui, devant le tribunal,
A déclaré qu'il déshéritait son fils.

Celui qui s'est parjuré? Allez chez vous, crevez et pourrissez.

Volpone sort déguisé, s'attache tour à tour à chacun d'eux, et achève de leur briser le cœur. Mais Mosca qui a le testament agit en maître, et demande à Volpone la moitié de sa fortune. La querelle des deux coquins découvre leurs impostures, et le maître, le valet avec les trois héritiers futurs sont envoyés aux galères, à la prison, au pilori, « où le peuple leur crèvera les yeux à coups d'œufs pourris, de poissons infects et de fruits gâtés'. » On n'a point écrit de comédie plus vengeresse, plus obsti

[blocks in formation]

Yes,

And have mine eyes beat out with stinking fish,
Bruised fruit, and rotten eggs. "Tis well. I am glad
I shall not see my shame yet.

(Acte V, scène vii)

LITT. ANGL.

II- 4

nément acharnée à faire souffrir le vice, à le démasquer, à l'insulter et à le supplicier.

Où peut être la gaieté dans un pareil théâtre? Dans la caricature et dans la farce. Il y a une rude gaieté, une sorte de rire physique tout extérieur, qui convient à ce tempérament de lutteur, de buveur et de gendarme. C'est ainsi qu'il se délasse de la satire militante et meurtrière; le divertissement est approprié aux mœurs du temps, et pour attirer des hommes qui regardent la pendaison comme une bonne plaisanterie et rient en voyant couper les oreilles des puritains. Mettez-vous un instant à leur place, et vous trouverez comme eux que la Femme si lencieuse est un chef-d'œuvre. Morose est un vieillard maniaque qui a horreur du bruit, et aime à parler. Il s'est logé dans une rue si étroite, qu'une voiture n'y peut entrer. Il chasse à coups de bâton les montreurs d'ours et les tireurs d'épée qui osent passer sous ses fenêtres. Il a mis à la porte son valet, dont les souliers neufs faisaient du bruit; le nouveau valet, Mute, porte des pantoufles à semelles de laine, et ne parle qu'en chuchotant à travers un tube. Morose finit par interdire les chuchotements et exiger qu'on réponde par signes. De plus, il est riche, il est oncle; il maltraite son neveu, sir Dauphine, homme d'esprit, qui a besoin d'argent. Vous voyez d'avance toutes les tortures que va subir le pauvre Morose. Sir Dauphine lui détache une femme prétendue silencieuse, la belle Épicone. Morose, enchanté de ses courtes réponses et de sa voix qu'il

entend à peine, l'épouse pour faire pièce à son neveu. C'est son neveu qui lui a fait pièce. A peine. mariée, Épicone parle, gronde, raisonne aussi haut et aussi longtemps qu'une douzaine de femmes. Croyiez-vous avoir épousé une statue ou une marionnette? une poupée française, dont les yeux remuent avec un fil d'archal? quelque idiote sortie de l'hôpital, qui se tiendrait roide, les mains comme ceci, la bouche tirée d'un côté, et les yeux sur vous'?» Elle commande aux valets de parler haut; elle fait ouvrir les portes toutes grandes à ses amis. Ils arrivent par troupes, et offrent leurs bruyantes félicitations à Morose. Cinq ou six lângues de femmes l'assassinent à la fois de compliments, de questions, de conseils, de remontrances. Survient un ami de sir Dauphine avec une bande de musiciens qui jouent ensemble tout d'un coup, de toute leur force. « Oh! un complot, un complot, un complot, un complot contre moi! Je suis leur enclume aujourd'hui ; ils frappent sur moi, ils me mettront en pièces, c'est pis que le bruit d'une scie. » On voit arriver une procession de domestiques portant des plats; c'est tout l'attirail d'une taverne que sir Dauphine envoie chez son oncle. Les conviés entrechoquent des verres; ils crient, ils portent des santés; ils ont

1. Why, did you think you had married a statue, or a motion only? one of the French puppets, with the eyes, turned with a wire? or some innocent out of the hospital that would stand with her hands thus, and a plaise mouth, and look upon you? (Acte III, scène II.)

« PreviousContinue »