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III

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Tout au rebours en Angleterre. Si on gratte la morale qui sert d'enveloppe, la brute apparaît dans sa violence et sa laideur. Un de leurs hommes d'État disait que chez nous la populace lâchée se laisserait conduire par les mots d'humanité et d'honneur, mais que chez eux, pour l'apaiser, il faudrait lui jeter de la viande crue. L'injure, le sang, l'orgie, voilà la pâture où se rua cette populace de nobles. Tout ce qui excuse un carnaval y manque, et d'abord l'esprit. Trois ans après le retour du roi, Butler blie son Hudibras : avec quels applaudissements! les contemporains seuls peuvent le dire, et le retentissement s'en est prolongé jusqu'à nous. Si vous saviez comme l'esprit en est bas, avec quelle maladresse et dans quelles balourdises il délaye sa farce vindicative! Çà et là subsiste une image heureuse, débris de la poésie qui vient de périr; mais tout le tissu de l'œuvre semble d'un Scarron, aussi ignoble que l'autre et plus méchant. Cela est imité, dit-on, de Don Quichotte; Hudibras est un chevalier puritain qui va, comme l'autre, redresser les torts et embourser des gourmades. Dites plutôt que cela ressemble à la misérable contrefaçon d'Avellaneda'. Le

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petit vers bouffon trotte indéfiniment de son pas boiteux, clapotant dans la boue qu'il affectionne, aussi sale et aussi plat que dans l'Enéide travestie. La peinture d'Hudibras et de son cheval dure un chant presque entier; quarante vers sont dépensés à décrire sa barbe, quarante autres à décrire ses culottes. D'interminables discussions scolastiques, des disputes aussi prolongées que celles des puritains, étendent leurs landes et leurs épines sur toute une moitié du poëme. Point d'action, point de naturel, partout des satires avortées, de grosses caricatures; ni art, ni mesure, ni goût; le style puritain transformé en un baragouin absurde, la rancune enfiellée manquant son but par son excès même, et défigurant le portrait qu'elle veut tracer. Croiriez-vous qu'un tel écrivain fait le joli, qu'il veut nous égayer, qu'il prétend être agréable? La belle raillerie que ce trait sur la barbe d'Hudibras! « Ce météore chevelu dénonçait la chute des sceptres et des couronnes; par << son symbole lugubre, il figurait le déclin des gou« vernements, et sa bêche' hiéroglyphique disait « que son tombeau et celui de l'État étaient creu«< sés2. » Il est si content de cette gaieté insipide,

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qu'il la prolonge pendant dix vers encore. La bêtise croît à mesure qu'on avance. Se peut-il qu'on ait trouvé plaisantes des gentillesses comme celles-ci: « Son épée avait pour page une dague, qui était un «< peu petite pour son âge, et en conséquence l'ac«compagnait en la façon dont les nains suivaient « les chevaliers errants. C'était un poignard de ser

vice, bon pour la corvée et pour le combat; quand <«< il avait crevé une poitrine ou une tête, il servait « à nettoyer les souliers ou à planter des oignons'. » Tout tourne au trivial; si quelque beauté se pré

1.

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In time to make a nation rue;
Thought it contributed its own fall,
To wait upon the public downfal........... -
'Twas bound to suffer persecution,
And martyrdom, with resolution;
T'oppose itself against the hate
And vengeance of th' incensed state,
In whose defiance it was worn,
Still ready to be pull'd and torn,
With red-hot irons to be tortur'd,
Revil'd, and spit upon, and martyr'd.
Maugre all which, 'twas to stand fast,
As long as monarchy should last;
But when the state should hap to reel,
'Twas to submit to fatal steel,
And fall, as it was consecrate,
A sacrifice to fall of state,

Whose thread of life the fatal sisters
Did twist together with his whiskers,

And twine so close, that Time should never,

In life or death, their fortunes sever:

But with his rusty sickle mow

Both down together at a blow.

This sword a dagger had his page,

That was but little for his age,

sente, le burlesque la salit. A voir ces longs détails de cuisine, ces plaisanteries rampantes et crues, on croit avoir affaire à un amuseur des halles; ainsi parlent les charlatans des ponts quand ils approprient leur imagination et leur langage aux habitudes des tavernes et des taudis. L'ordure s'y trouve, en effet la canaille rit quand le bateleur fait allusion aux ignominies de la vie privée 1. Voilà le grotesque dont les courtisans de la Restauration ont fait leurs délices; leur rancune et leur grossièreté se sont complu au spectacle de ces marionnettes criardes; d'ici à travers deux siècles, on entend le gros rire de cet auditoire de laquais.

IV

Charles II à table faisait orgueilleusement remarquer à Grammont que ses officiers le servaient à

And therefore waited on him so
As Dwarfs upon Knights errants do....
When it had stabb'd or broke a head,

It would scrape trenchers or chip bread.

....'T would make clean shoes, and in the earth
Set leeks and onions, and so forth.

Quoth Hudibras, I smell a rat.

Ralpho, thou dost prevaricate.

For though the thesis which thou lay'st
Be true adamussim as thou say'st,
(For that Bear-baiting should appear
Jure divino lawfuller

Than Synods are, thou dost deny,
Totidem verbis, so do I,)
Yet there is a fallacy in this;
For, if by thy Homœosis,

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1

noux. Ils faisaient bien, c'était là leur vraie posture. Le grand chancelier Clarendon, un des hommes les plus honorés et les plus honnêtes de la cour, apprend à l'improviste, en plein conseil, que sa fille Anne est grosse des œuvres du duc d'York, et que ce duc, frère du roi, lui a promis mariage. Voici les paroles de ce tendre père; il a pris soin lui-même de nous les transmettre. « Le chancelier s'emporta << avec une excessive colère contre la perversité de << sa fille et dit avec toute la véhémence imaginable « qu'aussitôt qu'il serait chez lui, il la mettrait à la << porte comme une prostituée, lui déclarant qu'elle «< eût à se pourvoir comme elle pourrait, et qu'il ne « la reverrait jamais. Remarquez que ce grand homme avait reçu la nouvelle par surprise chez le roi, et qu'il trouvait du premier coup ces accents généreux et paternels. « Il ajouta qu'il aimerait beaucoup mieux que sa fille fût la catin du duc

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« que de la voir sa femme. » N'est-ce pas héroïque? Mais laissons-le parler. Un cœur si noblement monarchique peut seul se surpasser lui-même. «< Il était

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prêt à donner un avis positif, et il espérait que <«<leurs seigneuries se joindraient à lui pour que le « roi fît à l'instant envoyer la femme à la Tour, où «<elle serait jetée dans un cachot, sous une garde si << stricte que nulle personne vivante ne pût être ad

Tussis pro crepitu, an art

Under a Cough to slur a Fart,
Thou wouldst sophistically imply,
Both are unlawful, I deny.

1. Mémoires de Clarendon, t. II, p. 65.

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