n'importe. Elle a son histoire en tête, et ne cesse pas de la redire et d'en rire toute seule. Les répétitions sans fin sont la démarche primitive de l'esprit. Les gens du peuple ne suivent pas la ligne droite du raisonnement et du récit; ils reviennent sur leurs pas, ils piétinent en place; frappés d'une image, ils la gardent pendant une heure devant leurs yeux, et ne s'en lassent pas. S'ils avancent, ils tournent parmi cent idées incidentes avant d'arriver à la phrase nécessaire. Ils se laissent détourner de leur chemin par toutes les pensées qui viennent à la traverse. Ainsi fait la nourrice, et quand elle rapporte à Juliette des nouvelles de son amant, elle la tourmente et la fait languir, moins par taquinerie que par habitude de divagation. Jésus! quelle hâte! Ne pouvez-vous attendre un instant?Ne voyez-vous pas que je suis hors d'haleine? JULIETTE. Comment es-tu hors d'haleine, quand tu as assez d'haleine pour me dire que tu es hors d'haleine?... Tes nouvelles sont-elles bonnes ou mauvaises? Réponds à cela. Dis l'un ou l'autre. J'attendrai le détail. Contente-moi. Sont-elles bonnes ou mauvaises? When it did taste the wormwood on the nipple To see it tetchy, and fall out with the dug. Shake, quoth the dove-house: 'twas no need, I trow, To bid me trudge. And since that time it is eleven years: For then she could stand alone; nay, by the rood, She could have run and waddled all about. For even the day before she broke her brow. LA NOURRICE. Ah! vous avez fait un choix de novice. Vous ne savez pas choisir un homme. Roméo! non, pas lui. Quoique ce soit la plus belle figure, c'est la jambe la mieux faite. Pour sa main, sa taille et son pied, il n'y a rien à en dire, mais il n'y en a point de pareils. Ce n'est pas une fleur de courtoisie, mais je le garantis aussi doux que l'agneau. Va ton chemin, fillette. Sers Dieu. Hein! a-t-on dìné à la maison? JULIETTE. Non, non. Mais je savais déjà tout cela. Que dit-il de notre mariage? Qu'en dit-il? LA NOURRICE. Mon Seigneur ! comme ma tête me fait mal! Quelle tête j'ai! Elle bat comme si elle allait se briser en cent pièces. dos, de l'autre côté! Oh! mon dos, mon dos! - Maudite soit votre idée, de m'envoyer comme cela force de trotter par les rues! JULIETTE. attraper ma mort à En bonne foi, je suis fâchée que tu ne sois pas bien. Chère, chère, chère nourrice, dis-moi, que répond mon amour? LA NOURRICE. Votre amour répond comme un honnête gentilhomme qu'il est, et courtois, et doux, et beau, et vertueux, j'en suis caution. Où est votre mère1? Cela ne tarit pas. Son bavardage est pire encore quand elle vient annoncer à Juliette la mort de son 1. Jesu! What haste? Do you not see that I NURSE. Can you not stay awhile? am out of breath? JULIET. How art thou out of breath, when thou hast breath Is thy news good, or bad? Answer to that: NURSE. Well, you have made a simple choice: you know not how to cousin et l'exil de Roméo. Ce sont les cris perçants et les hoquets d'une grosse pie asthmatique. Elle se lamente, elle brouille les noms, elle fait des phrases, elle finit par demander de l'eau-de-vie. Elle maudit Roméo, puis elle l'amène dans la chambre de Juliette. Le lendemain, on commande à Juliette d'épouser le comte Paris; Juliette se jette dans les bras de sa nourrice, implorant consolations, conseil, assistance. Celle-ci trouve le vrai remède : épousez Paris. Oh! c'est un aimable gentilhomme! Roméo est un torchon de cuisine auprès de lui.... Un aigle, madame, n'a pas l'œil aussi vert, aussi vif, aussi perçant Malédiction sur moi, que Paris. si je ne vous trouve pas heureuse de ce second mariage, car il surpasse votre premier'! choose a man: Romeo, no, not he; though his face be better than any man's. Yet his legs excels all men's; and for hand, and a foot, and a body, though they be not to be talked on, yet they are past compare: He isnot the flower of courtesy, but, I'll warrant him, as gentle as a lamb. - Go thy ways, wench; serve God: What, have you dined at home? 1. JULIET. No, no: but all this did I know before: What says he of our marriage? What of that? NURSE. Lord! how my head aches, - what a head have I! To catch my death with jaunting up and down! JULIET. I' faith, I am sorry that thou art not well, NURSE. Your love says like an honest gentleman, And a courteous, and a kind, and a handsome, And, I warrant, a virtuous: - Where is your mother? NURSE. O, he's a lovely gentleman! Romeo's a dishclout to him; an eagle, Madam, - Cette immoralité naïve, ces raisonnements de girouette, cette façon de juger l'amour en poissarde, achèvent le portrait. V L'imagination machinale fait les bêtes de Shakspeare; l'imagination rapide, hasardeuse, éblouissante, tourmentée, fait ses gens d'esprit. Il y a plusieurs genres d'esprit. L'un, tout français, qui n'est que la raison même, ennemi du paradoxe, railleur contre la sottise, sorte de bon sens incisif, n'ayant d'autre emploi que de rendre la vérité amusante et visible, la plus perçante des armes chez un peuple intelligent et vaniteux : c'est celui de Voltaire et des salons. L'autre, qui est celui des improvisateurs et des artistes, n'est autre chose que la verve inventive, paradoxale, effrénée, exubérante, sorte de fête que l'on se donne à soi-même, fantasmagorie d'images, de pointes, d'idées bizarres, qui étourdit et qui enivre comme le mouvement et l'illumination d'un bal. Tel est l'esprit de Mercutio, des clowns, de Béatrice, de Rosalinde et de Bénédict. Ils rient, non par sentiment du ridicule, mais par envie de rire. Cherchez ailleurs les campagnes que la raison agressive entreprend contre la folie humaine. Ici la Hath not so green, so quick, so fair an eye, folie est dans toute sa fleur. Nos gens songent à s'amuser, et puis c'est tout. Ils sont de bonne humeur, ils font faire des cavalcades à leur esprit à travers le possible et l'impossible. Ils jouent sur les mots, ils en tourmentent le sens, ils en tirent des conséquences absurdes et risibles, ils se les renvoient comme avec des raquettes, coup sur coup, en faisant assaut de singularité et d'invention. Ils habillent toutes leurs idées de métaphores étranges ou éclatantes. Le goût du temps était aux mascarades; leur entretien est une mascarade d'idées. Il ne disent rien en style simple; ils ne cherchent qu'à entasser des choses subtiles, recherchées, difficiles à inventer et à comprendre; toutes leurs expressions sont raffinées, imprévues, extraordinaires; ils outrent leur pensée et la changent en caricature. « Ah! pauvre Roméo, dit Mercutio, il est déjà mort, poignardé par l'œil noir d'une blanche beauté! transpercé à travers l'oreille par une chanson d'amour, le cœur crevé par la flèche du petit archer aveugle '! » Bénédict raconte une conversation qu'il vient d'avoir avec sa maîtresse : « Oh! elle m'a maltraité de façon à mettre à bout la patience d'une souche. Un chêne, avec une seule feuille verte pour tout feuillage, lui aurait répondu. Mon masque lui-même commençait à prendre vie et à quereller avec elle ! » Ces extra 1. Alas, poor Romeo, he is already dead! Stabbed with a white wench's black eyes; shot through the ear with a love-song, the very pin of his heart cleft with the blind bow-boy's butt-shaft. 2. O, she misused me past the endurance of a block; an oak, |