« l'Idée. Le fait de son existence, sa réalité,sa force, voilà « la part de la Volonté. Le monde envisagé tel qu'il est ( n'est qu'une idée de l'Inconscient, et l'idée inconsciente, << esclave de la volonté à laquelle elle doit son existence ( actuelle, et en face de laquelle elle n'a aucune force <propre, n'a été ni consultée ni entendue sur le fait de « l'existence du monde. La Volonté n'est essentiellement « et avant la création qu’un principe étranger à la rai(( son (sans raison, sans logique), mais aussitôt qu'il « entre en action, les conséquences de son vouloir en font « un principe contraire à la raison (déraisonnable, anti« logique), parce qu'il poursuit le contraire de ce qu'il « veut réellement, à savoir la souffrance... Il s'agit pour « la raison de corriger les fautes de la volonté déraison« nable. L'Idée inconsciente ne se représente pas sans « doute la volonté positivement comme volonté, mais « négativement, comme la négation du principe logique « ou comme sa propre limite, c'est-à dire comme l’illo« gique. Mais elle n'a, comme Idée, aucun pouvoir sur « la Volonté, parce qu'elle ne peut lui opposer aucune « force propre. Elle est obligée de recourir à la ruse; ( elle profite de l'aveuglement de la Volonté ; elle rend « le contenu du vouloir tel que ce dernier, en se réflé( chissant sur lui-même dans l'inviduation, tombe en « lutte avec lui-même et donne naissance ainsi à la con« science. En d'autres termes, l'Idée fait créer par la Vo« lonté une force indépendante, capable de s'opposer à « à la Volonté et va en faire usage pour faire combattre « la Volonté par cette dernière 1. » Notre ligne de conduite est toute tracée. Nous devons opposer nos volontés à cette Volonté déraisonnable et antilogique qui s'obstine à vouloir vivre, pour la forcer à rentrer dans le repos. Avant d'entrer dans les détails, M. de Hartmann triomphe de Schopenhauer. « Son ab« solue incapacité, qui se trahit partout, de s'élever à la 1. La Philosophie, II, p. 488. « notion du progrès, peut seule expliquer sur ce point « l'étroitesse de sa manière de voir et l'impossibilité où « il se trouvait de corriger dans son système cette évi« dente inconséquence. La Volonté est pour Schopen« hauer Ev xal Trãv, l'essence universelle et unique du « monde. L'individu n'est qu'une apparence subjective ( et, à la rigueur, non pas même un phénomène objec« tif de l'Être. » L'immolation volontaire de l'individu n'opère pas d'effet appréciable sur la Volonté. « Pour la « volonté de l'Un-Tout, le cas serait le même que si une « tuile était venue tuer l'individu dont il s'agit, en tombant sur lui 4. » M. de Hartmann a peur qu'une autre planète ne prenne les devants et ne nous ravisse la gloire de terminer le processus du monde. « En avant, donc, « travaillons au progrès universel, comme les ouvriers « de la vigne du Seigneur!... Nous n'avons à nous ( occuper naturellement que du cas où l'humanité, « et non une autre espèce à nous inconnue d'êtres vi<< vants, serait appelée à résoudre le problème. La << première condition nécessaire, c'est que la partie de « beaucoup la plus considérable de l'esprit inconscient « qui se manifeste dans le monde se rencontre en fait « dans l'humanité; il faut que la partie négative du vou« loir dans l'humanité surpasse la somme de toute la « volonté qui se manifeste dans la nature organique et « inorganique, pour que, par la négation de la volonté « de vivre dans l'homme, toute la volonté de vivre qui « s'exprime dans le reste du monde soit annihilée entiè( rement. » Quant aux étoiles, peu sont dans un état « propice à l'organisation : on en aura raison facilement. « La deuxième condition c'est que l'humanité soit pro« fondément pénétrée de la folie du vouloir et de la « misère de l'existence... Comme troisième condition, il « faut que les peuples de la terre communiquent entre 1. La Philosophie, p. 491. « eux assez facilement pour pouvoir prendre en même « temps une résolution commune. Sur ce point, dont « l'exécution dépend du perfectionnement et de l'appli« cation de plus en plus ingénieuse des inventions de « notre industrie, l'imagination peut se donner une « libre carrière 1. » Nos réflexions seront brèves. L'exposé suffit pour faire porter sur l'ouvre de M. de Hartmann un jugement que nous désirons être dispensés de formuler. Une question neuve, ouverte à l'examen en Allemagne, inconnue en France, celle de l'intelligence sans la forme de la conscience, soit de l'intelligence rudimentaire, inférieure à la nôtre, soit de l'intelligence absolue divine, supérieure à notre pensée partielle et limitée, sert de thème à des fantaisies ridicules, sans aucun bénéfice pour la science ni pour la littérature. Une autre question d'une importance aussi grande est celle de la nature du plaisir et de la douleur. M. de Hartmann, sans doute entraîné par le désir de réfuter Schopenhauer, qui avait déclaré que la douleur seule était positive, établit que plaisir et douleur sont de même nature, n'étant, le premier, que la volonté satisfaite, la seconde que la volonté contrariée 2 ? Qu'en résulte-t-il ? C'est que l'objet n'est d'aucune considération, qu'il n'existe pas. Rien par conséquent d'agréable ou de désagréable, de bon ou de mauvais, d'ordonné ou de désordonné, d’utile ou de nuisible. Les caprices, les fantaisies de la volonté suivis de succès ou d'insuccès sont 1. La Philosophie, II, p. 499. 2. Voir M. Cournot (Essai sur les fondements de nos connaissances, vol. I, p. 396). Rien de commun entre le plaisir et la douleur et la notion de grandeur. Il n'y a pas un état qui soit la somme 'ou la différence de la douleur ou du plaisir. Si on écoute Stuart Mill : « Ni les peines, ni les plaisirs ne sont homogènes, et les peines sont toujours génériquement différentes des plaisirs. » Utilitarisme, ch. II. On ne peut citer toutes ces opinions. Varron comptait déjà 288 explications du bonheur. PREMIÈRE PARTIE Pages. HISTOIRE. ......... DEUXIÈME PARTIE DISCUSSION PREMIÈRE SECTION LES THÉORIES. — LA VÉRITABLE THÉORIE grandeur sans mérite. — Pas de mérite sans liberté. si Dieu le faisait, nous ne serions pas libres....... Problème de la connaissance : comment Dieu, véri- table objet de la connaissance, se cache-t-il ?....... matière. — Elle n'a pas de qualités essentielles..... Dieu pour être l'instrument de l'ignorance.- Sa divi- entre les objets.................. rance et notre impuissance.... n'y a pas de mal sans erreur....... ........ dupe........ ses finales : les merveilles de l'erreur......... sont rares...................................... ment. – L'intelligence et le sentiment........... ................................... L'existence, l'intelligence, la volonté, la liberté ne ....... .... ..... 101 ......... 107 112 118 127 132 143 148 ......... Pagos. miste : La douleur est-elle seule positive?......... 154 160 d'après l'apparence en être détachée. — Les trois be- ........ 187 du bien. - Inégalité des hommes, – Insuffisance .......... On ne peut reprocher à Dieu d'avoir fait le mal. - 200 mal vient de ce qu'on outrage le bien, en méconnais- et, quant à la jouissance, on n'a rien; on est une dupe. 216 le application........................... 193 234 .............. 243 DEUXIÈME SECTION LE BILAN DES BIENS ET DES MAUX – La jouissance est seule positive...... .......... ............................... ........................................... ............. ....... ........................................ TROISIÈME PARTIE 249 . LES CONSÉQUENCES DU PESSIMISME.............. APPENDICE 1243. – Poitiers, Imprimerie Blais, Roy et Cie, 7, rue Victor-Hugo. |