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un abus. « Le moi est incommode aux autres, en ce qu'il veut les asservir car chaque moi est l'ennemi et voudrait être le tyran de tous les autres. PASC. « Une femme perdue d'honneur s'épuise, s'endette, se ruine pour un mondain à qui elle est asservie, dont elle essuie tous les caprices, qui n'a pour elle que des hauteurs, et qui ordonne de tout chez elle en maître. » BOURD. «Que des hommes épars soient successivement asservis à un seul, je ne vois là qu'un maître et des esclaves. » J. J.

Loin d'être aux lois d'un homme en esclave asservie,

différence apparente, faire une chose sous tel prétexte et sur tel prétexte, défendre une chose sous telle peine et sur telle peine. s'il

Dans ces exemples, et autres semblables, y en a, sous s'emploie beaucoup plus souvent que sur. D'où résulte une première indication qui a déjà son importance. Sous annonce un prétexte ou une peine ordinaire, qui n'a rien de saillant, quelque chose de général ou de vague sur quoi l'attention n'est pas particulièrement appelée; au lieu que sur est un mot rare réservé pour les cas remarquables, dont on ne se sert que quand il est question d'un prétexte ou d'une peine extraordinaire, qui est ou qu'on met en relief de quelque façon que ce soit. A l'appui de cette dis

Mariez-vous, ma sœur, à la philosophie. MOL. Un peuple subjugué a eu le dessous; un peuple asservi gémit dans les fers. Si on est sub-tinction vient un autre fait, savoir que, avec jugué, c'est qu'on est faible; si on est asservi, c'est quelquefois parce qu'on est lâche. Avec beaucoup d'attraits, une femme subjugue facilement les hommes; avec beaucoup d'empire, de hauteur et d'exigence, une femme asservit un amant ou un mari à tous ses caprices. L'évidence nous subjugue, les passions nous asservissent. « Les riches ne songèrent qu'à subjuguer et asservir leurs voisins. » J. J.

SOUPÇON, SUSPICION. (SOUPÇONNER, SUSPECTER). Croyance légère, faible, incertaine, à quelque chose de désavantageux pour une per

sonne.

Soupçon, autrefois souspeçon, et suspicion, latin suspicio, viennent tous deux du verbe latin suspicari, soupçonner, se douter, conjecturer. Mais soupçon, qui a une forme toute française, est un terme vulgaire; au lieu que suspicion, étant calqué sur le latin suspicio, est un terme de palais. Le soupçon a pour objet toute sorte de faute ou de mauvaise action; la suspicion tombe proprement sur les délits. Vous entrez en soupçon contre votre ami que vous croyez infidèle, et en suspicion contre un juge qui vous paraît prévariquer.

D'où il suit que la suspicion est moins vague ou mieux fondée, comme l'est la présomption par rapport à la conjecture: devant les tribunaux on ne se contente pas d'idées imaginaires, qui ne s'appuient pas au moins sur des indices, sur des raisons apparentes. Le soupçon fait qu'on est soupçonné; la suspicion suppose qu'on est suspect, c'est-à-dire soupçonné et méritant de l'être.

Entre soupçonner et suspecter même différence, suspecter désignant dans l'objet un sujet de le soupçonner. La défiance ou plutôt la méfiance soupçonne les gens mêmes qui n'ont donné aucun lieu au soupçon: la prudence suspecte ceux qui ont donné matière à la suspicion. Un homme vrai peut être soupçonné de ne pas dire la vérité dans certains cas : le menteur est justement suspecté de dire faux dans le cours ordinaire des choses. La femme la plus vertueuse sera soupçonnée par un jaloux; la coquette est suspectée de tout le monde ou suspecte au public. SOUS, SUR. Ces deux prépositions de signification contraire entrent néanmoins dans des locutions qui semblent équivaloir et sont assez difficiles à distinguer. On dit également, et sans

prétexte, sous peut très-bien se passer de l'article, mais jamais sur: sous prétexte, sur le prétexte. Il y a plus non-seulement sur prend nécessairement l'article, ce qui prouve que sur, dans cette acception, est précis, mais encore, ce qui confirme cette preuve, c'est que l'article lui-même se trouve quelquefois accompagné d'autres mots déterminatifs : sur le seul prétexte (VOLT.), sur le simple prétexte (ID.), que....

Sous le prétexte fait concevoir un prétexte vague, tacite, sous lequel on se cache, suivant le sens primitif et ordinaire de prétexte (de præ texere, tisser devant ou dessus), ce qui couvre. « L'amour - propre craint moins de résister secrètement à Dieu sous de beaux prétextes que de choquer les hommes. » FÉN, a Tout consiste à bien vivre, disent nos Indifférents. Mais c'est encore, sous le prétexte de la piété, la plus fine et la plus dangereuse hypocrisie. Boss. Mais sur le prétexte est l'expression dont on se sert de préférence quand il s'agit d'un prétexte qu'on met en avant, qu'on allègue, qu'on pose ouvertement comme une raison ou comme un droit. << Vous savez bien que c'est ce que Dieu demande, et vous le lui refusez toujours sur de beaux prétextes. » FÉN. « La faction de Mustapha persuada aux janissaires que le jeune Osman avait dessein de diminuer leur nombre pour affaiblir leur pouvoir. On déposa Osman sur ce prétexte. » VOLT. « Ferdinand prétendait avoir droit sur le royaume de Naples, conquis sur la maison d'Anjou par Alphonse, son oncle, avec les forces du royaume d'Aragon. Sur ce prétexte, il proposait à Charles VIII de faire conjointement et de partager avec lui cette conquète. Boss. Tartufe se fait doucement donner les biens d'Orgon sous le prétexte qu'ils pourraient tomber en de méchantes mains, qu en mésuseraient. Mais on déclare la guerre, on intente un procès, on prétend un droit, sur tel ou tel prétexte. Le prétexte sous lequel on fait une chose n'est pas la véritable raison; le prétexte sur lequel on fait une chose n'est pas une raison solide.

Sous peine peut indiquer une petite peine : sous peine d'amende (ACAD.). « Le roi s'obligeait au bout de ce temps de rendre Calais, sous peine de payer cinq cent mille écus à l'Angleterre. » Boss. Sur peine n'est usité qu'en parlant de

a

grandes peines sur peine de la vie (Boss., | BUFF. Les enfants retombent fréquemment dans PASC., SEV., MOL., VOLT.). « Est-ce un article de les fautes de légèreté (ROLL.). — -- « Quelle diffifoi qu'il faille croire sur peine de damnation? culté n'imaginerait-on pas d'assembler fréquemPASC. ment le peuple immense de cette capitale (Rome) et de ses environs! Cependant il se passait peu de semaines que le peuple romain ne fût assemblé, et même plusieurs fois.... Tout ce peuple était sur la place publique presque aussi souvent magistrat que citoyen. » J. J.

SOUVENT, FRÉQUEMMENT. Bien des fois. Souvent, sans terminaison significative, est absolu et objectif. Fréquemment, d'une manière fréquente, avec la terminaison ordinaire des adverbes, laquelle est phénoménale et subjective, est relatif, a rapport à un sujet et lui attribue une habitude. Ce qui arrive souvent n'est pas rare, se voit de fois à autre il arrive souvent qu'on se repent d'avoir trop parlé. Ce qui arrive fréquemment constitue une loi, un usage, une série d'actions auxquelles un sujet est accoutumé il arrive fréquemment aux gens légers de trop parler. Vous voyez souvent une personne que le hasard offre à vos yeux dans la rue ou ailleurs; vous voyez fréquemment une personne auprès de laquelle vous êtes assidu, à laquelle vous avez coutume de rendre visite. Vous avez souvent occasion de rencontrer telle personne dans telle maison où vous allez fréquemment.

Par un prompt désespoir souvent on se marie,
Qu'on s'en repent après tout le temps de sa vie.
MOL.

Comme les Romains ne connaissaient pas l'usage du linge, ils étaient dans la nécessité de se baigner fréquemment. » COND.

Par cela seul, enfin, que souvent est absolu, il dit davantage, et se mettra plus volontiers après qu'avant son synonyme. « L'eucharistie est une nourriture dont nous devons user, non point rarement ni extraordinairement, comme l'on use des remèdes, mais fréquemment et souvent, comme nous prenons tous les jours les aliments qui nous entretiennent. BOURD. STATURE, TAILLE. Grandeur du corps d'un homme.

L'Académie définit stature, hauteur de la taille d'une personne; ce qui s'entend bien et paraît assez plausible. Mais elle définit ensuite taille, la stature du corps, comme si le mot stature se disait d'autre chose que du corps, et comme si la taille ne comprenait rien que la stature.

Stature, latin statura, de stare, se tenir debout, désigne la grandeur du corps en pied seulement. Taille, de tailler, couper, donner une forme, comme le fait le sculpteur en taillant le Un homme parle plus ou moins souvent dans marbre, a rapport à toutes les dimensions, à une certaine espèce d'assemblée, c'est là l'ex- l'épaisseur comme à la hauteur. Taille, et non pression d'un fait, et non d'un acte habituel, pas stature, épaisse (ACAD., BUFF.), grosse revenant à certains intervalles réguliers; mais (BUFF.), ronde (ID.), carrée (ID.), ramassée (ID.). cette assemblée se tient plus ou moins fréquem- « On dit que Commode, ayant vu passer un ment. « L'affaire du bonnet ne se suivait pas homme extrêmement gros, se donna le plaisir de avec moins de chaleur. Les ducs s'assemblaient lui ouvrir le ventre pour lui rendre la taille plus fréquemment, députaient au régent; et j'étais légère. » VOLT. A la rigueur, on devrait dire, celui qui d'ailleurs lui parlait le plus souvent et une grande taille et une haute stature. avec le plus de force. » S. S. « Depuis le retour D'ailleurs, le mot taille n'est pas seulement de mon mari, nous reprenons fréquemment ces relatif à la grandeur, comme stature, dont il difentretiens en sa présence...; il nous donne sou-fère déjà sous ce rapport même; il l'est aussi à rent de bons conseils sur la manière dont nous devons raisonner avec lui. » J. J.

« Le cri du cravant est un son sourd et creux, que nous avons souvent entendu; c'est une sorte d'aboiement rauque que cet oiseau fait entendre fréquemment. » BUFF. << Comme ce canard siffle en volant et très-fréquemment, il se fait entendre souvent et reconnaître de loin. » ID. « Ce n'est pas que je croie que les régents doivent parler des mœurs et de la religion ni longuement ni fréquemment.... Ce n'est quelquefois qu'un mot, dit, ce semble, au hasard; mais ce mot a souvent de grande suites. » ROLL.

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la forme, à la coupe, à la manière dont on est
taillé en quelque sorte. Une taille, et non pas
une stature, aisée et bien prise (S. S.), bien prise
et tout à fait régulière (LES.), bien formée
(VOLT.), dégagée (ACAD., BUFF.); une jolie taille
(BUFF.); d'une bonne taille et d'une jolie tour-
nure (ID.); bien proportionné dans sa taille (ID.);
la richesse, l'irrégularité de sa taille (VOLT).
Or, comme c'est surtout depuis la ceinture jus-
qu'aux épaules que se montre la beauté ou la dif-
formité du corps, le mot taille ne désigne quel-
quefois que cette partie: Taille fine, courte,
svelte ou lourde.

Lapons était de trois pieds et demi. » VOLT.

D'autre part, souvent étant absolu et objectif Toutefois, lors même qu'il s'agit d'indiquer la peut à cause de cela marquer le passif et indi-hauteur seule du corps, on se sert ordinairement quer un état; fréquemment, au contraire et par du mot commun taille, et non pas, comme on le la raison contraire, ne s'emploie qu'en parlant devrait, du terme spécial de stature: taille de d'action, de ce qui se fait. Une personne est sou-cinq pieds quatre pouces. « La taille de ces deux vent malade, et prend fréquemment des remèdes. Il y a souvent du monde dans cette maison; parmi les personnes qui y viennent fréquemment on cite tels ou tels. On est souvent incommodé quand on ne se livre pas fréquemment à certains exercices. - La calamine est souvent parsemée de petites veines ou filets de mine de plomb. »

Mais au moins stature, venant du latin, paraît généralement d'une nécessité indispensable, quand on veut exprimer une taille extraordinaire: stature colossale (ACAD.); Goliath, ce Pnilistin d'une énorme stature (BOURD.). « Ces os rassemblés et arrangés représentaient un homme

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Infertile et infécond different comme fertile et fécond (voy. p. 607 et 608).

L'infertilité est en fait, l'infécondité en puis

d'une stature prodigieuse ou plutôt monstrueuse.» dit bien une année stérile, une saison stérile en BUFF.Le roi Grandonio avait une stature gi- nouvelles, mais on ne dirait point en pareil cas gantesque, avec un air à inspirer l'effroi.» LES. infertile ou inféconde, apparemment parce que Si les dieux, dirent les Scythes à Alexandre, les idées sensibles de fertilité et de fécondité avaient proportionné ta stature à ton ambition, sont peu compatibles avec l'idée abstraite de le monde ne te contiendrait pas. » LAH. « Ulysse, temps: on ne se représente guère le temps qui provoqué par Irus, dépouille la stature imposante enfante, qui met hors de soi ou au jour, qui et les membres nerveux d'un héros. » MARM. donne l'être par voie de génération. On dira plutôt une petite taille. « Il y en avait qui se moquaient de Pepin et de sa petite taille. | Boss. Physcon était de petite taille. » ROLL. « Agésilas était d'une taille si petite, qu'à sa pre-sance. L'infertilité des terres amène la disette; mière vue les Egyptiens ne purent s'empêcher de rire. » ID. « Il reconnut Paul à sa taille courte. » VOLT. Ces histoires de géants vaincus par des hommes d'une taille médiocre sont très-communes dans l'antiquité. » ID. M. le duc d'Orléans était de taille médiocre au plus. S. S. Harris dit que la tête d'un homme de taille moyenne de l'équipage de Magellan n'atteignait qu'à la ceinture d'un Patagon; que Magellan les nomma Patagons, parce que leur stature était de cinq coudées ou sept pieds six pouces. BUFF. « Il est dit dans une relation que sur la côte de la Terre de feu on vit un homme d'une stature gi-tique! On appelle pays infertile (ACAD.) celui où gantesque; mais que, quand on fut sur le rivage, on vit seulement des tombeaux contenant des cadavres de taille ordinaire. ID. D

Enfin stature ne s'emploie qu'en parlant de l'homme, le seul des animaux auquel convient l'attitude droite. Taille, au contraire, se dit par rapport à tous les animaux pour signifier leur grandeur en tous sens, et leur configuration. « La taille du lion n'est point excessive, comme celle de l'éléphant ou du rhinocéros; elle n'est ni lourde, comme celle de l'hippopotame ou du bœuf, ni trop ramassée, comme celle de l'hyène ou de l'ours, ni trop allongée, ni déformée par des inégalités, comme celle du chameau. » BUFF. Ailleurs Buffon donne une taille au cheval, au castor, au chien, au lynx, et à tous les quadrupèdes en général, même à la chauve-souris.

STÉRILE, INFERTILE, INFECOND, (INFRUCTUEUX, INGRAT). Une terre ou autre chose semblable, qui a le défaut de ne pas produire ou de ne pas rapporter, est dite stérile, infertile ou inféconde.

leur infécondité les rend de leur nature improductives. Infertile est une qualification ordinaire: un champ infertile ne se couvre pas de moissons et de fruits. Infécond est plutôt une qualification donnée par un chimiste ou un naturaliste, par un homme qui considère dans les choses leurs principes, leurs facultés, ce qui en peut sortir. Infécond, quoi qu'en dise l'Académie (1835), n'est pas, il s'en faut bien un terme poétique, en parlant des animaux, et, quand cela serait, l'exemple qu'elle cite n'en serait pas moins étrange: vache inféconde. Le mot vache poé

on fait de maigres récoltes; œufs (BUFF.) ou
germes (ACAD.), inféconds, ceux qui sont privés
de la vertu productive. Un esprit infertile ne
brille pas par l'abondance de ses œuvres ; un
esprit infécond a peu de capacité ou de génie '.
I. STUPIDE (HÉBÉTÉ), IMBÉCILE, IDIOT,
INEPTE. II. SOT, INSENSÉ, FOU, DÉRAISON-
NABLE, EXTRAVAGANT, ABSurde.- III. NIAIS,
NIGAUD, BENÈT, BADAUD, DADAIS, DANDIN.
IV. BÊTE (ABRUTI), ÅNE (IGNORANT), BUSE,
BUTOR (BALOURD, LOURDAUD), CRUCHE, MA-
CHOIRE, GANACHE.

-

-

Tous ces mots qualifient en mal sous le rapport de l'esprit : ils signifient que le sujet auquel on les applique manque plus ou moins de quelqu'une des qualités mentales ou relatives à la pensée, dont les hommes sont doués à un plus haut degré que les autres animaux, ou même à l'exclusion des autres animaux.

Mais les qualités dont ces termes marquent le défaut ou la privation ne sont pas les mêmes. Les unes sont l'entendement, l'intelligence, la conStérile se distingue d'infertile et d'infécond ception ou l'imagination; elles font l'esprit brilpar deux caractères particuliers. D'abord il ex-lant, vif pénétrant, habile : les autres sont le prime un défaut absolu : ce qui est stérile ne produit ou ne rapporte rien, au lieu que ce qui est 4. La définition de stérile, d'infertile et d'infécond infertile ou infécond produit ou rapporte peu. s'applique également à infructueux et à ingrat: terre Ce mot vient du grec otepɛós, solide, ferme, dur: infructueuse, terre ingrate. Mais infructueux marla chose stérile est comme un rocher, elle n'ou- que proprement l'effet de la stérilité, de l'infertilité vre pas son sein pour en laisser ou pour en faire et de l'infecondité: aussi dit-on souvent stérile et sortir des productions. Une femme stérile ne fait est stérile, son union avec un homme est infrucinfructueux (PASc., P. R., MAL.). Quand une femme point d'enfant; un arbre stérile, comme un peu-tueuse: si une terre est sterile, infertile ou infeconde, plier ou un saule (FÉN.), ne donne jamais de elle est par cela même infructueuse, inutile; on n'en fruit; un désert est stérile (MASS.), il n'y vient tire rien. De son côté, ingrat, qui n'est pas reconrien du tout. De même, au figuré, un esprit ou naissant, qui ne sait pas gré de ce qu'on a fait pour une matière stérile manque totalement de la lui, a une nuance bien caractéristique, il implique qualité dont l'esprit ou la matière infertile pos- l'idée des soins de la culture et de leur inefficacité :

En

sède une quantité insuffisante seulement.
suite stérile est, au figuré, d'un usage beaucoup
plus étendu que les deux autres mots, il se dé-
tache plus aisément du sens propre. Ainsi, on

une terre ingrate ne récompense pas le laboureur de ses peines. La terre n'est jamais ingrate, elle nourrit toujours de ses fruits ceux qui la cultivent soigneusement; elle ne refuse ses biens qu'à ceux qui craignent de lui donner leurs peines. » Fén.

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jugement, le sens, la raison et le bon sens; elles pouvoir agir ni penser. » J. J. - Buffon quafont l'esprit juste, réglé, droit, sage (voy. En-lifie de stupides des animaux sédentaires, paresseux, indifférents au péril, qui ne s'épouvantent tendement, p. 568). Autre chose est trouver en soi-même des ressources et de la facilité, soit ni ne fuient à l'approche de l'homme'. Imbécile, latin imbecillus, de in privatif, et pour comprendre ou saisir, soit pour inventer, pour composer, pour se signaler dans les arts, de bacillus ou baculus, bâton, signifie primitive dans la conversation, ou par ses écrits; autrement sans bâton, sans appui, faible. La faiblesse chose est savoir discerner les meilleurs partis à caractérise en effet l'imbécile. Il est faible d'esprendre, ce qui convient ou ne convient pas, ce prit, languissant, sans énergie, pusillanime. qui est conforme ou contraire à des règles. Aussi | « Humiliez-vous, raison impuissante; taisez-vous, n'est-il pas rare de voir ces qualités séparées : nature imbécile. » PASC. « Traiter de faiblesse, avec des moyens très-ordinaires, très-médiocres d'imbécillité et de travers d'esprit la ferveur et pour apprendre et pour produire, on a quelque- la fidélité des serviteurs de Dieu.» MASS. « C'est fois une grande justesse, une grande rectitude le cas d'appeler les choses par leur nom : cette d'esprit. Telle était la femme de J. J. Rousseau, faiblesse est en effet l'imbécillité la plus comBornée, et, si plète.» LAH. « Les gens mous et inappliqués, suivant ce qu'il rapporte d'elle. «< l'on veut, stupide, elle était d'un conseil excel- quelque génie qu'ils aient, se rendent imbéciles, lent dans les occasions difficiles. » Au contraire, et se dégradent eux-mêmes. » FÉN. Les rois énerde brillantes facultés intellectuelles, une mé-vés par les délices et la flatterie, lâches, sans moire et une imagination peu communes, ne sont pas toujours jointes, il s'en faut bien, à un grand sens et à une raison solide. « Les Grecs, dit Voltaire, ont eu de l'esprit jusqu'à la folie. » De là une première division entre les synonymes de cette famille. Les uns, savoir: stupide (hébéte), imbécile, idiot et inepte, expriment principalement, sinon uniquement, le manque d'intelligence ou de conception. Ils peuvent former une première classe. Dans une seconde entrent naturellement les mots sot, insensé, fou, déraisonnable, extravagant et absurde, qui servent plutôt à attribuer un défaut de jugement, de raison ou de bon sens.

1. Stupide (hébété), imbécile, idiot, inepte. Dépourvu des qualités d'esprit qui font apprendre ou comprendre, concevoir ou imaginer facilement.

Stupide, latin stupidus, de stupere, rester fixe, immobile, engourdi, exprime la pesanteur et comme la torpeur de l'esprit. Le stupide ne s'émeut ni ne se meut: il est impassible, insensible aux impressions, rien ne peut le tirer de son assoupissement, il est comme paralysé. « La stupidité est en nous une pesanteur d'esprit qui accompagne nos discours et nos actions.» LABR. « L'on voit peu d'esprits entièrement lourds et stupides.» ID. « Supposons dans l'esprit du sauvage autant d'intelligence et de lumières qu'on lui trouve en effet de pesanteur et de stupidité.» J. J. «Il faut croire avoir affaire à un stupide incapable d'aucune sorte de sentiment pour ima S. S. giner de lui faire oublier cette perfidie. « Ce mortel assoupissement et cette stupide insensibilité où nous vivons l'égard du salut. » BOURD. Le plus souvent Charles VI était dans une stupidité et une insensibilité prodigieuse. > Boss. « Les douleurs muettes et stupides.» LABR. « Phédon est abstrait, rêveur; et il a, avec de l'esprit, l'air d'un stupide. » ID. « Vous prendriez souvent Ménalque pour un stupide, car il n'écoute point, et il parle encore moins. » ID. « Un homme (Lafontaine) paraît grossier, lourd, stupide; il ne sait pas parler ni raconter ce qu'il vient de voir. » ID. « Rome mit d'abord les rois dans le silence, et les rendit comme stupides. » MONTESQ. « Je restais immobile et stupide sans

caractère, méritent l'épithète d'imbéciles : l'im-
bécile Claude (MONTESQ.). « L'Egypte aurait pu
être formidable; mais la cruauté de ses rois,
leur lâcheté, leur avarice, leur imbécillité, leurs
affreuses voluptés les rendirent odieux à leurs
Imbécile se dit particulièrement
sujets. » ID.
bien des enfants et des vieillards, et en général
de tous ceux qui sont faibles de corps, la fai-
blesse des organes se trouvant jointe d'ordinaire
à celle de l'esprit.

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L'imbécile Ibrahim, sans craindre sa naissance,
Traine, exempt de péril, une éternelle enfance.
RAC.

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<< Ils traînent une vieillesse imbécile et méprisable. VOLT. « Vieux père de famille imbécile.» ID. « L'âge et le chagrin l'avaient fort approché de l'imbécile. » S. S. « Le vieux eunuque qui est à notre tête est un imbécile à qui l'on fait croire tout ce qu'on veut.» MONTESQ. Comme l'esprit faible est le contraire de l'esprit fort, de l'esprit incrédule, l'imbécillité consiste parfois à croire trop aisément. « Une crédulité imbécile. » VOLT. « Des superstitions imbéciles.» ID. « La divination fut inventée par le premier fripon qui rencontra un imbécile. » ID. « On me prendra pour un grand sot, si j'ai cru persuader mes lecteurs (du désintéressement du régent), et pour un imbécile si je l'ai cru moi-même. S. S.-Du reste, imbécile enchérit sur stupide, et indique un défaut plus grand, plus avilissant, plus honteux,

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« Quailus était blasé, hébété de vin et d'eau-de-vie. >
S. S. « Je rentrai chez moi rendu de fatigue et pres-
que hebeté de douleur. » J. J. « Après deux ou trois
mois de ce beau travail, et des efforts inimaginables
pour apprendre les échecs, je vais au café, maigre,
jaune et presque hébeté, » ID. Orgon était un homme
sage, un homme de cœur :

Mais il est devenu comme un homme hébété,
Depuis que de Tartuffe on le voit entêté. MOL.

a

plus voisin de la nullité. L'esprit n'est que lent J. J. L'ineptie avec laquelle j'ai parlé de votre et comme assoupi dans le stupide; au lieu qu'il art. » ID. est débile et infirme dans l'imbécile. « Il y a des Le stupide est lourd et n'a aucune vivacité d'esstupides, et j'ose dire des imbéciles, qui se pla-prit; l'imbécile est impuissant et n'a aucune cent en de beaux postes, et qui savent mourir dans l'opulence. » LABR. « Je voudrais qu'il fût encore plus stupide et plus imbécile. » DEST. << Le bœuf a un air de stupidité, et l'âne un air d'imbécillité.» BUFF.

Idiot, latin idiota, grec idens, dont la racine estos, particulier, singulier, privé, se dit d'un homme renfermé dans un cercle d'idées très-étroit, et élevé pour ainsi dire à l'écart ou dans l'isolement. Ce mot dénote un grand dénûment intellectuel, faute d'être sorti de sa demeure, d'avoir agrandi ses vues, d'avoir beaucoup observé. Un homme réduit, comme le veut Pascal, à se contempler lui-même, serait un idiot (VOLT.). « Soyez pauvre d'esprit, recherchant le commerce des simples et des petits.... La grâce fait qu'on est ravi d'être avec les gens les plus grossiers et les plus idiots. » FEN. Y a-t-il quelque stupidité pareille à celle d'un enfant élevé toujours dans la chambre et sous les yeux de sa mère ?... La première fois que je sortis de Genève, je voulais suivre un cheval au galop...; jouet de tous les enfants du village, j'étais un véritable idiot pour eux. J. J. Dans l'École des Femmes, Arnolphe prétend se préparer dans Agnès une femme vertueuse, en l'empêchant d'acquérir de l'esprit; il la place donc dans un petit couvent, et recommande de prendre tous les soins nécessaires pour la rendre aussi idiote que possible (MOL.). En effet, elle est, en sortant de sa retraite, d'une innocence et d'une simplicité qui ravit son futur époux. Il est échappé à Louis XIV de dire que M. du Maine avait à la vérité beaucoup d'esprit et de talent, mais qu'il n'en savait rien faire; qu'il était toujours seul...; que c'était un idiot avec tout son esprit, qui ne savait jamais quoi que ce soit qui se passât hors de la sphère de ses charges, et qui, étant fort plaisant, amusant et de bonne compagnie, était sauvage au point de ne vouloir voir personne. » S. S.

D

force d'esprit; l'idiot est borné et n'a aucune étendue d'esprit; l'inepte est incapable et n'a aucune habileté d'esprit, aucun talent.

II. Sot, insensé, fou, déraisonnable, extravagant, absurde.

D pourvu de la qualité mentale la plus caractéristique de l'homme par rapport aux autres animaux, et en vertu de laquelle nous jugeons, nous inférons, nous prévoyons, nous nous conformons à des règles, nous discernons le vrai d'avec le faux, le bien d'avec le mal, ce qui convient d'avec ce qui ne convient pas.

Sot, italien stolto, du latin stultus ou stolidus, dont la signification est à peu près la même, fait la transition entre cette série de mots et la précédente. Le sot manque à la fois d'esprit et de jugement, mais plutôt encore de jugement; ce qui a fait dire à Larochefoucauld: « On est quelquefois sot avec de l'esprit, mais on ne l'est jamais avec du jugement.» « Il n'y a point de sots si incommodes que ceux qui ont de l'esprit. » ID. « Pompadour était un sot de beaucoup d'esprit.» S. S. « L'on n'a qu'à parler avec une robe et un bonnet carré, tout galimatias devient savant, et toute sottise devient raison. » MOL.

Un sot savant est sot plus qu'un sot ignorant.
ID.

J'oppose quelquefois, par une double image,
Le vice à la vertu, la sottise au bon sens. LAF.
L'esprit que peut avoir le sot est dénué de jus-
tesse; aussi l'emploie-t-il à tort et à travers. C'est
un brouillon qui ne doute de rien et qui est
plein de suffisance. Sotte vanité. « Quand on
court après l'esprit, on attrape la sottise. » MON-
TESQ. Le type du sot, c'est le Trissotin (trois
fois sot) des Femmes savantes, qui, avec peu ou
point d'esprit, croit et veut faire croire qu'il en
a infiniment, qui fait le bel esprit; il prétend et
s'imagine briller, mais il ne parvient qu'à être
ennuyeux et insupportable.

L'insensé et le fou diffèrent de même du sot. La sottise est un travers qui se montre surtout dans le commerce de la société, et dont on ne craint pas de se moquer. Le défaut de l'insensé et celui du fou sont tout autrement graves; ils ne se rapportent point à l'esprit, mais à la raison uniquement, et on plaint ceux qui les ont, au lieu de les tourner en ridicule.

Inepte, latin ineptus, non apte, non propre ou capable, désigne un défaut de capacité. L'inepte n'est bon à rien, il n'a pas de génie ou de dispositions. La sottise est la gaucherie de l'esprit qui se pique d'adresse, l'ineptie de l'esprit qui se pique d'habileté. » MARM. M. d'Aubonne se chargea de voir à quoi j'étais propre. Le résultat de ses observations fut que, malgré ce que Mais l'insensé est considéré en lui-même, et le promettaient mon extérieur et ma physionomie, fou par rapport à ce qu'il fait. L'un est un malj'étais, sinon tout à fait inepte, au moins un gar-heureux dont on a pitié; l'autre est un frénétique con de peu d'esprit. » J. J. « Aristophane s'éle- avec lequel on évite de se trouver ou qu'on renvait dans ses comédies contre l'ineptie du peuple ferme. Il n'y a pas d'insensés furieux, d'insensés dans ses choix et dans ses délibérations. » BARTH. à lier, comme il y a des fous furieux et des fous << Rien ne surprenait davantage milord Maréchal à lier. Un chien fou est un chien enragé. Un que la confiance téméraire d'un général ignorant, jeune insensé juge fort mal; il a le sens troublé, qui, osant commander sans avoir longtemps ap- égaré, malade (in sanus, non sain); un jeune pris à obéir, paye son ineptie par ses défaites. » fou tient une conduite déréglée. L'insensé est D'AL. « Jésus-Christ s'associe des coopérateurs inhabile à discerner les raisons, les convenanquí en eux-mêmes sont absolument ineptes aux ces, les conséquences des choses; le fou passe grands desseins qu'il veut accomplir par leur mi- les bornes, se livre à des excès. On juge en innistère. Boss. Essuyer d'ineptes censures. » sensé, on agit en fou, on aime comme un fou.

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