Page images
PDF
EPUB

déplorable et moins excusable que le mien, si...? BOURD. On dit un spectacle lamentable: << Mes yeux sont témoins d'un spectacle si lamentable. » VAUV..

Ensuite, comme se lamenter, c'est pleurer, non pas en secret, mais en poussant des cris et des gémissements, lamentable se dit de ce qui inspire, non pas une douleur quelconque comme déplorable, mais la désolation, c'est-àdire une douleur longue, éclatante, plaintive, démonstrative et en même temps générale, qu'on entend partout retentir. On appellera plutôt déplorable un malheur particulier, et lamentable un malheur public. « Les calamités lamentables qui affligent la terre. » VOLT. « Si Dieu ne veillait pas sur le monde, si tout se bornait à la terre, quelle condition lamentable!» VAUV. La mort d'un seul homme, laquelle ne fait aucun bruit, peut être néanmoins déplorable. Une mort lamentable est celle d'un grand nombre d'hommes qui périssent ensemble dans une peste ou un tremblement de terre, par exemple, ou celle qui est fameuse, qui devient le sujet de lamentations parmi le peuple.

Un souvenir fâcheux apporte à mon esprit
Ces histoires de morts lamentables, tragiques,
Dont Paris tous les ans peut grossir ses chroniques.

BOIL.

Lamentable a enfin cela de particulier, qu'il se prend quelquefois dans un sens ironique. «Milord Maréchal s'amusa surtout de l'histoire lamentable d'un capucin qui, pour entrer dans l'ordre séraphique, avait abdiqué la place de doge, et mourut de chagrin de n'avoir pas été élu gardien de son couvent. » D'AL.

PLAINDRE, REGRETTER. Etre fâché, éprouver du déplaisir par rapport à quelqu'un ou à quelque chose.

Plaindre vient de plangere, battre, d'où plangi, se frapper la poitrine (dans la douleur), se désoler. Regretter a été formé de regressus, retour; il est rétrospectif ou relatif au passé. La plainte, comme le gémissement, correspond à un mal actuel; le regret, semblable au repentir, est causé par quelque chose qui n'est plus là ou qui a eu lieu autrefois.

On plaint et on regrette les personnes on plaint celles qui touchent de compassion, dont l'état inspire de la pitié; on regrette celles qui ne sont plus ou qui ne sont plus auprès de nous, qui sont mortes ou parties. Nous plaignons le sort des indigents; nous regrettons la perte ou l'éloignement de nos amis. « Un courtisan en faveur est l'objet de l'envie et, lorsqu'il tombe dans la disgrâce, personne ne le plaint. Les princes les plus loués pendant leur vie ne sont pas toujours les plus regrettés après leur mort. » GIR.

En parlant des choses, plaindre et regretter diffèrent de même l'un regarde le présent ou l'avenir, l'autre toujours le passé. Vous plaignez le temps qu'il faut employer pour faire ceci ou cela; vous regrettez le temps passé ou perdu. « Il ne faut pas plaindre les peines qu'on prendra à cette recherche, on en est bientôt récom

[ocr errors]

pensé. » Boss. « Cette affaire m'a coûté trois ans de peine, que je ne regrette pas. » VOLT.

-

1o PLAISANTERIE, FACÉTIE, BOUFFONNERIE; - 2o RAILLERIE, DÉRISION, RISÉE, MOQUERIE, PERSIFLAGE, IRONIE, BROCARD, LARDON; 3° GOGUENARDERIE, GAUSSERIE. L'idée commune à tous ces mots est celle d'un jeu de l'esprit et de propos pleins de sel.

Mais la plaisanterie, la facétie et la bouffonnerie sont simplement gaies et comiques : elles réjouissent sans porter, au moins ouvertement et directement, contre une personne qu'elles tendent à blesser. La raillerie, la dérision, la risée, la moquerie, le persiflage, l'ironie, le brocard et le lardon sont satiriques, tombent sur quelqu'un en particulier, et divertissent à ses dépens. Il y a dans la plaisanterie de la bonne humeur et de l'enjouement; il y a dans la raillerie de la mauvaise humeur, du chagrin, du courroux, du ressentiment, de la sévérité, et quelquefois de la causticité et de la médisance. La plaisanterie n'est que du badinage; la raillerie peut aller jusqu'au sarcasme. La plaisanterie piquante plaît par quelque chose de fin et de vif; la raillerie piquante est faite pour offenser. Le plaisant manque de gravité; le railleur, de ménagement. La plaisanterie ne convient point au prêtre : « Nous devons soutenir partout également le sérieux de notre ministère; les lèvres du

prêtre, dépositaires de la doctrine et de la vérité, ne doivent plus s'ouvrir à des inutilités et à des doivent s'interdire la raillerie (Boss., MONTESQ., plaisanteries profanes. » MASS. Les princes surtout LABR.), « parce qu'ils sont les seuls qui blessent toujours mortellement. » MONTESQ. La plaisanterie est l'âme de la comédie ordinaire : « C'est le ridicule, c'est-à-dire la plaisanterie, qui doit dominer dans la comédie. » ROLL. Mais c'est la raillerie qui a inspiré les personnalités des comédies d'Aristophane: « Le talent particulier d'Aristophane était la raillerie. » ROLL.

<< La duchesse de Berry persécutait son mari sur le maigre et sur le jeûne. Elle s'en moquait jusqu'à lui en avoir fait rompre à force de complaisance et d'embarras de ses aigres plaisanteries, et comme cela n'arrivait point sans combat, c'était encore sur cela même un redoublement de railleries qui le désolaient. » S. S. « Avez-vous écarté avec horreur les plaisanteries malhonnêtes, les discours équivoques?... N'avez-vous point donné un mauvais exemple, ou pour des paroles trop libres, ou pour des railleries pi- . quantes, ou pour des manières indécentes de parler sur la religion? » FÉN. « Plutarque préfère infiniment Menandre å Aristophane. Il admire en lui une plaisanterie douce, fine, délicate, spirituelle, et qui ne s'écarte jamais des règles de la probité la plus austère; au lieu que les railleries d'Aristophane, amères et mordantes, emportent la pièce, déchirent sans aucun ménagement la réputation des plus gens de bien, et violent avec une impudence effrénée toutes les lois de la modestie et de la pudeur. » ROLL. « Voyez comment, pour multiplier ses plaisanteries, Molière trouble tout l'ordre de la société; avec quel scandale il renverse tous les rapports les plus sacrés sur

D

α

lesquels elle est fondée, comment il tourne en
dérision les respectables droits des pères sur leurs
enfants, des maris sur leurs femmes!.... Il fait
rire, il est vrai, et n'en devient que plus cou-flage, ironie, brocard, lardon.
pable, en forçant, par un charme invincible, les
sages mêmes de se prêter à des railleries qui de-
vraient attirer leur indignation. » J. J.

sérieuses de parties de main, de bouffonneries,
cela était insupportable. » S. S.

2o Raillerie, dérision, risée, moquerie, persi

La goguenarderie et la gausserie sont de mauvaises plaisanteries ou de mauvaises railleries, telles qu'on en fait dans le bas peuple. Ces mots sont non-seulement familiers, mais encore dépréciatifs ils expriment de pauvres bons mots ou les bons mots de gens grossiers, dont on fait peu de cas.

1° Plaisanterie, facétie, bouffonnerie.

Raillerie paraît venir de ridere ou de ridicularia: la raillerie consiste donc à rire de quelqu'un, à le tourner en ridicule. Dérision et risée, ayant même origine, paraissent signifier exactement la même chose. Ces trois expressions sontelles donc tout à fait équivalentes?

La raillerie se considère en elle-même : elle est fine, délicate, froide, amère, méchante, etc. Dérision a le sens actif, et risée le sens passif: tourner en dérision montre un fait s'accomplissant; digne de risée revient à digne d'être ri, joué, moqué, sifflé. On fait quelque chose par dérision. « La reine Marguerite ayant fait prisonniers Richard et Edmond, son second fils, les fit decapiter, et elle fit mettre par dérision une couronne de papier sur la tête du duc d'York.. Boss. « Les croisés se promenaient dans les rues de Constantinople, portant à la main une écritoire et du papier, par dérision pour cette nation, qui avait renoncé à la profession des armes.» MONTESQ. Mais on est exposé à la risée ou un sujet de risée. « Rendre un homme un sujet de risée. » BOURD. « L'ambition et la simplicité du cardinal d'Amboise furent la risée de toute l'Europe. » Boss. - « Osez-vous vous abandonner à cet esprit de dérision qui a été si outrageux contre Jésus-Christ? Ne voyez-vous pas, railleurs à outrance, que d'opprobres et quelle risée vous avez causés au divin Jésus? » ID.

a

La plaisanterie est faite pour plaire et plaît, cause du plaisir. La facétie, du latin facetus, très-enjoué, divertit beaucoup : c'est plus qu'une plaisanterie, c'est une plaisanterie très-fine, très-vive, très-comique, très-réjouissante. « Le duc du Maine raconta l'humiliation de Fagon avec ce facétieux et cet art de fine plaisanterie qu'il possédait si bien. » S. S. « Courcillon était un homme très-singulier, qu'une cuisse de moins n'avait pu attrister, qui s'était mis sur le pied de tout dire et de tout faire, et qui en faisait d'inouïes avec beaucoup d'esprit et une inépuisable plaisanterie et facétie. » ID. « On connut bientôt que le plaisant et le facétieux touche de trop près au licencieux pour en être entièrement séparé. Boss. Beaumarchais avait la manie des quolibets et des rébus, comme plaisant et facétieux. LAH. Mais de très-plaisant à trop plaisant il n'y a qu'un pas; aussi facétie signifie-t-il La moquerie est bien plus grave et plus offensouvent un excès, une plaisanterie trop forte ou sante que la raillerie, la dérision et la risée : elle inconvenante: Y a-t-il rien de plus ridicule que consiste, non pas à rire des gens, mais proprede voir le grand Condé baiser la châsse de sainte ment à leur faire la grimace, en grec μwxãv, et Geneviève dans une procession, y frotter son par conséquent à leur témoigner du mépris. Le chapelet, le montrer au peuple, et prouver par railleur est un malin critique, qui se borne à cette facétie que les héros sacrifient souvent à la reprendre en nous des ridicules ou des travers, canaille?» VOLT. « L'ignorance du cardinal de et ses observations, quoique piquantes, peuvent La Trėmoille, ses mœurs, l'indécence de sa vie, ne pas nous piquer; nous pouvons en rire les sa figure étrange, ses facéties déplacées, ne peu-premiers, comme fit Socrate à la représentation vent être couvertes par son nom, sa dignité. » S. S.

De son côté, la bouffonnerie n'est pas seulement poussée trop loin, comme quelquefois la facétie, elle est grotesque, elle touche à la farce et à la turlupinade. Si la facétie n'a pas toujours assez de mesure, la bouffonnerie n'en a point du tout. On dit une facétie bousfónne (LAH.), preuve que le second mot ajoute au premier. « Le génie des pièces comiques est de chercher la bouffonnerie; César même ne trouvait pas que Térence fût assez plaisant : on veut plus d'emportement dans le risible. » Boss. Voltaire écrit à Laharpe: << Je n'ai point eu encore le courage de faire venir le fatras de ce Gilles nommé Piron on ne peut à mon âge souffrir les plaisanteries de la foire. Je vous sais bon gré de n'être jamais descendu à la plaisanterie boussonne. » — La bouffonnerie est la plaisanterie des tréteaux, c'est-à-dire, en fait de plaisanterie, ce qu'il y a de plus exagéré et de plus impertinent. a Je disais au régent que, s'il voulait plaisanter, je plaisanterais tant qu'il voudrait, mais que de mêler les choses les plus

des Nuées, si, comme lui, nous entendons raillerie. « Il y a de petits défauts que l'on abandonne volontiers à la censure, et dont nous ne haïssons pas à être raillés. » LABR. « La raillerie des monarques flatte, lorsqu'elle est modérée, parce qu'elle donne les moyens d'entrer dans la familiarité. » MONTESQ. Mais on n'entend pas moquerie. Le moqueur est un insolent qui nous traite avec dédain. « La moquerie est de toutes les injures celle qui se pardonne le moins : elle est le langage du mépris, et l'une des manières dont il se fait le mieux entendre.... Elle veut rendre l'homme ridicule à ses propres yeux... C'est une chose monstrueuse que le goût et la facilite qui est en nous de railler, d'improuver et de mépriser les autres; et tout ensemble la colère que nous ressentons contre ceux qui nous raillent, nous improuvent et nous méprisent. » LABR. << Tout air de mépris et de hauteur, tout esprit de critique et de moquerie, marque une ame pleine d'elle-même, qui met tout son plaisir dans le mal d'autrui. Rien ne devrait être si propre à nous humilier que ce genre d'orgueil moqueur,

dédaigneux, fier, toujours implacable sur les défauts d'autrui.» FÉN. « Comme Romulus faisait creuser le fossé qui devait environner les murailles de la nouvelle ville, Rémus critiqua d'un ton railleur la petitesse de l'ouvrage; et, ajoutant l'insulte à la raillerie, il sauta le fossé par mépris, pour se moquer de son frère. » ROLL.

Le persiflage est une espèce de raillerie, qui consiste rire de quelqu'un en lui disant d'un air ingénu des choses flatteuses qu'il croit sincères, mais qui sont autant de contre-vérités. Si M. de Clermont-Tonnerre paraît avoir loué sincèrement son prédécesseur, la réponse du directeur de l'Académie parut à l'assemblée une ironie perpétuelle, et ce que nous appellerions aujourd'hui une espèce de persiflage, où l'on se moquait finement du prélat en paraissant l'accabler de louanges. » D'AL. « Vous avez écrit à quelqu'un que les Corses avaient seulement prié JeanJacques de mettre leurs lois en bon français: cela me paraît un persiflage.» VOLTAIRE à D'ALEMBERT. «Sophie aime à être louée, pourvu que ce soit tout de bon, et qu'elle puisse croire qu'on pense en effet le bien qu'on lui dit d'elle. Tout galant persiflage est toujours rebutė. » J. J.-On est plus ou moins sensible à la raillerie; on est ou on n'est pas dupe du persiflage. Ce personnage de la pièce est tout à coup subjugué par le plus frivole persiflage, dont on ne peut être dupe sans être un sot. » LAH.

Ironie, grec elpoveía, n'est autre chose que le nom didactique de la raillerie et du persiflage, celui dont on se sert dans la critique littéraire et en termes de rhétorique. « L'ironie était la figure favorite de Socrate.» ACAD. « La figure de l'ironie tient presque toujours du comique; car l'ironie n'est autre chose qu'une raillerie. L'éloquence souffre cette figure en prose; mais dans la tragédie il faut l'employer sobrement.... Racine met quelques ironies dans la bouche d'Hermione. L'ironie ne convient point aux passions: elle ne peut aller au cœur, elle sèche les larmes.> VOLT. L'ironie peut, selon les occasions, appartenir à la gaieté, au courroux, au mépris; ces deux derniers peuvent donc l'introduire dans le style noble et dans les sujets les plus hauts, mais rarement, car il ne faut pas laisser le temps de sentir qu'elle est voisine de la plaisanterie. L'ironie est quelquefois la dernière ressource de l'indignation et du désespoir, quand l'expression sérieuse leur paraît trop faible. » LAH.

Le brocard et le lardon sont des traits de raillerie piquante. Familiers et figurés, les mots brocard et lardon désignent des pointes de raillerie, quelque chose de petit et d'acéré qu'on jette, qu'on lance, qu'on reçoit, qu'on essuie.

Mais brocard, dont l'étymologie (de broche, petite broche) n'est pas très-certaine, est moins familier, moins commun que lardon, qui signifie au propre quelque chose de très-peu noble, savoir un petit morceau de lard dont on pique la viande. Sans être du plus haut style, brocard se peut mettre dans les discours et dans les écrits ordinaires. « Heureux ceux qui sont intrépides contre tous les brocards des libertins ! » FÉN. Braver tous les brocards de la malignité. VOLT.

Votre honneur m'est cher, et je ne puis souffrir Qu'aux brocards d'un chacun vous alliez vous offrir. (Dorine à Orgon dans Tartufe). MOL. Vous n'entendrez partout qu'injurieux brocards Et sur vous et sur lui fondre de toutes parts. BOIL. Gardez-vous bien de cet homme caustique: Dans ses brocards aucun n'est ménagé. J. B. Rouss. «Lalande imprima dans le Journal de Paris cette lettre qui lui attira tant de brocards en prose et en vers. » LAH

Sans être précisément bas, lardon ne convient que dans le style le plus familier, ou est d'un pauvre diable. « On agaça la petite; je pris sa défense. Aussitôt les lardons tombèrent sur moi> J. J.

Des oisifs de métier, et qui toujours sur eux Portent de tout Paris le lardon scandaleux. REGN. « Il court à Paris beaucoup de satires sur l'expédi tion de la Silésie. On y fait l'honneur à quelques uns de vos serviteurs de leur lâcher quelque lardon. » VOLTAIRE au roi de Prusse. « Mme de Pompadour et le bonhomme Tournemine appelaient Crébillon Sophocle, et moi on m'accablait de lardons. O le bon temps que c'était! » ID.< 3° Goguenarderie, gausserie.

Ces deux mots sont aussi familiers; mais ils marquent l'envie de badiner, de s'égayer, plutôt que celle de frapper; ils n'emportent pas l'idée de critique mordante, d'un trait malin dirigé contre une personne et propre à lui faire du mal. - Du reste, entre l'un et l'autre la différence est

la même qu'entre brocard et lardon.

Goguenarderie est commun, ainsi que brocard. < La nuit venue, nous voilà tous à goguenarder, nos violons à jouer des airs tendres, et grande chère partout. Dieu sait les brocards qu'on jetait au pauvre gouverneur et à sa fraise. » HAM.

Riez donc, beau rieur. Oh! que cela doit plaire De voir un goguenard presque sexagénaire! MOL. Toutefois n'allez pas, goguenard dangereux, Faire Dieu le sujet d'un badinage affreux. BOIL. << Joignez à cela l'air joyeux et content qui règne dans tout l'ouvrage, et le ton railleur et folâtre avec lequel...; ce Chinois surtout si goguenard, si loustic, qui le représente, et qu'il nous assure être un homme d'esprit et de sens. » J. J. « Le patriarche est toujours malingre; et, est goguenard dans les intervalles de ses souffrances, il ne doit la vie qu'à ce régime de gaieté. » VOLT.

s'il

Gausserie est tellement commun tellement

populaire, qu'on ne le trouve guère que dans la bouche de personnes qui parlent patois. Ainsi, dans les Femmes savantes, la servante Martine, qui n'a nul respect pour le bel usage et pour la grammaire, dit:

Et nous voyons que d'un homme on se gausse, Quand sa femme chez lui porte le haut-de-chausse. Dans la Force du naturel de Destouches, une fermière, Mathurine, dit, en parlant de sa

[blocks in formation]

Margot, couturière, dans la Coquette de Regnard, | grand qu'il ne pouvait l'exprimer. » BUFF. « Je répond à Arlequin qui lui demande si elle sait raser : « Moi, raser! Je vois bien que vous êtes

un gausseur. »

PLAISIR, AGRÉMENT, DÉLICE, VOLUPTÉ, SENSUALITÉ, JOIE, JOUISSANCE. Modification ou sentiment de l'âme, qui lui convient, qui la flatte, qu'elle aime et qu'elle recherche comme contribuant à son bonheur.

Plaisir, ce qui plaît, est le terme général, le plus communément usité, celui qui a la signification la plus étendue ; ce qui concerne l'esprit, le cœur, l'imagination, les sens, la fortune, tout est capable de nous procurer du plaisir, et le plaisir peut avoir toutes sortes de caractères, de la douceur, de la vivacité, de la grossièreté, de la noblesse, il peut être petit ou grand, éphémère ou durable, innocent ou criminel. On dit l'amour du plaisir (Mass.), et cela comprend tout. «Par l'attrait du plaisir les bêtes conservent leur être particulier. » MONTESQ.

Agrément, ce qui agrée, ce qu'on trouve à son gré, agréable, exprime le plaisir considéré objectivement, c'est-à-dire non dans l'âme qui le sent, mais dans l'objet qui le cause. « Dès que ces modes auront perdu ce qu'on appelle la fleur ou l'agrément de la nouveauté. » LABR. « La robe de la fauvette des bois est une des plus variées, et Belon peint avec expression l'agrément de son plumage.» BUFF. « Les regards attentifs d'Adam sur l'agrément et sur le bon goût de ce beau fruit, firent entrer jusque dans la moelle des os l'amour du plaisir des sens. » Boss. « Ce furent les vins d'Italie qui, du temps de Camille, y attirèrent de nouveau les Gaulois. L'agrément de cette liqueur, plaisir nouveau pour eux, fut un attrait puissant pour leur faire quitter leur patrie..» ROLL. Ensuite, l'agrément a plus de solidité que d'intensité; c'est quelque chose d'avantageux, de confortable, de commode, de propre à procurer ou à augmenter le bien-être, et non pas quelque chose de très-doux qui touche la partie sensible de notre être, et importe proprement à notre félicité. « La France est le meilleur pays du monde où toutes les commodités et tous les agréments de la vie concourent au bien-être des habitants. » J. J.

Les délices, car ce mot ne se dit guère qu'au pluriel, comme en latin deliciæ, sont aussi quelquefois des plaisirs objectifs : les délices de la campagne (FLÉCH.); Titus était les délices du genre humain (ACAD.).

Plaute fut, en son temps, les délices de Rome.

REGN. Mais les délices ont cela de propre, surtout par rapport à l'agrément, qu'elles sont des plaisirs délicieux, suaves, de grands plaisirs, des plaisirs d'une douceur extrême, qu'on savoure, et qui, si on n'y prend garde, sont de nature à amollir. « Dans cette extase mes désirs étaient la mesure de mes plaisirs. Non, jamais les plus voluptueux n'ont connu de pareilles délices, et j'ai cent fois plus joui de mes chimères qu'ils ne font des réalités. » J. J. « L'aveugle opéré par Cheselden disait que chaque nouvel objet était un délice nouveau, et que son plaisir était si

[ocr errors]

connais les délices de ton pays, disait Brasidas à un satrape qui comparait la vie de Sparte à celle de Persépolis; mais tu ne peux connaître les plaisirs du mien. » J. J. Renoncer à la mollesse et aux délices (BoURD.). « Où est-ce que se trouve la sagesse? Ce n'est pas parmi ceux qui vivent dans le plaisir et les délices. » ID. « Quoi qu'en dise Tite Live, les délices de Capoue n'avaient pas amolli les soldats d'Annibal. » COND.

Volupté, latin voluptas, peut désigner d'abord le plaisir personnifié. « Quand vous n'avez aimé que vous et votre plaisir, vous avez foulé Dieu aux pieds; la volupté est devenue votre dieu; vous avez poussé le plaisir, comme parle saint Paul, jusqu'à l'avarice. » FÉN. « Jésus-Christ n'établit pas des prédicateurs pour être les ministres de la volupté, de la délicatesse.» Boss. « Si l'amour du plaisir l'emporte dans les souverains sur la gloire, tout prête des armes à la volupté. MASS. « On est étonné d'entendre sortir cette parole de la bouche du panégyriste de la volupté (Epicure), qui fait consister le souverain bien dans le plaisir. » ROLL. « Un partisan de la volupté, dans l'école d'Aristippe, pouvait-il s'abandonner sans réserve à tous les plaisirs des sens? BARTH. Mais d'ordinaire volupté donnne l'idée d'un plaisir de choix, recherché, exquis, comme le sont en un mot les plaisirs d'un voluptueux. Les raffinements de la volupté (ACAD., MASS.). « Des ministres de Jésus-Christ raffinent sur les plaisirs, se piquent de plus de goût que le mondain, de plus de délicatesse pour la volupté. » MASS. «Ils mangent délicatement et avec réflexion; il n'y a sorte de volupté qu'ils n'essayent, et dont ils ne puissent rendre compte.» LABR. « Le genre anacréontique est un genre de poésie lyrique dont la grâce est le caractère, et qui respire la volupté. » MARM. — Ajoutez à cela que volupté indique presque toujours des plaisirs sensuels, ceux de l'amour et de la table. « La grâce s'assujettit le cœur de l'homme en lui faisant perdre par un chaste plaisir le goût des anciennes voluptés. » ROLL. « C'est ce plaisir (du vrai) qui a transporté les philosophes, et qui leur a fait souhaiter que la nature n'eût donné aux hommes aucunes voluptés sensuelles, parce que ces voluptés troublent en nous le plaisir de goûter la vérité toute pure. » Boss. « Ce jour où tout ce qu'il y aura eu de plus sale et de plus corrompu dans leurs sentiments..., dans leurs plaisirs et leurs brutales voluptés sera tiré des ombres qui l'enveloppaient.» BOURD.

[ocr errors]

Sensualité signifie plutôt le goût du plaisir, la concupiscence, l'appétit, que le plaisir luimême. « Le démon inspire la sensualité, il enflamme la concupiscence, afin de faire servir l'esprit à la chair. Boss. « Un libertin, dans l'emportement de ses débauches, cherche partout une proie à sa sensualité. » BOURD. « Satisfaire sa sensualité. » ID. « Les émotions de la sensualité. » Boss. - Du reste, soit au singulier soit au pluriel, le mot de sensualité ne suppose ni recherche, ni choix, ni raffinement. A notre table règne une sensualité sans raffinement. » J. J.

<< On joint un orgueil de démon à la sensualité céder aux affaires les amusements, les divertisdes bêtes. » FÉN. La sensualité est un instinct sements, les récréations et les réjouissances brutal, et les sensualités sont des plaisirs pro- (PASC.). pres à le satisfaire, plaisirs bas, charnels, grossiers. La volupté peut dégénérer en débauche, la sensualité en crapule.

La joie et la jouissance, du latin gaudium, sont subjectives. Elles sont opposées, non pas à la douleur, mais à la tristesse et à la peine, et elles dépendent moins de l'extérieur et des événements que du caractère ou de ce qui se passe dans l'âme, des pensées, des souvenirs, des réflexions. Leur différence saute aux yeux.

La joie est vive, se manifeste, éclate; au lieu que la jouissance est intime et calme. Les joies du paradis, les joies d'une mère, se témoignent au dehors par diverses expressions; car la joie est proprement un mouvement de l'âme épanchement, mouvement, transport, cris, larmes, signes de joie. La jouissance est un état de l'âme retirée, renfermée, concentrée en elle-même, tout occupée à jouir. « Ces tranquilles jouissances ont la sérénité de celles du paradis. » J. J. Paisible et pure jouissance. » ID. « L'intimité de la jouissance. » BUFF. « Le plaisir de cette jouissance (de l'hirondelle) se marque par de petits cris de gaietė. » ID. « Le secret témoignage qu'on se rend à soi-même est une des meilleures jouissances. » VOLT.

[ocr errors]

1° Plaisir, jeu.

Plaisir est beaucoup plus général : il y a bien des plaisirs qui ne consistent pas en jeux, ou qui ne dérivent pas du jeu, comme les plaisirs des sens ou du cœur, les plaisirs de la table ou du repos, la plupart des plaisirs de la campagne, etc. Le jeu est un plaisir qui suppose un exercice du corps ou de l'esprit, mais léger, sans rien de sérieux et de difficile, tel que celui des enfants qui n'agissent que pour badiner, folâtrer, s'ébattre. Un homme sensuel aime le plaisir; un homme actif, qui s'occupe volontiers, mais à des choses vaines, à des bagatelles, aime le jeu. On est avide de plaisir; on est ardent ou adroit au jeu.

2° Amusement, divertissement, récréation, réjouissance.

L'amusement et le divertissement sont des ressources de circonstance contre certaines situations déplaisantes ou pour échapper à certains inconvénients. Mais l'amusement fait qu'on muse, qu'on s'occupe à des riens; il a cela de commun avec le jeu, qu'il est léger et frivole. « On n'écoute plus sérieusement la parole sainte; c'est une sorte d'amusement et de jeu.» LABR. On dit un vain amusement (PASc., BOIL., BOURD.); être attaché aux amusements et aux bagatelles du monde (BOURD.). « Qu'y a-t-il de plus méprisable qu'un prêtre et un magistrat, dont les journées et toute la vie se consument en frivoles amuse

D'un autre côté, la joie peut être excitée par un bien qu'on n'a pas encore, mais qu'on imagine et qu'on espère. La jouissance, au contraire, implique possession actuelle. « Il y a l'amour qui jouit, il y a aussi l'amour qui dé-ments? » BOURD. «< Il y a dans le monde des sire; et l'un et l'autre a son chant, parce que l'un et l'autre a sa joie. La joie des bienheureux, c'est leur jouissance; l'espérance est la joie de ceux qui voyagent. » Boss.

[ocr errors]

1° PLAISIR, JEU; 2o AMUSEMENT, DIVERTISSEMENT, RÉCRÉATION, RÉJOUISSANCE. Choses auxquelles on se livre pour son agrément ou son bien-être. Un religieux doit s'interdire les plaisirs, les jeux, les amusements, les divertissements, les récréations et les réjouissances du monde; un chrétien ou tout homme sage doit

en user avec mesure.

gens dont la sphère est bornée au plaisir ou à l'ennui, qui passent leur vie à de frivoles amusements, à s'informer de ce qui se dit, à courir après les spectacles, à se réjouir dans les compagnies, à railler sans cesse, sans jamais rien faire ni rien dire de sérieux. » ID. Le divertissement divertit, fait diversion, tourne d'un autre côté, arrache à des préoccupations; ce qui suppose quelque chose de moins puéril et de plus fort. « Le logis fournissait pareillement à Psyché ses plaisirs, qui n'étaient tantôt que de simples jeux et tantôt des divertissements plus solides (comme Plaisir et jeu sont des mots simples; les d'apprendre l'histoire des dieux et les secrets quatre suivants sont composés. De là il résulte de la poésie). Psyché commençait à ne plus agir que plaisir et jeu sont absolus, et amusement, en enfant. » LAF. Vous avez besoin d'amusement divertissement, récréation, réjouissance, rela- pour vous empêcher de penser à une personne tifs, relatifs à l'état du sujet dont on parle. Par absente; et de divertissement pour dissiper la tout et toujours le plaisir et le jeu ont leur va. tristesse que vous cause une perte cruelle. On va leur qui est constante; il y a des plaisirs et des à la promenade pour s'amuser, et à la chasse jeux même pour les animaux. Mais on recherche pour se divertir. On dira d'une chose qu'on fait l'amusement, quand on s'ennuie, et afin de passer pour tuer le temps: cela n'est pas fort divertisle temps; le divertissement, quand on a besoin sant, mais cela m'amuse; cette pièce m'a assez de se répandre au dehors, et afin de se distraire; amusé, mais cette autre m'a fort diverti. Un la récréation, quand on a beaucoup travaillé, conte amuse; un drame divertit. « On ne peut pas et afin de prendre un moment de relâche; la dire d'une tragédie qu'elle amuse, parce que le réjouissance, quand on est joyeux, et afin de genre de plaisir qu'elle fait est sérieux et pénémanifester sa joie. Les plaisirs et les jeux sont trant, et qu'amuser emporte une idée de frivolité des choses dont les hommes se servent pour dans l'objet, et d'impression légère dans l'effet s'amuser, se divertir, se récréer et se réjouir. qu'il produit. » D'AL. On s'amuse assez bien Il y a auprès des rois des personnes qui obser- seul, mais seul on ne se divertit guère. L'amuvent tout le temps de leur loisir pour leur four-sement peut être simple, tranquille, languissant nir des plaisirs et des jeux, et pour faire suc- (PASC.) même. « Vous ne sauriez croire combien

« PreviousContinue »