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PÉRIPHRASE, CIRCONLOCUTION. Circuit de paroles, tour dont on se sert pour dire en plus de mots ce qu'on aurait pu dire en moins.

Périphrase est grec, wepippaσis; et circonlocution, latin, circumlocutio; ils signifient exactement la même chose, une action de parler par détour.

et sans peine. Un aigle, dont la vue perçante fait en un moment la découverte de tout un vaste pays.» BOURD. La vue pénétrante parvient à tout apercevoir, jusqu'aux choses les plus petites et les plus cachées. « La vue de l'homme est moins perçante que celle de tous les oiseaux de proie, et moins pénétrante que celle de tous les insectes auxquels il est donné de voir un univers en petit qui nous échappe. VOLT. De même, l'esprit perçant a de la portée, s'avance en droite ligne, par exemple, dans l'avenir, en traversant sans lenteur et sans peine les voiles et les obstacles; l'esprit pénétrant n'a pas cette prestesse d'action, mais il se distingue par l'étendue en tous sens, le complet et la profon-le discours, et de circonlocutions pour adoucir deur.

PÈRES, AÏEUX, ANCÈTRES. Ceux de notre nation qui ont été avant nous, et de qui nous descendons sans être précisément de la même famille.

Comme, dans le sens rigoureux, l'aïeul ou le grand-père est antérieur au père, de même, dans le sens étendu où ces mots sont pris ici, nos aïeux ont précédé nos pères. Notre siècle, dit Horace, ne vaut pas celui de nos pères, qui avait déjà dégénéré de celui de nos aïeux. La noblesse, suivant Labruyère, est « une disposition de cœur et d'esprit qui passe des aïeux par les pères « L'homme a commencé dans les descendants. >> par recevoir de ses pères les connaissances qui leur avaient été transmises par ses aïeux.» BUFF. « Ainsi s'effacent ces règles antiques que nos pères avaient reçues de nos aïeux. » D'AG. « Nos aïeux ont vu renaître les lettres et les arts; l'âge de nos pères a admiré leur éclat. » ID.

Mais périphrase est théorique, littéraire, rela-
tif seulement à la forme du discours; au lieu que
circonlocution est pratique, usité dans la langue
commune et se rapportant an sens, aux idées :
on dirait très-bien les périphrases de l'amplifi-
cation; Marmontel a dit les circonlocutions du
doute. On se sert de périphrases pour embellir

ce qui blesserait ou pour écarter des idées dés-
agréables, basses ou peu bonnêtes. Longin, dans
son Traité du sublime, Rollin, dans son Traité
des etudes, Condillac, dans son Traité de l'art
d'écrire, ont parlé de la périphrase en rhéteurs,
au point de vue de l'art, de la littérature. Mais
un moraliste et un confesseur recommanderont
de n'user d'aucune circonlocution pour cacher ses
pensées. « S'il vous faut découvrir votre péché à
un confesseur, dites: Cela est, cela n'est pas,
sans chercher de vaines excuses à votre faute,
ni de longues circon/ocutions pour l'envelopper.»
Boss. « Le cardinal Dubois ne s'expliquait à Gri-
maldo que par contours et circonlocutions.... Ce
bégayement par écrit sentait fort le galimatias
d'un homme qui n'avait nulle envie de me ser-
S. S. « Denys d'Halicarnasse porte de Po-
vir.
lybe un jugement qui doit le rendre bien sus-
pect lui-même en matière de critique : il dit net-
tement et sans circonlocution qu'il n'y a point de
patience à l'épreuve de la lecture de Polybe.
ROLL.

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Toutefois circonlocution s'emploie bien aussi, comme périphrase, dans le sens didactique pour exprimer la manière dont on parle ou dont on écrit, sans égard à ce qu'on dit ou à ce qu'on écrit. Mais alors il regarde la diction plutôt que l'élocution.

Les ancêtres, à leur tour, ont vécu même avant les aïeux; car ancêtres équivaut à anciens. << La chanson a toujours été en vogue parmi nous, depuis Tacite, qui disait de nos ancêtres: Cantilenis infortunia sua solantur.... Tout le monde sait que les fabliaux furent la première poésie de nos aïeux. » LAH. On dit une longue suite d'ancêtres (LABR., FÉN.); et à ce mot, Périphrase est proprement un terme de rhétocomme celui d'antiquité, s'attache, à raison de l'éloignement, l'idée d'une certaine vénéra-rique, et la périphrase un moyen d'ennoblir le tion. Le respect des Chinois pour leurs ancêtres discours, de l'orner, de le rendre plus frappant et Lorsque par des idées accesest chez eux une espèce de religion (VOLT.). plus pittoresque. << Du nombre des dieux lares ou pénates, chez soires on veut relever, ennoblir une idée comles Romains, étaient les divinités du premier mune, au lieu de son expression simple et habiordre, les héros et tous les ancêtres dont on res-tuelle, on a raison d'y employer l'artifice de la pectait la mémoire. » COND. « Le respect pour périphrase ou de la métaphore. les nobles est une sorte d'hommage qu'on se croit obligé de rendre à la mémoire de leurs ancêtres. » ROLL. Dans le Droit du seigneur de Voltaire, le bailli dit à Mathurin en parlant de ce droit:

C'est une invention

Qu'on inventa pour les gens d'un grand nom.
Car, vois-tu bien, autrefois les ancêtres
De monseigneur s'étaient rendus les maîtres
De nos aïeux, régnaient sur nos hameaux.

• Le siècle de nos pères a touché au nôtre, nos
aïeux les ont devancés, et nos ancêtres sont les
plus reculés de nous. » GIR. « Nous sommes les
enfants de nos pères, les neveux de nos aïeux, et
la postérité de nos ancêtres,» BEAUZ.

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» MARM. « Il n'y a personne qui puisse douter que la périphrase ne soit d'un grand usage dans le sublime. » BOIL.

La périphrase, tournant autour du mot propre, forme souvent, par rapport avec lui, une consonnance et une harmonie fort belle dans le discours. » ID. Je suis charmé quand je lis ces mots : Qu'il mourût ; mais je ne puis souffrir le vers que la rime amène aussitôt :

Ou qu'un beau désespoir alors le secourût. Les périphrases outrées de nos vers n'ont rien de naturel. » FÉN. Bossuet, dans ses oraisons funèbres, et Boileau, dans ses diverses poésies, usent souvent de périphrases (COND.). On connaît la périphrase par laquelle Racine remplace le mot de Dieu,

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Celui qui met un frein à la fureur des flots (ID.). | toral. Mais on dira en morale, sans avoir égard à une défense antérieure, corrigée ou suspendue par la décision expresse d'une puissance quelconque, que telles ou telles choses sont licites. << Accorder la vertu avec les plaisirs licites. » DESC. « Et sans parler que des gains licites, on paye à l'ouvrier son temps et son ouvrage. » LABR. & Si les plaisirs même licites n'étaient pas aux mondains des dispositions prochaines aux illicites.... BOURD. Que m'en reste-t-il, des plaisirs licites ? un souvenir inutile; des illicites? un regret.» Boss. « David se fait une nécessité de ne se défendre que par les moyens licites. » ID. « Il n'est pas défendu de trouver du plaisir dans les choses licites comme dans le boire et le manger, » ID. « L'ambition fait trouver licite et honnête tout ce qui avance notre élévation. » ID.

Mais circonlocution est plutôt un terme de grammaire, et la circonlocution un moyen de faciliter l'intelligence, une expression substituée à l'expression ordinaire, moins par art et avec une intention oratoire ou poétique que par nécessité, pour la commodité, l'utilité; quelquefois c'est un défaut de diction provenant de l'ignorance du mot propre. On trouve un grand nombre de mots qui ne peuvent désigner suffisamment un objet, à moins qu'on n'y ajoute un second mot: de là vient le fréquent usage des circonlocutions » FÉN. « Il a été désappointé; il n'y a que ce mot. Servez-vous-en donc, vous qui voulez qu'on vous entende vite; vous savez que les circonlocutions sont la marque d'une langue pauvre. » VOLT. < Combien de fois deux mots latins, artistemen; liés, vous ont demandé pour les rendre une circonlocution! » MARM. « Si vous négligez les règles de la grammaire, j'aurai souvent de la peine à pénétrer votre pensée. Employer des mots amphibologiques ou des circonlocutions inutiles; confondre le pluriel avec le singulier... : tous ces défauts concourent également à l'obscurité du style. BARTH. D En traduisant le livre où Longin fait une description de la périphrase, Boileau se sert de circonlocutions pour rendre les mots grecs qui n'ont pas en français d'équivalents exacts (BOIL.). 1° PERMIS, LICITE, LOISIBLE; 2o LÉGITIME, LÉGAL. Qu'on a la liberté ou la faculté de

faire.

-

C'est exactement ce qu'expriment permis, licite et loisible. Légitime et légal disent plus. Non-seulement ce qui est légitime et légal n'est pas défendu, est toléré ou scuffert, mais encore il est approuvé, recommandé, et on se rend coupable quand on s'en écarte. On est maître d'user ou de n'user pas des plaisirs permis ou licites; on n'est pas maître de faire ou de ne pas faire ce qui est légitime ou légal, on doit le faire, on doit s'y conformer. La chose permise, licite ou loisible est arbitraire, laissée à la volonté de chacun, indifférente; la chose légitime ou légale est respectable par son rapport avec la loi (lex,

legis), c'est l'objet d'un devoir en même temps que d'un droit. Il n'y a rien à dire contre celui qui suit des voies permises ou licites, il ne pèche pas; il y a des éloges à donner à celui qui suit les voios légitimes ou légales, il a le mérite positif de se soumettre à la loi, de pratiquer le juste, d'obéir à la raison.

1o Permis, licite, loisible. Qu'on peut faire, si

bon semble.

L'usage de la viande est permis pendant le carême à ceux qui sont dispensés de l'abstinence par l'autorité de l'Eglise; en soi, moralement, abstraction faite des règlements prohibitifs des religions, l'usage de la viande est licite.

Loisible est ou familier ou un mot anciennement consacré en termes de contrats, d'édits, d'ordonnances ou d'autres choses semblables. « Pourquoi loisible, nuance fine et délicate de permis, n'est-il plus du haut style?: Dans le Misanthrope, Célimène dit à Alceste: D MARM. Hé bien! allez, sortez, il vous est tout loisible. De même, dans l'Étourdi, Mascarille à Lélie qui MOL. fait semblant de vouloir se tuer :

Soit, il vous est loisible.

ID.

D'autre part, Bossuet, dans un statut contre les prêtres qui s'éloignent trop longtemps de leurs diocèses, déclare qu'il ne sera pas loisible aux taire, dans une pétition des états de Gex au réfractaires d'administrer les sacrements. Volroi « Les états de Gex se flattent que si ces quatre mille cinq cents quintaux de sel ne venaient point, il sera loisible auxdits états de se pourvoir, en vertu de l'article 3 de l'édit de VoMme Dudeffand: Votre petite mère daigne protre Majesté. » Et ailleurs, dans une lettre à poser la paix entre Labletterie et moi. Je demande pour premier article qu'il me permette de années il me soit loisible de faire une épigramme vivre encore deux ans, et que pendant ces deux contre lui tous les six mois. >>

«

mément à la loi, se trouvent distingués l'un de 2° Légitime, légal, qu'on peut faire, conforl'autre dans la Ire partie, p. 273.

PERSONNAGE, RÔLE. La partie d'un acteur De ces trois mots, permis est le seul qui soit dans une pièce de théâtre, ce qu'il joue, ce qu'il communément usité; licite est un terme dogma-a, ce qui lui est donné à jouer; figurément, la tique de morale et loisible une expression qui a part de chacun de nous dans le mondeou dans vieilli ou dont on ne se sert que dans le style fa- une affaire, la manière dont nous y sommes ou dont nous nous y montrons.

milier.

D'ailleurs, à la différence de licite et de loisi- D'abord personnage est plus relatif à la perble, permis annonce l'effet de l'action de permet-sonne qui est mise en action et à ses qualités, et tre, suppose une autorisation donnée par quel- rôle l'est davantage à l'acteur et à son exécuque supérieur que ce soit, qui fait une déroga- tion: un personnage est noble ou bas, grand ou tion ou une exception à une défense établie la petit; un rôle est aisé ou difficile, bien ou ma! chasse est permise dans un département à telle rendu. époque de l'année, en vertu d'un arrêté préfec- Mais ensuite personnage et rôle se prennent

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aussi l'un et l'autre eu égard à la personne amenée sur la scène et à l'acteur qui s'y montre pour elle. Dans telle tragédie, le personnage ou le rôle d'Oreste est admirable; un acteur joue le personnage ou le rôle d'Oreste.

Alors personnage indique la manière d'être, et rôle la manière d'agir. Dans le Misanthrope, ́Alceste est un homme droit, sincère, estimable, un véritable homme de bien, et Molière lui donne un personnage ridicule. » J. J. Un personnage, c'est-à-dire évidemment un caractère. « Les charges étrangères que Molière a données au rôle d'Alceste l'ont forcé d'adoucir ce qui était essentiel au caractère. » ID. Ici le rôle, opposé au caractère, signifie la conduite, la suite ou l'ensemble des actions.

Bien jouer le personnage de Phèdre, c'est faire connaître Phèdre telle que le poëte l'a conçue; bien jouer le rôle de Phèdre, c'est faire et dire comme il faut ce que Phèdre est supposée faire et dire. L'acteur qui joue un personnage imite un modèle, le représente, le dépeint, en prend le maintien, le ton et les gestes, donne l'idée de ce qu'il est; l'acteur qui joue un rôle donne l'idée de ce que fait la personne dont il tient la place, il en reproduit devant vous les démarches, les intrigues et les discours.

c'est s'en donner le caractère; jouer le rôle d'un délateur, c'est en faire l'action.

« L'intérêt joue toutes sortes de personnaģes, même celui de désintéressé. » LAROCH. « C'est un beau rôle que celui de prendre en main la défense d'un homme innocent.» VOLT.

Charles-Quint se fit religieux, « oubliant absolument le théâtre où il avait joué un si grand personnage. » VOLT. « C'est son fils, Philippe II lui-même, qui força les peuples des ProvincesUnies à jouer un si grand rôle. » ID.

« Non, grâce au ciel, repartit le ministre, ma mémoire n'est plus occupée du personnage que j'ai fait à la cour, et j'ai pour jamais oublié les honneurs qu'on m'y a rendus. LES. On ne soutient pas longtemps un personnage feint et simulé, et l'on revient bientôt à son naturel.» ROLL. — « Je ferai voir quel était le rôle, ou plutôt le ministère du poëte lyrique, dans les conseils, dans les armées, dans les jeux solennels et à la cour des rois. » MARM. « Carbon, que nous verrons dans la suite jouer un grand rôle dans tous ces troubles. » ROLL. « Cet ambassadeur a bien joué son rôle dans la négociation dont on l'avait chargé. » ACAD.

PERSONNEL, ÉGOÏSTE. Deux mots de la fin du XVIIIe siècle, qui servent à qualifier un homme trop attaché à ce qui le regarde, à ses intérêts, à son bien propre. En 1778, il parut de l'auteur dramatique Barthe une comédie intitulée l'Homme personnel ou l'Égoïste. « A Sparte, le larcin était le châtiment de ce qu'on appelle le personnel, l'égoïsme. On voulait qu'un enfant pût dérober ce qu'un Spartiate s'appropriait. » VOLT. L'homme personnel est moins odieux que l'égoïste. Il aime sa personne, sa petite personne, tient à ses avantages personnels, mais sans se comparer aux autres, sans entrer en concurrence avec eux et leur nuire. « Maurepas, naturellement faible, indolent, personnel, aimant ses aises et son repos..., évitant tout ce qui pouvait attrister ses soupers ou inquiéter son sommeil..., fut un homme aimable, occupé de lui-même, et un ministre courtisan.» MARM.

On soutient un personnage, et c'est rester fidèle au caractère, à l'idée qu'on a entrepris de développer; on remplit un rôle, on s'en acquitte, comme on remplit une tâche, une mission, ou comme on s'en acquitte. On fait plutôt un personnage, comme on fait l'important, le fier, le malade, c'est-à-dire qu'on se présente, qu'on se montre tel ou tel; et on joue plutôt un rôle, comme on joue une partie, un tour d'adresse, c'est-à-dire qu'on fait telle ac.ion. « Nos prome-il nades sont changées en comédies publiques, où chacun, acteur et spectateur tout à la fois, vient faire son personnage et jouer son rôle. » BOURD. Mme de Sévigné avait obtenu une grâce. Elle écrit à sa fille à ce sujet : « Que n'a point fait aussi mon cher comte (de Grignan)! Il a joué son rôle divinement. Enfin vous avez fait tous trois vos personnages en perfection.» « Ce qui fâchait L'égoïste n'est jamais aimable. Il ne songe Sayavedra, c'est que je ne lui donnais aucun rôle qu'au moi (en latin ego). Or, moi est opposé à à jouer dans cette comédie. Il s'en plaignit à moi toi, à lui, aux autres; et de là vient que le moi et me demanda s'il n'y ferait qu'un personnage est haïssable, selon Pascal: il est injuste, incommuet.» LES. « Vous, vous faites le même per-mode aux autres, le principe de toutes les préfésonnage que dans la Critique (de l'École des fem-rences exclusives. On ne saurait voir dans la mes).... Pour vous, vous représentez une de ces personnalité qu'un amour de soi déraisonnable; personnes qui prêtent doucement des charités à mais l'égoïsme est le comble de l'amour-propre. tout le monde. Je crois que vous ne vous acquit J. J. Rousseau dit en parlant de lui-même à la terez pas mal de ce rôle.» MOL. troisième personne : « Il n'y a point de constituAu figuré, cette différence est palpable: per- tion plus éloignée que la sienne de la méchansonnage exprime ce qu'on est ou ce qu'on fait ceté; car son vice dominant est de s'occuper de semblant d'être, le rang, la qualité; et rôle, ce lui plus que des autres; et celui des méchants, qu'on fait, la conduite, la part ou la sorte d'ac-au contraire, est de s'occuper plus des autres tion. Un haut dignitaire joue un grand person nage; un homme ou un peuple qui se distingue par des actions éclatantes et importantes, joue un grand rôle. On joue un beau personnage dans une ville où on occupe une place honorable; on joue un beau rôle dans une affaire où on agit en Dans un Avertissement, placé à la tête de ses homme d'honneur. Éléments de philosophie, d'Alembert témoigne la Faire ou jouer le personnage d'homme de bien, crainte de s'être montré personnel, en entrete

que d'eux; et c'est précisément pour cela qu'à prendre le mot d'égoïsme dans son vrai sens, ils sont tous égoïstes, et qu'il ne l'est point, parce qu'il ne se met ni à côté, ni au-dessus, ni audessous de personne. »

nant trop longtemps ses lecteurs de ce qui le re-, de lumières qu'il doit avoir de pesanteur et de garde. Ailleurs il parle d'un riche égoïste stupidité. » J. J. « La lourdeur est la gaucherie et avare qui, ayant ramassé beaucoup de vo- de celui qui croit être léger. MARM. — « Cyp lumes, voulait qu'ils fussent aussi inutiles aux sèle avait l'esprit pesant et paraissait presque autres qu'à lui, et avait écrit au-dessus de sa hébété. » FÉN. « Cette lettre est lourde et malvaste bibliothèque: Ite ad vendentes, allez à ceux adroite. J. J.-« Dans l'Elide et dans la Béotie qui en vendent. » les esprits sont pesants.» RAC.« Boileau disait de Dacier: il fuit les Grâces et les Grâces le faient. Quel malheur pour Horace d'avoir eu pour traducteur le plus lourd de nos écrivains!» MARM. On dit une érudition pesante (D'AL.), et une lourde plaisanterie (ACAD.), un lourd artifice (CORN.).

Dans tous les cas, pesant ne signifie pas quelque chose d'aussi essentiellement onéreux ou défectueux. Ce mot vient de poids (poiser, peser),

Personnel est peu usité en comparaison d'égoïste. Lorsque nous imputons à quelqu'un le vice exprimé par ces deux mots, nous prenons tout de suite le plus fort sans considérer qu'il y en a un autre plus propre peut-être à rendre exactement notre idée dans le cas dont il s'agit. PESANT, LOURD. Qui n'est pas léger, c'est-àdire qui a beaucoup de poids, ou qui se meut avec peine. Au figuré, ils se disent d'un esprit lent, sans facilité, sans vivacitė, sans pénétra-Lourd dérive du grec λopdós, courbé en avant tion. (sous le faix), tourdaud, imbécile. Les soldats Pesant sert à qualifier quelque chose de natu-pesamment armés n'étaient pas incommodés par rel, et lourd quelque chose de fait ou d'institué leurs armes. « M. de Chaulnes parla bien, un peu par les hommes; un corps (ACAD.), un minéra pesamment, mais cela n'était pas mal à un gou(ID.), pesant; une arme (J. J.), une machine verneur.» SÉv. « Xénocrate avait l'esprit bon, (Boss.), lourde. On a les mains pesantes (MOL.), appliqué, mais pesant : Platon disait qu'il avait on marche à pas pesants (LAF.); autrefois les besoin d'éperons. » FÉN. « On choisit les rennes robes des grandes dames se terminaient par de les plus vifs et les plus légers pour courir su lourdes queues (LABR.), un panier de fruits est traîneau, et les plus pesants pour voiturer à pas si lourd qu'on a de la peine à le porter (J. J.).lents les provisions et les bagages. » BUFF. '. On dit les pesantes chaînes de la nécessité (J.J.), et les lourdes chaînes dont les pédants ont chargé le génie (MARM.). On a la marche pesante (ACAD.), et des gestes lourds (VOLT.). a Masses d'or et d'argent, monnaies pesantes, signes lourds. BUFF. Ensuite, on considère dans l'objet pesant son être, sa nature; et, dans l'objet lourd, sa manière d'être, son air ou l'impression qu'il fait sur nous. « Ce jeune rhinocéros sautait avec une prodigieuse vitesse, malgré sa masse pesante et son air lourd.» BUFF. Une pierre pesante est telle en soi sans aucun rapport à nous; une pierre lourde est telle relativement à nous, elle nous pèse ou nous embarrasse. « J'en suis toujours à trouver certaines choses fort mal arrangées parmi les événements de notre vie; ce sont de grosses pierres dans le chemin, trop lourdes pour être déplacées.» Sév. L'âne est un animal pesant (VOLT.); dans la fable du Lion s'en allant

en guerre,

Renvoyez, dit quelqu'un, les ânes qui sont lourds.
LAF.

PESANTEUR, POIDS, GRAVITÉ. Propriété des corps, en vertu de laquelle ils tendent vers le centre de la terre.

Par son genre et sa terminaison pesanteur marque une qualité abstraite et vague, au lieu que poids exprime quelque chose de concret, de particulier ou de précis. On dit qu'une chose a de la pesanteur, et que c'est un poids: « La croix de Jésus-Christ est d'une pesanteur extraordinaire.... Tous ses efforts ne suffisent pas au poids qui l'accable. » BOURD. On dit d'une manière générale, la pesanteur, et, en parlant d'un certain objet, le poids de ce corps. On dit absolument et dans un sens indéfini, qu'une chose a de la pesanteur; et relativement, d'une manière déterminée, qu'elle est d'un tel poids, de tant de livres, par exemple. « Il y a des matières susceptibles d'augmenter de pesanteur dès les premiers instants de l'application du feu....

4. Condillac a joint à ces deux mots celui de massif. L'objet massif est pesant ou lourd à l'œil, à en Quant au mouvement des animaux, pesant compacte, d'où on conclut qu'il est pesant ou fourd. juger par la vue: il parait, il se montre épais, serré, en marque la nature, la lenteur; et lourd, la ma« Le casoar, sans être aussi grand ni même aussi nière, la mauvaise grâce. « A l'exception de quel-gros que l'autruche, parait plus massif aux yeux, ques oiseaux pesants ou sédentaires, il est à croire que les autres peuvent passer d'un continent à l'autre. BUFF « Les kakatoës n'ont pas la démarche lourde et désagréable des autres perroquets: ils sont au contraire très-agiles et marchent de bonne grâce. » ID. « Voilà ce qui rend les enfants pesants ou dispos, adroits ou lourds.» J. J.

Au figuré, on est pesant en soi et pour soi; et lourd dans sa manière, relativement aux autres: l'esprit pesant trouve et conçoit avec peine; l'esprit lourd se présente ou s'exprime maladroitement, sans grâces, grossièrement. « Supposons dans l'esprit du sauvage autant d'intelligence et

rée. » ID.

parce qu'avec un corps d'un volume presque égal, il a le cou et les pieds moins longs et beaucoup plus gros à proportion. » BUFF. « Ce petit bœuf est d'une figure agréable, quoique massive et un peu trop carqui marque une grande quantité de matière sous un -Au figuré, massif, qui signifie matériel, petit volume, enchérit sur pesant et sur lourd, a Castellar eut une attaque d'apoplexie, qui d'un homme gai, léger en fit un homme triste, pesant, jusqu'à être lourd et massif. » S. S.

Il en arrive (des Amours) et de France et d'Es-
pagne,

Et d'Italie et du nord d'Allemagne,
Ceux-là petits, mais alertes et vifs;
Ceux-ci plus grands, mais lourds, froids et mas
sifs.
J. B. Rouss.

Les pierres calcaires perdent au feu près de la, dans toute la terre et dans tous les autres grands moitié de leur poids. » BUFF. « Autant les me- corps de la nature, le nom de cette force qui, sures de la pesanteur de la matière en général en tant qu'agissante, s'appelle gravitation. « Les nous paraissent indifférentes, autant les mesures matières terrestres n'ont acquis de la solidité du poids de ses formes doivent nous paraître que par l'action continuée de la gravité et des utiles : chaque forme de la matière a son poids autres forces qui rapprochent et réunissent les spécifique qui la caractérise.» ID. Tous les particules de la matière. BUFF. C'est la corps descendent, si aucun obstacle ne les ar- force de la gravité qui retient les planètes dans rête. Or, cette direction est ce qu'on nomme leurs orbites. » ID. « L'effet des forces centrifuges pesanteur.... Nous entendons par poids la quan- diminue la gravité primitive sous l'équateur.» tité de force avec laquelle un corps descend. » VOLT. « La force centripète n'est autre chose que COND. Les corps ont de la pesanteur, marque la gravité même. » COND. « La gravité continue plus particulièrement la qualité par laquelle ils de prévaloir sur la force centrifuge, » ID. « Kétendent en oas; on dira, au contraire, tout pler a pensé sur la gravité comme Copernic. Il a corps a un poids, et jamais du poids, parce même été plus loin: car il a dit que les actions qu'on veut faire entendre que tout corps a une combinées de la terre et du soleil sont la cause certaine quantité de cette qualité. Le poids de des irrégularités de la lune. » ID. « Platon avait ce corps est d'une livre, me paraît mieux que, la en mathématiques des connaissances très-distinpesanteur de ce corps est d'une livre. Quand on guées, à en juger par quelques aperçus fort considère la pesanteur en général, on ne peut heureux, entre autres, par celui de la gravité, pas substituer poids : on dit les lois de la pesan- qui attire les corps célestes vers un centre, en teur, et jamais les lois du poids. C'est qu'alors même temps qu'un mouvement de rotation les il s'agit seulement de cette qualité et point du en éloigne. » LAH. tout de sa quantité. De même, quand il s'agit de PETIT, MENU, MINCE, DĖLIÉ, TĖNU, SUBTIL, la quantité, on ne substituera pas pesanteur à EXIGU, FIN, GRÊLE. Médiocre quant à l'étendue, poids je dirai, savez-vous le poids de ce corps,à la dimension, à la hauteur, au volume, à la et non pas, en savez-vous la pesanteur? On a dé-quantité, au degré. couvert la pesanteur de l'air, c'est-à-dire qu'il pèse, on en a même découvert le poids, c'est-àdire combien il pèse. » ID.

C'est ce qu'exprime dans toute sa généralité et sans aucun accessoire le mot petit, qui est proLa pesanteur est plutôt une propriété intime prement opposé à grand. Du petit au grand. ou théorique; et le poids, une qualité extérieure,lues, et rien n'est petit ou grand que relative« Nous ne connaissons point de dimensions absosensible, pratique, qui produit des effets, ment à l'œil qui le regarde. » J. J. comme est celle des objets qu'on pèse avec des poids. « Cette perte de poids (du fer chauffé) est Menu et mince ont été longuement distingués occasionnée par une espèce de dessèchement ou l'un de l'autre dans la Ire partie, p. 276. Menu de calcination intérieure qui diminue la pesan-lume ou à la circonférence; mince est opposé à est opposé à gros, et signifie petit quant au voteur des parties constituantes du fer.» BUFF. Peu à peu les matières molles dont les émi nences sous-marines étaient d'abord composées se seront durcies par leur propre poids...; les débris des productions marines s'y trouvent en abondance et à peu près suivant le rapport de leur pesanteur. BUFF. Depuis que la fameuse machine pneumatique a été inventée, on a été plus à portée de connaître la pesanteur des corps... Dans cette machine privée d'air, les corps abandonnés à la force qui les précipite sans obstacles tombent selon tout leur poids. » VOLT.

épais, n'a rapport qu'à une seule dimension, l'épaisseur, et signifie qui en a peu, qui est petit en ce sens : hacher menu; mince comme une feuille, mince et transparent.

Délié donne l'idée d'un petit lien, d'un petit fil; aussi dit-on particulièrement bien un fil délié (ACAD., ROLL.) et des filets déliés. « Cette neige était fort subtile et composée de filets fort déliés.» DESC. Le sel sédatif du borax s'élève et s'attache an haut des vaisseaux en filets déliés ou en lames minces.» BUFF. « Le mésentère est attaché aux intestins par des filets très-déliés. » VOLT. Ensuite Ensuite, pesanteur, à la différence de poids, ce mot s'applique spécialement aux choses faites est actif: on dit la pesanteur d'un coup, et le de petits fils, à des tissus, à des toiles, à des poids d'un fardeau. La pesanteur d'un oiseau étoffes.Onuphre porte des chemises très-de(BUFF.) est sa lenteur à se mouvoir; son poids liées. LABH. « L'art a-t-il pu inventer des étoffes (ID.) est le nombre de livres qu'il pèse. De même, aussi déliées? ROLL. On vit alors bien à nu au figuré, la pesanteur est un défaut d'activité la gaze déliée de ce manteau de religion. » S. S. de vivacité, de légèreté, et le poids quelque Mais il s'étend aussi à tout ce qui est effilé, c'estchose de difficile à souffrir, à supporter; ou à-dire long et menu. Fénelon parle des canaux bien le mot poids, au lieu de signifier une ma-déliés par lesquels circule la sève. Et Buffon a nière d'agir, indique combien une chose ou une personne pèse par rapport aux autres, son degré d'importance homme ou chose d'un grand poids.

Gravité, latin gravitas, est le nom scientifique de la pesanteur, ou le nom de la pesanteur universelle, de la pesanteur considérée en grand,

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dit du cheval, qu'il doit avoir la tête menue, les paupières minces et les oreilles déliées. Enfin délié sert à qualifier un corps dont les éléments sont imperceptibles comme les fils d'une étoffe ou d'une gaze déliée. Dans tous les temps on a considéré l'âme comme étant une matière ou une substance déliée (Boss., VOLT., MARM.). « Tous ces

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