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somptuosité, splendeur et pompe se disent en bien ou en mal indifféremment, et même plutôt en bien. « Manque-t-il rien dans l'univers de tout ce qui peut servir, non-seulement à l'entretien nécessaire et commode, mais à la splendeur et à l'éclat, mais à la somptuosité et à la magnificence ?» BOURD. « Nos ancêtres étaient pénétrés de cette maxime, que ce qui est dans les grands splendeur, somptuosité, magnificence est dissipation, folie, ineptie dans le partiIl n'est pas rare de trouver dans nos meilleurs écrivains des oppositions telles que celles-ci : « La somptuosité du langage de Tite-Live aurait été du faste dans les mémoires de César. » MARM. « Scipion n'était point ennemi d'une certaine élégance de mœurs, ni même de la magnificence, pourvu qu'elle ne dégénérât point en luxe. » ROLL.

culier.» LABR.

α

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temps de Cyrus, le luxe de la table consistait dans l'abondance plutôt que dans la délicatesse. Ce n'était pas deux fois par jour une profusion de mets, apprêtés avec élégance, et étalés avec faste. » COND.

<< On est parvenu enfin à ne plus mettre le lure que dans le goût et la commodité. La foule de pages et de domestiques de livrée a disparu, pour mettre plus d'aisance dans l'intérieur des maisons. On a laissé la vaine pompe et le faste extérieur aux nations chez lesquelles on ne sait encore que se montrer en public, et où l'on ignore l'art de vivre. » VOLT. « Ce n'est point par l'éclat des richesses, par le faste des équipages, par le luxe et les dépenses de la table qu'un roi doit se distinguer. » ROLL.

2o Magnificence, somptuosité, splendeur, pompe. Ces mots se rapportent à la manière dont les grands, les princes, les États vivent, font les choses ou se montrent, et la représentent comme large, exempte d'épargne, distinguée.

Un autre caractère distinctif du luxe et du faste, c'est qu'ils sont de tous les états; au lieu que la magnificence, la somptuosité, la splendeur | et la pompe ne regardent que les conditions éleMagnificence annonce une manière noble, gévées. Le goût du luxe et du faste peut être géné-néreuse, belle. « La magnificence paraît dans ral dans un pays; on n'attribue de magnificence, les grands travaux consacrés à l'utilité publique, de somptuosité, de splendeur et de pompe qu'aux dans les ouvrages qui attirent de la gloire à la hommes ou à ce qui concerne les hommes consi-nation, qui impriment du respect aux sujets et dérables par leur rang ou par leur fortune. « Le peuple romain, dit Cicéron, hait le luxe dans les particuliers; mais il aime la magnificence dans ce qui regarde le public. » ROLL.

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aux étrangers, et rendent immortels les noms des princes. » Boss. « Les Grecs et les Romains ont célébré la magnificence et la grandeur de Thèbes.> ID. « Tout était grand dans les édifices du palais 1° Luxe, faste. Abus, défaut ou vice, qui con- de Salomon.... Tout y reluisait d'or et de pierresiste à manquer de simplicité ou à blesser la sim-ries. Les citoyens et les étrangers admiraient la plicité dans la manière dont on vit, dont on fait les choses ou dont on se montre.

majesté des rois d'Israël. Le reste répondait à cette magnificence. » ID. « L'Allemagne est deve

aussi florissante que l'était l'Italie au XVI siècle, lorsque tant de princes entretenaient dans leurs cours la magnificence et la politesse. » VOLT. « La nature étale ici toute sa magnifiCence. ACAD. « J'ai été beau, magnifique, tout couvert de gloire. » (Alcibiade.) FÉN. « Il faut qu'une personne comme vous, qui êtes magnifique, et qui avez de l'inclination pour les belles choses, ait un concert de musique chez soi tous les mercredis ou tous les jeudis. » MOL.

Luxe, du latin luxus, luxe, profusion, intem-nue pérance, mollesse, débauches, emporte l'idée d'excès, de superfluité, de recherche immodérée des aises et des commodités. « Le luxe n'est fondé que sur les commodités qu'on se donne par le travail des autres. » MONTESQ. « Ragoûts, liqueurs, entrées, entremets, tous mots qui ne servent qu'à entretenir le luxe et la gourmandise.» LABR. « Ne souffre point les hommes occupés à des arts qui entretiennent le luxe et la mollessé. » FEN. « Le luxe consiste dans un travers de l'imagination, qui nous fait trouver notre bonheur à jouir des choses dont les autres sont privés on n'est pas mieux vêtu avec un drap d'or qu'avec un drap de laine; on ne fait pas meilleure chère avec des mets rares qu'avec des mets communs; et celui qui ne peut aller qu'en carrosse n'est pas plus heureux que celui qui va à pied. » COND.

Faste, du latin fastus, orgueil, fierté, mépris, d'où fastigium, le faîte, emporte l'idée d'efforts pour s'élever et pour paraître, une affectation de hauteur, de l'ostentation. « Evitez le faste et l'ostentation dans les œuvres de miséricorde. » MASS. « Une jeune fille qui aime le monde et le faste. » RAC. Toutes les conditions sont confondues: le faste s'appelle politesse, la plus folle vanité une bienséance. » FÉN.

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Somptuosité, de somptuosus, coûteux, dispendieux, venu lui-même de sumptus, frais, somme employée à faire certaines choses, annonce une manière libérale, qui ne plaint pas la dépense, et dans les choses qu'on fait de la richesse. « Dans une cour, tous, à l'envi, cherchent à se montrer, à se signaler par la somptuo sité et la dépense. » BOURD. « Luculle crut devoir substituer à la gloire des armes celle de la magnificence. Il employa des sommes immenses pour ses bâtiments et pour ses jardins : il fit encore de plus grandes dépenses pour sa table; il voulait que chaque jour elle fût servie avec la même somptuosité, n'y eût-il personne de dehors.» ROLL. « Les préteurs foulaient le peuple par une suite nombreuse de domestiques et d'amis, et par des dépenses excessives en jeux, en festins, et autres pareilles somptuosités. » ID. « La parure des Parisiennes est plus recherchée que magnifique; il y règne plus d'élégance que de richesse. La rapidité des modes et la propreté les préservent d'une somptuosité ridicule. » J. J.

« Un homme fait de grandes dépenses, il est vraisemblable qu'il est libéral; mais peut-être que ce n'est pas tant libéralité qu'une somptuosité mal réglée. » Boss. « L'excès vous est devenu nécessaire, vous estimez pauvre tout ce qui n'est pas somptueux. ID.

Pompe, du greс яоμяй, mission, envoi, cortége, procession, marche triomphale, annonce quelque chose de solennel, comme est une cérémonie dans laquelle un personnage principal a une suite belle et nombreuse. Les pompes triomphales, l'entreprise des pompes funèbres Splendeur, grand éclat de lumière, annonce (ACAD.); dans la pompe d'un convoi (ROLL.). une manière brillante, illustre. « La reine d'An- « Ces combats étaient suivis d'une procession gleterre, arrivée avant son mari (Jacques II), fut générale, où l'on portait avec grande pompe et étonnée de la splendeur qui environnait le roi de grande cérémonie un voile brodé d'or, où France, et de cette profusion de magnificence étaient tracées artistement les actions guerqu'on voyait à Versailles. » VOLT. Quand il est rières de Pallas contre les titans et les géants.» question de quelque chose d'éblouissant, de ca- ROLL. « La pompe et la grandeur des anciens pable de frapper vivement les yeux, splendeur rois de l'Asie n'approchaient pas de l'éclat de étant le mot propre renchérit naturellement sur ce voyage de Louis XIV, Trente mille hommes magnificence. • L'ordre corinthien fut inventé précédèrent ou suivirent la marche du roi. pendant la magnificence et la splendeur de Co-Il menait avec lui la reine sa femme, toutes rinthe. » ROLL. « Tout ce qui avait servi en Italie était comblé par Vaudemont de politesse, gorgé d'argent, et charmé de la splendeur, car ce serait peu dire de la magnificence, dans laquelle il vivait. » S. S.

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les princesses et les plus belles femmes de sa cour.» VOLT. L'orgueil des grands paraît jusques après leur mort en la pompe de leurs funérailles, et surtout en la magnificence de leurs tombeaux.» BOUн.'

M

grins, en réprimant ses appétits, en se refusant ce qui plaît le plus et en pratiquant ce qui cause le plus de répugnance. Au lieu d'être purement corporelle comme la macération, la mortification regarde aussi l'esprit on macère son corps ou sa chair seulement; on mortifie aussi ses sens, ses passions, ses vices, son esprit. « Tout ce que nous faisons pour le salut est inutile, s'il ne se rapporte au règlement du cœur, et à l'entière

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Obliger les pécheurs à tout ce que l'Evangile a de plus austère, aux rigueurs de la pénitence,

MACÉRER, MORTIFIER, MATER. Ces mots ne, du plaisir. Si on se macère par le jeûne, on se sont synonymes qu'au figuré, dans la langue mortifie par des déplaisirs, des dégoûts, des chaascétique, où ils signifient s'imposer des châtiments, des austérités par esprit de pénitence. Macérer ne se dit que du corps, et c'est le rendre maigre (macer), l'affliger par le jeûne principalement. « Prendre le sac et le cilice, se couvrir de cendres, jeûner et macérer son corps. » BOURD. « Les schismatiques ont aboli la confession, supprimé toute l'austérité de la satisfaction, décrié les macérations du corps, fait cesser l'obligation du jeûne. » ID. « Les austérités et les ma-mortification des vices et des désirs. » MASS. cérations de la pénitence. » ID. « Se macérer par des jeûnes et par d'autres austérités. » Boss. « Je ne vous demande pas, pour cela (pour venger Jésus-Christ), ni des jeûnes continuels, ni des macérations extraordinaires. » ID. Massillon appelle les jours de carême « des jours de macération et d'abstinence. >> Au propre, macérer des substances, particulièrement des plantes, c'est, en les faisant infuser à froid dans l'eau ou dans quelque autre liquide, les amaigrir en quelque sorte comme on le fait à l'air en les desséchant, c'est les décharger de ce qui est comme leur graisse, de leurs sucs, de leurs principes solubles. « Après avoir bien bassiné ma plaie, elle y appliqua des fleurs de lis macérées dans l'eau-de-vie, vulnéraire excellent et trèsusité dans notre pays. » J. J.

On mortifie proprement la chair; car primiti vement mortifier, c'est faire que la viande devienne plus tendre. « Les Calmouks mangent la chair de cheval, de chameau, etc., crue ou un peu mortifiée sous la selle de leurs chevaux. » BUFF. Or, la chair, en termes de l'Ecriture, se prend pour la sensualité; si bien que la mortifi cation attaque et affaiblit, non pas le corps précisément, mais les désirs, les passions, l'amour

1. Pompe et magnificence en particulier se disent | aussi de la manière de s'exprimer, et la font concevoir comme grande et éclatante. Mais pompe est plutôt concret, et magnificence abstrait. « Ne semblait-il figures mêmes avaient été si pompeuses et les propas qu'un mystère (celui de l'incarnation), dont les messes si magnifiques, aurait dû s'accomplir avec plus d'éclat? » MASS. « Dans tout le reste (du discours de Mithridate dans Racine) la magnificence du style, la pompe des images, est égale à l'élévation des pensées. LAH. On dit bien la magnificence (ACad.), mais non pas la pompe, des idées. D'autre part, dépeignant surtout l'étalage et l'appareil, pompe est propre à renchérir sur magnificence et se prend plus ordinairement en mauvaise part dans le sens d'emphase, de grand faste, ou de faste dans un genre élevé, où on vise à étre sublime. a Parlons sans figures, et ne cherchons point de magnifiques et de pompeuses expressions pour soutenir un sujet qui par lui-même est au-dessus de toute expression, »> BOURD. « Les apôtres n'ont point cherché la vaine pompe et les grâces frivoles des orateurs païens; ils se sont contentés de prêcher Jésus-Christ avec toute la force et la magnificence du langage de l'Écriture.»> Fix. Pompeux galimatias (ACAD.).

au crucifiement de la chair, à la mortification de l'esprit.» BOURD.

1° Magie, charme, enchantement, conjuration. Magie est général, et désigne l'art même: on Mater, c'est, au jeu des échecs, réduire le roi, dit absolument, la magie, croire à la magie, les par l'échec qu'on lui donne, à ne pouvoir sortir curiosités, les opérations de la magie. Dans le de sa place. Ensuite, c'est, en parlant des ani- pouvoir de chasser les démons était compris celui maux, les réduire, parvenir à les dompter, à les de détruire les opérations de la magie; car la apprivoiser. a Après qu'on a maté ces éléphants magie fut toujours enseignée chez toutes les nasauvages (qu'on vient de prendre) pendant quel- tions. VOLT. « Quelques-uns ont soupçonné ques jours par la faim et par la soif, on entre Empedocle de magie.... Il semble qu'il ait voulu dans l'enclos. Comme ils sont extrêmement affai- lui-même marquer dans ses poésies qu'il avait blis, ils ne résistent pas longtemps.... Ainsi domp- quelques connaissances secrètes de cette nature. tés, ils se laissent conduire.... On les apprivoise.» lorsqu'il dit à Gorgias qu'il ne veut apprendre ROLL. Enfin, dans le style de la dévotion, c'est qu'à lui seul les secrets dont il faut se servir soumettre le corps et la chair, les réduire en pour guérir toutes sortes de maladies, rajeunir servitude, les assujettir, après avoir abattu leur les vieillards, exciter les vents, apaiser les temfierté et leur arrogance. « Notre chair est une pêtes, faire venir la pluie et la chaleur, et enfin chair rebelle, et il n'est pas possible de la tenir donner la vie aux morts et les faire revenir de dans la soumission et dans l'ordre, si l'on ne l'autre monde. » FÉN. - Charme, enchantement prend soin de la réduire sous le joug, à force de et conjuration sont particuliers ou relatifs à des la châtier et de la mater. » BOURD. & Combien en applications de cet art faire ou rompre un voyez-vous qui, dans l'opulence, s'étudient à charme, un enchantement, une conjuration. Les mater leur corps et à le réduire en servitude?» ID. Juifs ont dit que Jésus-Christ avait fait ses miraAinsi, on macère son corps en l'exténuant; on cles par magie, par des charmes, des enchantele mortifie en le chagrinant, en le tourmentant ments, des conjurations (Boss.). « Les deux parpar la répression de ses désirs, par l'extinction tis croyaient fermement à la magie.... On faisait du feu de la concupiscence; on le mate en le sub-plusieurs conjurations par le moyen du mot juguant, en le rendant docile et désormais inca- Abraxas. » VOLT. pable de résistance. Les saints se sont macérés, il ont châtié leur corps par le jeûne, les privations, les veilles, les disciplines et les autres exercices de la pénitence; ils se sont mortifiés, ils ont renoncé, non-seulement aux plaisirs du corps, mais encore à ceux de l'esprit et du cœur, ils ont combattu toute leur nature sensible, ils l'ont affligée de mille manières, et l'ont traitée avec une impitoyable dureté; ils se sont mates, c'est-à-dire domptés, et par là ils ont acquis sur eux-mêmes un empire absolu.

1° MAGIE, CHARME, ENCHANTEMENT, CONJURATION ; — 2o SORT, SORCELLERIE, SORTILÉGE, MALÉFICE, ENSORCELLEMENT, FASCINATION. L'idée commune à tous ces mots est celle d'un art prestigieux, d'un art prétendu, auquel la superstition ou l'ignorance attribue le pouvoir d'opérer d'une manière occulte et surnaturelle des effets réels ou imaginaires.

Charme et enchantement se ressemblent beaucoup. L'un vient de carmen, chant, et l'autre de cantare in, chanter dans, sur ou contre. C'est en chantant et plus tard en prononçant certains mots consacrés ou certaines formules que les magiciens étaient supposés opérer leurs prodiges. On trouve dans Virgile:

et

Carmina vel cælo possunt deducere lunam;

Frigidus in pratis cantando rumpitur anguis.

Mais charme est un substantif pur: au lieu de dériver d'un verbe, il sert à en former un, charmer. Enchantement, au contraire, est un substantif verbal.

De là il suit que le charme est une chose, un objet, et l'enchantement un fait, une action ou un état. On porte sur soi un charme ou des charmes (ACAD.), on en attache au cou de quelqu'un (FÉN.), les Juifs au moyen âge vendaient des philtres et des charmes (VOLT.), Socrate disait qu'il en avait pour gagner et s'attacher la jeunesse athénienne; mais l'enchantement commence ou cesse, on est dans l'enchantement ou on en sort. « Les pavots que le sommeil répand sur la terre apaisent tous les noirs soucis par leurs charmes, et tiennent toute la nature dans un doux enchantement. » FÉN. Le charme est plus ou moins fort ou efficace; l'enchantement dure plus ou moins, est plus ou moins long. On lève un charme comme on lève un emplâtre; on rapporte des enchantements comme on rapporte des miracles ou des faits quelconques.

Mais les quatre premiers n'expriment rien de fâcheux, au lieu que les six derniers se prennent en mauvaise part. Ce peut être tout au moins sans préjudice pour personne que le magicien emploie les charmes, les enchantements et les conjurations; mais le sorcier tient ses pouvoirs du diable, du génie du mal, et c'est d'ordinaire pour nuire qu'il emploie le sort, la sorcellerie, le sortilége, le malefice et la fascination. Un affranchi, à force de soin et de travail, avait rendu son champ bien plus fertile que ceux de ses voisins. Ceux-ci l'accusèrent d'user de magie pour procurer à sa petite propriété une fertilité si étonnante, et d'employer des sortiléges pour La conjuration est un enchantement dans lerendre leurs terres stériles (ROLL.). Les verbes quel on emploie des paroles, des pratiques, des charmer, enchanter et conjurer marquent figu- cérémonies, des invocations ou des exorcismes. rément la production d'un effet agréable ou Un compositeur d'opéras fait des tempêtes, des avantageux; ensorceler et fasciner, au contraire, tremblements de terre, des conjurations magisignifient agir sur l'esprit d'une manière mau-ques (MARM.). Voltaire rapporte une conjuration vaise ou funeste.

dont on se servait encore au temps de Rabelais

pour se faire aimer des filles. « Le secret consistait à prendre un cheveu de la fille on le plaçait d'abord dans son haut-de-chausse; on faisait une confession générale; on faisait dire trois messes pendant lesquelles on mettait le cheveu autour de son cou; on allumait un cierge bénit au dernier évangile, et on prononçait cette formule: O cierge! je te conjure.... » De plus, la conjuration a pour but ordinaire d'écarter de grands maux, de chasser les démons ou de détourner des fléaux. Que si, au lieu d'être dirigée contre le diable, la conjuration quelquefois l'appelle, c'est moins pour user de son pouvoir contre quelqu'un que pour apprendre quelque chose de caché. Le démon, malgré la force des conjurations qu'elle employait pour l'obliger à révéler l'avenir, avait la malice de la tromper. LES. Dans son voyage en Laponie Regnard raconte que, par curiosité, il alla consulter un magicien du pays sur ce qui se passait en France. Celui-ci, qui prétendait avoir un démon à ses ordres, eut recours à son tambour et à son marteau, qui sont des instruments magiques; mais il eut beau faire des conjurations (REGN., LAH.) et des grimaces, se frapper le visage, se mettre tout en sang, le diable n'en fut pas plus docile.

Le maléfice (maleficium, mauvaise action, méfait) ne diffère du sortilège que parce qu'on le considére au point de vue moral ou légal, comme criminel. Ces sciences curieuses (l'astrologie judiciaire et la chiromancie), qui servent de couverture aux sortiléges et aux maléfices, sont condamnés dans tous les Etats. » Boss. « Au concile d'Orléans, en 1017, les manichéens furent condamnés par le roi Robert, autant pour leurs maléfices et leurs sacriléges que pour leurs erreurs. ID. « Si, depuis 1672, il y a eu encore des accusations de maléfices, les juges n'ont condamné d'ordinaire les accusés que comme des profanateurs qui d'ailleurs employaient le poison. » VOLT. - D'autre part, le maléfice est quelquefois un objet non pas abstrait, comme le sort, mais concret, matériel, c'est-à-dire la drogue ou le composé dont on se sert pour commettre le crime. « Domitius Afer, qui cherchait à se faire un nom, chargea Claudia d'adultère avec Furnius, de poisons et de maléfices destinés à l'empereur. » D'AL. « Cette esclave est une chrétienne; ces gens-là ont des malefices, et je crois qu'elle en use pour vous inquieter. » MARM. « On ouvrit la chambre du sorcier; on y trouva les maléfices et il fut condamné à être pendu. »

2o Sort, sorcellerie, sortilége, maléfice, ensor- VOLT. cellement, fascination.

Le sort est, comme le charme, une chose ou
un objet on le jette, on le met, on le donne.
Et quitte ce morveux et l'amour qu'il te donne.
C'est quelque sort qu'il faut qu'il ait jeté sur toi.

MOL.

La sorcellerie est l'art ou le métier : accusation de sorcellerie (VOLT.), histoire, jurisprudence de la sorcellerie (ID.), enseigner la sorcellerie (ID.), savant en sorcellerie (ID.). « On a banni l'astrologie judiciaire, la sorcellerie, la possession du diable, la baguette divinatoire, la panacée universelle et les jésuites. » ID. « Les protestants du Nord ont été assez imbéciles et assez cruels pour faire brûler deux ou trois misérables accusés de sorcellerie. » ID. « Erasme lui-même conte des histoires de sorcellerie auxquelles il croit.» COND.

Sortilege se prend quelquefois comme sorcelle rie pour l'art du sorcier, mais c'est dans un style plus sérieux ou plus noble. Que penser de la magie et dų sortilége? » LABR. Sous Gengis, le sortilège fut expressément défendu, sous peine de mort. Charlemagne ne le punit que par des amendes. » VOLT. D'ordinaire sortilége exprime une application du sort, un fait où ce moyen mystérieux de nuire est employé, une pratique ou un trait de sorcier. « On ne voit pas d'idoles en Jacob; on n'y voit point de présages superstitieux, on n'y voit point de divination ni de sortiléges. Boss. « Horace reproche à Sagana et à Canidia leurs horribles sortiléges. » VOLT. Dans le pays où on cessa d'exorciser, on remarqua que le nombre énorme de possessions et de sortiléges diminua beaucoup. » ID. « Dans les Ensorcelés de Favart, il y a deux enfants à qui on fait accroire qu'on a jeté un sort sur eux, et qui s'en accusent réciproquement jusqu'à ce qu'ils en viennent à se guérir du sortilège comme Alain et Nicette. » LAH.

D

D

On la vient voir, cette sorcière, Pour trouver de l'argent perdu, Pour de la corde de pendu

SCARR

Dont elle fait ses malefices. L'ensorcellement est l'action d'ensorceler, de jeter un sort sur quelqu'un, d'exercer contre lui la sorcellerie, d'employer contre lui un sortilége ou un malefice, ou bien c'est le résultat de cette action. Pendant l'ensorcellement le sorcier fait ceci ou cela, se tient dans tel ou tel endroit. L'ensorcellement de telle personne eut lieu à telle époque, dans telles ou telles circonstances, dưra tant d'années, fut ou ne fut pas constaté, causa la mort du maléficié, etc.

La fascination est un ensorcellement partiel, dont l'effet se borne à empêcher de voir les choses telles qu'elles sont. « Écoutez le sage: la vie humaine est une fascination, une tromperie des yeux on croit voir ce qu'on ne voit pas ; on voit tout avec des yeux malades. Mais vous l'aimiez si éperdument, et maintenant vous ne l'aimez plus? J'étais ébloui; j'avais les yeux fascinés; je les avais troubles. » Boss.

MAINTENIR, SOUTENIR. Empêcher qu'une chose ne tombe ou ne succombe, ne défaille ou ne soit détruite. Ils se disent, au propre, d'un bâtiment, mais plus souvent au figuré, en parlant de diverses choses, et, par exemple, d'un Etat, de l'autorité, de l'honneur, de droits, d'intérêts, etc. On maintient et on soutient une personne dont on assure la position. Maintenir et soutenir se prennent aussi l'un et l'autre dans le sens d'affirmer.

Mais maintenir, tenir la main ou par la main, a rapport à la durée, il marque une continuité d'assistance; soutenir, tenir par dessous ou en dessous, se distingue davantage par l'idée de force, il annonce un secours puissant, plutôt énergique que durable, et plutôt physique que

moral. « Il ne faut pas beaucoup de probité pour qu'un gouvernement monarchique ou un gouvernement despotique se maintiennent ou se soutiennent. La force des lois dans l'un, le bras du prince toujours levé dans l'autre, règlent ou contiennent tout. >> MONTESQ.

sons (VOLT.); c'est le seul mot qui convienne en ce cas, parce qu'il n'y est nullement question de la grandeur ou de la petitesse de la chose, « On voit encore aujourd'hui les vestiges de la maison de campagne d'Adrien, qui ne passe pas la grandeur de nos maisons ordinaires. » ROLL. Les hommes de la classe moyenne, ceux qui ne sont ni grands ni petits, ni riches ni pauvres, les bourgeois, en un mot, occupent des maisons.

1o Château, hôtel, palais.

α

Le respect des lois sert à maintenir l'ordre; quand une atteinte grave est portée à l'ordre, c'est au pouvoir à le soutenir. On maintient une personne en place en veillant sans cesse à ce qu'elle ne soit point déplacée; on la soutient contre des ennemis en repoussant leurs attaques. Le château, l'hôtel et le palais sont de grandes On maintient la paix; on soutient des guerres maisons. Mais ce qui d'abord sépare nettement le Voulez-vous maintenir votre santé, consultez château de l'hôtel et du palais, c'est que le châl'hygiène; s'agit-il de la soutenir dans le besoin, teau est une maison de campagne et non une ayez recours à la médecine. La tradition main-maison de ville. « Il suffit de n'être point né dans tient la foi (PASC.); les confesseurs de la foi l'ont une ville, mais sous une ruine qui trempe dans soutenue avec courage, malgré les menaces et un marécage, et qu'on appelle château, pour être les plus violentes persécutions (BOURD.). Un ami cru noble sur sa parole. » LABR. « L'épouse vous maintient dans tel état, et vous soutient d'Auguste II, roi de Pologne, se retira dans un dans vos entreprises. château, à la campagne, dès qu'elle sut sa conversion. » S. S. « Regarde, auprès de ce hameau de neuf à dix feux, cette maison qui a quatre petits pavillons; c'est mon château. » LES. « Cet orgueilleux gentilhomme de campagne habitait une maison qu'il appelait son château, et qui n'était qu'une masure. » ID.

La chose qu'on maintient on la conserve, on la fait durer ou continuer à être; la chose qu'on soutient on la défend, on la fait triompher de tous les assauts. Maintenons les coutumes qui sont bonnes, ne nous lassons pas de les suivre; soutenons-les, combattons les novateurs insensés qui s'efforcent de les détruire. Une femme se maintient qui reste toujours fraîche et belle; elle se soutient quand elle résiste aux ravages du temps, aux attaques et aux accidents de toutes sortes. L'âme du sage se maintient, demeure égale à elle-même, dans toutes les circonstances de la vie; elle se soutient, elle surmonte toutes les causes d'accablement dans les revers.

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De leur côté, l'hôtel et le palais diffèrent en ce que le palais renchérit sur l'hôtel : l'hôte! est grand et beau, le palais très-grand et très-beau. Etant à Mexico, j'aperçus une grande maison: C'est le palais du vice-roi, me dit mon hôte. Est-il possible, m'écriai-je ? Il y a des hôtels aussi beaux dans toutes les grandes villes d'Espagne. Je m'étais attendu à un bâtiment plus superbe. » LES. On dit l'hôtel d'un seigneur (VOLT., LES.), d'un duc (VOLT.), d'un ambassadeur (VOLT., LES.), d'un grand quelconque, d'un ministre; et le palais d'un roi (LES.), d'un souverain, d'un prince ou d'un haut dignitaire de l'Église. « L'ambassadeur d'Autriche, à Paris, devait vivre avec plus de luxe et de splendeur;

A l'égard des opinions ou dans le sens d'affirmer, même différence. On maintient longtemps, toujours, partout, constamment. « J'ai fait voir combien vous aviez imputé d'hérésies l'une après l'autre à vos adversaires, manque d'en trouver une que vous ayez pu longtemps maintenir. » PASC. Je maintiendrai toujours, avec tous les gens de bon goût, que.... » VOLT. « Je le main-car tiendrai partout. » ACAD. Mais on soutient avec chaleur, vivement, dans le feu d'une dispute. a Il s'échauffe ensuite dans la conversation, déclame contre le temps présent, et soutient que....» LABR. « Oui, je te soutiendrai par vives raisons, je te montrerai par Aristote, que tu es un ignorant. » Le docteur Pancrace irrité. MOL. « Le prêtre avec lequel je disputais rejetait toutes mes citations, soutenant qu'elles étaient fausses. »

J. J.

MAISON; 1o CHÂTEAU, HÔTEL, PALAIS; 2o MAISONNETTE, CHAUMIÈRE, CABANE, HUTTE, CAHUTE, BARAQUE, BICOQUE. Bâtiments plus ou moins considérables qui servent au logement des hommes.

Maison est le terme commun, celui qui désigne l'objet indépendamment de son importance, ou en lui attribuant une importance ordinaire. • Quitter le monde pour Dieu, c'est s'enfuir d'une maison qui tombe en ruine. » Boss. « A ce mot de maison répond l'idée d'un lieu où nous nous renfermons contre les incommodités du dehors. » ID. On dira qu'une ville renferme tant de mai

il avait la première ambassade de l'Europe; une grande fortune et un palais pour hôtel. » MARM. « Je ne démentis point dans l'hôtel de Son Excellence (l'ambassadeur) la réputation que je m'étais acquise dans le palais du cardinal par mes espiégleries. » LES. - En fait de maisons, palais exprime donc ce qu'il y a de plus relevé et de plus magnifique. « Pendant que notre corps est détruit, maison de terre et de boue, Jésus-Christ nous offre son palais. D Boss. « Les Juifs donnaient à leur Messie de belles et triomphantes armées, de grands et de superbes palais, une cour plus leste et plus polie, une maison plus riche et mieux ordonnée que celle de leur Salomon, et enfin tout ce pompeux appareil dont la majesté royale est environnée. » ID. « A Florence, les maisons des particuliers, qui pourraient pas ser pour autant de palais, sont ornées d'une infinité de beaux ouvrages d'architecture. C'est avec raison qu'on appelle Florence la huitièrne merveille du monde. » ID. « Je m'étais figuré Paris une ville aussi belle que grande, où l'on ne voyait que de superbes rues, des palais de marbre et d'or. » J. J.

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