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Vers les lieux fortunés qu'habite l'Innocence.
Ce n'est plus des enfers l'affreuse obscurité,
C'est du jour le plus pur l'immortelle clarté,

VOLT.

« C'est ce voile qui les a empêchés d'apercevoir la lumière qui les environne de toutes parts, et se montre à eux dans toute sa clarté. » BOURD.

REGN.

D

α

Est une ombre au tableau, qui lui donne du lustre. La laideur d'une femme sert de lustre à celles qui l'entourent (ACAD.).—Que si le lustre a moins de vivacité et de force que le brillant et l'éclat, en revanche il a plus de solidité; il est moins éblouissant, mais aussi il lui arrive moins souvent d'être vain : vous dites très-bien, avoir plus de brillant ou d'éclat, mais non pas de lustre, que de solidité. « Tout l'éclat des grandeurs n'a point de lustre pour les gens qui sont dans les recherches de l'esprit.» PASC. En parlant d'une personne, lustre annonce du crédit ou une bonne réputation; brillant et éclat expriment de la gloire, mais de cette gloire qui peut n'être que fumée.

L'éclat est une lumière vive, brillante, forte, quelquefois éblouissante ou difficile à supporter. « Les oiseaux de nuit et les chats ne voient mal que parce qu'ils voient trop bien, puisqu'il ne leur faut qu'une très-petite quantité de lumière; au lieu que les autres ont besoin de tout l'éclat du jour, et voient d'autant mieux qu'il y a plus de lumière. » BUFF. « La lumière du soleil même Le brillant et l'éclat dépendent de la grande n'est-elle pas l'évaporation de cette flamme dense quantité de lumière. Mais c'est à l'émail, aux dont brille sa surface avec si grand éclat ID. pierreries, primitivement et surtout, que le bril« Les yeux éblouis d'un éclat si vif. Boss. lant s'attribue, et de là vient que le verbe bril« A force de discontinuer de voir la lumière, ils lanter est un terme de lapidaire; au lieu qu'on n'en pourront plus supporter l'éclat. » ID. En accorde de l'éclat à toutes les autres choses qui Laponie on ne peut supporter l'éclat de la neige,» resplendissent ou luisent beaucoup, qui se distinguent par la richesse des couleurs. «Sitôt que j'eus mon habit neuf, j'effaçai tous mes rivaux par son éclat et par le brillant de quelques-unes de mes pierreries. » LES. - Ensuite et en général brillant dit moins qu'éclat, en ce sens qu'il s'emploie en parlant de choses plus petites ou plus susceptibles d'être fausses. Dans les ouvrages d'esprit, par exemple, brillant signifie une lueur, une étincelle les petits brillants des Isocrates (VOLT.). « Les prédicateurs ne doivent pas rechercher un brillant et un feu d'esprit qui égaie. » Boss. Mais l'éclat a plus de grandeur et approche davantage de la magnificence. << Nicole dit que l'éloquence et la facilité de parler donnent un certain éclat aux pensées; cette expression m'a paru belle et nouvelle. » SÉv.- Enfin, quoique les deux mots se prennent dans l'acception figurée, cela semble arriver plus ordinairement à brillant qu'à éclat. « Le brillant de votre esprit donne un grand éclat à votre teint et à vos yeux.>> DELAF.

La splendeur est la plus grande lumière, et par rapport à la plénitude et à l'étendue, circonstance étrangère à l'idée d'éclat, et par rapport à l'intensité, ce qui fait que la splendeur | renchérit sur l'éclat même. L'expression, éclat du soleil, fait concevoir cette astre comme lançant des traits de lumière; mais on dit la splendeur du soleil quand on veut donner une grande idée de l'espace immense qu'il emplit de sa lumière. « Si l'éclat et la splendeur du soleil n'est pas éternelle, c'est que la lumière du soleil ne l'est pas non plus. Boss. Recueillons avec soin ces rayons échappés de la lumière céleste (détails de la Genèse sur la création): loin d'offusquer la vérité, ils ne peuvent qu'y ajouter un nouveau degré d'éclat et de splendeur. » BUFF. « Sans la sainteté, sire, tout l'éclat de votre couronne, toute la splendeur de votre règne, ne sont rien. » BOURD. « Qui a donné l'être et le nom à cette multitude d'étoiles qui décorent avec tant de splendeur le firmament?» MASS.

1° LUXE, FASTE;

-

2o MAGNIFICENCE, SOMPLUSTRE, BRILLANT, ÉCLAT. Ces mots repré-TUOSITÉ, SPLENDEUR, POMPE. Tous ces mots sentent dans les objets quelque chose qui les signifient le contraire de la simplicité dans la fait paraître ou ressortir, qui frappe beaucoup la manière dont on vit, dont on fait les choses ou vue. « Il n'y a aucun oiseau en Europe qu'on dont on se montre. puisse comparer au martin-pêcheur pour la netteté, la richesse et l'éclat des couleurs; elles ont les nuances de l'arc-en-ciel, le brillant de l'émail, le lustre de la soie. » Buff.

Lustre se dit particulièrement de la soie et des étoffes; aussi le verbe lustrer ne s'étend-il pas à autre chose. Le lustre tient au poli et au jour sous lequel on regarde l'objet qui, du reste, peut être sombre, peu voyant. « L'eau fait sortir les couleurs de ces pierres et leur donne autant de lustre que le poli le plus achevé. » BUFF. « Sous certains aspects, le plumage de cet oiseau-mouche est d'un vert glacé qui n'a pas moins de lustre que le métal poli. » ID. Quelquefois une chose tire son lustre, comme son relief, de sa position seule ou de son opposition, de son contraste avec une autre ou avec d'autres. Boileau dit que la satire

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Mais luxe et faste se prennent d'ordinaire en mauvaise part. « On imputait aux mauvais rois tous les désordres qui viennent du faste, du luxe et de tous les autres excès qui jettent les hommes dans un état violent. » FÉN. Le ravage des guerres appauvrit moins les hommes que le luxe, le faste et la mollesse. » ID. « Cyrus ne comprit pas combien tout cela était capable de corrompre la pureté des anciennes mœurs, et de rendre le goût du faste et du lure bientôt dominant, » ROLL. « Les censeurs citèrent à leur tribunal M. Emilius Lépidus comme coupable de luxe et de faste, parce qu'il louait six mille sesterces la maison qu'il occupait. » ID. « Les peuples de l'Asie, avant Cyrus, avaient des vices, ils connaissaient le faste; mais le luxe n'avait pas encore répandu son poison mortel sur toutes les parties de la société. » COND. Au contraire, magnificence,

somptuosité, splendeur et pompe se disent en bien ou en mal indifféremment, et même plutôt en bien. « Manque-t-il rien dans l'univers de tout ce qui peut servir, non-seulement à l'entretien nécessaire et commode, mais à la splendeur et à l'éclat, mais à la somptuosité et à la magnificence ?» BOURD. « Nos ancêtres étaient pénétrés de cette maxime, que ce qui est dans les grands splendeur, somptuosité, magnificence est dissipation, folie, ineptie dans le partiIl n'est pas rare de trouver

temps de Cyrus, le luxe de la table consistait dans l'abondance plutôt que dans la délicatesse. Ce n'était pas deux fois par jour une profusion de mets, apprêtés avec élégance, et étalés avec faste. » COND.

« On est parvenu enfin à ne plus mettre le luxe que dans le goût et la commodité. La foule de pages et de domestiques de livrée a disparu, pour mettre plus d'aisance dans l'intérieur des maisons. On a laissé la vaine pompe et le faste extéculier.» LABR. rieur aux nations chez lesquelles on ne sait endans nos meilleurs écrivains des oppositions core que se montrer en public, et où l'on ignore telles que celles-ci : « La somptuosité du langage l'art de vivre. » VOLT. « Ce n'est point par l'éclat de Tite-Live aurait été du faste dans les mémoires des richesses, par le faste des équipages, par le de César. » MARM. « Scipion n'était point ennemi luxe et les dépenses de la table qu'un roi doit se d'une certaine élégance de mœurs, ni même de distinguer. » ROLL. la magnificence, pourvu qu'elle ne dégénérât point en luxe. » ROLL.

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2° Magnificence, somptuosité, splendeur, pompe. Ces mots se rapportent à la manière dont les grands, les princes, les États vivent, font les choses ou se montrent, et la représentent comme large, exempte d'épargne, distinguée.

Un autre caractère distinctif du luxe et du faste, c'est qu'ils sont de tous les états; au lieu que la magnificence, la somptuosité, la splendeur et la pompe ne regardent que les conditions éle- Magnificence annonce une manière noble, gévées. Le goût du luxe et du faste peut être géné-néreuse, belle. « La magnificence paraît dans ral dans un pays; on n'attribue de magnificence, les grands travaux consacrés à l'utilité publique, de somptuosité, de splendeur et de pompe qu'aux dans les ouvrages qui attirent de la gloire à la hommes ou à ce qui concerne les hommes consi-nation, qui impriment du respect aux sujets et dérables par leur rang ou par leur fortune. « Le peuple romain, dit Cicéron, hait le luxe dans les particuliers; mais il aime la magnificence dans ce qui regarde le public. » ROLL.

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1o Luxe, faste. Abus, défaut ou vice, qui consiste à manquer de simplicité ou à blesser la simplicité dans la manière dont on vit, dont on fait les choses ou dont on se montre.

aux étrangers, et rendent immortels les noms des princes. » Boss. « Les Grecs et les Romains ont célébré la magnificence et la grandeur de Thèbes.> ID. « Tout était grand dans les édifices du palais de Salomon.... Tout y reluisait d'or et de pierreries. Les citoyens et les étrangers admiraient la majesté des rois d'Israël. Le reste répondait à cette magnificence. » ID. « L'Allemagne est deveLuxe, du latin luxus, luxe, profusion, intem- nue aussi florissante que l'était l'Italie au pérance, mollesse, débauches, emporte l'idée xvi° siècle, lorsque tant de princes entretenaient d'excès, de superfluité, de recherche immodérée dans leurs cours la magnificence et la politesse. » des aises et des commodités. « Le luxe n'est VOLT. « La nature étale ici toute sa magnififondé que sur les commodités qu'on se donne par Cence. ACAD. « J'ai été beau, magnifique, tout le travail des autres. » MONTESQ. « Ragoûts, li- couvert de gloire. » (Alcibiade.) FÉN. « Il faut queurs, entrées, entremets, tous mots qui ne qu'une personne comme vous, qui êtes magnifiservent qu'à entretenir le luxe et la gourman-que, et qui avez de l'inclination pour les belles dise.» LABR. « Ne souffre point les hommes occupés à des arts qui entretiennent le luxe et la mollesse.» FÉN. « Le luxe consiste dans un travers de l'imagination, qui nous fait trouver notre bonheur à jouir des choses dont les autres sont privés on n'est pas mieux vêtu avec un drap d'or qu'avec un drap de laine; on ne fait pas meilleure chère avec des mets rares qu'avec des mets communs; et celui qui ne peut aller qu'en carrosse n'est pas plus heureux que celui qui va à pied. » COND.

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choses, ait un concert de musique chez soi tous les mercredis ou tous les jeudis. » MOL.

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Somptuosité, de somptuosus, coûteux, dispendieux, venu lui-même de sumptus, frais, somme employée à faire certaines choses, annonce une manière libérale, qui ne plaint pas la dépense, et dans les choses qu'on fait de la richesse. « Dans une cour, tous, à l'envi, cherchent à se montrer, à se signaler par la somptuo sité et la dépense. » BOURD. « Luculle crut devoir substituer à la gloire des armes celle de la magnificence. Il employa des sommes immenses pour ses bâtiments et pour ses jardins: il fit encore de plus grandes dépenses pour sa table; il voulait que chaque jour elle fût servie avec la même somptuosité, n'y eût-il personne de dehors. » ROLL. « Les préteurs foulaient le peuple par une suite nombreuse de domestiques et d'amis, et par des dépenses excessives en jeux, en festins, et autres pareilles somptuosités. » ID. « La parure des Parisiennes est plus recherchée que magnifique; il y règne plus d'elegance que de richesse. La rapidité des modes et la propreté les préservent d'une somptuosité ridicule. » J. J.

« Un homme fait de grandes dépenses, il est vraisemblable qu'il est libéral; mais peut-être que ce n'est pas tant libéralité qu'une somptuosité mal réglée. » Boss. « L'excès vous est devenu nécessaire, vous estimez pauvre tout ce qui n'est pas somptueux. ID.

Pompe, du greс яоμяй, mission, envoi, cortége, procession, marche triomphale, annonce quelque chose de solennel, comme est une cérémonie dans laquelle un personnage principal a une suite belle et nombreuse. Les pompes triomphales, l'entreprise des pompes funèbres Splendeur, grand éclat de lumière, annonce (ACAD.); dans la pompe d'un convoi (ROLL.). une manière brillante, illustre. « La reine d'An- « Ces combats étaient suivis d'une procession gleterre, arrivée avant son mari (Jacques II), fut générale, où l'on portait avec grande pompe et étonnée de la splendeur qui environnait le roi de grande cérémonie un voile brodé d'or, où France, et de cette profusion de magnificence étaient tracées artistement les actions guerqu'on voyait à Versailles. » VOLT. Quand il est rières de Pallas contre les titans et les géants.>> question de quelque chose d'éblouissant, de ca- ROLL. « La pompe et la grandeur des anciens pable de frapper vivement les yeux, splendeur | rois de l'Asie n'approchaient pas de l'éclat de étant le mot propre renchérit naturellement sur ce voyage de Louis XIV, Trente mille hommes magnificence. L'ordre corinthien fut inventé précédèrent ou suivirent la marche du roi. pendant la magnificence et la splendeur de Co-Il menait avec lui la reine sa femme, toutes rinthe. » ROLL. « Tout ce qui avait servi en Italie était comblé par Vaudemont de politesse, gorgé d'argent, et charmé de la splendeur, car ce serait peu dire de la magnificence, dans laquelle il vivait. » S. S.

les princesses et les plus belles femmes de sa cour.» VOLT. L'orgueil des grands paraît jusques après leur mort en la pompe de leurs funérailles, et surtout en la magnificence de leurs tombeaux. ВOUн.'

M

mortifie par des déplaisirs, des dégoûts, des cha--
grins, en réprimant ses appétits, en se refusant
ce qui plaît le plus et en pratiquant ce qui cause
le plus de répugnance. Au lieu d'être purement
corporelle comme la macération, la mortification
regarde aussi l'esprit on macère son corps ou sa
chair seulement; on mortifie aussi ses sens, ses
passions, ses vices, son esprit. « Tout ce que
nous faisons pour le salut est inutile, s'il ne se
rapporte au règlement du cœur, et à l'entière
mortification des vices et des désirs. » MASS.
« Obliger les pécheurs à tout ce que l'Évangile a
de plus austère, aux rigueurs de la pénitence,

MACÉRER, MORTIFIER, MATER. Ces mots ne, du plaisir. Si on se macère par le jeûne, on se sont synonymes qu'au figuré, dans la langue ascétique, où ils signifient s'imposer des châtiments, des austérités par esprit de pénitence. Macérer ne se dit que du corps, et c'est le rendre maigre (macer), l'affliger par le jeûne principalement. « Prendre le sac et le cilice, se couvrir de cendres, jeûner et macérer son corps.» BOURD. « Les schismatiques ont aboli la confession, supprimé toute l'austérité de la satisfaction, décrié les macérations du corps, fait cesser l'obligation du jeûne. » ID. « Les austérités et les macérations de la pénitence. » ID. « Se macérer par des jeûnes et par d'autres austérités. » Boss. « Je ne vous demande pas, pour cela (pour venger Jésus-Christ), ni des jeûnes continuels, ni des macérations extraordinaires. » ID. Massillon appelle les jours de carême « des jours de macération et d'abstinence. » — Au propre, macérer des substances, particulièrement des plantes, c'est, en les faisant infuser à froid dans l'eau ou dans quelque autre liquide, les amaigrir en quelque sorte comme on le fait à l'air en les desséchant, c'est les décharger de ce qui est comme leur graisse, de leurs sucs, de leurs principes solubles. «< Après avoir bien bassiné ma plaie, elle y appliqua des fleurs de lis macérées dans l'eau-de-vie, vulnéraire excellent et trèsusité dans notre pays. » J. J.

1. Pompe et magnificence en particulier se disent aussi de la manière de s'exprimer, et la font concevoir comme grande et éclatante. Mais pompe est plutôt concret, et magnificence abstrait. « Ne semblait-il pas qu'un mystère (celui de l'incarnation), dont les figures mêmes avaient été si pompeuses et les promesses si magnifiques, aurait dû s'accomplir avec plus d'éclat? » MASS. « Dans tout le reste (du discours de Mithridate dans Racine) la magnificence du style, la pompe des images, est égale à l'élévation des pensées. » LAH. On dit bien la magnificence (ACAD.), mais non pas la pompe, des idées. D'autre part, dépeignant surtout l'étalage et l'appareil, pompe est propre à renchérir sur magnificence et se prend plus ordinairement en mauvaise part dans le sens d'emOn mortifie proprement la chair; car primiti phase, de grand faste, ou de faste dans un genre vement mortifier, c'est faire que la viande de- élevé, où on vise à étre sublime. « Parlons sans vienne plus tendre. « Les Calmouks mangent la figures, et ne cherchons point de magnifiques et de chair de cheval, de chameau, etc., crue ou un pompeuses expressions pour soutenir un sujet qui peu mortifiée sous la selle de leurs chevaux. » par lui-même est au-dessus de toute expression, >> BUFF. Or, la chair, en termes de l'Ecriture, se BOURD. « Les apôtres n'ont point cherché la vaine pompe et les grâces frivoles des orateurs païens; ils prend pour la sensualité; si bien que la mortifise sont contentés de prêcher Jésus-Christ avec toute cation attaque et affaiblit, non pas le corps pré- la force et la magnificence du langage de l'Écriture.» cisément, mais les désirs, les passions, l'amour Fix. Pompeux galimatias (ACAD.).

au crucifiement de la chair, à la mortification de l'esprit.» BOURD.

Mater, c'est, au jeu des échecs, réduire le roi, par l'échec qu'on lui donne, à ne pouvoir sortir de sa place. Ensuite, c'est, en parlant des animaux, les réduire, parvenir à les dompter, à les apprivoiser. « Après qu'on a maté ces éléphants sauvages (qu'on vient de prendre) pendant quelques jours par la faim et par la soif, on entre dans l'enclos. Comme ils sont extrêmement affaiblis, ils ne résistent pas longtemps.... Ainsi domptés, ils se laissent conduire.... On les apprivoise.» ROLL. Enfin, dans le style de la dévotion, c'est soumettre le corps et la chair, les réduire en servitude, les assujettir, après avoir abattu leur fierté et leur arrogance. « Notre chair est une chair rebelle, et il n'est pas possible de la tenir dans la soumission et dans l'ordre, si l'on ne prend soin de la réduire sous le joug, à force de la châtier et de la mater. » BOURD. a Combien en voyez-vous qui, dans l'opulence, s'étudient à mater leur corps et à le réduire en servitude?» ID. Ainsi, on macère son corps en l'exténuant; on le mortifie en le chagrinant, en le tourmentant par la répression de ses désirs, par l'extinction du feu de la concupiscence; on le mate en le subjuguant, en le rendant docile et désormais incapable de résistance. Les saints se sont macérés, il ont châtié leur corps par le jeûne, les privations, les veilles, les disciplines et les autres exercices de la pénitence; ils se sont mortifiés, ils ont renoncé, non-seulement aux plaisirs du corps, mais encore à ceux de l'esprit et du cœur, ils ont combattu toute leur nature sensible, ils l'ont affligée de mille manières, et l'ont traitée avec une impitoyable dureté; ils se sont matés, c'est-à-dire domptés, et par là ils ont acquis sur eux-mêmes un empire absolu.

1° MAGIE, CHARME, ENCHANTEMENT, CONJURATION; 2° SORT, SORCELLERIE, SORTI- | LÉGE, MALÉFICE, ENSORCELLEMENT, FASCINATION. L'idée commune à tous ces mots est celle d'un art prestigieux, d'un art prétendu, auquel la superstition ou l'ignorance attribue le pouvoir d'opérer d'une manière occulte et surnaturelle des effets réels ou imaginaires.

Mais les quatre premiers n'expriment rien de fâcheux, au lieu que les six derniers se prennent en mauvaise part. Ce peut être tout au moins sans préjudice pour personne que le magicien emploie les charmes, les enchantements et les conjurations; mais le sorcier tient ses pouvoirs du diable, du génie du mal, et c'est d'ordinaire pour nuire qu'il emploie le sort, la sorcellerie, le sortilége, le maléfice et la fascination. Un affranchi, à force de soin et de travail, avait rendu son champ bien plus fertile que ceux de ses voisins. Ceux-ci l'accusèrent d'user de magie pour procurer à sa petite propriété une fertilité si étonnante, et d'employer des sortiléges pour rendre leurs terres stériles (ROLL.). Les verbes charmer, enchanter et conjurer marquent figurément la production d'un effet agréable ou avantageux; ensorceler et fasciner, au contraire, signifient agir sur l'esprit d'une manière mauvaise ou funeste.

1° Magie, charme, enchantement, conjuration. Magie est général, et désigne l'art même : on dit absolument, la magie, croire à la magie, les curiosités, les opérations de la magie. Dans le pouvoir de chasser les démons était compris celui de détruire les opérations de la magie; car la magie fut toujours enseignée chez toutes les nations. VOLT. « Quelques-uns ont soupçonné Empedocle de magie.... Il semble qu'il ait voulu lui-même marquer dans ses poésies qu'il avait quelques connaissances secrètes de cette nature. lorsqu'il dit à Gorgias qu'il ne veut apprendre qu'à lui seul les secrets dont il faut se servir pour guérir toutes sortes de maladies, rajeunir les vieillards, exciter les vents, apaiser les tempêtes, faire venir la pluie et la chaleur, et enfin donner la vie aux morts et les faire revenir de l'autre monde. » FÉN.- Charme, enchantement et conjuration sont particuliers ou relatifs à des applications de cet art faire ou rompre un charme, un enchantement, une conjuration. Les Juifs ont dit que Jésus-Christ avait fait ses miracles par magie, par des charmes, des enchantements, des conjurations (Boss.). « Les deux partis croyaient fermement à la magie.... On faisait plusieurs conjurations par le moyen du mot Abraxas. » VOLT.

Charme et enchantement se ressemblent beaucoup. L'un vient de carmen, chant, et l'autre de cantare in, chanter dans, sur ou contre. C'est en chantant et plus tard en prononçant certains mots consacrés ou certaines formules que les magiciens étaient supposés opérer leurs prodiges. On trouve dans Virgile :

et

Carmina vel cœlo possunt deducere lunam;

Frigidus in pratis cantando rumpitur anguis.

Mais charme est un substantif pur: au lieu de dériver d'un verbe, il sert à en former un, charmer. Enchantement, au contraire, est un substantif verbal.

De là il suit que le charme est une chose, un objet, et l'enchantement un fait, une action ou un état. On porte sur soi un charme ou des charmes (ACAD.), on en attache au cou de quelqu'un (FÉN.), les Juifs au moyen âge vendaient des philtres et des charmes (VOLT.), Socrate disait qu'il en avait pour gagner et s'attacher la jeunesse athénienne; mais l'enchantement commence ou cesse, on est dans l'enchantement ou on en sort. « Les pavots que le sommeil répand sur la terre apaisent tous les noirs soucis par leurs charmes, et tiennent toute la nature dans un doux enchantement. » FÉN. Le charme est plus ou moins fort ou efficace; l'enchantement dure plus ou moins, est plus ou moins long. On lève un charme comme on lève un emplâtre; on rapporte des enchantements comme on rapporte des miracles ou des faits quelconques.

La conjuration est un enchantement dans lequel on emploie des paroles, des pratiques, des cérémonies, des invocations ou des exorcismes. Un compositeur d'opéras fait des tempêtes, des tremblements de terre, des conjurations magiques (MARM.). Voltaire rapporte une conjuration dont on se servait encore au temps de Rabelais

pour se faire aimer des filles. « Le secret consistait à prendre un cheveu de la fille; on le plaçait d'abord dans son haut-de-chausse; on faisait une confession générale; on faisait dire trois messes pendant lesquelles on mettait le cheveu autour de son cou; on allumait un cierge bénit au dernier évangile, et on prononçait cette formule: O cierge! je te conjure.... » De plus, la conjuration a pour but ordinaire d'écarter de grands maux, de chasser les démons ou de détourner des fléaux. Que si, au lieu d'être dirigée contre le diable, la conjuration quelquefois l'appelle, c'est moins pour user de son pouvoir contre quelqu'un que pour apprendre quelque chose de caché. « Le démon, malgré la force des conjurations qu'elle employait pour l'obliger à révéler l'avenir, avait la malice de la tromper. LES. Dans son voyage en Laponie Regnard raconte que, par curiosité, il alla consulter un magicien du pays sur ce qui se passait en France. Celui-ci, qui prétendait avoir un démon à ses ordres, eut recours à son tambour et à son marteau, qui sont des instruments magiques; mais il eut beau faire des conjurations (REGN., LAH.) et des grimaces, se frapper le visage, se mettre tout en sang, le diable n'en fut pas plus docile.

α

2o Sort, sorcellerie, sortilége, maléfice, ensorcellement, fascination.

Le sort est, comme le charme, une chose ou
un objet on le jette, on le met, on le donne.
Et quitte ce morveux et l'amour qu'il te donne.
C'est quelque sort qu'il faut qu'il ait jeté sur toi.

MOL.

La sorcellerie est l'art ou le métier : accusation de sorcellerie (VOLT.), histoire, jurisprudence de la sorcellerie (ID.), enseigner la sorcellerie (ID.), savant en sorcellerie (ID.). « On a banni l'astrologie judiciaire, la sorcellerie, la possession du diable, la baguette divinatoire, la panacée universelle et les jésuites. » ID. « Les protestants du Nord ont été assez imbéciles et assez cruels pour faire brûler deux ou trois misérables accusés de sorcellerie.» ID. « Erasme lui-même conte des histoires de sorcellerie auxquelles il croit.» COND.

Sortilège se prend quelquefois comme sorcellerie pour l'art du sorcier, mais c'est dans un style plus sérieux ou plus noble. « Que penser de la magie et dy sortilége? » LABR. Sous Gengis, le sortilège fut expressément défendu, sous peine de mort. Charlemagne ne le punit que par D'ordinaire sortilége des amendes. » VOLT. exprime une application du sort, un fait où ce moyen mystérieux de nuire est employé, une pratique ou un trait de sorcier. « On ne voit pas d'idoles en Jacob; on n'y voit point de présages superstitieux, on n'y voit point de divination ni de sortiléges. Boss. « Horace reproche à Sagana et à Canidia leurs horribles sortiléges. VOLT. Dans le pays où on cessa d'exorciser, on remarqua que le nombre énorme de possessions et de sortiléges diminua beaucoup. » ID. « Dans les Ensorcelés de Favart, il y a deux enfants à qui on fait accroire qu'on a jeté un sort sur eux, et qui s'en accusent réciproquement jusqu'à ce qu'ils en viennent à se guérir du sortilège comme Alain et Nicette. » LAH.

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sont

Le maléfice (maleficium, mauvaise action, méfait) ne diffère du sortilège que parce qu'on le considère au point de vue moral ou légal, comme criminel. Ces sciences curieuses (l'astrologie judiciaire et la chiromancie), qui servent de couverture aux sortiléges et aux maléfices, condamnés dans tous les Etats. » Boss. « Au concile d'Orléans, en 1017, les manichéens furent condamnés par le roi Robert, autant pour leurs maléfices et leurs sacriléges que pour leurs erreurs. ID. « Si, depuis 1672, il y a eu encore des accusations de maléfices, les juges n'ont condamné d'ordinaire les accusés que comme des profanateurs qui d'ailleurs employaient le poison. » VOLT. - D'autre part, le maléfice est quelquefois un objet non pas abstrait, comme le sort, mais concret, matériel, c'est-à-dire la drogue ou le composé dont on se sert pour commettre le crime. « Domitius Afer, qui cherchait à se faire un nom, chargea Claudia d'adultère avec Furnius, de poisons et de maléfices destinés à l'empereur. » D'AL. « Cette esclave est une chrétienne; ces gens-lå ont des maléfices, et je crois qu'elle en use pour vous inquiéter. » MARM. « On ouvrit la chambre du sorcier; on y trouva les maléfices et il fut condamné à être pendu. VOLT.

On la vient voir, cette sorcière,
Pour trouver de l'argent perdu,
Pour de la corde de pendu

SCARR

D

Dont elle fait ses malefices. L'ensorcellement est l'action d'ensorceler, de jeter un sort sur quelqu'un, d'exercer contre lui la sorcellerie, d'employer contre lui un sortilége ou un malefice, ou bien c'est le résultat de cette action. Pendant l'ensorcellement le sorcier fait ceci ou cela, se tient dans tel ou tel endroit. L'ensorcellement de telle personne eut lieu à telle époque, dans telles ou telles circonstances, dura tant d'années, fut ou ne fut pas constaté, causa la mort du maléficié, etc.

La fascination est un ensorcellement partiel, dont l'effet se borne à empêcher de voir les choses telles qu'elles sont. « Ecoutez le sage: la vie humaine est une fascination, une tromperie des yeux: on croit voir ce qu'on ne voit pas; on voit tout avec des yeux malades. Mais vous l'aimiez si éperdument, et maintenant vous ne l'aimez plus? J'étais ébloui; j'avais les yeux fascinés; je les avais troubles. » Boss.

MAINTENIR, SOUTENIR. Empêcher qu'une chose ne tombe ou ne succombe, ne défaille ou ne soit détruite. Ils se disent, au propre, d'un bâtiment, mais plus souvent au figuré, en parlant de diverses choses, et, par exemple, d'un Etat, de l'autorité, de l'honneur, de droits, d'intérêts, etc. On maintient et on soutient une personne dont on assure la position. Maintenir et soutenir se prennent aussi l'un et l'autre dans le sens d'affirmer.

Mais maintenir, tenir la main ou par la main, a rapport à la durée, il marque une continuité d'assistance; soutenir, tenir par dessous ou en dessous, se distingue davantage par l'idée de force, il annonce un secours puissant, plutôt énergique que durable, et plutôt physique que

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