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pense qu'elles sont folles toutes deux, et je ne puis rien comprendre à ce baragouin. » MoL.

L'argot est un jargon inventé tout exprès par les gueux et les voleurs, afin de pouvoir s'entretenir en public sans crainte d'être entendus. « Les petits voleurs ont entre eux un dictionnaire qu'ils appellent argot: les mots de vol, larcin, rapine, ne s'y trouvent point; ils se servent des termes qui répondent à gagner, reprendre. » VOLT. Il se dit ensuite d'un jargon convenu entre gens qui ne sont ni des gueux ni des voleurs, mais dont on fait peu de cas. « Les jansénistes appellent leur union l'ordre: c'est leur argot; chaque communauté, chaque société a le sien.» VOLT. « On voit ce que veuleut dire, dans l'argot révolutionnaire, ces mots mouvement, opération et cent autres du même genre: partout massacre et pillage sans exception. » LAH.

LARMES, PLEURS. Expression des sentiments de l'âme par l'épanchement d'une eau qui coule des yeux.

Larmes est un substantif pur: il désigne un objet, l'eau même qui sort de l'œil. Pleurs est un substantif verbal : il a rapport au verbe pleurer, qui en vient et signifie un fait, celui de témoigner par des larmes ce qu'on sent. On sèche ou on essuie ses larmes (ACAD.); on cesse ses pleurs (LAF.) ou on les continue (J. J.). Les larmes ont une source; les pleurs sont une sorte d'action comme les cris, les plaintes, les gémissements. Certaines personnes, après que le temps a fait cesser la douleur qu'elles avaient en effet, ne laissent pas d'opiniâtrer leurs pleurs, leurs plaintes et leurs soupirs; elles prennent un personnage lugubre, et travaillent à persuader, par toutes leurs actions, que leur déplaisir ne finira qu'avec leur vie.... Il y a encore une autre espèce de larmes qui n'ont que de petites sources, qui coulent et se tarissent facilement. » LAROCH. On dit un torrent, un ruisseau, une fontaine de larmes, laver ses crimes par ses larmes (Boss.); et, d'autre part, éclater en pleurs, en cris, en plaintes, en douleurs excessives (SÉv.), être interrompu en parlant par ses soupirs et par ses pleurs (VOLT.). On voit des larmes, on entend des pleurs; et c'est à tort que Voltaire a repris cette dernière expression dans plusieurs vers de Corneille.

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une seconde différence. Quand il signifie la même chose que le mot larmes, il se dit seulement de celles qu'on verse avec bruit, avec éclat, et qui sont l'expression d'une douleur violente. Larmes se prend dans un sens plus général : toute cause physique qui produit une compression des muscles de l'œil fait couler des larmes, et non des pleurs; il y a des larmes et non des pleurs de joie; on rit aux larmes et non aux pleurs. Mais lorsque les deux mots s'emploient comme représentatifs de sentiments de douleur ou d'affliction, auquel cas leur synonymie est le plus étroite, les larmes annoncent des sentiments doux, paisibles et silencieux des larmes de tendresse ou d'attendrissement (VOLT.), les larmes de la pénitence. <<< Voyez ruisseler ce sang et cette eau du côté percé de Jésus; c'est l'eau sacrée du baptême, c'est l'eau de la pénitence, l'eau de nos larmes pieuses. » Boss. « M. le cardinal de Bouillon est touché de votre lettre, et persuadé de vos sentiments; il a toujours les larmes aux yeux : je lui ai parlé de vos douleurs. » SEV. « Tout sentiment qui n'est pas à sa place séche les larmes qu'une situation attendrissante faisait couler.» VOLT.

Ah! de grâce, seigneur, épargnez ma faiblesse;
J'ai besoin de constance en l'état où je suis.
Ne fortifiez point l'excès de mes ennuis

Des larmes de votre tendresse.

(Psyché à son père). MOL. Les pleurs, au contraire, sont le signe éclatant de sentiments remarquables par leur force et leur énergie: des pleurs de rage, de désespoir. « Où iront les méchants, si ce n'est aux pleurs, au désespoir, à la rage, au grincement de dents, à l'éternelle fureur ?» Boss. « Son amant pressait sa main qu'il baignait de pleurs, et éclatait en sanglots. » VOLT.

Eh quoi! mes transports furieux, Ces pleurs que mes remords arrachent de mes

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S'excuser de l'éclat qu'il a fait contre nous, Ses pleurs, son désespoir d'avoir pu nous déplaire, Sont un charme à calmer toute notre colère. MoL. << Il ne faut pas que les larmes d'une absence soient aussi lugubres que les pleurs des funérailles. SAINT-EVREMOND. « Les malades et les blessés conjuraient avec larmes les fuyards de les emmener avec eux; ou, se traînant après eux, iis les suivaient le plus loin qu'il leur était possible, et quand les forces venaient à leur manquer, ils avaient recours aux pleurs, aux plaintes, aux imprécations. » ROLL.

Les larmes sont touchantes ou attendrissantes, les pleurs pathétiques. Andromaque verse des larmes; pour Hermione, il n'y a que des pleurs.

Pleurs ne se dit guère qu'au pluriel parce qu'il suppose un accompagnement de plaintes, de cris, de lamentations qui n'est pas compris dans le sens de larmes.

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1° Las, fatigué.

Las et fatigué sont des mots beaucoup plus usités que les suivants.

Las est subjectif, et fatigué objectif : l'un fait penser à l'état et à la disposition du sujet, l'autre à la cause qui l'y met ou qui tend à l'y mettre et qui ne parvient quelquefois qu'à le peiner sans le rebuter. « Les chimistes manquent souvent de courage et de constance, ils se lassent à cause de la fatigue et de la dépense. » MAL. « Avec une complaisance que ma curiosité fatiguait quelquefois, mais ne lassait jamais, il voulait bien m'instruire de ce que la Hollande avait. d'intéressant. MARM. « J'assurai bien que les comédiens pourraient me fatiguer, mais qu'ils ne me lasseraient point, et que je mettrais tout le temps et les soins convenables à découvrir jusqu'où la Comédie-Française pouvait porter le crédit d'être impunément injuste. >> BEAUM.

La lassitude est impuissance ou aversion pour le travail ou le mouvement; elle peut être spontanée, elle peut nous prendre sans que nous ayons rien fait. La fatigue, au contraire, est toujours la suite d'un travail ou d'un mouvement qui a considérablement diminué les forces. On se lasse d'attendre, à rester debout; on est las de ne rien faire. « Je suis las sans avoir encore rien fait. ACAD. « César, à peine sorti des guerres civiles, était déjà las du repos. » ROLL. Ulysse savait qu'il ne faut attaquer les passions que quand elles commencent à s'affaiblir par une espèce de lassitude.» FÉN. Mais on se fatigue à courir, à poursuivre quelqu'un, à se battre, à faire des efforts. « L'attention fatigue beaucoup l'esprit. » MAL.

RAC.

Lui-même, fatigué d'un long siége inutile.... « La mère de toute la famille prépare un repas simple à son époux et à ses chers enfants, qui doivent revenir fatigués du travail de la journée.» FÉN. -« Israël, fatigué de ses révoltes, de ses malheurs, de sa vaine crédulité, et las de toujours attendre un Messie, qui est déjà venu, se réveillera. Boss.

Lorsque la lassitude est produite, elle l'est par des choses indifférentes ou même agréables, qui finissent par ennuyer, par déplaire à cause de leur uniformité ou parce qu'on en est rassasié; au lieu que la fatigue suppose toujours quelque chose de penible, de violent ou d'onéreux. « Les Syracusains étaient las de Gylippe, et fatigués de la guerre. ROLL. « D'où vient que les richesses inquiètent l'homme, que les honneurs le fatiguent, que les plaisirs le lassent ?» MASS. a Les plaisirs lassent, les passions fatiguent. » ID.

Croyez-moi, chère Esther, ce sceptre, cet empire,
Et ces profonds respects que la terreur inspire,
A leur éclat pompeux mêlent peu de douceur,
Et fatiguent souvent leur triste possesseur.
Je ne trouve qu'en vous je ne sais quelle grâce,
Qui me charme toujours et jamais ne me lasse.
(Assuérus). RAC.

Enfin, la lassitude est moins forte et moins

rude que la fatigue, ce n'est souvent que de
l'ennui, de la satiété ou du dégoût; aussi fatigué
enchérit-il sur las. « Quelle complication d'hor-
reurs! Je suis las de les raconter, fatigué de les
éprouver.» BEAUM. « Il est bon d'être lassé et
fatigué par l'inutile recherche du vrai bien. »
PASC.« Dans ces objets, la difficulté d'être aper-
sus n'est pas telle qu'elle lasse et fatigue le
sens. » DESC. « Le comte de Flandre allait à pied,
et seul, par des sentiers inconnus. Lassé et fali-
gue, il se cacha, pour se reposer, derrière un
buisson. Boss. « Les soldats reconnurent avec
Joie que leur général n'avait pas voulu les mener
au combat las et fatigués comme ils étaient »
ROLL.

Savez-vous bien, ma mie, enfin que tout ceci
M'ennuie étrangement, me lasse et me fatigue?
REGN.

2° Harassé, excédé, rendu, recru.

Harassé, excédé, rendu et recru, outre qu'ils se disent plus rarement, sont des superlatifs et signifient très-fatigué. Mais on est harassé par un trop grand travail; excédé par une trop grande charge; rendu et recru par une trop grande marche.

Comme un cheval qui se fatigue dans un haras jusqu'à s'épuiser, un homme harassé s'est tellement exercé, a tellement dépensé de forces, qu'il ne lui en reste plus. « Je suis harassé de fatigue; je bâtis, je commente, je suis malade. » VOLT. « Après tant de courses malheureuses, fatigué, harassé, honteux d'avoir cherché tant de vérités, et d'avoir trouvé tant de chimères, je suis revenu à Locke. » ID. «Notre armée harassée à l'excès et sans utilité. S. S. « Don Quichotte était tout harassé et plein de sueurs des terribles coups qu'il avait appliqués sur le lit et ailleurs, en voulant attraper le prétendu géant.» LES. « En Espagne, la disette eût chassé César ou l'eût consumé à la longue, et de siège en siége, de poste en poste, les légions harassées auraient péri insensiblement. » MARM.

α

La personne excédée porte plus qu'elle ne peut, a sur les épaules un fardeau qui surpasse ses forces, qui va au delà, qui l'accable. « Les chameaux jettent des cris lamentables, lorsqu'on les surcharge; cependant, quoique continuellement excédés, ils ont autant de cœur que de docilité. » BUFF. Les ânes ne se couchent pour dormir a Vous êtes erque quand ils sont excédés. » ID. cédée d'écriture. » SÉv. « Je suis excédé de lettres, de mémoires, de vers, de louanges, de critiques, de dissertations; tout veut des réponses. > J. J. « Le convalescent fait partir aujourd'hui le plus énorme paquet dont jamais vous ayez été excédé. » VOLT. « Ceux qui sont aussi excédés que moi de l'insupportable babil qui a pris la place de la chanson. LAH. Un esclave excédé de

coups (ID.); on excède continuellement l'âne de fatigues et de coups (BUFF.).

Rendu et recru s'appliquent primitivement à un cheval qui, ayant fourni une course, est rendu ou remis à l'écurie.

Récroire, suivant du Cange et Ménage, a signifié autrefois la même chose que rendre. Mais comme récroire est totalement désusité, recru est suranné lui-même. « Il prend un fusil, le voilà chasseur, s'il tirait bien. Il revient de nuit, mouillé et recru, sans avoir tué. » LABR.

Manquer la bête enfin (à la chasse), après avoir

couru,

SCARR.

|

impudicités. « L'affreux débordement des mœurs obligeait les empereurs de faire des lois pour arrêter à un certain point l'impudicité. » MONTESQ. « L'impudicité, l'adultère, l'inceste, le viol, le rapt avaient leurs exemples parmi les dieux du paganisme. » MARM. « L'empereur déchira la mémoire d'Agrippine, l'accusant d'impudicité, d'adultère avec Asinius Gallus. » D'AL.

Entre la lasciveté et la lubricité, il n'y a qu'une différence de degré la lubricité est une grande lasciveté, une lasciveté en quelque serte irrésistible. L'homme lascif, lascivus, est vif, pétulant, plein d'ardeur. a Avec un tempérament très-ar

l'âge de puberté sans désirer, sans connaître d'autres plaisirs des sens que ceux dont Mlle Lambercier m'avait donné l'idée. » J. J. L'homme lubrique, du latin lubricus, qui glisse, qui ne peut sẽ retenir sur une pente, est entraîné vers son objet avec la plus grande force qui se puisse concevoir. « A Patane, la lubricité des femmes est si grande, que les hommes sont contraints de se faire de certaines garnitures pour se mettre à l'abri de leurs entreprises » MONTESQ.

Et revenir bien tard, mouillé, las et recru. REGN.dent, très-lascif, très-précoce, je passai toutefois Jamais on ne vit tel orage.... Les pauvres malheureux Troyens, Las el recrus comme des chiens, Vidèrent lors toutes leurs tripes. Rendu, au contraire, n'a pas vieilli. « Le loup court tout un jour sans être rendu. » BUFF. Quoique l'âne puisse d'abord courir avec assez de vitesse, il ne peut fournir qu'une petite carrière pendant un petit espace de temps; et quelque allure qu'il prenne, si on le presse, il est bientôt rendu. » ID. « Lorsqu'un homme aura marché autant de jours qu'il sera nécessaire pour que le cheval soit rendu, l'homme sera encore en état de continuer sa route sans en être incommodé. » ID. « Charles XII, à la tête de sa cavalerie, fit trente lieues en vingt-quatre heures, chaque cavalier menant un cheval en main pour le monter quand le sien serait rendu. VOLT. J'arrivais à Eaubonne faible, épuisé, rendu, me soutenant à peine. » J.J.

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LAF.

Six forts chevaux tiraient un coche. L'attelage suait, soufflait, était rendu. LASCIVETÉ, LUBRICITÉ, IMPUDICITÉ, LUXURE, PAILLARDISE. L'idée commune à tous ces mots est celle d'un excès relatif à l'instinct sexuel ou aux plaisirs sensuels de l'amour.

La lasciveté et la lubricité regardent les désirs, ce sont des dispositions; l'impudicité se rapporte à la jouissance, c'est de la galanterie, du libertinage, de la débauche. On est emporté par la lasciveté ou la lubricité; on commet des impudicités : la lubricité d'Appius (VERT.), l'impudicité de Sextus Tarquin (VERT., Boss.). Dire d'une personne qu'elle est lascive ou lubrique, c'est lui attribuer un penchant; dire qu'elle est impudique, c'est inculper sa conduite. La lasciveté et la lubricité ont un caractère physique, dépendent du tempérament, et de là vient que les deux mots se disent des animaux aussi bien que de l'ho me; mais l'impudicité a seule un caractère moral, parce qu'elle exclut quelque chose d'essentiellement moral, le sentiment de la pudeur; aussi ne convient-elle qu'à l'homme seul. C'est en naturaliste que parle Buffon quand il dit que les femmes du Bengale sont, de toutes les femmes de l'Inde, les plus lascives, que le lama est un animal très-lascif, et que la lubricité du singe provient de l'excès de chaleur qui est nécessaire à la pleine vie de cet animal; mais c'est dans l'intérêt des mœurs et de l'ordre que 13 philosophie, la politique et la religion reprennent et cherchent à réprimer l'impudicité ou les

Luxure et paillardise se disent chacun dans une espèce particulière de style; c'est là ce qui les distingue.

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Luxure, luxuria ou luxuries, n'est guère usité qu'en termes de morale chrétienne ou quand on considère le vice au point de vue religieux. « L'usage a relégué luxure dans la morale religieuse. » LAH. « La pratique de mortification la plus efficace contre la luxure est l'abstinence et le jeûne. » BUFF. La luxure est un des sept péchés capitaux, et on l'a souvent personnifiée au moyen âge. Quand les symptômes (de possession) étaient fort compliqués, c'est qu'on avait plusieurs démons dans le corps, un démon de fureur, un de luxure, un de contraction.... VOLT. «< Le jurisconsulte Barthole rédigea la bulle d'or. Il commence par une apostrophe à l'orgueil, à Satan, à la colère, à la luxure. » ID. Luxure se trouve cependant aussi dans la poésie légère et familière, qui se plaît, comme on sait, à recueillir les mots les plus nobles qui vieillissent, ainsi que les laquais portaient autrefois la défroque de leurs maîtres Voltaire s'en sert quelquefois dans la Pucelle, et Lafontaine, dans ses contes et ailleurs.

Méchante femme!

Si j'ai tiré ce rendez-vous de toi,

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une seule fois ces noms odieux, une paillarde, une prostituée, пóρνnу. » Boss.

LAVEMENT, CLYSTÈRE, REMÈDE. C'est, suivant l'expression très-heureuse de Lafontaine dans le conte intitulé Remède, un bain interne. Lavement est le mot ordinaire. Des écrivains autorisés n'ont pas fait difficulté de s'en servir dans le style commun. « Je crois que M. d'Hacqueville vous mande toutes les nouvelles pour moi, je n'en sais point; je serais toute propre à vous dire que le chancelier a pris un lavement. » SEV. « Comment me faire guérir? dit Pangloss. Je n'ai pas le sou, et dans toute l'étendue de ce globe on ne peut ni se faire saigner, ni prendre un lavement sans payer.» VOLT. « Quant à moi, j'aime cent fois mieux voir dans l'émail des prés des guirlandes pour les bergères, que des herbes pour les lavements. » J. J. « Le roi demanda ce qu'elles faisaient là. Voulez-vous le savoir? reprit la duchesse de Bourgogne, c'est que je prends un lavement d'eau. Comment! s'écria le roi mourant de rire, actuellement, lå, vous prenez un lavement? » S. S.

L'une chauffe un bouillon, l'autre apprête un remède.

A la place de ce dernier mot, lavement ou clystère révolterait. A la vérité, remède est vague et équivoque dans cette acception; mais c'est à cause de cela même qu'il est honnête, et il n'est pas nécessaire, dans toutes les circonstances et devant des personnes de toutes sortes, de s'exprimer sur ce dont il est ici question avec la précision d'une ordonnance de médecin.

LE, TOUT. Ces deux mots se mettent également devant les noms appellatifs pour les déterminer : l'homme, tout homme.

Le marque avec précision le genre ou l'espèce; tout exprime la totalité des individus. Le s'emploie dans les propositions universelles, quelles qu'elles soient; et tout dans celles qui servent de prémisses, dans celles d'où on veut tirer des conséquences applicables à des individus. L'homme est faible, l'homme est mortel, se dit en général, sans qu'on veuille en rien conclure, rien au moins de particulier, de relatif à certains hommes: l'homme est faible, l'homme est mortel, c'est la suite de sa condition de créature. Tout homme est faible, tout homme est mortel, se place à la tête d'un raisonnement et annonce une vérité contenant quelque chose qui regarde les individus et qu'on en va déduire : tout homme est faible, donc vous courez risque de succomber aux tentations. ne vous y exposez pas; tout homme est mortel, vous mourrez donc, n'agissez pas, ne faites pas de vastes projets comme si vous deviez toujours vivre.

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LÉGISTE, JURISCONSULTE, JURISTE. Trois mots servant à désigner un homme qui s'occupe de lois, de droit, de jurisprudence, de ce qui regarde la justice ou les tribunaux.

Clystère est le nom grec de la chose, xλvotip, de zλúčev, laver, arroser, devenu clyster en latin. Aussi a-t-il été d'abord le terme spécial des savants. Au temps de Molière, il paraît que les médecins et les apothicaires disaient toujours clystère, tandis que les hommes qui n'étaient pas du métier disaient lavement. Dans le Malade imaginaire, Argan lit dans le mémoire même de M. Fleurant, son apothicaire, le détail de tous les clystères qui lui ont été fournis, clystères insinuatifs, détersifs, carminatifs, etc.; mais quand il fait ses réflexions sur ce compte, et qu'il parle sa propre langue, qui est celle du vulgaire, il se plaint de la cherté des lavements, et prétend que c'est pour n'avoir pas pris assez de lavements Le légiste a telle profession : c'est un homme de pendant le dernier mois, qu'il s'y est mal porté. loi; il est du nombre de ceux qu'on appelle gens Au milieu d'une conversation avec son frère Bé- de robe ou de judicature, on auxquels on donne, ralde, il demande tout à coup à celui-ci la per- en termes de palais et de pratique, le titre de mission de prendre << un petit lavement. » Bé- maîtres. Voltaire, Condillac, Saint-Simon et Sisralde lui répond: « Est-ce que vous ne sauriez mondi nomment légistes les plébéiens instruits, être un moment sans lavement et sans médecine?» qui furent introduits dans les cours de justice Et il le décide à remettre cela à une autre fois. sous le règne de saint Louis, pour suppléer à Mais M. Fleurant et M. Purgon viennent tancer le l'ignorance des barons et des gentilshommes ; rebelle qui a eu l'audace de « mépriser leur clys- espèce d'assistants subalternes, qui parvinrent, tère. De même, dans la Tontine de Lesage, le avec le temps, à rester seuls maîtres des tribumédecin Trousse-Galant dit à son malade Am-naux, à se former en corps et à composer une broise qu'il lui faut une saignée « précédée d'un classe et comme une nation distincte. Aujourlavement; mais, se tournant vers l'apothicaire: d'hui encore un légiste est un homme de cette « Allez vite, monsieur Bolus, dit-il, préparez nation, qui n'est ni celle des ecclésiastiques, vous-même ce clystère et l'apportez. » — Aujour celle des militaires, ni celle des gens de lettres, d'hui, grâce à notre grand comique, les médecins ni celle des médecins. « Si l'homme veut parlent comme tout le monde, et clystère ne se être légiste ou médecin, il ne faut y songer dit plus qu'en plaisantant, si ce n'est quelque- qu'après le cours d'études regardées comme fois encore en termes de science, comme dans utiles à tout le monde. » LAH. « Ce que l'élocette phrase de Buffon: « Pline et Galien attri-quence judiciaire a produit de plus beau dans le buent à l'ibis l'invention du clystère. »

D

α

Quant à remède, c'est un mot employé par la délicatesse pour faire entendre la chose sans la faire imaginer. On connaît ces vers de Boileau : Nul n'est si bien soigné qu'un directeur de femmes. Quelque léger dégoût vient-il le travailler, Une froide vapeur le fait-elle bailler; Un escadron' coiffé d'abord court à son aide

ni

dernier siècle n'appartient pas proprement au barreau, ne fut pas l'ouvrage d'un légiste, ni la plaidoirie d'un avocat, ni même un mémoire juridique.... On voit bien que je veux parler du procès de Fouquet et des défenses publiées en sa faveur par Pellisson.» ID. « Les premiers personnages des tragédies de Corneille argumentent alors avec les tournures et les subtilités de

l'école, et s'amusent à faire des jeux frivoles de | fait naître. » BUFF. « Mégabyze fut envoyé (en raisonnements et de mots, comme des écoliers exil) à Cyrta. Mais, au bout de cinq ans, il se ou des légistes. » VAUV. « Légistes, docteurs, mé- sauva déguisé en lépreux, et revint chez lui à decins, quelle chute pour vous, si nous pouvions Suse.» ROLL. « Saint Louis demanda une fois tous nous donner le mot de devenir sages! » au sire de Joinville lequel des deux il aimerait LABR. « Les juges de Jean sans Terre furent des mieux, ou d'être lépreux, ou d'avoir commis un pairs assistés d'un grand nombre de barons, péché mortel. » Boss. « Plus d'un ancien auteur sans qu'il y eût aucun clerc, aucun légiste, au- dit que c'était (le peuple juif) une troupe de cun homme qualifié du nom de maître. » VOLT. lépreux qui fut chassée de l'Egypte par le roi Amasis. » VOLT.

Le jurisconsulte a tel genre d'habileté : c'est celui qu'on consulte sur le droit (de jus, juris, droit, et consulere, consulter). Il se distingue par sa connaissance du droit et les applications qu'il en sait faire à la solution des questions ou des difficultés qui s'y rapportent. C'est parmi les légistes une lumière, un homme qui fait autorité, ou c'est un légiste considéré par rapport à ce qu'il pense, au sentiment qu'il soutient. « Le pape Clément IV s'était distingué comme un des meilleurs jurisconsultes de son siècle. >> SISMONDI. « Les jurisconsultes du temps présentèrent cet article de la loi salique comme réglant la succession de la couronne. » ID. « Ces raisons des jurisconsultes (en faveur de l'esclavage) ne sont point sensées. » MONTESQ. « On ne saurait trop remplir l'esprit de ces notions communes qui sont comme autant d'oracles de la jurisprudence, et comme le précis de toutes les réflexions des jurisconsultes.r D'AG. Cicéron permet que l'orateur n'ait pas passé sa vie à approfondir toutes les questions de la jurisprudence pour le détail des causes, parce qu'il peut, dans le besoin, recourir aux profonds jurisconsultes. » FÉN. « Domat (Jean), célèbre jurisconsulte. » VOLT. « Le fameux jurisconsulte Ulpien.» ID. « On n'examine point ici si cette nouvelle jurisprudence est utile ou dangereuse; on n'écrit ni comme jurisconsulte ni comme controversiste. » ID.

Le juriste est comme le jurisconsulte versé dans la connaissance du droit, des lois, des coutumes. Mais il en diffère en ce qu'il se borne à la théorie, à la science de l'école et des livres : il ne se mêle point de pratique ; on ne le consulte point, si ce n'est sur le passé, sur les usages et les institutions d'autrefois, « Les docteurs en droit s'intitulèrent chevaliers : titre ridicule, puisque originairement le chevalier était l'homme combattant à cheval, ce qui ne pouvait convenir au juriste.» VOLT. « Le domaine des empereurs romains étant autrefois inaliénable, c'était le sacré domaine; les barbares vinrent, et il fut trèsaliéné........ Après le rétablissement de l'empire romain en Allemagne, le sacré domaine fut déclaré inaliénable par les juristes. » ID.

LÉPREUX, LADRE. Atteint d'une maladie qui couvre la peau de pustules et d'écailles.

Lépreux, leprosus, vient du latin lepra, et même primitivement du grec λépa, lèpre. Quoi qu'on ignore l'étymologie de ladre, il est certain néanmoins qu'il ne dérive, d'une manière évi dente, d'aucun mot latin ou grec. De là toute la différence.

Lépreux est plus noble que ladre.

En parlant des hommes, on dit proprement lépreux. « Un lépreux dont la peau serait insensible n'aurait aucune des idées que le toucher

Mais à l'égard des animaux, ladre est le seul mot qu'on emploie. « Cette imperfection dans les sens du goût et du toucher est encore augmentée (chez les cochons) par une maladie qui les rend ladres, c'est-à-dire presque absolument insensibles. » BUFF. « Les lièvres qu'on appelle ladres cherchent les eaux, et se font chasser dans les étangs, les marais et autres lieux fangeux. » ID.

Item nos pourceaux ladres furent,
Nos brebis eurent le claveau,

Et tous nos chevaux le morveau. SCARR, << Il faut, dit Sancho, que vous veniez faire mettre dans l'écurie Rossinante et mon âne; car vos belîtres de valets veulent les fourrer dans une étable, parmi des cochons, comme si c'étaient deux ladres. » LES. Que si quelquefois l'épithète de ladre, au propre, s'applique à un homme, c'est par forme d'injure. « On fit courir le bruit qu'il était ladre (le roi François II) et qu'on faisait enlever des enfants pour lui faire un bain de sang. Les protestants accusaient les princes lorrains d'avoir répandu ces bruits pour rendre la famille royale odieuse.» Boss. « Si notre homme ne sent pas celui-là (ce trait), il faut qu'il soit ladre comme un vieux porc. » J. J.

Au figuré, ladre se dit seul, mais il est familier. Et quant à lèpre et à ladrerie, qui ont tous deux l'acception figurée, le premier de ces mots est noble, sérieux, propre au style élevé, le second est familier, derisoire, et rappelle l'animal immonde, dont l'une des maladies particulières est la ladrerie: on dit la lèpre du péché, et la ladrerie d'un homme sordidement avare.

LETTRE, ÉPÎTRE. Écrit au moyen duquel on communique ses pensées ou on fait savoir quelque chose à une personne absente.

Les deux mots viennent de mots latins, savoir: lettre, de littera; et épître, d'epistola. Mais lettre est devenu tout français, il a dans notre langue plusieurs autres acceptions très-communes, et appartient à une famille qui semble indigène. Epitre, au contraire, et par la raison contraire, est resté latin, ou au moins il rappelle davantage son origine savante.

Le fait est que lettre est le terme consacré en parlant des modernes, et épître celui dont on se sert par rapport aux anciens. Les lettres de Mme de Sévigné, les lettres de Voltaire, la poste aux lettres, écrire ou recevoir une lettre, etc.; les épîtres de Cicéron, de Sénèque, de Pline, d'Horace, les épîtres des apôtres, les épîtres canoniques, etc.

Pour ce qui concerne l'antiquité, la règle est invariable: on dit des épîtres, et jamais des

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