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passagère d'un peuple furieux. » D'AG. « Cléomène s'applique à rassurer les Corinthiens en leur faisant entendre que ce qui venait d'arriver à Argos n'était qu'une légère émotion.» ROLL. << La sédition s'allume peu à peu de toutes parts.... Les émotions populaires deviennent fréquentes. » FÉN.

La mutinerie est une sédition opiniâtre ou de gens opiniâtres, comme était celle des plébéiens de Rome qui s'obstinaient à demander l'abolition des dettes: Tant de mutinerie, disait Appius, ne procède pas de la misère du peuple; c'est bien plutôt l'effet d'une licence effrénée. » VERT. Appius n'alla point au siége de Véies, mais il resta à Rome pour faire tête aux tribuns, et pour réprimer les mutineries ordinaires du peuple. ID. Ensuite mutinerie indique, non pas quelque chose de vulgaire comme émeute, mais quelque chose de petit dans les motifs ou dans les personnes. Elle procède, non pas d'un grand mécontentement, mais d'aigreur ou de dépit, ou bien elle a pour auteurs des gens qu'on considère et qu'on traite comme des enfants. « Les sujets n'ont à opposer à la violence des princes que des remontrances respectueuses, sans mutinerie et sans murmure.... Les remontrances pleines d'aigreur et de murmure sont un commencement de sédition qui ne doit pas être souffert.» Boss. « Les mouvements de la Bretagne rendent cette province peu sûre.... Si le repentir prend à ces mutins, et qu'ils rentrent dans leur devoir, je reprendrai le fil de mon voyage. »> SEV.

4° Troubles.

α

Les troubles représentent le triste état d'un pays qui est en proie aux rébellions, aux révoltes, aux émeutes, aux séditions, et même à des mouvements moins violents, à de simples partialités propres à altérer la paix et l'union, à des discussions trop vives qui divisent le public. « L'empire était tranquille avant Luther; depuis lui on ne vit que troubles sanglants, que divisions irrémédiables. Boss. « La révolte devint générale. Ce soulèvement de ses sujets obligea Apriès de se sauver dans la haute Égypte.... Les troubles qui agitaient l'Egypte furent une occasion favorable à Nabuchodonosor pour l'attaquer. » ROLL. « Les riches entreprirent de persuader au peuple que Tibérius ne proposait un nouveau partage que pour susciter de grands troubles dans la république, et pour la mettre en combustion. >> ID.

INTÉRIEUR, DEDANS. L'intérieur ou le dedans d'une chose est de cette chose ce qui est sous l'enveloppe, par delà la surface ou la partie environnante et apparente.

Mais l'intérieur, de l'adjectif latin interior, plus en dedans, plus enfoncé, plus voisin du centre, est de la chose, est la chose mème intérieure, c'est-à-dire du côté opposé au dehors. Dedans, au contraire, adverbe de lleu pris substantivement, est une expression abstraite, simplement indicative du lieu. L'intérieur d'un édifice est cet édifice même, vu quand on y est entré, les colonnes, le plafond, les vitraux, les tapisseries et les ornements de toutes sortes;

le dedans, c'est l'espace contenu entre les murs. le sol et le toit. On vante beaucoup l'intérieur de Saint-Pierre de Rome. Je n'entrevoyais jamais le dedans d'une église sans un frémissement de terreur et d'effroi. » J. J. On connaît l'intérieur d'une chose (FÉN., MONTESQ.), c'està-dire cette chose vers le milieu; le dedans d'une chose est vide (MASS.), on le remplit (Boss.) ou on l'ouvre (LES.). Nous disons, mon inté rieur, c'est-à-dire mon âme avec toutes ses affections et dispositions; et, ce qui se passe au dedans de moi, façon de parler qui sert à marquer le lieu de nos pensées, pour ainsi dire.

Une autre différence très-importante pour l'usage, c'est que intérieur venant du latin, et dedans du français, le premier est plus noble, plus propre pour le figuré, et mieux placé dans le langage des arts et des sciences. L'intérieur d'un temple (ACAD.), l'intérieur d'un Etat (D'AL.), l'intérieur de nos âmes (BOURD.), un tableau d'intérieur (ACAD.); le dedans de la bouche, des mains (BUFF.), du bec d'un oiseau ou de son nid (ID.), le dedans d'un fruit (VOLT.), le dedans d'une lettre (SÉv.). « Alors l'écolier vit, comme en plein midi, l'intérieur des maisons, de même qu'on voit le dedans d'un pâté dont on vient d'ôter la croûte. » LES.

INUTILEMENT, VAINEMENT, EN VAIN. Sans

succès.

Inutilement est objectif, a rapport à l'effet, et marque qu'il n'a pas lieu. Vainement et en vain sont subjectifs, ont rapport au sujet, à la cause, et expriment son désappointement. Une chose faite inutilement n'est pas suivie de son effet; la chose qu'on fait vainement ou en vain n'aboutit point à l'effet qu'on attend d'elle, déçoit.

Une place imprenable est inutilement assiégée, et les assiégeants s'obstinent vainement à vouloir s'en emparer. Si je ferme les yeux, les rayons de la lumière viendront inutilement; et, d'autre part, si les rayons de la lumière manquent, j'aurai beau ouvrir les yeux, je m'efforcerai vainement de voir. Les ronces et les épines occupent inutilement certaines terres; et c'est vainement ou en vain que nous cultivons les terres couvertes d'épines et de ronces, elles trompent nos espérances.

« Nous négligeons de rappeler en notre mémoire les vérités du salut, et la foi est en nous inutilement. » Boss. « Il pria le Sauveur que sun sang répandu pour lui ne le fût pas inutilement. » ID. a Nestor oubliait le danger où il exposait inutilement sa vieillesse. » FÉN. « Le temps est si court et nous en avons besoin pour tant de choses, qu'il ne faut pas l'employer inutilement. » J. J. « Vous avez inutilement employé le premier instrument; il n'est pas vraisemblable que le second eût plus d'effet. » ID.

Marius et Sulpitius promirent iuutilement la liberté aux esclaves qui prendraient les armes en leur faveur personne ne branla. » VERT. - « Gens rebutés des faux biens vainement poursuivis. » J. J. « Le repos après lequel j'ai vainement soupiré, et que je ne cherche plus parce que je ne l'espère plus. » ID. « Ceux du

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touche.

VOLT.

Pour ce qui concerne la différence à mettre . entre vainement et en vain, voyez Ir partie, p. 97 et 98.

INVITER, PORTER, EXCITER. Agir sur quelqu'un pour lui faire faire quelque chose.

Inviter exprime une action douce; porter, une action puissante; et exciter, une action vive.

Ce qui nous invite à quelque chose nous y attire, agit sur nous par insinuation ou par persuasion; ce qui nous porte à quelque chose nous y entraîne, agit sur nous avec autorité, avec ascendant; ce qui nous excite à quelque chose nous met en verve pour cela, réveille et dispose pour cela toutes nos forces, agit sur nous en nous piquant et en nous enflammant.

L'action d'inviter réussit toujours à l'égard des personnes qui se laissent aisément gagner; celle de porter, à l'égard des personnes qui se laissent aisément mener; celle d'exciter à l'égard des personnes qui se laissent aisément passionner.

Le cœur et la raison invitent; l'instinct et le penchant portent; le désir et tout ce qui nous irrite ou nous soulève excitent.

L'action d'inviter peut aller jusqu'à obliger; celle de porter, jusqu'à emporter et contraindre; et celle d'exciter, jusqu'à exalter.

Inviter a pour synonymes convier, induire et engager (voy.). Porter se trouve comparé dans un article particulier avec pousser et mouvoir (voy.). Exciter forme de même une famille à part avec inciter, provoquer, aiguillonner, stimuler, animer et encourager (voy.).

INVITER, CONVIER, INDUIRE, ENGAGER. Agir sur quelqu'un d'une manière douce, par voie d'insinuation ou de conseil, pour lui faire faire quelque chose.

ble, indique le fait ou l'habitude d'être ou de vivre ensemble. Par ces deux raisons, inviter exprime une action qui sent davantage la cérémonie; et convier, une invitation familière ou affectueuse. La politesse invite; l'amitié convie. On invite des gens de connaissance; on convie des amis. Vous invitez à un grand repas, à un banquet; vous conviez à un régal, à un petit repas entre quelques personnes intimes. On invite à une séance académique, à une distribution de prix; on convie à une partie de plaisir. Pendant que la justice invite à la condamnation des coupables, la bonté convie à l'indulgence. L'Evangile nous invite à vivre chrétiennement; la grâce nous y convie. La grande chaleur du jour invite au repos (ROLL.); le beau temps convie à la promenade (ACAD.), à la danse, aux joyeux ébats. Une Académie invite à traiter de telle ou telle manière un sujet de prix qu'elle propose (FÉN.); Dieu convie lui-même le pécheur à lui demander des grâces (MASS.). Dans ce vers célèbre de Corneille :

Soyons amis, Cinna, c'est moi qui t'en convie, mettez inviter à la place de son synonyme, tout d'un coup vous détruisez le charme du sentiment qui rend si touchantes les avances d'Auguste et qui fit verser des larmes au grand Condé. Dans cet autre vers du même poëte :

Qui pardonne aisément invite à l'offenser, convier, à la place d'inviter, serait d'une impropriété choquante.

Induire, latin inducere, tromper, séduire, a été formé de in ducere, conduire dans, c'est-àdire dans le piége, dans le danger, dans l'erreur ou autre chose semblable, mettre dedans. C'est pourquoi ce mot se prend ordinairement en mauvaise part; induire en tentation, à mal faire, à se relâcher dans une bonne œuvre, à erreur ou à croire faussement quelque chose. « Que vous a fait ce peuple? dit Moïse à Aaron (au sujet de l'adoration du veau d'or); et pourquoi l'avezvous induit à un si grand mal?» Boss. « Si le mouvement seul nous a induits à donner une âme à la matière, la végétation nous y a comme obligés. » MARM.

Engager a cela de propre, qu'il suppose des representations, une exposition des avantages qu'on doit trouver à prendre tel parti. Vous inviter ou vous convier, c'est simplement vous prier ou vous proposer de venir, comme on le fait quand il s'agit d'un repas; mais vous engager, c'est travailler à vous persuader en vous faisant sentir l'utilité ou la convenance des Inviter et convier paraissent dériver, l'un du choses. Un vainqueur invite ou convie une ville latin vita, vie, et l'autre du français vie; et'à se rendre, en le lui faisant dire, simplement; c'est apparemment à cause de cela que tous deux se disent particulièrement bien en parlant d'un repas auquel on prie de venir prendre part. Les invités et les conviés sont appelés à une table où ils trouvent leur vie, où ils vivent aux dépens de celui qui donne à dîner.

Mais inviter est le latin invitare; au lieu que convier, ayant pour élément principal le mot français vie, a une physionomie plus française. Outre cela, dans inviter, in, en, dans, à, marque le but; et dans convier, con ou cum, ensem

il l'y engage, en lui faisant connaître les raisons qui doivent la décider à prendre cette résolution. & Pour vous engager à mériter cette récompense, je veux vous en découvrir l'excellence et les avantages. » BOURD. A la fin, le désespoir contraignit le connétable de se jeter entre les bras du duc de Bourgogne, qu'il crut plus aisément pouvoir engager par son intérêt à le protéger contre Louis XI. » Boss. « Ils tâchaient d'engager les gouverneuses à me quitter, leur promettant un regrat de sel, un bureau à tabac et je ne

à la réplétion. Dans l'ivresse on est gai, exalté, ébloui, on rêve tout haut, on chancelle; quand on est soul, on n'en peut plus, on tombe pour cuver son vin et on reste quelque temps enseveli dans sa crapule. Aussi le mot ivre est-il de tous les styles, au lieu que soûl ne convient que dans le moins noble.

sais quoi encore. » J. J. « Il était parti de Lacé- | qu'à être saturé, plein, jusqu'au rassasiement ou démone des ambassadeurs chargés de rechercher l'alliance du roi des Perses, et de l'engager à fournir de l'argent pour l'entretien de la flotte. ROLL. Un autre caractère distinctif d'engager, relativement à inviter et à convier, c'est qu'il emporte quelquefois une idée d'engagement, de devoir ou d'obligation. Une personne invitée ou conviée peut refuser, n'est encore tenue à rien; mais une personne engagée n'est plus libre. « Dieu invite par ses promesses les pécheurs à la réformation de leur vie; il les y engage par ses bienfaits.» BOURD.

IVRE, SOUL. Qui a trop bu de vin ou de quelque autre liqueur semblable.

Ivre est moins ignoble et moins odieux. L'homme ivre est pris de vin; l'homme soûl est gorgé de vin. Le premier a bu jusqu'à avoir le cerveau troublé; le second, tout son soul, jus

Au figuré, ivre se dit de l'espèce de transport ou de délire qu'une passion produit dans l'âme : ivre de joie ou d'ambition.

Vous, dès que cette reine, ivre d'un fol orgueil,
De la porte du temple aura passé le seuil....

(Joad parlant d'Athalie). Rac. Soul, dans le langage familier ou populaire qui l'admet, signifie rassasié, ennuyé, las d'une chose.

Un rat, hôte d'un champ, rat de peu de cervelle,
Des lares paternels un jour se trouva soúl. LAF.

J

JOIE, GAIETÉ. État ou sentiment agréable de gination pour faire succéder une grande gaieté l'âme. aux larmes qui paraissent les plus amères. » GIR.

La joie est dans le cœur; la gaieté, dans l'humeur et les manières. La joie est passive, intime, concentrée, c'est à peine si elle se peint sur le visage et se témoigne par des larmes; la gaieté, au contraire, est active et extérieure, elle rit, danse, folâtre. Dans la joie, on jouit, on est content, on savoure tranquillement le plaisir de sa situation; dans la gaieté, on se divertit et on divertit, on se livre à des mouvements pleins de vivacité. La joie est un effet une nouvelle agréable donne de la joie, cause une douce sensation; la gaieté ne se conçoit que comme active: le vin donne de la gaieté, excite le babil,

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La joie est absolue, solitaire, retirée; la gaieté est relative, et suppose le commerce de la société. On est joyeux pour soi, gai pour soi et pour les autres. a Coulanges était là à la joie de son cœur. Il n'est point encore baissé : je crains pour lui ce changement, car la gaieté fait une grande partie de son mérite.» Sév. « La gaieté de Pomenars était si extrême qu'il aurait réjoui la tristesse même.... Sa gaieté augmente en même temps que ses affaires criminelles; s'il lui en vient encore une, il mourra de joie. » ID. Avec beaucoup de joie on est un homme heureux; avec beaucoup de gaieté on est un aimable homme.

On apprend, on entend, on reçoit quelque chose avec joie; on parle, on agit, on célèbre une fête avec gaieté, on se fait remarquer par sa Tellement dépendante des impressions, qu'on dit gaieté sur le théâtre, à table, ou dans une partie au pluriel, les joies, pour les causes qui produide plaisir. On est saisi ou ivre de joie, on nage sent la joie, la joie peut être grande, pénétrante, dans la joie; on réjouit une compagnie par des profonde, poussée jusqu'à l'ivresse; mais elle traits de gaieté (BARTH.). «On élève la fauvette pour est nécessairement courte, passagère, accidenla gaieté de son chant. » BUFF. « La gaieté est la telle. La gaieté, au contraire, tenant, non pas aux mère des saillies. » VAUV. — « Les Suisses sont fu- événements, mais au caractère, au tempérament, rieux dans la colère et leur joie est une ivresse. comme l'indique même la terminaison du mot, Je n'ai rien vu de si gai que leurs jeux. J. J. est plus durable, moins variable, on la perd et on << A travers la railleuse gaieté du baron, on la reprend; mais elle est plus superficielle, parce voyait briller dans ses yeux une maligne joie.ID.qu'elle est tout extérieure. « Le premier degré « Elle fut pendant le souper d'une gaieté, d'une du sentiment agréable de notre existence est la folie inconcevable. Le sultan ne se possédait pas gaieté. La joie est un sentiment plus pénétrant. de joie. » MARM. « C'était Socrate qui faisait la Les hommes qui ont de la gaieté n'étant pas joie de la table par sa gaieté et par ses bons d'ordinaire si ardents que le reste des hommes, mots.» ROLL. Informez-vous comment se passa ils ne sont peut-être pas capables des plus vives hier notre repas, avec quels éclats de réjouis-joies: mais les grandes joies durent peu, et sance, avec quels transports d'une gaieté folâtre, à quoi ne contribuait pas peu la joie de ce que, dans le tournoi, notre parti n'avait pas eu du dessous. » ID. « Il arrive quelquefois que la possession d'un bien, dont l'espérance nous avait causé beaucoup de joie, nous procure beaucoup de chagrin; il ne faut souvent qu'un tour d'ima

laissent notre âme épuisée. » Vauv.

Enfin, lorsque le mot joie se prend abusivement dans le sens de gaieté, pour un éclat de bonne humeur, il marque moins de retenue ou une plus grande effusion: joie bruyante (ACAD.), la turbulente joie (J. J.). « Moncrif portait dans ces sociétés la variété, les grâces, la gaieté, et

quelquefois jusqu'à cette joie bruyante que la triste dignité regarde comme un plaisir ignoble.» D'AL.

JOINDRE, ABORDER, ACCOSTER. Arriver vers une personne.

On joint une personne en allant la trouver, en parvenant à être avec elle. On aborde et on accoste une personne, en lui parlant, en se mettant avec elle par le discours en rapport de pensées ou de civilité. Un général d'armée en joint un autre du même parti, pour être plus forts ensemble ou l'un avec l'autre (S. S.); un guerrier en joint un autre du parti contraire pour se mesurer avec lui (VOLT., ROLL.); un enfant qui s'ennuie loin de ses parents retourne les joindre pour vivre avec eux (J. J.); un voyageur en joint d'autres pour avoir moins à craindre en leur compagnie les attaques des voleurs (LES.); un cerf poursuivi en joint un autre plus jeune et moins expérimenté, pour le faire lever, marcher, fuir avec lui, et afin de le substituer à sa mauvaise fortune (BUFF.). Mais toutes les fois qu'on aborde ou qu'on accoste quelqu'un, c'est en lui adressant ou pour lui adresser la parole. Des personnes qui se joignent se rencontrent, viennent à être en même temps dans le même lieu; des personnes qui s'abordent ou s'accostent lient conversation, se disent ou se demandent quelque chose. Qui ne joint personne, qui n'est joint par personne, est, reste, marche seul; qui n'aborde ou n'accoste personne, qui n'est abordé ou accosté par personne, est, reste, marche sans entrer en propos avec qui que ce soit.

Aborder, qui signifie primitivement l'action d'un vaisseau d'arriver au bord de la mer, de toucher au port, n'a rien que de relevé. Accoster, au contraire, ne se dit que familièrement; car c'est, au propre, aller se mettre ou s'asseoir à côté, sans façon.

On aborde, dans un salon, dans une assemblée, à la cour, un grand, un personnage, une personne distinguée ou le maître de la maison. Mais Jésus-Christ, dit Madeleine, est chez le pharisien qui l'a invité à manger, et ce sera un contre-temps de l'aborder dans une pareille conjoncture. BOURD. « Je fus le seul qui continuai à voir le duc d'Orléans, et chez lui et chez le roi, à l'y aborder, à nous asseoir tous deux en un coin du salon. » S. S. « Le comte de Toulouse arriva, et salua la compagnie d'un air grave et concentré, n'abordant ni abordé de personne. » ID. « Ces gens m'aborderaient sans doute si j'étais ministre. » LABR. « La prompte obéissance du consul, et le respect avec lequel il aborda Fabius, rendit aux citoyens et aux alliés cette haute idée de la dictature que le temps avait presque effacée. » ROLL. Mais on accoste plutôt sur le chemin, dans la rue, une personne qui passe, qui voyage ou qui se promène. « Voilà notre nouveau débarqué, il faut que je l'accoste. » REGN. « Tous ces honorables bourgmestres jetèrent les yeux sur nos inconnus. Un lieutenant de prévôt les vint accoster. » SCARR. « Ce peuple, hommes et femmes, accostait le soldat, et, le verre à la main, lui présentait l'attrait de la joie et de la

licence. » MARM. « Quand on m'offrait quelque place vide dans une voiture ou que quelqu'un m'accostait en route, je rechignais de voir renverser la fortune dont je bâtissais l'édifice en marchant. J. J. « Je me jette dans une porte ouverte; c'était un café; j'y suis accosté par des gens de ma connaissance.... » ID.

Ensuite, comme le vaisseau qui aborde a des dangers à courir, peut donner contre des écueils, la personne qu'on aborde, mais non pas celle qu'on accoste, peut être d'un abord difficile ou redoutable sous quelque rapport que

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« Les barboteuses de ces messieurs prennent des airs de vierges pour tâcher d'aborder cet ours. » J. J. « Des voleurs, vous voyant en état de leur résister, se retirent, ou s'ils vous abordent, c'est avec beaucoup de civilité. » Boss.

1° JOLI, MIGNON; 2° GENTIL, GRACIEUX. Beau, mais dans un genre inférieur; dont la vue cause du plaisir, mais non pas de l'admiration.

Joli et mignon qualifient eu égard à la manière d'être; ils ont rapport à la constitution, à la forme, aux traits. Gentil et gracieux qualifient eu égard à la manière d'agir; ils sont relatifs à l'air, aux mouvements, aux gestes. Une personne jolie ou mignonne se présente ou fait une chose avec gentillesse ou avec grâce. On est joli ou mignon; on fait quelquefois le gentil ou le gracieux. Sans être ni jolie ni mignonne, une personne peut néanmoins être dite gentille ou gracieuse à raison de ses manières. « Quoique aucune de ces petites filles ne fût jolie, la gentillesse de quelques-unes faisait oublier leur laideur. J. J. « Mademoiselle du Châtelet n'était ni jeune ni jolie, mais elle ne manquait pas de grâce. » ID.

1° Joli, mignon.

Joli, à l'égard de mignon et même à l'égard de gentil et de gracieux, peut être considéré comme le genre; c'est de ces quatre mots le plus usité. Ce qui est joli inspire de la joie, du contentement, agrée; et l'épithète de joli convient à tout ce qui est simplement agréable sous le point de vue esthétique. Mais parmi les choses jolies, la mignonne plaît à cause de sa petitesse; c'est une jolie petite chose, une miniature. Mignon dérive de minus, minor, moindre, d'où viennent aussi mince, minutie, miniature, etc. Sans doute l'objet joli est plutôt petit que grand; mais ce n'est pas de sa petitesse qu'il tire son agrément et sa qualification, ou cette petitesse est surpassée par celle du mignon. « Mon petit papa mignon. » MOL. « La pâquerette, fleur petite et si mignonne. » J. J.

cette

D'ailleurs, mignon fait penser à la façon de l'objet, à la manière dont il est travaillé. « La fille du logis était une jeune personne et assez jolie; sa coiffure était une espèce de cale à oreilles, des plus mignonnes. » LAF. La chose jolie nous charme, quelle qu'en soit la cause, et quoique peut-être elle ait quelque chose d'ir

régulier et de piquant; la chose mignonne nous charme, parce qu'elle est faite d'une manière élégante, fine, délicate. « Je fus frappé de la beauté de son visage; je n'ai point vu de traits plus délicats elle avait un air mignon et enfantin.» LES. « La première de ces deux jeunes filles était encore plus jolie que la seconde; elle avait un je ne sais quoi de plus délicat, de plus fin; elle était en même temps très-mignonne et très-formée. » J. J. « Ces négresses sont si jolies et si mignonnes que souvent on les préfère à leurs maîtresses.» LES. « Mlle de Meri vous envoie les plus jolis souliers du monde; j'en ai surtout remarqué une paire qui me paraît si mignonne, que je la crois propre à garder le lit. » SÉv. « Le saïmiri est le plus joli, le plus mignon de tous les sapajous. BUFF. « Allez, dit la corneille à | l'ourse; léchez doucement votre fils; il sera bientôt joli et mignon. » FÉN. '.

2o Gentil, gracieux.

Le latin genus, naissance, famille, nous a servi à faire gent et gentil, c'est-à-dire de naissance, de famille, c'est-à-dire noble; en sorte que gentil, dans le principe, entraînait, comme beau, une idée de grandeur et d'excellence. Mais il a totalement dégénéré, et à présent il ne s'élève pas au-dessus de joli. Ce qui est gentil plaît par l'agilité et la légèreté de ses mouvements. De gentilles gambades. REGN. Une jeune fille vive et gentille (ID.), gentille et fringante (LAF.), gentille et sémillante (J. J.). « Dans la première jeunesse, l'âne a de la légèreté et de la gentillesse.» BUFF.

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Gracieux, plein de grâce, du latin gratus, agréable gratior dies, jour riant. Les Grâces avaient le même caractère que les Ris et les Jeux, avec lesquels elles composaient le cortége accoutumé de Vénus: elles étaient gaies et badines. Telle est du moins la nuance propre de gracieux. Sourire gracieux. » ACAD. « Là toute la nature était riante et gracieuse. » FÉN. « Molière a donné un tour gracieux au vice, avec une austérité ridicule et odieuse à la vertu. » ID. « Le sérieux n'est jamais gracieux; il approche trop du sévère qui rebute. » VOLT.

l'union des couleurs, l'union de l'âme avec le corps, l'union conjugale, l'union des deux natures en Jésus-Christ.

Ce qui distingue union, pour sa part, c'est l'intimité du rapport qu'il marque entre les choses ou les personnes. Celles qui sont jointes sont liées, tiennent les unes aux autres; celles qui sont unies se conviennent, s'accordent si bien, qu'elles sont comme fondues ensemble (voy. Assembler, joindre, unir). On se joint pour n'être pas seul, mais en compagnie; on s'unit pour former une société. La jonction a ou n'a pas lieu, s'opère ou ne s'opère pas; l'union est plus ou moins parfaite.

D'ailleurs, jonction ne s'emploie qu'au propre, au lieu que le plus grand usage d'union est au figuré. La jonction de deux chemins; l'union des cœurs. La jonction des ruisseaux forme les rivières; l'union soutient les familles, et fait la puissance des Etats.

JOUFFLU, MAFFLÉ (ou MAFFLU). Deux mots familiers qui désignent un homme comme ayant un visage plein, rebondi.

Flu, flé, du latin flare, souffler, annonce quelque chose d'enflé, pour ainsi dire, de bouffi. Mais ce que le joufflu a d'enflé, ce sont les joues précisément; au lieu que ce qu'il y a d'enflé chez le mafflé, c'est autre chose, et apparemment, quelle que soit l'étymologie du mot, toute la partie antérieure du visage, ou même tout le corps. On représente les vents joufflus; une belette, entrée dans un grenier, y mangea tant qu'elle devint

LAF.

Grasse, mafflue et rebondie. On a peint les anges sous les traits d'enfants joufflus (VOLT.); on connaît le goût des Asiatiques et des Africains pour les femmes mafflées, pour les grosses mafflées.

Peut-être aussi que mafflé vient de maleflatus, mal ou disgracieusement soufflé, et qu'il doit toujours se prendre en mauvaise part. C'est ce que semble confirmer l'unique exemple que nous ayons pu trouver de, ce mot dans nos prosateurs des deux derniers siècles. La taille de Pontchartrain était ordinaire, son visage long, mafflé, fort lippu, dégoûtant. » S. S. Joufflu, incomparablement plus usité d'ailleurs, n'indique par

Je veux qu'on soit plaisant sans vouloir faire rire; Qu'on ait un style aisé, gai, vif et gracieux. ID. D'autre part, gracieux, qui a bonne grâce, ex-lui-même rien de désagréable. « Je rencontrai clut la gêne et la gaucherie. « Dans l'Art d'aimer on sent partout l'effort; rien ne coule de source. Sans l'aisance et la facilité, il n'y a point de grâce; aussi Bernard est-il joli plutôt que gracieux. » LAH.

ע

JONCTION, UNION. Il y a jonction ou union entre deux ou plusieurs choses qui se trouvent ensemble, et non séparées.

Jonction se dit de choses jointes, qui se sont jointes, c'est-à-dire rencontrées dans leur marche ou dans leur course la jonction des armées, la jonction de deux rivières. Union ne rappelle pas ainsi l'action d'un verbe, et n'implique pas ainsi l'idée de mouvement; il se dit de choses qui sont dans un tel état qu'elles ne font qu'un :

4. La différence entre mignon et mignard se trouve indiquée dans la Ire partie, p. 246.

un homme joufflu et vermeil dans un carrosse à six chevaux. » VOLT. « Représenter un beau vieillard avec une grande barbe blanche, vêtu d'une ample draperie, porté au milieu d'un nuage sur des enfants joufflus qui ont de belles paires d'ailes, ou sur un aigle d'une grandeur énorme. »ID. « L'abbé de Bernis était un poëte galant, bien joufflu, bien frais, bien poupin. » MARM.

Et puissiez-vous, devant l'an révolu,
Tant opérer, que d'une aimable mère
Naisse un beau jour quelque petit joufflu,
Digne des vœux de l'aïeul et du père!
J. B. Rouss.

JOYAU, BIJOU. Objets d'ornement, qui font surtout la joie des femmes ou dont les femmes surtout se jouent ou se réjouissent. C'est ce qu'indique l'étymologie de ces deux mots : ils viennent du latin jocus, jeu, dont on a fait

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