Page images
PDF
EPUB

saire que l'on vous fasse des amitiés ?» MONTESQ. « Le principe de la monarchie se corrompt lorsque l'honneur a été mis en contradiction avec les honneurs, et que l'on peut être à la fois couvert d'infamie et de dignités. » ID. « J'ai peur que l'homme puissant à qui vous vous êtes adressé ne vous ait donné que des paroles et non pas une parole.» VOLT. « Malgré les vices des hommes, il y a parmi eux des vertus, et même de la vertu.» J. J. Au lieu de raconter l'histoire ou une histoire, Hérodote s'amuse parfois à conter des histoires. On peut aimer la médecine et abhorrer les médecines.

L'air signifie ce que naturellement on paraît être sous le rapport des qualités et des dispositions de l'âme un air respectueux, craintif, sérieux, doux, simple, ingénu un air de modestie. Les airs consistent dans les démonstrations d'un homme qui fait de l'embarras : des airs tranchants, évaporés, fendants, impertinents, insolents, extravagants, impérieux. « Affecter des airs dédaigneux et hautains. » BOURD. « Il n'aura jamais d'airs ni de faste. » J. J. « Des dames sans airs. » ID. On a l'air; on prend, on se donne, on affecte des airs. — Labruyère dit que, pour bien régner, il faut une naissance auguste, avec un air d'empire ou d'autorité; des airs d'empire et d'autorité sont des manifestations hautaines et prétentieuses qui révoltent. On peut avoir De beaux traits, un air grand, et point d'airs fastueux.

DEST.

« Les airs éventés du jeune marquis de Villeroy
me le rendirent insupportable, et mon air froid
m'attira son aversion. » J. J. Dans le Distrait de
Regnard, Valère répond au chevalier qui lui re-
proche d'avoir l'air sauvage:

Vous, n'aurez-vous jamais celui d'un homme sage?
Faudra-t-il qu'en tous lieux vos airs extravagants,
Vos ris immodérés donnent à rire aux gens?

α

D

objets particuliers qu'on peut détailler, ou considérer et employer dans le détail. Détail annonce la manière dont vous représentez les choses; et les détails, les choses mêmes que vous représentez. »> « Peut-être Virgile n'était-il point fait pour le détail fatigant des combats. » VOLT. « Je sais de sa conduite des détails incroyables. » MARM. Un général battu et mis en fuite s'écrie en mourant: A un plus heureux le reste. Il veut dire le reste de l'action ou de la campagne. S'il disait les restes, il faudrait entendre les soldats qui restent, les débris de l'armée. « On n'avait encore aucune connaissance des détails de la bataille (de Cannes); on ignorait où étaient les restes des troupes. » COND. Qui aime l'Eglise est attaché à la société des fidèles; qui aime les églises fréquente les temples chrétiens, les édifices où se célèbre le service divin.

Le mérite signifie, d'une manière abstraite et collective, toutes sortes de perfections, ce que vaut en général une personne ou une chose; les mérites expriment, d'une manière concrète et détaillée, telles et telles qualités particulières. De même, par la richesse d'une langue on entend l'abondance des expressions distinctes et des belles locutions qu'elle possède, sans avoir en vue cellesci ou celles-là; mais quand on parle des richesses d'une langue, la pensée se porte effectivement et spécialement sur ces expressions et ces locutions prises une à une.

On dit également, l'approche et les approches d'une chose, de la mort, par exemple. Mais l'approche signifie le fait abstrait d'approcher, et les approches dépeignent avec toutes ses circonstances l'action réelle d'approcher. Montaigne a bien rendu cette opposition dans les passages suivants : « La vieillesse est un signe indubitable de l'approche de la mort. » « Ce n'est pas l'instant et le point du passage, ce sont les apLa différence du singulier au pluriel revient proches de la mort que nous avons à craindre. » aussi parfois à la différence du permanent à l'ac- J. J. Rousseau n'a pas été moins précis. « Un cidentel. L'infortune, le malheur, le chagrin sont chien, dit-il, bon et fidèle gardien, n'aboie qu'à des états; les infortunes, les malheurs, les cha-l'approche des voleurs.» « Pourquoi la populace grins sont des accidents, des maux passagers, se repaît-elle avec tant d'avidité du spectacle d'un des contrariétés plus ou moins fortes. On est malheureux expirant sur la roue? C'est que chaplongé dans l'infortune, dans le malheur, dans le cun a une curiosité secrète d'étudier les mouvechagrin; on est exposé aux infortunes, aux mal-ments de la nature aux approches de ce moment heurs, aux chagrins.

D'autres fois, cette même différence se ramène à celle de l'abstrait et de l'idéal au concret et au réel. « La ruine, dit Roubaud, est la destruction de la chose; les ruines sont les débris de la chose détruite. Le détail, ou (comme on aurait dû dire pour lever toute équivoque) le détaillement est l'action de considérer, de prendre, de mettre la chose en petites parties et dans les moindres divisions les détails sont ces petites parties ou ces petites divisions, telles qu'elles sont dans l'objet même. Vous faites le détail et non les détails d'une histoire; vous en faites le détail en présentant les détails de la chose jusque dans ses plus petites particularités. Vous n'en faites pas les détails, parce qu'ils existent par eux-mêmes dans la chose, indépendamment de votre récit. Le détail est votre ouvrage; c'est votre récit détaillé. Les détails sont de la chose, ce sont les petits

α

redoutable que nul ne peut éviter. » Et encore ailleurs, d'une part : « Ayant passé une partie de l'hiver ici, il lui est bien dur d'en partir à l'approche du printemps. » D'autre part: « Il me serait dur de déloger dans cette saison, qui me fait déjà sentir aussi cruellement ses approches. De même Bossuet: « Tout se ternit, tout s'efface; on commence à sentir l'approche du gouffre fatal. » Et d'un autre côté : « Il ne nous est pas possible d'émouvoir les pécheurs par les terribles approches du jugement futur dont Dieu les menace. » « Elle regardé sans se troubler toutes les approches de la mort. »

Le mot noce, au singulier, signifie quelque chose d'abstrait, un fait indépendamment de ses particularités et de sa durée à quand la noce? Le même mot, au pluriel, désigne quelque chose de concret, c'est-à-dire le même fait, mais tel qu'il se passe et qu'on le voit, mais dans tout son

développement, dans toute son étendue, avec | payer les impôts, c'est actuellement livrer les toutes ses circonstances: les noces ont été magni- choses exigées par l'impôt. - L'impôt, la taille, fiques, elles ont dû coûter beaucoup, elles se la dime sont de droit, en théorie, en idée; les sont prolongées au delà de trois jours. Noces, impôts, les tailles, les dimes sont de fait. marquant seul de la durée, est seul propre à ex- Enfin, toutes les fois qu'il s'agit de noms généprimer le mariage et l'état qui le suit: épouser riques, le singulier leur imprime un caractère une personne, être marié, en premières ou en d'absolu et de nécessité, et, au contraire, le plusecondes noces. - Assister à la noce, être de noce riel un caractère de relation et de contingence. ou de la noce, sont des expressions qui ne s'adres. Le sage est un personnage idéal absolument parsent qu'à l'esprit : c'est être présent au mariage fait, le type de la sagesse; les sages sont des perde quelqu'un. Assister aux noces, célébrer des no- sonnages réels, plus ou moins parfaits, à qui il ces, sont du langage de l'imagination; ce sont des arrive d'approcher plus ou moins du type de la expressions qui représentent ou dépeignent, qui sagesse. Parmi les noms génériques quelques-uns indiquent la part qu'on prend aux réjouissances, ne se prennent jamais qu'au singulier. Or, ce sont aux fêtes, aux cérémonies religieuses, aux danses, précisément ceux qui signifient l'idéal et l'abaur divertissements, aux festins qui accompa- solu, c'est-à-dire quelque chose de un, d'immuagnent un mariage. Il arrive quelquefois, quand ble et qui persévère toujours le même, comme le deux personnes s'épousent, qu'on supprime ou beau, le vrai, le bien, l'honnête. Quand nous qu'on renvoie, par des raisons de convenance, les disons, l'homme, nous désignons le genre en cinoces, et non la noce. On assiste à une noce; on tant un seul des individus que nous érigeons en s'amuse à des noces, on y passe plusieurs jours: type, de manière à nous former du genre une on fait une noce; on célèbre des noces. - Noce ne idée simple, pure, indépendante de toute partis'emploie qu'en général, sans rien spécifier, pour cularité, qui ne comporte ni division ni excepmarquer le fait pur et simple. «M. d'Arles sera tion. Quand nous disons, les hommes, nous déside cette noce.» Sev. « Corbinelli est demeuré à gnons le genre en citant tous les individus, ou Paris pour être à la noce d'un fils de M. Man- plutôt nous n'avons pas l'idée d'un genre, mais dat. ID. Il y eut à cette noce plus d'amis que l'idée d'une collection d'individus que nous ne de parents. ID. Toutes les fois, au contraire, concevons pas comme uns. « J. J. Rousseau ne qu'on veut exposer et comme mettre sous les yeux connaissait pas l'homme en général, puisqu'il afles accidents, les faits élémentaires ou acces-firme que l'homme est né bon; il ne connaissait soires, les détails, le pluriel est de rigueur. « On pas non plus les hommes, les hommes considérés ne voit plus M de Rochefort: c'est une belle individuellement, car il les croit tous méchants femme de moins dans les fêtes qui se font pour dès qu'ils ont alarmé son orgueil. » LAH. « Après les grandes noces. » Siv. « Tout se préparait pour avoir étudié l'homme toute ma vie, j'avais cru les noces. » FÉN. « Un domestique chargé du soin connaître les hommes; je m'étais trompé. » J. J. des noces.» LABR. Le jour de ses noces; la pre- « Il faut que la femme étudie à fond l'esprit de mière nuit de ses noces; aux noces de Thétis et de l'homme, non par abstraction l'esprit de l'homme Pélée; les noces de Cana; les noces de Gamache. en général, mais l'esprit des hommes qui l'entouImpôt, taille, dtme, au singulier, signifient rent, l'esprit des hommes auxquels elle est asquelque chose d'idéal, et s'emploient dans l'ordre sujettie. » ID. « Si la connaissance générale de des idées; au pluriel, ces mêmes mots expriment l'homme est nécessaire à l'orateur pour savoir exquelque chose de réel, et se disent dans l'ordre des citer les passions qui conduisent la multitude, le faits. Un publiciste traitera de la répartition de négociateur doit avoir la connaissance particul'impôt, fera la théorie de l'impôt, à priori, in- lière des hommes, pour déterminer les motifs sedépendamment de ce qui arrive ou est arrivé; crets qui les déterminent, et pour les amener à mais dans une statistique où on rend compte de son but. » D'AL.» « Pour connaître l'homme, il ce qui a eu lieu, on fait le relevé des impôts. suffit de s'étudier soi-même; pour connaître les On établit l'impôt, la taille, la dime; on lève les hommes, il faut les pratiquer.» DUCL. « La phiimpôts, les tailles, les démes. La chambre des délosophie suppose la connaissance de l'homme, et putes règle l'impôt, et le gouvernement a des receveurs pour percevoir les impôts. L'Etat exige l'impôt, a besoin de l'impôt pour subsister: les sujets payent les impôts à l'Etat. « Il fut ordonné à tous ceux qui tenaient les biens ecclésiastiques de payer la dime. » MONTESQ. « On peut voir, dans les dispositions ajoutées à la loi des Lombards, la difficulté qu'il y eut à faire recevoir les dimes par les lois civiles. » ID. L'impôt, la taille, la dime sont quelque chose d'abstrait, une obligation: on y est soumis ou on en est exempt; les impôts, les tailles, les dimes sont quelque chose de concret, c'est-à-dire les choses effectivement données en conséquence de ce devoir : les employés d'un gouvernement vivent des impôts, des tailles ou des dimes. — Payer l'impôt, c'est être dans le cas de ceux sur qui pèse cette charge:

toute peinture de mœurs ou de caractère la connaissance des hommes.

Beauzée a parfaitement établi cette distinction, concernant l'emploi du singulier et du pluriel, du moins par rapport aux propositions universelles, c'est-à-dire à celles où l'on se sert de noms génériques. « Il est constant, dit-il, qu'un écrivain attentif ne dira pas indifféremment: l'homme est raisonnable, ou, les hommes sont raisonnables. Quand il s'agit de l'universalité des individus, je crois que le singulier de l'article est plus propre à en marquer la totalité physique sans exception, parce qu'il en fait naturellement naître l'idée par celle de l'unité. Le pluriel, au contraire, est plus propre à désigner l'universalité morale, parce que ce nombre avertit naturellement du détail en montrant la pluralité; et que

le détail n'étant nécessaire que quand l'unifor- | culin toujours plus particulier. Les noms, aux

mité manque, le pluriel indique, par une consé- quels convient le premier genre, renferment quence assez analogue, que l'universalité n'est dans leur signification quelque chose de plus pas si entière qu'il ne puisse y avoir des excep- étendu, de plus vague, et de plus indéterminé tions. Ainsi, il faut dire, l'homme est raisonna- que leurs synonymes du genre masculin. Et ceuxble, pour faire entendre que la faculté de rai- ci ont un sens précis et spécial : ils expriment sonner, qui est en effet de l'ordre des choses les mêmes choses, mais les font considérer comme nécessaires, appartient à toute l'espèce humaine ayant des bornes, une destination ou une forme et en est un attribut essentiel. C'est comme si l'on particulière, qui les sépare de tout ce qui n'est disait l'animal homme est un animal raisonna- pas elles, quelque chose enfin qui leur donne une ble, exclusivement à toute autre espèce du même existence distincte. Dans celui des deux termes genre. Mais on doit dire, les hommes sont raison- synonymes qui est au féminin, la chose apparaît nables, si l'on veut parler d'un bon usage de la comme un tout ou un genre, dont le substantif raison, parce que cet attribut est en matière con- masculin n'exprime qu'une partie ou une espèce, tingente, et que, dans le détail des individus, mais bien caractérisée, ou, comme une subplusieurs se trouveraient exceptés de l'universa-stance, une matière, une étoffe sans forme et lité. Par la même raison, il y a de la différence | sans destination précise, qui en reçoit une dans entre ces deux phrases : l'homme est mortel, les le substantif masculin : c'est ainsi que la barre hommes sont mortels. La première annonce la devient le barreau, la terre le terrain et le tercertitude infaillible de la mort; et c'est une vé- | roir, la pâte le pâté, etc. Le mot orge est fémirité que l'on peut prendre comme principe dans nin, quand on ne spécifie pas de quel orge il s'aun sermon ou dans un traité de morale. La se- git, et masculin dans les expressions, orge conde annonce l'incertitude du moment et de la monde, orge perle, orge moulu (Boss.), orge manière de la mort; les uns mourant plus tôt, les mondé et pilé (ROLL.); vivre d'orge grossièrement autres plus tard; ceux-ci subitement, ceux-là par pilé et à demi-cuit sous la cendre. (MARM.) Le une maladie longue c'est une vérité d'où l'on pendule est dans la pendule une partie seulement. peut partir dans les traités, pour s'autoriser à Les mots aide, enseigne, garde, sentinelle, maprendre dans le moment même les précautions nouvre, pris au féminin, désignent des abstracconvenables. >> tions, des actions vagues. Au masculin, ces mêmes mots signifient des hommes qui ont tel emploi, qui font ces actions par état; ils deviennent plus précis en donnant à l'idée une forme concrète.

Ainsi, en résumé, de deux substantifs synonymes qui ne diffèrent que par le nombre, celui qui est au singulier marquera l'unité, l'être, le permanent, le complet, l'idéal, l'abstrait, l'absolu, le nécessaire; tandis que celui qui est au Le substantif féminin est donc l'expression pluriel exprimera la variété, le phénoménal, l'ac-mère; il signifie le genre, et le substantif mascidentel, l'incomplet, le réel, le concret, le relatif et le contingent.

SYNONYMIE DES SUBSTANTIFS QUI DIFFÈRENT
UNIQUEMENT PAR LE GEnre.

Amours (f.), amour (m.). Foudre (f.), foudre (m.).
Aigle (f), aigle (m.). Voile (f.), voile (m.).
OEuvre (f.), œuvre (m.). Couple (f.), couple
(m.). Pointe et point du jour. Taxe et taux.
Graine et grain. Ravine et ravin. Montagne et
mont. Etc.

culin l'espèce. Voilà pourquoi, dans les synonymes de cette sorte, le masculin peut toujours se définir par le féminin, mais non pas réciproquement. Le barreau est une espèce de barre, le pâté une espèce de pâte, le terrain une espèce de terre, le limaçon une espèce de limace; mais non pas, la barre une espèce de barreau, la pâte une espèce de pâté, la terre une espèce de terrain, la limace une espèce de limaçon. Si le masculin se définit par le féminin, c'est qu'il exprime la même chose que lui, plus certaines qualités ou circonstances qui le déterminent ou le spécialisent. Que si le féminin ne peut à son tour se définir par le masculin, c'est qu'en effet il ne réunit pas ces qualités ou ces circonstances qui appartiennent en propre au masculin, qui le déterminent et le spécialisent.

Rien de plus facile à justifier que cette règle. Dans chaque espèce animale, la femelle contient et produit le mâle, comme dans le langage le féminin comprend le masculin. De son côté, le mâle se distingue par son individualité; les ca

Tout le monde sait que le langage transporte aux choses inanimées un caractère emprunté du règne animal. Il fait considérer les unes comme des femelles, les autres comme des mâles, en appelant, par exemple, certaine semence une graine, certaine autre un grain, certain amas de pierre une montagne, certain autre un mont, certaine excavation une fosse, certaine autre un fossé. Cette distinction peut sembler étrange; mais elle est utile, ne fût-ce que parce qu'elle sert à marquer entre les noms les plus sembla-ractères de l'espèce ne brillent qu'en lui, ou bles, quant à la forme et au sens, une différence assez considérable. En signalant cette différence entre les substantifs synonymes à radicaux communs et à terminaisons peu ou point significatives, nous ferons connaître la raison générale qui a guidé le sens commun dans l'imposition de l'un ou de l'autre genre à tels ou tels substantifs.

Le féminin est toujours plus général, le mas

brillent en lui beaucoup plus que dans la femelle. C'est la femelle, plus certaines qualités que le mâle possède seul, comme la beauté du chant. la vivacité des couleurs, les cornes, la force, etc.

Cette même règle va recevoir des faits une justification plus éclatante encore. Nous la verrons d'abord appliquée aux substantifs qui ont la même terminaison au masculin qu'au féminin.

AMOURS (f.), AMOUR (m.). Passion d'un sexe | roi est entré dans Valenciennes comme un foudre.» pour l'autre.

BOIL. On fond sur son ennemi avec la rapidité de Le mot amour, généralement masculin, prend la foudre et comme un foudre. Que si pour l'ordiquelquefois le genre féminin; mais cela n'arrive naire foudre féminin s'emploie avec l'article déguère en prose, suivant l'Académie, si ce n'est fini la, et foudre masculin avec l'article numériquand le mot est au pluriel: nouvelles amours, que un, cette affinité justifie pleinement la disardentes amours, folles amours. Or, évidem-tinction établie par nous entre le féminin et le ment le pluriel est bien plus compréhensif et masculin; car le, la, les indique le genre, et un plus vague que le singulier revenir à ses pre-l'espèce ou même l'individu : la naïveté, une mières amours, n'indique pas l'objet d'un pre-naïveté. Le foudre est aussi la foudre individuamier sentiment, n'exprime pas qu'il ait été uni-lisée, figurée, représentée sous une image. Les que, avec autant de précision que, revenir à son poëtes anciens peignent Jupiter ayant un foudre premier amour. Ensuite, l'amour désigne un à la main, et lui donnent pour attribut l'aigle tesentiment, et le sentiment seul; les amours pré- nant un foudre dans ses serres. De même, foudre sentent cette idée mêlée avec beaucoup d'autres; | est du masculin toutes les fois qu'on ôte à la fouelles font songer aux assiduités, aux petits soins, dre ce qu'elle a de vague, pour la rendre sensiaux doux propos, aux témoignages d'affection. ble, lui donner une forme, la personnifier: Un « Ce Lapon nous dit qu'il lui en avait bien coûté, héros est un foudre de guerre; un grand orateur pendant ses amours, deux livres de tabac et qua- est un foudre d'éloquence. En général, foudre, tre ou cinq pintes de brandevin. » REGN. De plus, au figuré, est masculin, parce que ce mot prend et c'est une autre condition dont l'Académie ne alors un sens bien déterminé. « Martin Luther est, parle pas, le mot amour, au pluriel, n'est em- dit-on, la trompette, ou plutôt c'est le tonnerre: ployé comme féminin que quand il est précédé et c'est le foudre qui a tiré le monde de sa létharnon pas suivi de son adjectif : de folles amours, gie. » Boss. « Le foudre de la parole évangéliet non des amours folles; comme de sottes gens, que. » ID. « Etre à couvert de tous les arrêts de et non des gens sottes. L'adjectif étant mis après, la justice divine et de tous les foudres du ciel. » amour, quoique au pluriel, resterait masculin: BOURD. « Jules II se mêlait aussi d'excommunier : des amours brutaux (PASC. VOLT.); froids, hon-il lança son ridicule foudre contre Louis XII. » teux, déplacés, odieux, lascifs (VOLT.); particuliers (COND.) Il est des amours emportés aussi bien que des doucereux. » MOL. C'est qu'en général l'adjectif se place avant le substantif dans les locutions vagues, et après dans les locutions pré-| cises. (Voy. ci-après Synonymie des expressions | qui ne diffèrent que par l'ordre des mots : savant homme, homme savant.) Si donc le mot amour n'est féminin qu'au pluriel et après l'adjectif, la raison en est qu'alors seulement il tient de ces deux circonstances le caractère décidé de vague et d'indétermination qui est propre au féminin. -Delice et orgue, masculins au singulier, sont aussi féminins au pluriel, même sans avoir besoin, comme amours, d'être précédés de l'adjectif : délices pernicieuses (Boss.), orgues porta-genre masculin quand il désigne la foudre partitives. (ACAD.)

FOUDRE (f.), FOUDRE (m.). Le feu du ciel, la matière électrique lorsqu'elle s'échappe de la nue en produisant une vive lumière et une violente détonation.

La foudre est une expression vague et compréhensive, qui signifie à la fois le feu du ciel, la vive lumière et la détonation qu'il produit en s'échappant de la nue. Le foudre ou plutôt un foudre est la foudre particularisée, employée dans un cas spécial, à un usage déterminé; chaque carreau de la foudre est un foudre:

II (Jupiter) lance un foudre à l'instant. LAF.
Le même poëte dit de Louis XIV:

Je peindrais ce monarque étendant son empire:
Il lancerait la foudre.

Jupiter est le dieu qui tient dans ses mains la foudre. FEN. La foudre est comme la matière dont sont faits les divers foudres. « Les foudres de Dieu sont toujours prêts. » Boss. « J'ai vu Satan qui combait du ciel comme un foudre. » BOURD. « Le

[ocr errors]

VOLT.

AIGLE (f.), AIGLE (m.). Oiseau de proie trèsfort et très grand, ou sa représentation.

L'exemple précédent fait voir une chose physique perdant le genre féminin pour le masculin en devenant figurée. Ici on voit le contraire. Aigle est du masculin, quand il signifie un être réel, un certain oiseau de proie très-fort et très-grand, et il devient féminin en termes d'armoiries et de devise: l'aigle impériale, l'aigle romaine; les armes de l'empire français étaient une aigle. Il n'y a pas là de contradiction. L'objet physique, appelé la foudre, est quelque chose de très-vague et de très-peu déterminé le mot qui l'exprime doit donc être du féminin; mais il doit prendre le

cularisée ou figurée, devenue sensible. Au contraire, l'objet physique, qui porte le nom d'aigle, jouit d'une parfaite individualité, et l'esprit s'en fait une idée très-nette, que la représentation, la figure ou le symbole ne peut qu'obscurcir en la généralisant.

[ocr errors]

VOILE (f.), VOILE (m.). Pièce d'étoffe servant différents usages.

La voile est généralement plus grande, de toile, c'est-à-dire de l'étoffe primitive dont toutes les autres sont comme les espèces; et l'usage auquel on l'emploie est simple, il exclut une particularité caractéristique et déterminative du voile, qui est de cacher.

OEUVRE (f.), OEUVRE (m.). Ouvrage, production, tout ce qui est fait par un agent et subsiste après son action.

OEuvre (f.) est l'expression mère, celle qui désigne le genre et qu'on emploie presque toujours. OEuvre (m.) est réservé pour certains cas où on veut signifier une espèce, et une espèce bien déterminée, remarquable, extraordinaire. Aussi

cette époque, et vous marchez à la pointe du jour, ou à la clarté du jour naissant. Vous mesurez le temps par le point du jour : la pointe du jour vous fait distinguer les objets. » ROUB. Le point du jour est une division abstraite du temps. « Les conciles avaient réglé qu'on ne se battrait point le jeudi jusqu'au point du jour du lundi. » VOLT. « On ne pouvait entrer dans ce jardin que vers le point du jour. » LES. La pointe du jour est une partie de cette chose réelle et concrète qu'on appelle le jour. A la pointe du jour, nous vimes, nous aperçûmes telle chose. (LES.) « La pointe du jour commençait à paraître. » SCARR. « Dans un poëme, on exprimera ainsi la pointe du jour : L'aurore cependant, etc. » COND. « M. le duc et

n'est-ce qu'au singulier et dans le style soutenu | pointe du jour. Vous partez au point du jour, à qu'on peut faire œuvre du masculin: au singulier, parce que le singulier est plus précis ou moins vague que le pluriel; dans le style soutenu, parce qu'en changeant le genre ordinaire du mot, on annonce nécessairement quelque chose qui se distingue comme une œuvre peut se distinguer des autres, c'est-à-dire en général par un caractère de grandeur ou d'excellence qui attire l'attention et qu'on admire. Un si grand œuvre, un œuvre de génie, ce saint œuvre. (ACAD.) << L'homme est le grand et dernier œuvre de la création. » BUFFON. OEuvre se prend aussi au masculin hors du langage commun, pour exprimer des espèces particulières, c'est-à-dire les œuvres spéciales de certains arts. Ainsi, en alchimie, le grand œuvre désigne la pierre philoso-Me la duchesse de Bourgogne tenaient alors ouphale; d'autre part, on dit, tout l'œuvre d'un graveur, et, en termes de musique, le premier, le second œuvre de tel maître, de Rossini, de Meyerbeer.

COUPLE (f.), COUPLE (m.). Deux choses de la même espèce.

vertement la cour, et cette cour ressemblait à la première pointe de l'aurore. » S. S. « Ces trois qualités sont trois rayons qui ne font un plein jour qu'en J. C.; mais ils font en la sainte Vierge une pointe du jour agréable, qui commence à nous réjouir. » Boss.

TAXE, TAUX. L'idée commune est celle de la détermination de quelque valeur.

Le taux est cette valeur même déterminée, éta

Un couple suppose une union fixe, étroite, établie par un acte particulier de volonté, une destination invariable. Une couple n'indique qu'une liaison indéterminée, vague, momen-blie, fixée, réglée; la taxe exprime une idée tanée, qui est plutôt le fait de la nature ou du hasard. Un couple de pigeons se compose de deux pigeons, qui se sont unis volontairement pour se reproduire, qui vivent ensemble et ne sont plus libres d'entrer dans une nouvelle communauté. Une couple de pigeons signifie uniquement deux pigeons, comme une couple d'œufs, deux œufs, une couple d'écus, deux écus, une couple d'heures, deux heures, et ainsi du reste. Cette expression ne signifie aucune détermination, destination, ou délimitation spéciale. « Un couple de pigeons est suffisant pour peupler une volière; une couple de pigeons ne sont pas suffisants pour le dîner de six personnes.» BEAUZ. « Le distique est un couple de vers qui forment ensemble un sens complet. » MARM. Une couple | d'excellents vers, même détachés l'un de l'autre, peuvent déjà faire reconnaître un grand poëte.

étendue, vague, abstraite, compréhensive, celle du fait, de l'autorité et du règlement qui déterminent cette valeur. De sorte que le taux sort de la taxe; c'est uniquement et précisément la valeur, telle qu'elle résulte de la tare. Le taux est tel, trop fort ou trop faible; la taxe se fait, elle atteint ceux-ci ou ceux-là, telles ou telles denrées; on s'y soumet, on y échappe. On ne dit que taux en parlant de l'intérêt de l'argent: taux légal, taux de cinq pour cent, parce qu'en pareil cas on considère presque toujours l'intérêt comme établi, en lui-même, comme s'élevant à tel degré, et rarement comme s'établissant, comme étant imposé par l'autorité. « On dit assez indifféremment taux et taxe, en parlant du prix établi pour la vente des denrées, ou de la somme fixée que doit payer un contribuable; mais ce n'est que dans le cas où il n'est pas plus nécessaire de faire attention à la valeur déterminée qu'à l'autorité déterminante: car un contribuable qui voudrait représenter qu'il ne peut Point présente l'idée d'une manière plus res- payer ce qu'on exige de lui, faute de proportreinte, plus délimitée, plus précise; il n'a rap-tion avec ses facultés, devrait dire que son taux port qu'au temps, et fait abstraction de tout le est trop haut; et s'il voulait dire que les imreste. Pointe donne l'idée d'une extrémité du positeurs ne l'ont pas traité dans la proportion jour, du jour commençant à poindre; c'est une des autres contribuables, il devrait dire que la expression, non pas simplement formelle, comme taxe est trop forte.» BEAUZ. Relativement aux la précédente, mais matérielle, concrète en frais de justice, taux indique plutôt une valeur quelque sorte, chargée d'accessoires tirés des déterminée, fixée une fois pour toutes, généracirconstances réelles. La pointe est au point, lement; et taxe, un taux plus libre, plus arbidans cette acception, comme la journée au jour. traire, plus pour la circonstance. Les écritures Et, en effet, le point est en général la plus petite des avoués sont soumises à un taux; et il arrive division de l'étendue abstraite, et la pointe le quelquefois que le tribunal réduit la taxe de leurs plus petit bout de la chose. « Le point du jour écritures. On ne dit que taxe, s'il s'agit d'une imest le commencement de la durée, comme le midiposition en deniers sur des personnes en ceren est le milieu la pointe du jour est le com-tains cas; c'est qu'on a alors plus égard à l'automencement de la clarté, comme le grand jour en rité, qui met un impôt, et au fait de l'imposition, est la plénitude ou l'éclat. L'observateur se lève qu'à sa quotité fixe et précise. avant le point du jour, pour considérer la petite

POINTE DU JOUR, POINT DU JOUR. Le plus petit jour.

[ocr errors]

GRAINE, GRAIN. Girard a très bien distingué

« PreviousContinue »