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des anciens, nous ne les pratiquons pas, nous nous contentons d'en avoir entendu parler.

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Enfin, c'est surtout en termes de palais que ce verbe a continué et continue encore à se dire. Si un homme qui a reçu un assigné pour être oui est absent du royaume,... VOLT. « Pourquoi (dans l'affaire des Calas) ne voulut-on pas ouir la demoiselle Bon et ces deux garçons? » ID. « Clotaire fit une loi pour qu'un accusé ne pût être condamné sans être oui,» MONTESQ. Le sénat supposa qu'ils avaient été ouïs et condamnés dans l'assemblée des Achéens. » ROLL. « Emprisonner sans raison les innocents, flétrir un citoyen sans l'ouir. » J. J. « On me décrétait de prise de corps, au lieu de m'assigner pour être oui. » ID. Qu'on appelle la reine. Oui, sans aller plus loin, Je veux l'ouir: mon choix s'arrête à ce témoin. (Mithridate.) RAC. ENTENDRE, COMPRENDRE, CONCEVOIR. Ces mots expriment l'action de l'esprit saisissant ce qui lui est présenté.

tendre, en saisir le sens véritable, c'est en avoir une intelligence raisonnée, de manière à se rendre compte de tout, à apercevoir les raisons et les conséquences, à tout concilier, à sentir et à résoudre toutes les difficultés. « Mme la Dauphine a les yeux vifs et pénétrants; elle entend et comprend facilement toutes choses. » SÉV.

D'autre part, comme concevoir signifie ultérieurement se faire ou se former des idées quelconques, aussi bier des idées abstraites, des opinions, que des idées sensibles ou des images, sa synonymie avec comprendre est quelquefois trèsétroite. En conséquence de telles ou telles choses, vous concevez ou vous comprenez que je dois agir de telle façon. « Tout est dit, quand on a dit de Dieu qu'il est. Celui qui demande encore quelque chose n'a rien compris dans l'unique chose qu'il faut concevoir. » FÉN.

Mais comprendre désigne toujours une intelligence plus complète, plus détaillée, plus approfondie. Suivant Fénelon, Dieu non-seulement se Entendre, de in tendere, qui équivaut à peu conçoit lui-même, c'est-à-dire «en sait assez sur près à ad tendere, tendre vers, être attentif. lui-même pour se distinguer de tout autre être,» prêter l'oreille, c'est se bien représenter des mais encore se comprend, c'est-à-dire « connaît sons, des paroles, des écrits, en bien saisir la si distinctement toutes ses perfections autant gnification, en sentir toute la force; ce mot n'a qu'elles sont intelligibles. » En ce sens on peut rapport qu'à la valeur des termes et aux circon-dire que nous concevons Dieu et l'infini, mais stances du discours, comme les tours et le ton.

Comprendre, cum prehendere, prendre plusieurs choses ensemble, ou une chose tout à fait, entièrement, dans tous ses détails, c'est saisir une chose dans toutes ses parties, s'en rendre raison, la pénétrer par son esprit, en apercevoir le comment et le pourquoi, les principes, les causes, les motifs : ce mot a rapport à la nature des choses qu'on explique ou qu'on s'explique.

non pas que nous le comprenons. Nous nous en faisons une idée quelconque, comme de quelque chose qui doit être. Mais nous ne pouvons en développer les qualités dans notre esprit.

Ensuite, concevoir est subjectif, c'est-à-dire relatif à l'esprit qui produit l'action; c'est pourquoi on appelle conceptions, et non pas compréhensions, certaines pensées, certaines créations de notre esprit. Comprendre est objectif et appelle l'attention vers la chose soumise à notre intelligence ou vers celui qui la propose. Que nous ne puissions concevoir ou comprendre quelque chose, cela prouve, d'un côté, la faiblesse de notre conception, de notre faculté de concevoir, et de l'autre l'incompréhensibilité de la chose, sa difficulté essentielle ou la faute de celui qui la « Le courtisan entend le langage des passions. présente mal. C'est que nous avons une concepL'homme docte comprend les questions métaphy-tion difficile, ou que la chose est d'une comprésiques de l'école. L'architecte conçoit le plan et l'économie des édifices. » GIR.

Concevoir, cum capere, prendre avec soi, en soi, produire par voie de génération en parlant des femelles des animaux, c'est, intellectuellement, imaginér, créer dans son esprit, se faire une idée ce mot a primitivement rapport aux formes, et tout ce qui dépend de l'imagination est de son domaine.

Je n'entends pas ce que vous dites; je ne comprends pas votre raisonnement; je ne conçois pas votre dessein, votre description.

On entend ce qui est dit ou écrit, le sens des paroles ou des mots; on comprend les sciences, les spéculations, les calculs; on conçoit tout ce qu'on se représente en idée dans les sciences dans les arts et dans quelque genre que ce soit. Lorsque entendre et comprendre se disent tous deux des livres et des discours, entendre est plutôt relatif aux mots, au sens grammatical, et comprendre aux idées, à leur enchaînement, au sens logique. Les écrits philosophiques de Condillac s'entendent aisément; ils sont d'une correction à peu près parfaite. Mais ils se comprennent difficilement; ils laissent beaucoup à désirer pour l'exactitude et la clarté intrinsèque. D'ailleurs comprendre enchérit toujours sur entendre. Comprendre un passage, ce n'est pas seulement l'en

hension difficile. Nous concevons par nous-mê-
mes: «Le duc de Bourgogne concevait sans peine
les principes les plus abstraits. » FÉN. On nous
fait comprendre. « Si ce n'est pas ainsi que vous
avez conçu la chose, il est du devoir de mon mi-
nistère de vous la faire comprendre. » BOURD.
« J'espérais que ce que j'ai dit suffirait pour bien
faire comprendre que c'est Dieu qui nous éclaire.
Mais il y a des personnes qui ne sont pas capa-
bles d'une attention assez forte pour concevoir
les raisons que j'ai données de ce principe. » MAL.
« Je ne sais si vous concevez ce que je veux vous
faire comprendre. » ID. « Ce qu'un homme a pu
concevoir, un autre peut le comprendre. » JOUF-
FROY, traduction de Reid.
ENTERREMENT, CONVOI, OBSÈQUES, FUNÉ
RAILLES. Derniers devoirs rendus aux personnes
qui viennent de mourir.

Enterrement désigne l'action finale, à laquelle aboutissent ou que précèdent le convoi, les ob sèques ou les funérailles, l'action de rendre à

peut voir par cet exemple de Voltaire: Depuis les funérailles d'Alexandre, rien de plus superbe que les obsèques de Charles-Quint. »

Cependant obsèques, du latin obsequium, complaisance, déférence, d'où notre mot obsequieux, qui a trop de respect ou d'égards, a rapport au sentiment, au deuil; au lieu que fu

avec la terminaison collective aille, ne représente que la collection des ornements, des chants, des flambeaux, des discours et de tout ce qui sert en un mot à solenniser extérieurement la mort d'un grand. On honore des obsèques par de tristes regrets (MASS.); mais l'appareil des funérailles (Mass., FLÉCH.) n'est souvent qu'une vaine représentation. On se fait un devoir d'assister à des obsèques; c'est un témoignage de tendre souvenir et de vénération. On assiste à des funérailles comme à un spectacle ou à une fête. « A la mort de Pélopidas, les Thessaliens, pénétrés de la plus sensible douleur et de la plus vive reconnaissance, demandèrent qu'il leur fût permis de célébrer seuls et à leurs dépens les obsèques d'un général qui s'était dévoué pour leur salut, et l'on ne put refuser à leur zèle cet honorable privilége. Ses funérailles furent magnifiques, surtout par la douleur sincère, tant des Thébains que des Thessaliens; car, dit Plutarque, cette pompe extérieure de deuil, et ces marques de douleur qui sont de commande, et que l'autorité publique impose aux peuples, ne sont pas toujours des preuves certaines de leurs vrais sentiments. » ROLL.

la terre la dépouille mortelle du défunt. Assister au convoi, obsèques et enterrement de quelqu'un. De plus, ce mot ne convient que par rapport aux pays où c'est l'usage de mettre en terre le cadavre, et non pas de le brûler, par exemple, et il est relatif au lieu où le corps est déposé. « Vous aurez su l'enterrement de Voltaire fait à trente lieues de Paris, par une espèce d'escamo-nérailles, du latin funus, qui a le même sens, tage, dans l'abbaye de son neveu. » D'AL. Toutefois enterrement se prend aussi pour signifier en somme tout ce qu'on fait à l'égard d'une personne défunte dont on rend les restes à la terre. Alors c'est le mot simple et commun, ou un mot qui exprime quelque chose de simple et de commun et d'uniquement triste. La police des enterrements (VOLT.); l'enterrement d'une servante (REGN.); un enterrement modeste (LES.). Depuis quatre jours, je n'ai vu que des larmes, du deuil, des services, des enterrements.» SÉv.« Mme de La Popelinière m'accusa d'avoir fait une musique d'enterrement, » J. J. '. | Le convoi, de cum, avec, et de via, route ou chemin, au lieu d'être le dernier acte funèbre, comme l'enterrement, en est le premier; c'est le transport du défunt de la maison mortuaire au lieu où doit se faire l'enterrement, avec accompagnement d'un plus ou moins grand nombre de personnes. Dans les premiers temps, les convois en Grèce se faisaient toujours la nuit. Venir d'un convoi (REGN.). Le jour du convoi (VOLT., D'AL.). « Les principaux de la nation anglaise se sont disputé l'honneur de porter le poêle au convoi de Newton. » VOLT. « La marche avait quelque chose d'auguste et de majestueux, et ressemblait plutôt à un glorieux triomphe qu'à un lugubre convoi. » ROLL. « Dion fit à Héraclide des funérailles magnifiques, et suivit son convoi avec toute son armée. » ID. Quelquefois, mais non pas toujours, comme le prétend l'Académie, le convoi est la réunion des personnes qui assistent ou prennent part au convoi, c'est-à-dire qui accompagnent le corps jusqu'à la tombe. « Le convoi passera par tel endroit. » ACAD. Mener le convoi (S. S.). « Le convoi s'arrêta.» VOLT. A mesure qu'ils arrivaient, ils prenaient leur rang, marchaient en ordre, et formaient plutôt une nombreuse armée qu'un

convoi. » ROLL.

En second lieu, obsèques est plus synthétique, plus sommaire; il ne peint pas, il ne met pas sous les yeux, il ne détaille pas comme funerailles. « Le sénat se crut obligé de permettre qu'on fît les obsèques de César.... Or, c'était une coutume des Romains de porter dans les funérailles les images des ancêtres, et de faire ensuite l'oraison funèbre du défunt. » MONTESQ. Dans l'Histoire du parlement de Paris, par Voltaire, le chapitre XLV est intitulé Obsèques du grand Henri IV, et il commence par cette phrase: « C'est un usage de ne célébrer les funérailles des rois de France que quarante jours après leur mort. »

Enfin, funérailles renchérit sur obsèques. On Obsèques et funérailles ne s'emploient qu'au fait des obsèques à un particulier, et des fupluriel, et marquent, non pas l'action spéciale de nérailles à un roi. Les funérailles sont des obmettre le trépassé dans la fosse, ni celle de l'ac-sèques pompeuses. L'Eglise emploie simplement compagner jusque-là, mais en général quelque chose de solennel, des cérémonies en l'honneur d'un mort. On célèbre des obsèques ou des funérailles. C'est, en termes de religion catholique, le service. Mais si obsèques et funérailles diffèrent bien des deux premiers mots, ils ont entre eux la plus grande ressemblance, comme on le

1. Inhumation exprime toujours précisément la mise en terre, et cela avec des circonstances qui relèvent le fait, avec et après des cérémonies, après que des obsèques ou des funérailles ont été célébrées. «Le fils de la veuve de Naïm était sur le point d'être inhumé; car on le portait en terre, et on faisait actuellement la cérémonie des funérailles, » BOURD, Voy. Inhumer, enterrer.

et sans difficulté le mot d'obsèques; mais il est rare qu'elle n'attache pas une idée de faste à celui de funérailles. « Alors on demandait en Angleterre, comme nous faisons encore aujourd'hui dans les obsèques, pour l'âme qui venait de sortir du monde, la rémission de ses péchés. » Boss. « Les Suédois dépensent leurs biens en funérailles. » REGN.

ENTÈTER, INFATUER, FASCINER, ENGOUER, ENTICHER. Prévenir ou préoccuper à l'excès.

Entéter, mettre en tête quelque chose, faire qu'on en soit entêté, qu'on y tienne opiniâtrément, est relatif à la force de l'attachement et à l'impossibilité de le rompre. « Ce sont les personnes du sexe qui s'entétent davantage du

monde, et qui y demeurent attachées avec plus | absorbée, est pour ainsi dire enlevée au monde, d'obstination. BOURD. L'entêtement est l'effet à la réalité, et comme mise hors de soi.

L'enthousiasme et l'exaltation sont des états actifs, ou qui disposent à agir, à faire des œuvres honnes ou mauvaises on ne saurait être plus animé qu'on l'est dans l'enthousiasme et l'exaltation. Le transport, le ravissement et l'extase sont des états purement passifs : on ne saurait être plus fortement affecté qu'on l'est dans le transport, le ravissement et l'extase. De quoi n'est point capable l'homme enthousiaste ou exalté ? Combien a été profonde l'impression produite sur l'homme transporté, ravi, extasié! Vous parlez proprement de l'enthousiasme et de l'exaltation des auteurs, des artistes et des agents moraux;

d'une impression dont on ne revient guère, qui rend indocile, incapable d'entendre raison. Infatuer, latin infatuare, signifie à la lettre rendre fou, insensé, déraisonnable, sot, et il est relatif à l'état de folie dans lequel on met les personnes ou à l'extravagance des choses qu'on leur met dans l'esprit. « Entretiens particuliers dont le secret, la familiarité, la douceur affaiblit les forts et infatue les sages. » BOURD. « Les mondains ne sont-ils pas les premiers à déplorer leur folie lorsqu'ils se sont laissés infatuer d'un fantôme qui les trompait?» ID. Après que l'on voit tant de gens infatués des folies de l'astrologie judiciaire. » P. R. « Roucy infatua Mon-mais vous vous servez des mots de transport, seigneur par ces sottises-là que M. de Metz étant prêtre, évêque, ne pouvait être duc et pair.... »

S. S.

D

Fasciner, du latin fascinare, faire des charmes, des enchantements, jeter un sort, est relatif à la manière extraordinaire, prodigieuse, inexplicable, dont on a été prévenu ou préoccupé. La fascination est comme un ensorcellement. Saint-Simon dit au sujet de la prévention du régent pour Dubois : « Cette fascination ne peut paraître qu'un prodige du premier degré. » « A quel point une erreur scientifique peut être contagieuse, et combien le charme du merveilleux peut fasciner les esprits! » BUFF. Saint Augustin se laissa préoccuper de différents systèmes.... Quelles actions de grâces rend-il à Dieu d'avoir rompu le charme d'une science profane qui lui fascinait les yeux!» BOURD. Des amis négocient en faveur de cet homme, parce qu'ils sont pour ainsi dire fascinés par le charme de son hypocrisie. » ID.

de ravissement et d'extase pour exprimer ce qu'on éprouve en voyant, en entendant ou en lisant leurs ouvrages. C'est, d'une part, beaucoup d'ardeur, de feu, de vivacité, et, de l'autre, beaucoup de plaisir ou de douleur. L'enthousiasme du bien porte à faire le bien; un transport ou un ravissement de joie est l'effet de la joie. On agit, on parle, on compose avec enthousiasme ou exaltation; on reçoit, on voit, on écoute, on apprend, on jouit d'un plaisir avec transport, ravissement, extase.

1. Enthousiasme, exaltation.

L'Académie définit l'exaltation, un enthousiasme véhément, une sorte de transport, de délire auquel on s'abandonne. De là suit une distinction à peu près vraie, mais incomplète.

Le mot exaltation, pris en ce sens, est nouveau; il a à peine cent ans de date. « Fénelon n'était point hypocrite, il a été de bonne foi martyr de ses systèmes; c'était ce qu'on appelle aujourd'hui un esprit exalté. Ce mot est devenu à la mode pour exprimer l'enthousiasme. » DUDEFF.

Engouer, ou plutôt s'engouer (car ce verbe ne s'emploie qu'avec le pronom personnel ou au Cependant il n'exprime qu'un enthousiasme participe passé) marque du goût: s'engouer, mauvais ou blâmable, c'est-à-dire ou excessif et c'est prendre en goût ou du goût, se prévenir ou déréglé, comme l'indique l'Académie, ou factice, se préoccuper par humeur, arbitrairement, sans à froid, ou employé à mal. L'enthousiasme, inraison. Aisément engouée, Mme de Maintenonspiration divine, est le principe des œuvres de l'était à l'excès; aussi facilement déprise, elle se dégoûtait de même, et l'un et l'autre très-souvent sans cause ni raison. » S. S. « Je ne m'engouai pas, mais je m'attachai par l'estime, et peu à peu cette estime amena l'amitié. » J. J.

génie et des actions héroïques; l'exaltation, surexcitation artificielle ou au moins humaine, non surnaturelle, de l'esprit, ne pousse à faire que des choses peu merveilleuses, de peu de valeur, ou bien même ridicules ou odieuses. « Diderot a Enticher, qui paraît être le même mot qu'enta- tellement besoin qu'on le croie exalté pour excucher, veut dire d'abord commencer à gâter, ser le fanatisme de son livre, qu'il se met à faire particulièrement des fruits; et, par conséquent, l'éloge des têtes exaltées.... Le bon sens répond au figuré, ce verbe annonce qu'on est prévenu au harangueur de place: l'exaltation n'est que le ou préoccupé de choses mauvaises, qui propre-premier degré de la folie.... Une tête exaltée s'acment corrompent. Des femmes entichées du bel esprit (LAH.), du pédantisme (ID.); entiché du vice d'ingratitude (LAF.).

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corde avec une âme froide. Il est ridicule que ceux qui affichent la vérité affichent aussi l'exaltation. » LAH. « L'exaltation nous abuse en tous sens. » ID. « Un des plus mauvais Mois de Roucher est celui d'octobre, et la vendange ne lui a pas porté bonheur, quoiqu'il s'efforce d'y mettre d'abord un enthousiasme factice, qui n'est qu'une froide exaltation de tête. » ID. « Il ne peut y avoir aucune espèce de force dans des idées si ridiculement fausses (de Crébillon), mais seule ment une exaltation de tête qui produit l'extravagance, comme la vraie chaleur de l'imagination produit la vérité. » ID. « Il me reste à fixer l'at

tention des bons citoyens, dont l'exaltation de parti n'a pas égaré les lumières, sur ce décret d'accusation.» BEAUM. « Il a toute l'exaltation des fanatiques. » ACAD.

2o Transport, ravissement, extase. « C'est toi qui vis, qui causas ce délire, ces pleurs, ces ravissements, ces extases, ces transports qui n'étaient pas faits pour un mortel. » J. J. « Voilà ce qui fait le plus doux entretien des âmes fidèles. De là ces extases, ces ravissements, ces saints transports où elles entrent.» BOURD. « J'en suis ravi, transporté, extasie. » DEST.

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Dans le transport, on est agité, on tressaille, on tempête, on crie, on applaudit, on court çà et là; ce qui n'empêche pas ce mot de différer des précédents, car l'activité qu'il implique est vaine ou stérile. L'enthousiasme se saisit de Joad, et lui fait rendre un oracle; les transports d'Oreste, d'Hermione, des Ménades, leur font produire, non pas des actions proprement dites et des œuvres, mais des mouvements. Ajoutez que le transport peut être l'effet d'une impression pénible aussi bien que d'une impression agréable des transports de colère, de jalousie | (ACAD.); les transports de la douleur (FÉN.).

ce temple, on sent dans le cœur un charme secret qu'il est impossible d'exprimer; l'âme est saisie de ces ravissements que les dieux ne sentent eux-mêmes que lorsqu'ils sont dans la demeure céleste. >> MONTESQ.

A tous les cœurs bien nés que la patrie est chère! Qu'avec ravissement je revois ce séjour! VOLT. Dans l'extase, on est émerveillé, ébahi, on n'en revient pas. « La vue de tant de merveilles ravit en extase. » ACAD. « Je suis dans l'extase de Lekain. » VOLT.

ENTIER, COMPLET (TOTAL). A quoi il ne manque aucune partie.

Entier vient du latin integer, à quoi on n'a pas touché, intact. Complet. completus, est le participe de complere, remplir, achever, accomplir. Ce qui est entier a toutes ses parties, on n'en a rien ôté; ce qui est complet a reçu toutes les parties qu'il doit avoir, il n'est besoin d'y rien ajouter. Votre bibliothèque ou votre garde-robe est entière, on n'en a rien distrait; elle est complète, si on y a mis ou si vous y avez mis tout ce qui était nécessaire eu égard à sa destination. Entier se rapporte à la quantité; complet à la qualité, à l'usage, à la convenance, à la perfection. J'occupe votre appartement tout entier, mais ce n'est pas un appartement complet. J'ai lu cet ouvrage entier en un jour; il ne sera complet que quand l'auteur aura ajouté un second volume au premier pour le compléter ou en guise de complément. Une armée entière, c'est toute une ar

ses membres; une armée complète, c'est une armée dont on a bien rempli les cadres et dont on a mis toutes les compagnies au complet, à qui on a donné tous les soldats qu'il faut.

Dans le ravissement et dans l'extase, au contraire, on jouit toujours; ce sont des états essentiellement agréables. Aussi ces deux mots sontils très-usités dans le langage du mysticisme pour signifier les délices d'une âme toute dévouée à Dieu. « Avant que sainte Thérèse eût paru au monde, il y avait eu des visions, des ravisse-mée ou une armée intacte, qui a conservé tous ments, des extases. » BOURD. «Dans le monde, on traite les ravissements, les extases et les saintes délicatesses de l'amour divin, de songes et de creuses visions. » Boss. Il en est de même dans le langage profane ravissement et extase s'y emploient assez souvent ensemble pour marquer le comble de la félicité. « Je m'endormis dans une loge à l'Opéra. Qui pourrait exprimer la sensation délicieuse que me firent la douce harmonie et les chants angéliques de l'air qui me réveilla? Quel réveil! Quel ravissement, quelle extase, quand j'ouvris au même instant les oreilles et les yeux ! Ma première idée fut de me croire en paradis. J. J.

Cependant extase (Exoτaoig, renversement d'esprit, stupeur) renchérit sur ravissement. Dans l'état qu'il désigne, l'âme est totalement absorbée, insensible à tout le reste, immobile et stupéfaite; au lieu que dans le ravissement on a en core assez conscience de soi et assez de liberté pour faire éclater sa joie par des transports. « Les corsaires s'applaudissaient de cette prise, en faisant éclater leur ravissement par des transports inexprimables. » LES. « Les saints dans le ciel aiment Dieu avec un doux ravissement qui leur fait toujours trouver de nouvelles délices dans l'objet de leur amour; et le saint transport dont ils sont animés ne leur permet pas de se lasser jamais de louer et de célébrer ses miséricordes.» Boss. D'ailleurs, le ravissement et

l'extase ont des causes différentes, savoir, le ravissement l'aise, et l'extase l'admiration. On est au comble du contentement, on ne se sent plus de joie, quand on est ravi. Lorsqu'on entre dans

D

De plus, ce qui est entier est tel; ce qui est complet a été fait tel. Complet rappelle seul l'action d'un verbe, action qui a eu pour effet d'achever la chose dont il s'agit, d'en faire quelque chose d'accompli. Vous direz absolument : Ma joie est entière; et avec Mme de Sévigné : « Les trois lignes que vous m'avez écrites m'ont donné l'achèvement d'une joie complète, » Fénelon, parlant du bonheur des justes dans les champs Elysées, écrit: « Mille et mille siècles écoulés n'ôtent rien à leur félicité toujours nouvelle et toujours entière. » Et un peu plus loin, au sujet des rois qui ont régné avec une sincère vertu : << Ils possèdent ici tout ce que la puissance des dieux peut donner pour rendre une félicité complète. » De même, Rollin dit quelque part : « La victoire des Romains fut entière. » Et ailleurs : « Les Romains prirent le camp, et rendirent leur victoire complète. » Année, province, foi entière; fruit entier, œuf entier, le monde entier : énumération, démonstration, collection, conversion complète; habillement complet'.

4. Total est un mot abstrait signifiant, qui est relatif à un tout. On ne dit pas une armée totale, comme on dit une armée entière ou complète; mais on dit le ploierait donc en parlant de choses idéales, la rénombre total des soldats. Destruction totale s'emputation, le crédit, et on préférerait destruction entière ou complète quand il serait question de choses matérielles, d'une ville, par exemple; un homme

ENTREMISE, MÉDIATION. Action de s'inter- | intrigue par l'entremise du seigneur de Santil

poser.

1o Le secours de l'entremise peut être apporté par une chose aussi bien que par une personne; le service de la médiation n'est jamais rendu que par les personnes. Entremise est donc le seul mot qui convienne dans les exemples suivants; on ne saurait y substituer médiation. L'âme n'aperçoit ce qui se passe au dehors de cette partie du cerveau que par l'entremise des fibres qui y aboutissent. » MAL. « Suivant Epicure, les connaissances viennent peu à peu à l'entendement par l'entremise des sens. » FÉN. « Que de choses se sont dites sans ouvrir la bouche! Que d'ardents sentiments se sont communiqués sans la froide entremise de la parole! J. J. « Les instruments peuvent seconder la voix, y suppléer, et porter à l'âme, par l'entremise de l'oreille, d'agréables émotions. » MARM.

D

Rhodes et de Chio, qui venaient offrir leur mé-
diation et porter les deux parties à un traité de
paix. » ROLL. Des vautours étaient en guerre; la
nation des pigeons en fut émue:

Elle employa sa médiation
Pour accorder une telle querelle.

LAF.

lane. » ID. « Smerdis le mage affecta de ne se point montrer en public et de traiter toutes les affaires par l'entremise de quelques eunuques. >> ROLL. « Les vestales avaient le droit de tester du vivant de leur père, et de disposer de tout ce qui les regardait sans l'entremise d'un curateur.»> ID. Dans Andromaque, Pyrrhus dit à Oreste qui vient réclamer Astyanax au nom de la Grèce : Qui croirait en effet qu'une telle entreprise Du fils d'Agamemnon méritât l'entremise? RAC. - La médiation est un arbitrage entre gens qui sont en guerre ou ennemis les uns des autres : deux puissances belligérantes demandent, acceptent ou refusent la médiation d'un souverain qui doit rétablir entre elles la paix; et de même vous offrez votre médiation, pour faire cesser des inimitiés, des haines. « Volckra fut rappelé à Vienne pour faire place à Penterieder pour 2° Quand il est question des personnes, l'entre- traiter la paix de l'empereur avec le roi d'Esmise moyenne entre elles une communication, pagne, par la médiation de la France, de l'Anou fait l'office d'un canal; et la médiation les gleterre et de la Hollande. » S. S. « Le pape Urrapproche, comme le fait un homme qui se jette bain VIII, qui pressait la France de se réconcilier au milieu de gens qui se battent, pour les sé- avec la maison d'Autriche, offrit sa médiation.... parer, ou qui sert de moyen entre deux ex- La Hollande et la Suède ne voulaient pas de la trèmes. · L'entremise est un ministère entre médiation du pape. » COND. « Philippe de Macépersonnes qui ne sont pas directement en rap-doine trouva à Corinthe des ambassadeurs de port, ministère semblable à celui des courtiers: on fait connaissance, on traite, on noue une intrigue galante avec une personne, on lui demande une grâce, par l'entremise d'une tierce personne. « Demandons, implorons par l'entremise de Marie, la grâce et les lumières du SaintEsprit. BOURD., MASS. « J. C. se sert au- « Le duc de Guise s'était réconcilié avec Henri III jourd'hui de l'entremise des apôtres pour par la médiation de la reine mère. » FÉN. « J. C. distribuer aux troupes le pain miraculeux. » est l'auteur de notre salut, le pacificateur entre MASS. Combien de trahisons exécutées par l'en-Dieu et nous, et le médiateur de notre réconcitremise d'une femme à qui il fallait de l'ar-liation. » Bourd. gent! BOURD. « Recevoir les révélations de Dieu par l'entremise des hommes. » ID. « Par l'entremise de Thérèse, ce La Roche fit connaissance avec Mme Levasseur. » J. J. « D'Effiat se rendait un personnage par ses entremises entre son maître (le régent) et le parlement auquel il le vendait. S. S. « Il fallait que ce fût Daraxa que quelqu'un de ses amis venait voir la nuit par l'entremise de quelque valet infidèle.» LES. << C'était le comte de Lemos qui conduisait cette totalement ruiné serait dans la misère, et un homme entièrement ou complètement ruiné n'aurait plus le sou. Mais entier et complet indiquant la présence, la réunion de toutes les parties d'une chose, sont mal propres à exprimer l'anéantissement, la ruine, et en pareil cas on devrait toujours se servir de total. Qu'on dise un succès entier (VERT.) ou complet, une victoire entière (VOLT.) ou complète (ID.), une guérison entière (MASS.) ou complète, rien de mieux; mais on devrait toujours faire usage de total, quand on veut marquer une désunion, une dissolution, une dispersion de parties, qui ne laisse rien subsister. C'est alors surtout que ce mot convient. Destruction totale (Boss., FÉN.), perte totale (Boss., J. J.), ruine totale (Boss.), dépérissement total (ROLL.), éclipse totale (ACAD.). Total parait même être en général négatif ou privatif. << L'inutilité totale de mes actions.» PASC. « Ce qui paraît dans le monde ne marque ni une exclusion totale ni une présence manifeste de divinité. » ID.

SYN. FRANC.

3° Entremise est un mot commun, ayant été formé de deux mots français, entre et mettre; au lieu que médiation, latin mediatio, de medius, qui est au milieu, est une expression relevée. C'est ce qui frappe surtout quand on compare entremetteur et médiateur. Après avoir parlé des dieux inférieurs qui, dans le système de Platon, ont créé les hommes et les animaux, qu'ils dirigent spécialement, Bossuet ajoute: « La religion chrétienne ne connaît point de pareils entremetteurs qui empêchent Dieu de tout faire, de tout régir, de tout écouter par luimême. Si elle donne aux hommes un médiateur. nécessaire pour aller à Dieu, c'est-à-dire J. C., ce n'est pas que Dieu dédaigne leur nature. »> On dira donc mieux, l'entremise d'un valet, et avec Massillon: « Un rang d'honneur dans l'Eglise est une médiation entre le ciel et la terre. » Et c'est parce que entremise est un mot vulgaire, qu'on dit non-seulement l'entremise d'un valet, mais encore l'entremise d'une chose, comme il a été marqué au commencement de cet article.

ENVIE, JALOUSIE. Chagrin mêlé de haine qu'on ressent des avantages et des succès d'autrui.

L'envie est le désir d'avoir; la jalousie, le désir d'avoir à l'exclusion des autres. L'envie est considérée solitairement dans celui qui l'éprouve:

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