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tendre et, en quelque sorte, les recevoir tous.
« J'ai arrêté une place pour ne manquer aucun
sermon du carème. » FÉN. Ne manquer à aucun
sermon du carème, c'est se faire un devoir ou
remplir le devoir d'assister à tous. « Quand ai-je
manqué à la messe et aur devoirs des chrétiens à
leur paroisse?» PASC. Manquer une affaire, c'est
la perdre, y échouer ou la laisser échapper;
manquer à une affaire, c'est ne pas y travailler
de tout son pouvoir, c'est s'y rendre coupable de
négligence. Dans ce que j'entreprenais, j'agis-
sais moins pour ne pas manquer les affaires que
pour ne pas manquer aux affaires. » MONTESQ.
SYNONYMIE DES VERBES ACTIFS DONT LE RÉGIME,
D'UNE PART, EST, ET, DE L'AUTRE, N'EST PAS
PRÉCÉDÉ DE LA PRÉPOSITION de.
Approcher quelqu'un, approcher de quelqu'un.
Désirer, esperer obtenir ou faire quelque chose;
desirer, espérer d'obtenir ou de faire quelque
chose. Préférer mourir, préférer de mourir.
Hériter une chose, hériter d'une chose. Traiter
une matière, une question; traiter d'une ma-
tière, d'une question. Etc.

|lation des Indes et de la Chine n'est pas un livre qu'on doive croire sans examen, il s'en faut beaucoup.» VOLT. Il en est de même de toutes les phrases où de se trouve placé avant beaucoup : elles particularisent, elles supposent une appréciation plus exacte et ne sont pas propres à marquer une simple exagération. On ne dira donc pas indifféremment d'une personne ou d'une chose, qu'elle est beaucoup, ou de beaucoup meilleure qu'une autre, supérieure ou préférable à une autre, qu'un homme est beaucoup ou de beaucoup plus savant qu'un autre. On réservera le second tour pour les cas où l'on voudra faire entendre que le degré de prééminence a été mesuré et qu'on pourrait l'indiquer avec quelque rigueur. Girault Duvivier indique à peu près la même différence et la confirme par de nombreux exemples.

On distingue pareillement il ne s'en faut guère et il ne s'en faut de guère. Il ne s'en faut de guère quantité comparée avec une autre, comme si l'on est bon, dit Vaugelas : quand il s'agit d'une mesure deux choses et que l'une ne soit qu'un peu plus grande que l'autre, on dira fort bien qu'elle ne la passe de guère.

Une chose à remarquer relativement aux locuLa préposition de du latin de, hors de, ou sur, tions que nous prenons pour exemples, c'est que touchant, marque l'éduction, l'extraction, la sé-celles où entre de sont pour la plupart plus rares paration, la distinction, ou le sujet particulier que celles où il n'entre pas. C'est déjà une preuve dont on parle, dont on s'occupe, dont il s'agit, et que cette préposition s'emploie seulement dans son rôle général, quand elle suit un verbe, c'est des cas extraordinaires, singuliers, où il est bed'en restreindre l'action en la spécifiant, en dé-soin de particulariser. On désire, on espère obtesignant déterminément son but, en tirant ce but du milieu des autres, en le distinguant, en le mettant à part. Aussi, quand un même verbe peut s'employer tantôt sans, tantôt avec cette préposition, il exprime, d'un côté, quelque chose de plus général, de plus ordinaire et de plus indéterminé, de l'autre quelque chose de plus particulier, de plus singulier et de plus précis. On approche quelqu'un, un prince, par exemple, habituellement, et c'est là une expression tout idéale qui marque l'accès et la faveur dont on jouit auprès de lui; on approche de quelqu'un dans un cas particulier, et cela signifie, au propre et physiquement, avancer et aller se mettre auprès de lui. On dit bien aussi approcher un homme du commun, mais c'est toujours quand il s'agit d'exprimer l'habitude: il fait le bonheur de tous ceux qui l'approchent; ou bien à l'idée d'aller se placer à côté de quelqu'un s'en trouve mêlée une autre qui la rend moins précise et moins nette ne m'approchez pas, vous me saliriez.

Ce caractère de spécialité, attaché à la particule de, la suit dans toutes ses acceptions et dans toutes les locutions où elle entre. On le trouve, par exemple, dans la phrase il s'en faut de beaucoup, par rapport à cette autre. il s'en faut beaucoup. La première suppose une estimation et ne s'emploie guère que quand il s'agit de nombre et de qualité il s'en faut de beaucoup que vous soyez aussi àgé que votre frère. « La Russie n'est pas peuplée à proportion de son étendue, il s'en faut de beaucoup. » VOLT. La seconde annonce une différence considérable, mais indéterminée et tout approximative: il s'en faut beaucoup que Tous soyez aussi sage que votre frère. « La Re

nir ou faire ce qu'on obtient ou ce qu'on fait facilement, communément, tous les jours; on désire, on espère d'obtenir ou de faire quelque chose d'extraordinaire, de difficile, qui demande un bonheur ou des efforts particuliers: ici l'étrangeté et la spécialité du tour ont leur raison dans l'étrangeté et la spécialité de la chose désirée ou espérée. On désire et on espère vaguement obtenir ou faire quelque chose; on désire et on espère fort d'obtenir ou de faire quelque chose. Désirer ou espérer obtenir ou faire est la manière habituelle de s'exprimer, et on ne s'en départ que pour marquer un désir ou un espoir qui sort de l'ordre commun, qui suppose des obstacles, que l'on veut mettre en saillie et sur lequel l'esprit doit s'arrêter. On désire, on espère se promener, voir ou entendre une personne; on désire, on espère de réussir, de gagner un procès, de remporter un prix, de plaire à quelqu'un, d'amasser des richesses. « Je crains toujours de perdre ce que je désire si ardemment de conserver. » J. J.

De produit la même modification de sens dans préférer de mourir, comparé à préférer mourir. On dira préférer mourir toutes les fois qu'à mourir ne se trouveront pas ajoutés des mots accessoires qui le déterminent Je préfère mourir plutôt que de trahir un ami. Mais, quand le genre de mort sera spécifié de quelque manière, il fau dra se servir de préférer de: Je préfère de mourir dans les tourments, de la mort des criminels, plutôt que de trahir un ami. Je préfère mourir se dit absolument, et équivaut à, je préfère la mort; je préfère de mourir annonce et doit amener des circonstances particulières. Dans cette phrase de Buffon: « Il préfère de périr avec eux plutôt que

de les abandonner, » avec eux justifie l'emploi de de après il préfère. Dans cette autre du même auteur: «On préfère d'élever des aigles mâles pour la chasse; les mots, des aigles mâles pour la chasse, donnent au verbe élever une signification précise qui fait que préférer doit être suivi de de. HÉRITER une chose, HÉRITER d'une chose. L'obtenir par succession.

Le premier tour est usité quand il s'agit d'une chose peu ou point spécifiée. Il n'a rien hérité; voilà tout ce qu'il a hérité; il a hérité de grands biens; la vertu est le seul bien qu'il ait hérité de son père. Mais on hérite d'une maison, d'une bibliothèque.

De votre injuste haine il n'a point hérité. RAC. Du reste, la règle souffre ici de nombreuses exceptions, parce que, dans tous les cas où la personne dont on a hérité se trouve indiquée, comme de la précède toujours, l'harmonie exige qu'on ne répète point cette particule devant le

nom de la chose.

même phrase devient précise et déterminative. Tout le monde peut parler musique, mais non pas de musique. D'ailleurs parler de musique a rapport au fond, à ce qu'on dit de la musique. « A entendre les Français parler de musique, on croirait que c'est dans leurs opéras que la musique peint de grands tableaux et de grandes passions.» J. J. Je ne suis pas géomètre: on parle géométrie dans un groupe, je m'en éloigne. Mais si je suis géomètre et que j'entende parler de géométrie, je m'y intéresse et je m'approche. « Ces deux princes se mettaient en un coin à parler sciences.» S. S. « C'est à Newton à parler de mathématiques. » VOLT. Parler chasse, c'est parler en général de choses de chasse, de choses relad'une certaine chasse ou de certaines chasses qui tives à la chasse. Parler de chasse, c'est parler ont eu ou auront lieu. De même, parler affaires n'indique nullement de quelles affaires il peut être question: c'est parler de choses sérieuses; parler d'affaires, c'est parler de certaines affaires, déterminées par la condition, les rapports des interlocuteurs. « Le dissimulé n'a pour ceux qui lui parlent d'affaires que cette seule réponse:

Vous avez hérité ce nom de vos aïeux. CORN. « Le père de Fléchier avait hérité de ses ancêtres une petite terre qu'il cultivait lui-même. » D'AL.j'y penserai. » LABR. Aussi ne peut-on jamais TRAITER, TRAITER DE.

Suivant le grammairien Féraud, on dit indifféeremment, traiter une matière, une question, et traiter d'une matière, d'une question; cependant, quand on spécifie la matière, la question, il faut dire traiter de. « Dans son ouvrage, il traite des plantes, des métaux, de l'économie.» « Comme j'ai déjà traité de cette matière dans ma Ixe satire, il est bon d'y renvoyer mon lecteur.» BOIL. « Cette histoire des oiseaux serait trop volumineuse, si j'eusse traité de chaque espèce en particulier.» BUFF. Un auteur traite des moyens, et non les moyens d'étudier l'histoire. Mais on dira d'une façon toute générale : « Les livres qui traitent si exactement les plus hautes sciences sontils des combinaisons purement fortuites?» FÉN.

ajouter de déterminations à parler affaires, comme on en ajoute à parler d'affaires, parler d'affaires importantes politiques, qui demandent des connaissances, etc.

SYNONYMIE DES VERBES ACTIFS DONT LE RÉGIME EST PRÉCÉDÉ, D'UNE PART, DE LA PREPOSITION à, DE L'AUTRE, DE LA PRÉPOSITION de.

Commencer à et de. Continuer à et de. S'empresser à et de. Essayer, s'efforcer, tâcher à et de. Obliger, forcer, contraindre à et de. Se jouer à quelqu'un, se jouer de quelqu'un. Prier à et de dîner. S'occuper à et de. Manquer à et de. Oublier à et de. Prêt à, prêt de. C'est à vous à, c'est à vous de. Ne servir à rien, ne servir de rien. Etc.

Le verbe traiter, avec et sans de, s'emploie aussi dans le sens de négocier, de travailler à Tel est le résultat des deux chapitres précél'accommodement d'une affaire. On dit, traiter dents. Interposées entre un verbe et son régime, une affaire, quand ceux qui travaillent à la régler les prépositions à et de produisent un effet diont l'habitude de la traiter, quand elle est du rectement contraire. L'une en étend et en génénombre de celles qu'ils négocient d'ordinaire: ralise la signification, l'autre la détermine et la Les ambassadeurs traitent la paix et la guerre. spécifie. Autant l'une est indéfinie, vague et On se servira de traiter de, quand il sera question abstraite, autant l'autre est distinctive, précise d'une affaire extraordinaire, soit en elle-même, et délimitative. L'une modifie l'action du verbe soit seulement pour ceux qui en sont chargés, soit qu'elle suit de manière à la montrer comme tenpar les circonstances rares qui s'y trouvent réunies, dant à un but éloigné, incertain et hors de la soit par les obstacles qui s'opposent à sa conclu- portée, et l'autre de manière à la montrer comme sion. On ne dira pas, en parlant d'un notaire oc-atteignant un but présent, prochain et bien marcupé d'une simple affaire de sa compétence: c'est qué. La première fait prendre le verbe antécédent lui qui traite de cette affaire; mais bien: c'est lui dans un sens large, général, et comme expressif qui traite cette affaire. d'une suite indéterminée d'actions, ou d'une PARLER AFFAIRES, MUSIQUE, PEINTURE, PO-action indéfinie; l'autre le fait prendre dans un LITIQUE, CPASSE, CHICANE, semblent équivaloir à parler d'affaires, de musique, etc.

Cependant, la phrase sans la préposition sert à marquer l'espèce d'entretien d'une manière générale, l'espèce d'occupation, le mode, la forme indépendamment de la matière ou des sujets sur lesquels porte le discours. Dans certaines réunions on parle toujours musique ou chasse. Avec de, la

sens rigoureux, strict, particulier et comme significatif d'une action unique, bien délimitée, bien circonscrite. Cette valeur relative des deux prépositions n'est-elle pas conforme à leur origine? Ad signifie vers, le point où l'on va, où l'on tend, où l'on cherche à aller, où l'on ne sait pas si on arrivera; de, de, hors de, le point précis, certain, fixe du départ. D'ailleurs, qu'on

à être plus frappé des inconvénients particuliers que de la liberté des sujets. » 2o « Epaminondas, la dernière année de sa vie, disait, écoutait, voyait, faisait les mêmes choses que dans l'âge où il avait commencé d'être instruit. Un eunuque vint me faire signer cet ordre.... J'avais commencé d'écrire, et je m'arrêtai... Enfin ma main tremblante ou rapide traça les funestes caractères. » FÉNELON. 1° « Nous avons commencé à être ce que nous n'étions pas. Faire que ce qui n'était pas commence à être. » Et, 2°. considérant la vie comme un tout réglé, comme une action unique, il dit dans le Télémaque, « Le pays où j'ai commencé de voir le jour en naissant. »

les considère, non plus étymologiquement, mais comme déclinatives, on les concevra nécessairement de la même manière. A nous sert à exprimer le datif des Grecs et des Latins, et de leur genitif. Or, suivant la théorie la plus haute et la plus vraisemblable, les flexions données aux noms par les langues qui ont des cas désignent primitivement, quant à l'espace, des rapports analogues à ceux qui sont marqués par les temps essentiels des verbes quant à la durée. Il n'y a que trois cas principaux, le nominatif, le génitif et le datif, comme il n'y a que trois temps principaux, le présent, le passé et le futur, et ils se correspondent chacun à chacun. De sorte que le génitif est au datif, et par conséquent de à à comme le passé est au futur, c'est-à-dire comme le certain, le fixe, le déterminé, le précis, à l'in-mence de parler. Un enfant commence à marcher, certain. à l'indéfini et au vague.

COMMENCER A, COMMENCER DE.

D

Un enfant commence à parler; un orateur com

quand il fait à peine quelques pas; en voyageur commence d'aller, lorsqu'il se met en route. On commence à diner ou à jouer, quand on doit continuer indéfiniment; de dîner ou de jouer, quand le dîner et le jeu doivent durer un temps déterminé.

CONTINUER A, CONTINUER DE.

On continue à faire ce qu'on a commencé à faire, c'est-à-dire une série, un genre d'actions qui n'a pas de bornes, pas de terme, qui ne finira pas ou n'est pas considéré comme devant finir

faire, c'est-à-dire une action unique, une tâche, une entreprise, un ouvrage, un cours d'études, un discours, un récit, en un mot, quelque chose qui a une longueur déterminée.

On commence à faire une action, ou une suite d'actions qui n'a pas de terme, qui n'est pas renfermée dans des limites précises, qu'on continuera ou qui se continuera indéfiniment. On commence de faire une action unique, circonscrite, qui constitue une ceuvre fixe, une tâche qui s'achève en plus ou moins de temps, qui a un commencement, un milieu et une fin. C'est ainsi que l'ont entendu et pratiqué nos meilleurs écrivains. BOSSUET. 1° « Les choses commencèrent à chan-On continue de faire ce qu'on a commencé de ger de face. On commença à s'apercevoir que.... Je commence à regretter les bornes étroites de ce lieu. On commença assez tard à les (ces évêques) appeler archevêques. La terre commence à se remplir, et la vertu commence dès lors à être persécutée. Sous le règne d'Ozias les prophètes commencèrent à publier leurs prophéties par écrit. » 2 Vers le temps où notre Seigneur commença d'exercer son ministère. DI - LABRUYÈRE. 1o « Il a commencé de bonne heure à se mettre dans les voies de la fortune. Quand le sot meurt, il commence à vivre. » 2° « Le même conte qu'il a commencé de faire à quelqu'un, il l'achève à celui qui prend sa place. » — J. J. ROUSSEAU. 1° « Laissez former le corps jusqu'à ce que la raison commence à poindre. Quand on commença à ouvrir des écoles publiques, la Grèce avait déjà renoncé à sa vertu. » 2. « L'année qui commencera bientôt de courir. »-PASCAL. 1° « Dès lors votre dispute commença à me devenir indifférente. Je commençai à me défier que vous agissiez avec passion. Je commence à espérer que vous me tiendrez parole. Commencer à lâcher pied. » 2o < Combien était-il important de faire entendre qui Vous êtes ! C'est ce que j'ai commencé de faire ici; mais il faut bien du temps pour achever. »LA

FOSTAINE. 1°

Ce discours un peu fort,

Doit commencer à vous déplaire.

Le larron commençait pourtant à s'ennuyer. 2° a Là-dessus je commençai de leur raconter ce qui m'était arrivé. » Dans l'analyse du Songe de Vaur, où chaque partie est renfermée dans des bornes précises, il dit : « A peine les songes out commencé de me représenter Vaux, que, etc. » MONTESQUIEU. 1° En Russie on a commencé à connaître les lois. On commence dans cet Etat

BOSSUET. 1° Les Lacédémoniens continuaient à attaquer l'empire des Perses, Rome à se faire des citoyens de ses ennemis. » 2o Dans l'Oraison funèbre d'Anne de Gonzague, l'orateur ayant un instant interrompu le récit du songe dans lequel Dieu instruisit la princesse, il reprend : « Dieu continuera de l'instruire, comme il a fait Joseph et Salomon. » — VOLTAIRE. 1° « Continuez à remplir votre belle âme de toutes les vertus et de tous les arts.» (Lettre à Helvétius). 2o «Poquelin continua de s'instruire sous Gassendi. » (Vie de Molière.) — J. J. ROUSSEAU. 1° « Si vous voulez que je continue à vous écrire, ne montrez plus mes lettres à personne. » 2° « Quand je pense combien je suis coupable, la plume me tombe des mains, et je n'ai plus le front de continuer d'écrire (ma lettre). » - RACINE. 1°

α

1

Qu'importe que César continue à nous croire ? Pensez-vous que Calchas continue à se taire? 2° « Continuez d'écrire, » dit Léandre à l'Intimé, qui, remplissant le rôle d'huissier dans les Plaideurs, dresse un procès-verbal. PASCAL. 1° « Puisqu'il est si important de publier vos maximes, vous devez continuer à m'en instruire. » 2o « Continuez d'endurer en moi ce qui vous reste à souffrir de votre passion, que vous achevez dans vos membres. »(Prière à Jésus-Christ.)

Continuer à jouer, c'est ne pas quitter l'habitude du jeu; continuer de jouer, c'est ne pas quitter une partie commencée. L'Académie, ou plutôt Marmontel, dont elle adopte l'avis sur ce point, bien mal à propos, décide précisément le contraire. Mais ici aucune autorité ne saurait

prévaloir contre la logique et l'usage. D'ailleurs, | On essaie, on s'efforce, on tâche de faire une

en pareille matière, c'est l'homme le plus compétent, savoir Roubaud, qu'il fallait consulter. « On continue à faire, dit celui-ci, ce qu'on fait d'habitude, ce qu'on a coutume de faire, tant qu'on n'y renonce pas; on continue de faire ce qu'on fait actuellement, ce après quoi l'on est, tant qu'on ne discontinue pas. On continue à jouer tant qu'on est adonné au jeu; on continue de jouer tant qu'on reste au jeu. »

Il est à remarquer que la vie pouvant être considérée, ou comme une série d'actes partiels dont la fin est indéterminée, ou comme une action unique d'une durée fixe et constante, on peut dire également commencer ou continuer à vivre, et commencer ou continuer de vivre. « Pourquoi continuer à vivre pour être chagrin de tout? » FEN. Dans cette phrase, aucun terme n'est posé ni supposé à la vie, comme dans cette autre du Télémaque: « Le pays où j'ai commencé de voir le jour en naissant; » comme dans cette autre de Labruyère : « J'ai commencé et je continue d'être par quelque chose qui est hors de moi. » En parlant de la vie future, on ne peut se servir que de la locution commencer à vivre. « Quand le sot meurt, il commence à vivre. » LABR. « Les fidèles morts en la grâce de Dieu commencent à vivre.» PASC.

S'EMPRESSER À, S'EMPRESSER DE.

On s'empresse à plaire à quelqu'un ou à le secourir, partout et toujours; c'est un genre de conduite, une habitude. « Toutes les religieuses à l'envi s'empressaient à divertir l'abbesse par leurs talents. » LES. « La nature a donné à l'enfant une figure si douce et un air si touchant afin que tout ce qui l'approche s'intéresse à sa faiblesse et s'empresse à le secourir. » J. J. On s'empresse de plaire à quelqu'un ou de le secourir dans une occasion unique; c'est un fait, un accident. «< Au bruit de son arrivée, les principaux de la nation s'empressèrent de se rendre auprès du héros. » BARTH. « Le vieillard tomba en faiblesse et il expira dans les bras de ses amis qui s'empressaient en vain de le secourir. » LES. ESSAYER, S'EFFORCER, TÂCHER A et DE. Après commencer et continuer on met et on trouve plus souvent à que de. Les verbes essayer, s'efforcer et tâcher, au contraire, sont plus ordinairement suivis de la préposition de. La raison de ce fait s'aperçoit sans peine. Commencer et continuer se disent en parlant de toutes sortes d'actions, naturelles ou humaines, fatales ou volontaires, qui tendent ou ne tendent pas à un but, à une fin déterminée. Essayer, s'efforcer, tacher, signifient en eux-mêmes une action humaine et volontaire par laquelle on cherche à atteindre un but fixe qu'on s'est proposé. C'est pourquoi, rigoureusement, ils ne devraient prendre après eux d'autres prépositions que de; mais, comme l'usage leur adjoint quelquefois à, il s'agit de savoir dans quel cas il le fait et doit le faire. A éloigne le but, de le rapproche. On essaie, on s'efforce, on tache à faire une action ou plutôt une suite d'actes dont la fin est éloignée et indéterminée, ou bien à atteindre un but auquel on tend, sans qu'on sache si et quand on y arrivera.

action unique, particulière, qui est de nature à se terminer à l'instant ou bientôt. « Si vous tâchez à être plaisant, vous ne le serez pas; si vous táchez de l'être, vous ne l'êtes pas. » RoUB. A montre le sujet appliqué, travaillant à une tâche d'une assez grande étendue; de le représente exécutant un acte qui s'accomplit tout entier dans le moment.

Cette distinction conforme ou plutôt identique à celle qui est établie ci-dessus, se pourrait confirmer, s'il en était besoin, par l'observation suivante. Ces verbes ont pour synonymes tenter, lequel ne s'emploie jamais qu'avec de, et la raison en est qu'il exprime toujours un fait unique, une entreprise restreinte, d'un moment, un coup de main on ne tente pas de bien vivre, par exemple. Si, au contraire, tâcher a plus d'affinité pour à que ses synonymes, il le doit à ce qu'il signifie par lui-même une action qui a de la longueur et de la durée, à ce qu'il suppose une entreprise qui se prolonge. De même, si on dit avec le pronom, s'essayer à, et non s'essayer de, c'est que s'essayer indique, non pas un acte particulier à faire, mais une habitude à prendre. Tremble, son bras s'essaie à frapper ses victimes.

VOLT.

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animaux.» «

Montaigne parle de « discours qui essaient à montrer la prochaine ressemblance de nous aux J'essaie, dit-il aussi, à corriger ce vice, mais l'arracher je ne puis. » Clitandre conjure Armande, dans les Femmes savantes,

De ne point essayer à rappeler son cœur. « Baba-Hassan essaie à se faire aimer d'Elvire par toutes sortes de voies. » REGN. Et ces exemples donnent l'idée de toute une entreprise, non d'un fait simple, et d'une entreprise dont l'entier accomplissement ne peut être qu'éloigné. C'est le contraire dans les passages suivants : « Epaminondas fut frappé d'un trait, et essaya de l'arracher.» MONTAIGN.

α

Essayons de conter la fable (cette fable) avec succès.

LAF.

<< Psyché essaya inutilement d'effacer cette noirceur avec l'onde. » ID. « Télémaque essaie trois fois de bander cet arc. » FÉN.

S'EFFORCER À.

α

Diogène disait qu'il rencontrait bien des gens qui s'efforçaient à se surpasser les uns les autres dans les badineries. » FÉN. « Il faudra dire qu'il est inutile de s'efforcer à prier, si on n'en a aucun plaisir sensible. » ID.

Laissez-moi m'efforcer, cruel, à vous haïr. VOLT. femmes leur sont très-fidèles. » ID. — S'efforcer de. « Les maris trompés s'efforcent à penser que leurs Quand un autre à l'instant s'efforçant de passer,...

BOILEAU.

Ah! l'on s'efforce en vain de me fermer la bouche

RACINE.

Et dans cet océan on eût vu la fourmi
S'efforcer, mais en vain, de regagner la rive. LaF.

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« J'ai tâché à faire du bien au monde, il ne m'a fait que du mal. » FÉN.

Qu'on lui livre Psyché, qu'elle táche à lui plaire.
LAF.

C'est moi qui dois tâcher
4 réparer les torts que m'ont fait les ennuis. LAF.
C'est un tyran qu'on aime,

Qui par cent lâchetés tácke à se maintenir
Au rang où par la force il a su parvenir. RAC.
Je m'excite contre elle et táche à la braver (Agrippine).

Mais enfin mes efforts ne me servent de rien.
RACINE (Néron dans Britannicus).

Elle tache à couvrir d'un faux zèle de prude
Ce que chez elle on voit d'affreuse solitude. MOL.

— Tücher de. « La fée arrêta le coup et tácha de
le consoler. FÉN. « Hippias tâche en vain de se

soutenir. Boss. Il tacha de chasser de Rome son fils Maxence.» ID. « Tâchez de quitter M. de Buffon.» VOLT.

Et sur ses pieds en vain táchant de se hausser. BOIL. C'est ce que je táchai de lui faire comprendre. MOL. OBLIGER, FORCER, CONTRAINDRE À et DE. A montre dans l'éloignement ce à quoi on oblige, force ou contraint; de le détermine, le distingue, le spécialise, le fait voir présent. De là deux différences.

La soif les obligea de descendre en un puits. LAF.
Avant que de partir, l'esprit dit à ses botes

On m'oblige de vous quilter.

(Ordre lui était venu de se rendre ailleurs). ID.
D'autre part, combien le sens d'obliger à ne se
montre-t-il pas faible et relâché, en comparaison
de celui d'obliger de, dans les passages suivants?
« Seigneur, que ferai-je, pour vous obliger à ré-
pandre votre esprit sur cette misérable terre?»
PASC. (Prière à Dieu). Et dans un autre endroit :
<< Mes prières n'ont pas de mérite qui vous oblige
de les accorder de nécessité. » « Il demanda avec
mettre une action si noire.
douceur à l'assassin ce qui l'avait obligé à com-
» FEN. Et suivant le
même écrivain : « Pittacus disait que la nécessité
était quelque chose de si fort, que les dieux
mêmes étaient obligés d'obéir à ses lois. »
« Des
légions romaines s'obligèrent par serment de
mourir ou de vaincre. » MONTAIGN.
FORCER À.

Cet ascendant malin qui vous force à rimer. BorL.
« L'amour charitable que vous devez à vos
frères vous doit faire désirer les occasions qui peu-
vent les forcer à vous en rendre. » Boss. «< Digne
fils d'Ulysse, votre vertu me force à vous ai-
mer. » FÉN.

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- Forcer de. « Galérius força Dioclétien de quitter
l'empire. Boss. « Ce dernier jour où la mort
nous forcera de confesser toutes nos erreurs. >> ID.
L'arche qui fit tomber tant de superbes tours,
Et força le Jourdain de rebrousser son cours. RAC.
CONTRAINDRE À.

Avec à on désignera une contrainte, en même temps plus générale et moins stricte. Plus générale, c'est-à-dire qu'on se servira de la préposition à en parlant d'une loi imposée à tout un genre d'actions, et de la préposition de pour marquer une contrainte particulière ou une con« Tâchez de contraindre vos ennemis à vous trainte exercée dans telle circonstance. « La cha-aimer. » Boss. « Il a fallu une loi pour régler rité vous oblige à pardonner, lorsque vous serez l'extérieur de l'avocat et le contraindre ainsi à être offensé vous êtes obligé de pardonner dans le grave et plus respecté. » LABR. cas précis de l'offense. La circonstance vous oblige de faire ce que la règle vous oblige à faire. » ROUB. Ensuite à marque moins d'instance et de rigueur, une influence ou sollicitation morale plutôt qu'une contrainte physique et de fait. C'est ce que Marmontel a bien senti : « Obliger à, ditil, n'exprime qu'une simple invitation; obliger de porte contrainte, et c'est pourquoi l'on ne dit point inviter de, engager de. »

Mais il importe d'appliquer cette double distinction aux trois verbes cités en l'appuyant par des exemples.

OBLIGER À et DE.

• Les rois étaient obligés plus que tous les autres à vivre selon les lois. » Boss. « Un souverain est-il obligé à se soumettre à des étrangers sur l'étendue de sa domination?» FÉN. « La vraie religion doit avoir pour marque d'obliger à aimer Dieu.. PASC.

Hé! voulez-vous, madame, empêcher qu'on ne cause? Croiriez-vous obliger tout le monde à se taire? MOL. Le caractère incontestable de généralité qui distingue obliger à dans toutes ces phrases ne convient plus du tout à obliger de dans celles qui suivent. « Je fus obligé d'aller à Clazomène. FÉN. Il se pourrait que Mme du Châtelet fût obligée d'aller à Cirey.» VOLT.

Elle a, pour premier point, Exigé qu'un époux ne la contraindrait poin. A trainer après elle un pompeux équipage. BOIL. - Contraindre de. « Hérode fut contraint de se donner au vainqueur, Persée de se livrer entre les mains de Paul Émile, Maximien de se donner la mort à lui-même. » Boss. « Cerbère que je contraignis de voir la lumière. » FÉN. « J'ai été contraint de m'enfuir presque seul. » ID.

De ces trois verbes, celui qui a le plus d'affinité pour à, c'est obliger, parce que de lui-même il est propre à marquer une influence générale, abstraite, idéale, morale, en même temps que douce, modérée. Plusieurs philologues ont prétendu qu'il était essentiel à ces verbes employés au passif, c'est-à-dire au participe passé, de prendre de plutôt que à. L'usage suivi par nos grands écrivains ne confirme point cette opinion, et, le fait fût-il aussi certain qu'il l'est peu, il s'expliquerait par le besoin d'éviter l'hiatus de forcé à, obligé à, besoin qui est pour les poëtes une nécessité, mais auquel dédaignent souvent de s'assujettir les plus illustres prosateurs.

SE JOUER À, SE JOUER DE. Ces deux verbes donnent l'idée d'une entreprise ou d'une attaque contre quelqu'un qu'on devrait respecter.

Se jouer à montre dans l'éloignement et le

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