Page images
PDF
EPUB

sement des images, des figures, des périphrases, engendre souvent dans le style boursouflé l'embarras et la confusion. « Ce galimatias froid et boursouflé est assez condamné aujourd'hui. » VOLT.

Guindé signifie d'abord haussé ou levé en haut avec grand effort, par le moyen d'une machine. Au figuré, et particulièrement quand il est question du style, ce mot rappelle le travail et la peine qu'on s'est donnée pour s'élever. Le style guindé sent la contrainte; il manque de grâce, il est empesé. «< Saint Athanase ne paraît pas s'élever, parce que, sans se guinder ni faire d'effort. partout il se trouve égal à son sujet. » Boss. « Il ne faut pas guinder l'esprit, les manières tendues et pénibles le remplissent d'une sotte présomption par une élévation étrangère. » PASC. « Les poëtes du temps de Marot furent durs et guindés sans noblesse. >> VOLT.

Il est guindé sans cesse, et dans tous ses propos On voit qu'il se travaille à dire de bons mots. MOL. Le style emphatique donne trop de grandeur aux choses dites, les vante trop: l'ampoule affecte trop de grandeur ou plutôt de brillant ou de noblesse par les mots qu'il emploie; le boursouflé est plein de figures outrées ou de mots et de tours harmonieux, ronflants, mais inutiles; le guinde manque de souplesse, de liberté, d'ai

sance.

ble et boursouflé Thébain qu'on dit sublime. »
« Quand Roucher tend au sublime, il est bour-
» LAH. On trouve dans Mascaron un
souflé.
amas d'hyberboles gigantesques, de spéculations
fantastiques, de phrases boursouflées. » ID.
Tout écrivain est guindé quand il laisse voir
qu'il s'est mis à la gêne, qu'il s'est torturé en
quelque sorte pour s'élever. « Du temps même de
Malherbe, de Balzac et de Corneille, le style noble
était trop guindé, et ne se rapprochait pas assez
du familier décent, qui lui donne du naturel. »
VOLT. Quel style épistolaire que celui de la
Nouvelle Héloïse! qu'il est guindé! que d'excla-
mations ! que d'apprêts! » J. J.

Des discours sont proprement emphatiques (ACAD., VOLT.); des mots, ampoulés (VOLT., J.J.); des images, boursouflées (VOLT.). Il n'y a pas de chose dont guindé se dise spécialement; mais l'idée d'effort particulière à ce mot lui donne une nuance tout à fait distinctive.

EMPIRE, ROYAUME. Noms qu'on donne à différents Etats qui ont des princes pour chefs.

Empire, latin imperium, d'imperare, commander, exercer le pouvoir, désigne un Etat dont le chef commande simplement; et royaume, regnum, de regere, régir, diriger, guider, un Etat à la tête duquel est un prince qui le régit ou l'administre. L'empire est composé de peuples divers, gouvernés par des lois fondamentales différentes, quoique tous soumis à l'autorité ordinairement militaire d'un supérieur général : le rogaume, au contraire, est formé d'une seule nation; il se distingue par l'unité du gouvernement, et les lois fondamentales y sont partout les mêmes. A l'époque où l'Etat romain n'était qu'un royaume, il se réduisait à un seul peuple. Mais quand il prit et porta le nom d'empire, il avait rangé sous son obéissance d'autres peuples étrangers qui, en devenant membres de cet État, ne cessèrent pas d'être des nations distinctes. La même différence est sensible entre l'empire d'Allemagne, que Charles-Quint obtint par élection, et le royaume d'Espagne, qu'il possédait par droit de naissance. Alexandre avait un royaume, celui de Macédoine, et un empire, c'est-à-dire, outre la Macédoine, tous les pays qu'il avait conquis. « Vous avez vu le partage de l'empire d'Alexandre, et la ruine affreuse de sa maison. La Macédoine, son ancien royaume, fut envahie de tous côtés. » Boss.

Avec de l'enthousiasme, de l'exaltation, de la préoccupation ou du charlatanisme, on court risque d'être emphatique, de ne mettre aucune mesure dans ce qu'on dit de son sujet. De grands écrivains ont eu de l'emphase, et ce mot ne se prend pas absolument en mauvaise part. « Congregatæ sunt abyssi in medio mari. In medio mari est une circonstance qui a beaucoup d'emphase; elle attache l'imagination et fait concevoir des montagnes d'eau solides dans le centre des choses liquides. » ROLL. « En marquant ce passage décisif, on aurait fait entendre d'abord, que le terme être appelé, loin d'être diminutif, était emphatique et confirmatif. Boss. Avec l'ambition de briller, surtout en poésie, on outre les ornements, on devient ampoulé. C'est ce qui arrive d'ordinaire aux rhétoriciens et aux jeunes poëtes. « En général, Claudien est encore un de ces versificateurs ampoulés qui, en se servant toujours de beaux mots, ont le malheur d'ennuyer. LAH. « Et des jeunes gens qui n'ont guère fait qu'entasser des lieux communs ampou- L'empire, admettant plusieurs peuples, est plus lés sur le soleil et la lune, prétendent créer la vaste que le royaume. Une ville avec un terripoésie descriptive, créer une langue inconnue à toire de quelques lieues suffit pour faire un Boileau et à Racine!» In. « Brébeuf, l'ampoule royaume. Tels furent les royaumes fondés par traducteur de l'ampoulé Lucain. » VOLT. Que Phalante et par Idoménée dans la grande Grèce si l'ampoule vise au beau, le boursouflé vise au (FÉN.). L'empire n'est jamais si borné, et d'ordigrand, au sublime; et comme l'éclat de l'am-naire, en parlant de l'antiquité surtout, il est le poulé n'est que de l'enluminure, la grandeur du boursouflé est hors de nature, est factice, gigantesque ou amphigourique. « En commentant Corneille, je deviens idolâtre de Racine; je ne peux plus souffrir le boursouflé et une grandeur hors de nature. VOLT. « La tragédie nous présente des êtres gigantesques, boursouflés, chimériques.» J. J. Dans un accès de mauvaise humeur, Voltaire appelle Pindare « l'inintelligi

[ocr errors]

fruit de la conquête. Cyrus, ayant conquis le royaume des rois de Babylone par les forces réunies des Mèdes et des Perses, il paraît que le grand empire dont il a été le fondateur a dû prendre son nom des deux nations. » Boss. « Combien de nations, combien de royaumes, combien d'empires J. C. n'a-t-il pas attirés à lui?» BOURD. Il ne donnerait ou ne ferait pas cela pour un empire, dit plus que il ne donnerait

ou ne ferait pas cela pour un royaume.
suite, le mot d'empire est, en général, plus
grand, plus noble que celui de royaume. Bour-
daloue dit à Louis XIV, à la fin d'un sermon:
« Ces succès éclatants font de votre royaume le
plus florissant empire du monde. »

- Par | de purement temporel ou chronologique; il commence, il finit, il dure tant d'années, et il est remarquable par les événements qui s'y passent, glorieux, paisible, orageux, etc. On voit dans l'Apocalypse le règne de J. C. avec ses saints qu'il associe à son empire. » Boss. « C'est de là que les protestants concluent que le règne de l'Antechrist commence alors.... La prostituée ne peut donc être autre chose que la ville de Rome pillée, dépouillée de ses provinces et de son empire par Alaric et les autres rois. » ID. « Ce n'est ni les longs règnes, ni leurs fréquents changements, qui causent la chute des empires, c'est l'abus de l'autorité. » GIR.

Empire est le mot propre en parlant des peuples: l'empire des Assyriens, l'empire des Perses, l'empire des Romains. C'est qu'on les peut considérer et qu'on les considère sous le rapport de leur puissance, qui, un moment, a tout éclipse, tout subjugué, tout réglé souverainement, et s'est étendue plus ou moins loin. A l'égard des princes, on doit préférer le mot règne, qui les

Plusieurs royaumes peuvent être compris dans un empire ou être formés de ses débris. « Nous avons très-peu de choses certaines touchant le premier empire des Assyriens.... On voit durer trop longtemps les petits royaumes dont il le faudrait composer. » Boss. « L'empire d'Alexandre et celui des Romains s'étant formés de plusieurs royaumes, nous jugeons qu'il en a été de même de celui d'Assyrie. » COND. « Charlemagne partage ces vastes provinces qui composent son empire, et qui étaient autant de royaumes, entre ses trois fils. » VERT. « Les royaumes formés du débris de l'empire d'Alexandre.» Boss. Les royaumes sortis du débris du premier empire des Assyriens. » ID. « Ce grand empire (l'empire romain), qui a englouti tous les empires de l'univers, et d'où sont sortis les plus grands royau-représente comme ayant occupé le trône de telle mes du monde que nous habitons. » ID. « Un empire (l'empire romain), tout détruit qu'il est, attirera toujours les regards de vingt royaumes élevés sur ses débris et dont chacun se vante aujourd'hui d'avoir été une province des Romains et une des pièces de ce grand édifice. » VOLT. Des débris de ce vaste empire (d'Assyrie) se formèrent trois grands royaumes. » ROLL.

année à telle autre. Sous le règne de Gallien, Dieu fit fondre sur l'empire romain tout ce qu'on «< L'époque peut endurer de calamités (Boss.). glorieuse de l'empire des Babyloniens est le règne de Nabuchodonosor; celle de l'empire des Perses est le règne de Cyrus; celle de l'empire des Grecs est le règne d'Alexandre; et celle de l'empire des Romains est le règne d'Auguste.» GIR. « Ctésias Les enfers sont appelés poétiquement le écrivit l'histoire des Assyriens et des Perses en royaume des ombres ou de la nuit (FEN.), c'est-vingt-trois livres. Dans les six premiers, il traià-dire que les ombres et la nuit y règnent, en tait de l'histoire d'Assyrie, et de tout ce qui y un roi de son était arrivé avant l'empire des Perses; et depuis sont en possession, comme royaume. C'est aussi le royaume de Pluton (ID.); le septième jusqu'au treizième inclusivement, il mais on le nomme l'empire de Pluton, quand on rapportait tout ce qui regarde les règnes de Cyveut, ou en faire concevoir la vaste étendue, ou rus, de Cambyse, du Mage, de Darius et de représenter le dieu qui y règne comme redouta- Xerxès. » ROLL. ble, comme y exerçant un pouvoir et y donnant des ordres rigoureux, ce qu'on ne peut dire ni des ombres ni de la nuit. « Télémaque entendit l'empire souterrain mugir. » FÉN. « Il dit à Pluton: Je viens vous demander si mon père est descendu dans votre empire. » ID.

EMPIRE, RÈGNE. Ces deux mots signifient un pouvoir de gouvernement ou de souveraineté.

|

Le mot d'empire s'applique bien au gouvernement domestique, au lieu que celui de règne est exclusivement réservé pour le gouvernement public: l'empire des pères, des maris, et jamais le règne. C'est qu'il s'agit ici d'exprimer la manière plus ou moins absolue et plus ou moins étendue dont est exercée une puissance, et point du tout le temps plus ou moins long pendant lequel on. l'exerce.

Mais empire a pour accessoires les idées de Au figuré, la différence est palpable, et entièpuissance et d'étendue, comme on le voit par ses autres acceptions, suivant lesquelles il est syno-rement conforme ou plutôt identique à celle qui nyme de domination et d'autorité, d'une part, et de royaume ou d'État, d'autre part. Règne, d'où vient le verbe régner, n'a rien de distinctif que son rapport à la durée, au temps pendant lequel le souverain, le chef de l'empire ou du royaume, règne, exerce le pouvoir. « Un empire est plus ou moins puissant ou vaste; un règne est plus ou moins long. On dit l'empire de J. C. sur tous les peuples, et son règne éternel (Boss.). Il restait encore, du temps de Tibère, des monuments qui marquaient l'étendue de l'empire de Sėsostris (ID.); de grands ouvrages ont rendu le règne de Salomon immortel (ID.).

L'empire est une chose; on le reçoit, on le perd, on y associe quelqu'un ou on l'en dépouille. Le règne est une époque, quelque chose

[ocr errors]

vient d'être reconnue au propre. On dit l'empire
de la vertu, de la raison, de la mode, des préju-
gés, des arts, etc., pour marquer leur domina-
tion plus ou moins forte et plus ou moins éten-
due: Qui peut se soustraire à l'empire des
de la
préjugės? Mais on dit le règne de la vertu,
raison, de la mode, des préjugés, des arts, etc.,
lorsqu'on veut parler du temps pendant lequel
ils sont en honneur, en crédit, en vogue, et
gouvernent, pour ainsi dire, les hommes : Quand
finira le règne des préjugés ? Quand arrivera ce-
lui de la vérité ?

EMPLOI, MINISTÉRE, CHARGE, OFFICE, FONCTION. Partie ou branche de service confiée ou accordée à quelqu'un.

Emploi marque l'application à un certain tra

[blocks in formation]

PASC. Mais l'office est quelque chose de moins considérable, c'est une charge subalterne : autrefois on disait avoir une charge de président au parlement, et un office de greffier. D'ailleurs, presque toujours l'office est une petite charge auprès du prince ou dans la maison du prince, une charge domestique. Il y avait anciennement dans les cours des offices de bouffon (MAL.). « Le jour commençait à paraître; les femmes allument du feu (dans le palais de Pénélope) et se

étaient chargées. » FÉN. « On sait quel crédit les empereurs donnaient à leurs domestiques, que leurs offices appelaient plus souvent près de leurs personnes. » Boss. « Tigrane ne paraissait jamais en public sans avoir quatre rois.... Il en avait toujours quelques-uns à le servir aux offices les plus bas. » ROLL.

« Les Suisses s'offensent d'être dits gentils-distribuent dans les différents offices dont elles hommes et prouvent la roture de race pour être jugés dignes de grands emplois. » PASC. « Je n'ai pas pour mission de former des hommes. J'espère que de plus dignes mains se chargeront de ce noble emploi. J. J. Protėsilas vous loue, il vous estime, il vous croit digne des plus importanis emplois. » FÉN. « Choisissez quelque fille | que vous croirez capable d'être formée songez de bonne heure à la former pour cet emploi (de gouvernante). » ID.

Le ministère suppose un maître dont on est l'agent, qu'on représente et auquel on obéit. C'est l'emploi d'un serviteur.

α

feux.

Phérore fut chargé (par Hérode) du ministère affreux D'immoler cet objet (Mariamne) de ses horribles VOLT. « Tu m'as confié tes femmes. J'ai commencé mon ministère par les châtiments. » (Sé im à Usbeck.) MONTESQ. « Paul, destiné par J. C. à être le prédicateur des gentils, avant que d'être employé à ce ministère et que d'exercer pleinement son apostolat, va voir Pierre pour le contempler.» Boss. « J. C. dit à son père: Vous m'avez envoyé pour réconcilier le monde, et j'envoie mes disciples avec la parole et le ministère de la réconciliation pour accomplir mon ouvrage.

ID.

«

Charge signifie fardeau. Une charge est un emploi public, important, qui fait qu'on porte le poids des affaires et qu'on joue un grand personnage. Solon donna entrée dans les affaires pu bliques à tout le peuple, excepté aux artisans qui ne vivaient que de leur travail. Ceux-là étaient exclus des charges. » FÉN. « Les hommes aiment les grandes charges, les honneurs, le commandement. » MAL. << Plutarque eut dans sa patrie les charges les plus considérables. » ROLL. « Il y a encore l'orgueil de la vie, l'ambition, les charges, les grands commandements, qui semblent rendre la vie, pour ainsi dire, plus vivante, parce qu'on devient un homme public. » Boss. «< Plusieurs rois d'Europe voulant se rendre despotiques ont réuni en leurs personnes toutes les grandes charges de l'État. » MONTESQ. « A Rome, les affranchis pouvaient avoir part aux charges. » ID. << Convient-il que les charges soient vénales? Non, dans les Etats despotiques; oui, dans les Etats monarchiques. » ID.

Office, du latin officium, devoir, exprime une obligation, c'est-à-dire quelque chose d'onéreux comme la charge. Office et charge se ressemblent beaucoup ils désignent l'un et l'autre des emplois publics qui attirent plus ou moins d'honneur. « Qu'on ne se moque pas de ceux qui se font honorer par des charges et des offices. »

Fonction, de fungi., s'acquitter, exécuter, est un mot distributif. Il représente seulement un acte, une opération de l'emploi, du ministère, de la charge ou de l'office; remplir les fonctions de son emploi, de son ministère, de sa charge, de son office. « La principale fonction de cet emploi consiste en.... » ACAD. « Faire les fonctions de son ministère, de sa charge. » ACAD. « Pélopidas éleva à une grande dignité cet office (de téléarque), dont les fonctions ne consistaient qu'à faire nettoyer les rues, emporter les fumiers et prendre soin des égouts. » ROLL.

Emploi est du style ordinaire. Ministère, latin ministerium, appartient toujours au langage soutenu, particulièrement à celui de l'Eglise. Charge et office ne se disent plus guère, office surtout, parce qu'ils ont rapport à un passé politique qui est loin de nous. Fonction est comme emploi, d'un usage fréquent; mais, outre qu'il est un peu plus relevé, il exprime quelque chose de partiel et se met d'ordinaire au pluriel.

EMPREINDRE, IMPRIMER. Appliquer un corps sur un autre de manière que le premier modifie le second et laisse en lui une marque de son action.

Mais on empreint avec le cachet ou le burin, c'est-à-dire de telle sorte qu'il reste une image dans le corps modifié, ou qu'il reçoive une trace profonde. Au contraire, il se peut qu'en imprimant on produise une simple marque, au lieu d'une image, et, d'autre part, l'impression est plus légère, plus faible, plus superficielle que l'empreinte.

1° Quand une chose est empreinte sur une autre, la première est représentée dans la seconde par une image. C'est ainsi que des pas sont empreints sur la terre molle, sur la neige ou sur le sable; c'est ainsi que l'effigie du prince est empreinte sur la monnaie. Mais ce qui résulte de l'action d'imprimer peut n'être pas une image ou une figure vous imprimez un mouvement à un corps. « Nous ne trouvions aucun champ où la main du diligent laboureur ne fût imprimée. » FÉN. Une estampe est bien ou mal empreinte (VOLT.); un livre est bien ou mal imprimé.

2° Ce qui est imprimé sur une chose, c'est-àdire ce qui y est mis par la pression, tient moins

que ce qui y est empreint, c'est-à-dire gravé. Les idées des choses que nous avons perçues sont imprimées pour quelque temps dans nos esprits; mais « l'idée de celui qui nous a créés est empreinte profondément au dedans de nous; rien n'est gravé plus avant dans le cœur de l'homme.» Boss. Les objets se trouvent un instant imprimés dans la glace devant laquelle ils paraissent (Boss.); il y a des lois empreintes dans toutes les têtes et dans tous les cœurs, comme il y en a de gravées sur des tables (VOLT.). Pour ôter ce qui est imprimé, il suffit d'effacer; pour faire disparaître ce qui est empreint, il faudrait briser ou | arracher.

Enfin, empreindre est tout relatif à l'effet, à l'état, et la preuve c'est qu'il ne se dit guère qu'au participe passé; imprimer, au contraire, s'emploie à tous les temps à l'actif, et indique particulièrement l'action même. Cette différence est sensible et importante pour les substantifs empreinte et impression. L'impression des plantes et du corps des poissons sur certaines matières primitivement molles a produit des empreintes. « Dans le cerveau de l'éléphant plusieurs sensations combinées et contemporaines font des impressions profondes et des empreintes étendues.» BUFF.

EMPRESSEMENT, ZÈLE. Ces mots donnent l'idée du soin et de la vivacité qu'on met à embrasser ou à servir la cause de quelqu'un.

« Il s'est acquitté de cette commission avec zèle et empressement. » D'AL. « Le peuple s'acquitta de ce devoir avec un zèle et un empressement bien louables. » ROLL.

Toutefois, il se peut aussi que l'empressement, qui est extérieur, ne soit qu'extérieur, que, au lieu d'être causé par le zèle, il n'en soit qu'une vaine démonstration.

D'un zèle simulé j'ai bridé le bon sire;
Avec empressement je suis venu lui dire,
S'il ne songeait à lui, que l'on le surprendrait.
(Mascarille dans l'Étourdi.) MOL.

Ainsi, en général, l'empressement peut avoir di-
vers motifs, le caractère, l'intérêt, la flatterie,
la politesse; le zèle n'en a jamais qu'un, le suc-
cès ou la prospérité de la chose ou de la personne
qui en est l'objet. On a de l'empressement pour
une personne qu'on veut gagner, et du zèle pour
une personne ou pour une chose qu'on aime pour
elle-même.

ÉMU, TROUBLÉ, AGITÉ. Une eau, tranquille d'ordinaire, devient tout à coup, par l'effet de certaines actions, émue, troublée, agitée. Ces mots se disent aussi et surtout au figuré d'une âme que certaines impressions ont mise subitement dans une situation analogue. Un homme ému, troublé, agité, n'est pas de sens rassis, a eté tiré de son assiette ordinaire par des modifications qu'il a reçues, des influences qu'il a subies. Je le trouvai encore tout ému, tout troublé, tout agité des reproches ou de la scène qu'on venait de lui faire.

L'idée propre d'ému est celle d'une impression et d'un changement d'état doux et modérés : l'eau est émue, quand elle commence à être ébranlée, mise en mouvement, poussée hors de sa place. Troublé emporte l'idée de désordre: l'eau est troublée lorsqu'elle est mue tumultueusement, ou que, sans mouvement et en vertu de toute autre cause, intérieure ou extérieure, elle devient trouble, elle se mêle, se charge de matières limoneuses ou terreuses. Agité indique toujours quel. que chose de violent : l'eau est agitée, lorsqu'elle éprouve des mouvements en différents sens alternatifs et contraires, lorsqu'elle est bouleversée et rendue comme furieuse.

L'empressement est extérieur, et le zèle intérieur l'un consiste dans le mouvement qu'on se donne, l'autre dans le sentiment dont on est animé. Avec de l'empressement, on s'agite, on se hâte de se porter au-devant; avec du zèle, on brûle d'un désir affectueux d'être agréable ou utile. Empressement n'exprime que la diligence, n'est relatif qu'à la promptitude, à l'inquiétude, à l'impatience avec laquelle on vient ou on va, on accourt, on prévient, on accueille; zèle exprime l'ardeur de l'âme, le dévouement et le tendre intérêt qu'on prend aux personnes. On dit des airs d'empressement (Sév.) ou empressés, et la chaleur du zèle (J. J). On peut tromper par son empressement, et sur son zèle. Trop d'empressement fatigue; trop de zèle aveugle et égare. << Tous coururent en foule vers Denys. et lui de- Ces nuances se conservent au figuré. Et d'amandèrent avec empressement ce qu'il avait ap-bord l'émotion diffère bien du trouble. pris des Carthaginois. Il leur répondit que ceux qui étaient chargés du commandement (à Syracuse), au lieu de réveiller le zèle et l'attention des citoyens, endormaient la ville en l'amusant par de vains spectacles. » ROLL.

D'ordinaire, l'empressement est la suite et la manifestation du zèle. Aussi, dit-on bien un zèle empressé (BOURD., REGN.), et l'empressement du zèle. « J'attends vos mémoires avec l'mpressement du zèle que vous m'avez inspiré. » VOLT. << Marthe est si zelée pour servir Jésus, qu'elle passe jusqu'à un empressement excessif, et jus qu'à une inquiétude dont elle est reprise. Boss. Et quand les deux mots se suivent, c'est empressement qui vient le second, parce qu'il marque l'effet.

Vous connaissez mon zèle et mon empressement.
REGN.

SYN. FRANC.

[ocr errors]

1

L'émotion est un fait de sensibilité par lequel on est porté pour ou contre une personne ou une chose. Le trouble est un fait relatif à l'esprit, et en vertu duquel on se trouve embarrassé, interdit, confondu. On peut être ému jusqu'aux larmes, et troublé jusqu'à ne savoir que dire ou que répondre. On est ému par tout ce qui va au cœur, par tout ce qui touche ou intéresse ; on est troublé par tout ce qui peut apporter le désordre dans les facultés intellectuelles, ou causer un dérangement, un égarement d'esprit. Les âmes ou les cœurs sensibles sont faciles à émouvoir; les esprits faibles sont faciles à troubler. On est ému du spectacle de la misère; Cicéron venant plaider pour Milon fut troublé à la vue des soldats de Pompée. ·Troublé signifie aussi quelquefois inquiété, dont la paix est altérée, et dans cette acception comme dans la précédente 36

[ocr errors]

BouRD. Antiochus l'Illustre fut tout à coup saisi
de frayeur en entendant parler des victoires des
Juifs, et il fut jeté dans un grand trouble. II
s'écriait : Mon cœur est abattu par de cruelles
inquiétudes. Quelle horrible agitation sens-je en
moi-même, moi qui étais si heureux! Boss.
J'ai vu le fier Atrée; il semble qu'il médite
Quelque profond dessein qui le trouble et l'agite.
VOLT.

il se distingue bien d'ému. Il désigne une modi- | tions, de douleurs intérieures et de désespoirs.» fication solitaire, toute relative et bornée au sujet; en sorte que l'émotion fait perdre l'indifférence, fait aimer ou haïr, et que le trouble fait perdre le repos ou la tranquillité. On est ému de compassion ou de colère; on a la conscience troublée. « Je suis troublée de votre santé et du voyage que vous faites.... Je vous assure que mon cœur ne regarde point cet éloignement avec tranquillité. » SÉv. Au reste l'émotion, comme tout ce qui tient à la sensibilité, peut conduire au trouble, c'est-à-dire arriver à empêcher plus ou moins les fonctions de l'esprit ou à diminuer la paix de l'âme; mais comme elle est de sa na-jalousie ne se rencontrent guère que dans les ture paisible et sans violence, elle ne produit cet personnes de même art, de mêmes talents et de effet qu'à un faible degré, peu à peu, à la longue. même condition. « Je vois avec douleur les jalousies, les divisions, les inquiétudes s'accroître dans Genève : non que je craigne que ces petites émotions aillent jusqu'au trouble et au tumulte, mais il est triste de voir cette ville ne pas jouir de sa prospérité. » VOLT.

L'agitation enchérit de toutes manières sur l'émotion et sur le trouble.

D'abord elle est de plus longue durée et paraît davantage à l'extérieur. « Les yeux et les sourcils de Protésilas montraient je ne sais quoi d'agité, de sombre et de farouche. » FÉN. L'émotion | et le trouble font pâlir et trembler, tout au plus; dans l'agitation on gesticule, on se démène, on va et on vient avec précipitation.

ÉMULATION, JALOUSIE. Sentiments qui nous portent à rivaliser avec quelqu'un, à faire effort pour l'égaler ou le surpasser : l'émulativn et la

« L'émulation, dit Labruyère, est un sentiment volontaire, courageux, sincère, qui rend l'âme féconde, qui la fait profiter des grands exemples, et la porte souvent au-dessus de ce qu'elle admire. La jalousie, au contraire, est un mouvement violent, et comme un aveu contraint du mérite qui est hors d'elle: elle va même jusqu'à nier la vertu dans les sujets où elle existe; ou, forcée de la reconnaître, elle lui refuse les éloges, ou lui envie les récompenses: passion stérile, qui laisse l'homme dans l'état où elle le trouve; qui le remplit de lui-même, de l'idée de sa réputation; qui le rend froid et sec sur les actions on sur les ouvrages d'autrui; qui fait qu'il s'étonne de voir dans le monde d'autres talents que les siens, ou d'autres hommes avec les mêmes talents dont il se pique : vice honteux, qui, par son excès, rentre toujours dans la vanité et dans la présomption, et ne persuade pas tant à celui qui en est blessé, qu'il a plus d'esprit et de mérite que les autres, qu'il lui fait croire qu'il a lui seul de l'esprit et du mérite. »

D

Comparée à l'émotion, l'agitation est plus forte l'émotion affecte l'âme, et ne lui permet pas de rester indifférente; l'agitation frappe l'âme et lui inspire une vive inquiétude. L'homme ému se sent touché; l'homme agité est hors de soi« Je vis un petit conciliabule très-ému.... Le duc du Maine parla à son frère le comte de Toulouse avec agitation. » S. S. On ne dit pas une douce, « L'émulation anime les esprits. » ROLL. «C'est une tendre agitation, comme on dit une douce, un sentiment honnête qui fait naître et développe une tendre émotion; l'agitation est toujours vio- les talents. Elle nous porte à imiter ce que nous lente et pénible.- D'ailleurs l'âme émue n'éprouve admirons et nous fait rendre justice à ceux que qu'un seul sentiment, comme la pitié, l'atten-nous voulons égaler. COND. Elle naît en drissement, la joie; au lieu que l'âme agitée est l'homme de cœur, quand il voit faire aux autres en proie à des sentiments divers qui la balancent, de grandes actions. » Boss. — Mais la jalousie est la ballottent et se la renvoient pour ainsi dire. une passion haineuse, injuste, aveugle. « Il n'est « De quels mouvements divers l'âme est-elle agi-plus rien de sacré pour un cœur que la jalousie tée dans le jeu, selon les divers caprices du ha-aigrit et infecte. » MASS. « Quand on nourrit sard?» MASS. Dans l'incertitude, dans le doute, contre son frère des sentiments de jalousie, ses dans une position où il y a à espérer et à crain-talents, sa réputation, sa prospérité sont autant dre, on est agité.

Dans le doute mortel dont je suis agité. RAC< Malgré toute l'affectation de fermeté et de tout espérer de la guerre, Albéroni éprouvait de grandes agitations intérieures sur l'incertitude des succès où il allait se livrer. » S. S.

A l'égard du trouble de l'esprit, l'agitation le cause plutôt que l'émotion, parce qu'elle est plus violente, et à l'égard du trouble de l'âme, de son inquiétude, de l'altération de sa tranquillité, agitation en marque le comble. La conscience est troublée par des scrupules, et agitée par des remords; une conscience troublée n'est pas en repos; une conscience agitée est harcelée, tourmentée. «< Considérez tout ce que l'ambition attire d'inquiétudes, d'alarmes, de troubles, d'agita

de vers qui nous rongent. » ID.

«S'il y a des émulations de vertus, il y en a de contention et de jalousie; et, pour une émulation légitime, il y en a cent de criminelles. » BOURD. « Ce sujet (la vengeance du meurtre d'Agamemnon), traité tant de fois parmi les modernes, n'a pas excité moins d'émulation chez les anciens. Il a été un objet de concurrence entre Eschyle, Euripide et Sophocle.... Cette noble rivalité ne passait pas pour une basse jalousie. » LAH. Il y avait eu de tout temps entre Lucullus et Pompée une émulation qui approchait fort de la pique ou de la jalousie. » ROLL.-< H a régné entre tous les ordres religieux une émulation qui est souvent devenue une jalousie éclatante la haine entre les moines noirs et les

« PreviousContinue »