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RAG.

tions. « En approchant du bosquet, j'aperçus... | Jérusalem, qu'il n'y avait plus moyen de s'échapEn y entrant, je vis avec surprise ta cousine per. » Boss. s'approcher de moi, et, d'un air plaisamment Pour s'échapper de nous Dieu sait s'il est allégre. suppliant, me demander un baiser. » J. J. En approchant énonce un fait accessoire, sur lequel on n'insiste point; je vis s'approcher, exprime un fait principal qu'on fait voir s'effectuant, dont on veut représenter la manière. « Une mort lente et qui s'est approchée comme par degrés. » D'AG. << Germanicus prenait le soin de s'approcher secrètement des tentes pendant la nuit, et de prêter l'oreille aux discours de ses soldats. » BOURD. D'ailleurs, approcher est général, s'approcher particulier la mort approche pour tous et s'approche pour chacun; l'un est absolu, et l'autre relatif je l'ai prie d'approcher, et il n'a pas osé s'approcher. On distinguerait à peu près de

même arrêter et s'arrêter.

AVANCER, S'AVANCER. Aller en avant. J'avance énonce le fait; je m'avance le montre s'accomplissant. Avancer exprime en elle-même, dans son essence, une action inqualifiable par cela même, si ce n'est sous le rapport du plus ou du moins. S'avancer emporte relation à la manière, aux progrès, aux obstacles, et à toutes les circonstances; il reçoit par conséquent beaucoup de modifications; on s'avance avec noblesse, lentement, avec peine. rapidement, au travers des périls, contre l'ennemi, etc.-S'avancer, d'ailleurs, présente le sujet se portant en avant, agissant sur soi-même pour se mettre en mouvement, prenant sur soi d'aller vers. « Le duc de Rohan se mit à la porte du cabinet. Comme le roi approcha, il s'avança. »S. S.

MONTER, SE MONTER, s'emploient également pour marquer qu'un nombre, une somme, une dette, une créance va ou s'élève jusqu'à tant.

La seule différence qu'il y ait entre les deux expressions, c'est que la seconde est relative au détail, à l'addition: vous me devez telle somme; en y joignant telle et telle autre, le tout se monte à mille francs. Quand on voudra seulement exprimer un total, on se servira du verbe neutre monter. « La succession de mon frère monte à des sommes immenses. » DEST. « Les dettes de Louis XIV, à sa mort, montaient à deux milliards six cents millions. » VOLT. Mais il faudra préférer le verbe pronominal, se monter, si on rappelle un calcul ou l'opération qui a servi à établir le total.

Un après un le seigneur fait le compte (des aulx):
Puis quand il voit que son calcul se monte
A la trentaine, il les met dans un plat. LAF.

Le stupide ayant calculé avec des jetons une certaine somme, demande à ceux qui le regardent faire à quoi elle se monte. » LABR.

ÉCHAPPER, S'ÉCHAPPER. S'évader, s'esquiver, quitter en toute hâte un lieu où l'on est pour se

mettre en sûreté.

On échappe et l'on s'échappe des mains de quelqu'un. Mais le premier de ces verbes énonce ce que le second dépeint. Dans s'échapper on voit le sujet en action, faisant effort, cher chant le moyen de fuir. On échappe par bonheur, parce qu'on n'est point aperçu; on s'échappe par adresse. «Titus ferma de si près les avenues de

Racine dit encore dans Esther qu'on peut surprendre la justice des plus grands rois : « ils ont peine à s'échapper, dit-il, des piéges de l'artifice.>> Il y a beaucoup de dangers dont on ne peut échapper qu'en s'échappant. Ces deux verbes se disent encore tous deux, au figuré, dans le sens de s'évanouir, se dissiper. Il arrive un moment où le dernier espoir échappe ou s'échappe. Le second verbe semble marquer une succession, et non une action faite tout d'un coup. On dirait que l'espoir ne s'échappe que peu à peu et malgré des efforts pour le retenir. «Sentant déjà la vie qui s'échappe, je cherche à la ressaisir par ses commencements. » J. J.— Ils se disent enfin de certaines choses qui d'ellesmêmes sortent d'un lieu qui les contient ou les renferme. Mais échapper convient pour une sortie brusque, instantanée, et s'échapper s'il est question de choses qui sortent par une action successive. Un bâton échappe de la main, une idée de la mémoire; des pleurs s'échappent des yeux, des flammes d'un volcan. « Quand une chose que nous tenons échappe de nos mains, nous sentons par ce moyen en quelque façon qu'elle se meut. » BossOn ne peut jamais dire d'aucune chose avec justesse, qu'elle commence à échapper.

AUGMENTER, S'AUGMENTER. Croître, devenir plus grand ou plus fort.

Augmenter est un terme abstrait, mathématique, propre à énoncer ou à signifier l'espèce et le degré de changement. « La chaleur augmentait. » J. J. « Les effets du raisonnement augmentent sans cesse.» PASC. « On reçut si bien les sœurs de Psyché que leur déplaisir en augmenta de moitié. » LAF. S'augmenter est une expression qui dépeint, fait image et représente la chose en progrès. «L'Eglise ne cessait de s'augmenter tous les jours sous le fer et dans le feu.» Boss. «La naissance des choses, elle est imparfaite; elles s'augmentent, se fortifient par l'accroissance. » MONTAIGN.

Une chose à remarquer, c'est que la différence est à peu près la même, quand le second verbe est réciproque, et non pas pronominal. Exemple : Disputer et se disputer, être en débat ou en contestation.

Disputer est purement énonciatif : il signifie la sorte d'action d'une manière abstraite. Se disputer est descriptif, et appelle l'attention sur les personnages qui sont en scène, aux prises, et qui agissent réciproquement l'un sur l'autre On n'est pas de même avis quand on dispute, et on dispute avec calme afin de trouver ou d'éclaircir la vérité; on est animé de sentiments hostiles quand on se dispute, et on se dispute avec violence, avec animosité, quelquefois jusqu'à en venir aux coups. On dispute sur une chose; on se dispute à propos d'une chose. Disputer est relatif à la chose discutée et marque plutôt un combat d'opinions; se disputer a rapport à ceux qui sont en dispute, et c'est un combat de personnes qu'il exprime. Deux docteurs dans l'école disputent, et on peut disputer même sans être en présence, par écrit ou par lettres; deux

femmes qui ont une querelle dans la rue se dis-
putent. Fénelon écrit à quelqu'un : « Vos amis
disputent à qui vous aura. » Et Voltaire dans une
épigramme dit en parlant d'une personne :

Les malins qu'Ignace engendra,
Les raisonneurs de jansenistes,
Et leurs cousins les calvinistes
Se disputent à qui l'aura.

Pareillement, quereller et chamailler ne représentent pas les personnages en action, leurs efforts réciproques, leurs démêlés et leurs luttes comme se quereller et se chamailler.

SINONYMIE DES VERBES NEUTRES AVEC LEUR
PARTICIPE PRÉSENT OU PASSÉ ACCOMPAGNÉ DU
VERBE être.

Hourir, étre mourant. Étudier, être étudiant.
Languir, étre languissant. Fleurir, étre floris-
sant. Dépendre, étre dépendant. Exceller, être
excellent. Obéir, étre obéissant. Etc.

Le verbe exprime un fait; le participe, en tant qu'il tient de l'adjectif, une qualité. Le verbe exprimant un fait, est relatif; et le participe exprimant une qualité ou un état du sujet, est absolu. Le premier comporte toutes sortes de modifications, quant aux circonstances et à la manière dont le fait particulier se passe; le second a par lui-même un sens complet, il représente une qualité caractéristique du sujet et indépendante de toute circonstance. On sert et on secourt une certaine personne, d'une certaine manière, dans certaines occasions: c'est un fait qu'on accomplit; on est serviable et secourable indépendamment de tout rapport de personne, de lieu, de temps, de moyens : c'est une qualité dont on est doué. Il en est de même quand le mot qui accompagne le verbe étre est un participe, au lieu d'être un adjectif. On meurt d'un coup de feu, dans son lit, à un certain âge, toutes circonstances qui ne peuvent être notées dans l'expression, tel homme est mourant, parce que cette expression est complète et se sufît à elle-même. Quand vous dites qu'un jeune homme est étudiant en droit ou en médecine, vous exprimez tout ce que vous pouvez exprimer avec ce tour; mais, en vous servant du verbe neutre, vous direz qu'il étudie le droit ou la médecine dans une certaine ville, avec plus ou moins d'ardeur et de succès, sous tels et tels maitres, suivant telle ou telle méthode. Parmi les hommes qui sont languissants, les uns languissent de misère, les autres d'amour, ceux-ci dans l'attente d'un bien, ceux-là dans un long exil. Certaines républiques anciennes ont été florissantes: les unes fleurirent par les lettres, d'autres par le commerce, d'autres par les conquêtes. « La prospérité du monde fleurit avec quelque honneur dans la confusion de ce siècle : viendra le temps du discernement. » Boss. «Thalès s'en alla en Egypte où les sciences florissaient pour lors.» Fés. Étre dépendant, c'est être dans la dépendance, sans autre spécification possible; mais on dépend de quelqu'un sous tel rapport, jusqu'à tel point, pendant plus ou moins de temps.

D'autre part, le verbe exprimant un fait désigne toujours, par cela même, quelque chose

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d'actuel et de passager. Au contraire, le participe, joint à l'auxiliaire, forme une expression significative d'une qualité fixe, constante, inhérente au sujet, qui ne le quitte pas. Cela résulte de la valeur ordinaire de l'adjectif dont tient le participe, et de ce que le verbe être, mis en saillie dans l'expression composée, lui donne un caractère d'existence, de permanence et de durée.

EXCELLER, ÊTRE EXCELLENT. Avoir un degré éminent de perfection, de supériorité.

Exceller est relatif, a besoin d'un complément et exige une comparaison avec des rivaux qu'on surpasse; on ne peut pas dire qu'une personne ou une chose excelle, sans indiquer sur qui et en quoi. Un âne dit dans Lafontaine :

Les humains sont plaisants de prétendre exceller
Par-dessus nous!
LAF.

Mais d'où vient qu'au renard Ésope accorde un point,
C'est d'exceller en tours pleins de matoiserie? ID.

Être excellent est absolu, exprime une idée complète et n'a pas besoin d'un régime ni d'une comparaison. « Vous ne sauriez croire combien est excellent le beurre que nous mangeons. >> LAF. Ce qui excelle est meilleur que les autres, n'a pas de pareils dans son espèce; ce qui est excellent est très-bon.

Ensuite, exceller représente plutôt le sujet comme agissant, et être excellent le dépeint comme doué d'une qualité. Le conducteur de char, qui est excellent, excelle à conduire un char dans la carrière. On excelle à faire une chose; on est excellent pour subir une modification, ou comme instrument ou comme moyen. La chair des ramiers est excellente à manger. (BUFF.), c'est-àdire à être mangée. «Les chiens naturels sont excellents pour garder les troupeaux. » BUFF.

OBÉIR, ÊTRE OBÉISSANT. Se soumettre aux volontés de quelqu'un.

Obéir désigne l'acte d'un moment, et être obéissant une disposition constante. Le premier, tout contingent, tout dépendant des circonstances, signifie faire dans l'occasion ce qu'on nous commande; le second, tout qualificatif, signifie, non pas faire un acte d'obéissance, mais posséder d'une manière permanente la vertu de l'obéissance. Ce qui prouve combien obéir est accidentel et relatif, c'est qu'on peut obéir sans étr obéissant, par contrainte ou par intérêt. — Toutefois, obéir se prend aussi, comme être obéissant en parlant d'une suite d'actes d'obéissance : « Il vaut mieux, dit Platon, obéir aux dieux qu'aux hommes. » Mais obéir est toujours plus considéré dans les actes produits et relativement à l'habitude : être obéissant se rapporte davantage au sujet doué de la qualité qui le caractérise. D'ailleurs, obéir dépend des occasions d'agir et suppose des intervalles; être obéissant marque une disposition qui ne cesse pas un instant.

CHANCELER, ÊTRE CHANCELANT. N'être pas ferme.

Chanceler exprime un fait accidentel; à celui qui chancelle il arrive de chanceler. Etre chancelant marque une disposition ou qualité permanente qui chancelle sort de l'état de stabilité; qui est chancelant demeure toujours dans un état contraire à celui de la stabilité, est toujours près

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Les deux verbes marquent un état relatif, un penchement et une inclinaison qui commencent, qui se font, qui sont encore faibles; être penché et être incliné désignent un état achevé, permanent. Deux lignes qu'on croit parallèles inclinent cependant l'une vers l'autre : c'est une inclinaison

peu sensible et incomplète. De même au figuré, quand on incline vers une chose, on a pour elle un commencement d'inclination; quand on y est incliné ou enclin, on a pour elle un goût bien prononcé. « Les sociniens penchent à l'indifférence des religions. » Boss. « La faiblesse humaine est trop penchée par elle-même au relâchement. » ID. Ensuite, si une chose penche ou incline, c'est par accident, par le fait des circonstances; c'est par nature qu'elle est penchée ou inclinée. Un arbre penche sous le poids des fruits; le narcisse est penché ou incliné au bord des eaux. Un mur est incliné, quand il incline beaucoup, et depuis très-longtemps, ou qu'il a été bâti obliquement sur le sol. Enfin, parce qu'ils sont relatifs, parce qu'ils représentent le penchement et l'inclinaison en train de se faire, les deux verbes expriment que le sujet approche de plus en plus de sa ruine. Un état penche vers sa chute, un vieillard vers la tombe. Etre penché, étre incliné désignent un état permanent, qui se suffit en quelque sorte à lui-même, qui ne va point finir par la ruine. Quelquefois la différence est encore plus grande. Incliner et pencher expriment une action, se disent de choses en action, au lieu qu'être incliné ou penché signifient un état, s'appliquent à des personnes ou à des choses arrêtées, fixes. Dans une course de chevaux, on voit le cavalier et l'animal pencher en avant; le Poussin a fait un tableau << où un cavalier et son cheval sont penchés en avant les crins du cheval, les cheveux de l'homme, son manteau, tout est flottant et repoussé par le vent en arrière. » FÉN.

son synonyme. S'indigner, c'est se soulever, s'ċ-
mouvoir contre une personne ou une chose; étre
indigné, c'est être intérieurement affecté d'une
certaine manière. On dirait bien, il ne faut pas
s'indigner contre un crime involontaire; car cela
dépend de nous en partie; mais dans ce cas on
ne pourrait se servir d'être indigné, parce que
cette dernière expression marque une manière
d'être fatale et toute passive.

SYNONYMIE D'UN VERBE A L'INDICATIF AVEC CE
MÊME VERBE AU SUBJONCTIF.

Croyez-vous qu'il le fera? Croyez-vous qu'il le
fasse?

Ces deux tours de phrase ont cela de commun, qu'ils peuvent être l'un et l'autre employés par un homme qui doute, qui est dans l'incertitude et qui interroge quelqu'un pour en sortir.

Mais d'abord croyez-vous qu'il le fera? annonce toujours une chose future, et quelquefois, croyezvous qu'il le fasse? une chose présente: vous venez d'ordonner à quelqu'un d'aller faire sur-lechamp telle ou telle chose; et vous me demandez presque aussitôt après, croyez-vous qu'il la fasse ? c'est-à-dire qu'il soit actuellement à la faire.

Cette première distinction est insuffisante; car le subjonctif qu'il fasse répond également dans notre langue au futur et au présent de l'indicatif d'où il se forme, et il y a des cas où les deux tours s'emploient pour exprimer un doute relativement à une action future: croyez-vous qu'il le fasse signifie pour lors croyez-vous qu'il doive le faire?

La différence en pareil cas est difficile à saisir. Pour la trouver et la concevoir nettement, il faut se faire une idée exacte des rôles de l'interrogation et du subjonctif dans le discours.

On interroge quelqu'un pour savoir ce qu'il pense. L'interrogation ne suppose essentiellement qu'un doute, celui qui se rapporte à l'opinion de la personne interrogée. Quand je vous demande : Pleuvra-t-il? Viendrez-vous avec nous? Quel parti prendrons-nous? il se peut que je sache très-bien à quoi m'en tenir sur tous ces points, et que je veuille seulement connaître ce qu'il vous en semble. Je dois sortir dans quelques heures; une Remarquez que, à la place du verbe neutre, le personne m'engage à ne le point faire, parce verbe réfléchi aurait le même caractère. Ainsi, à qu'il doit pleuvoir, le ciel étant chargé de nuaincliner et à pencher, on peut substituer s'incliner ges. Quelques instant après, le ciel est parfaiteet se pencher; la différence restera la même, ou peu ment pur, le soleil brille, je demande à la même s'en faut, entre ces derniers, et les expressions, personne Eh bien! pleuvra-t-il? sachant bien étre incliné, étre penché. C'est donc définir qu'il ne pleuvra pas, et n'ayant de doute que sur inexactement s'indigner et étre indigné, que de la pensée ou l'aveu de la personne à qui je parle. les traduire l'un et l'autre, comme le fait l'Aca- De son côté, le subjonctif a par lui-même et démie, par éprouver de l'indignation. Dans s'in-essentiellement pour caractère de marquer le digner, l'idée commune est empreinte de re- doute sur ce qui fait l'objet du discours : il n'est lativité; au lieu qu'être indigné, la présente pas probable qu'il vienne, je n'espère pas qu'il absolument et comme achevée. Celui qui s'in- vienne, supposé qu'il vienne. digne est à l'œuvre, en quelque sorte: on peut le calmer. Celui qui est indigné a conçu le sentiment de l'indignation dans toute sa plénitude; l'indignation est sa qualité, son état, sa manière d'être. Pendant qu'il parlait, on voyait les assistants s'indigner peu à peu; après qu'il eut parlé, tous les assistants étaient indignés. De plus, il y a dans s'indigner une idée d'activité étrangère à

|
Ces simples notions peuvent seules aider à dé-
couvrir une distinction vraie entre ces deux fa-
çons de parler si approchantes l'une de l'autre.

Dans croyez-vous qu'il le fera? il n'y a pas nėcessairement deux doutes tombant, l'un sur votre croyance, l'autre sur l'événement futur dont il s'agit; il se peut qu'il n'y en ait qu'un, le premier. Je suis persuadé qu'il ne le fera pas, et

c'est comme si je disais : Est-il possible que vous soyez assez bon pour croire qu'il le fera? Au contraire. quand je dis Croyez-vous qu'il le Jasse? mon doute porte à la fois, et sur votre sentiment à l'égard du fait, et sur le fait luimême; c'est comme si je disais : Je ne sais s'il le fera, qu'en pensez-vous?

La difficulté est la même et se résout de même quand les deux verbes sont au présent, l'un au présent indicatif, l'autre au présent subjonctif: Croyez-vous que la lune est habitée et soit habitée? Quel parti croyez-vous qu'on doit prendre et qu'on doite prendre? En me servant du premier tour, je ne témoigne qu'un doute, celui qui a rapport à votre sentiment, soit que j'aie moi-même une idée arrêtée sur la chose dont il s'agit, soit que je n'aie pas dessein de mettre cette chose même en question. Mais quand j'use du subjonctif, je doute doublement, et touchant votre opinion, et touchant la chose sur laquelle je vous interroge. Lorsque Joad dit à Abner dans Athalie: Quel conseil, cher Abner, croyez-vous qu'on doit

suivre?

RAC.

Joad n'est point incertain, il veut seulement sonder les dispositions d'Abner. Mais il montrerait de l'indécision s'il disait : Quel conseil croyezvous qu'on doite suivre?

Du reste. quand même, après croyez-vous, le verbe à l'indicatif indiquerait déjà quelque doute sur la chose en question, ce ne serait à proprement parler qu'une suspension de jugement, que de l'indifférence entre le oui et le non; au lieu qu'avec le verbe au subjonctif on exprime un doute positif, de l'incrédulité. Un prêtre qui enseigne des enfants, et un philosophe qui dispute sans avoir encore une opinion faite, diront: Croyezvous qu'il y a un Dieu et qu'il prend soin de ce qui nous regarde? Mais un athée dira en secouant la tête : Croyez-vous qu'il y ait un Dieu et qu'il prenne soin de ce qui nous regarde?

SYNONYMIE DES VERBES ACTIFS AVEC CES MÊMES
VERBES DEVENUS PRONOMINAUX.

Attaquer quelqu'un, s'attaquer à quelqu'un. Ima
giner, s'imaginer. Attendre, s'attendre. Aper-
cevoir, s'apercevoir. Etc.

Le verbe actif indique le fait ou l'acte en luimême, ou relativement à l'objet. Le même verbe, devenu pronominal, implique l'idée d'un rapport particulier au sujet : il représente l'action comme plus personnelle, il exprime un retour vers la sujet, il fait penser à lui, aux sentiments qui l'animent, à ses efforts, aux idées qu'il con

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La raison de cette règle est facile à trouver. Le verbe pronominal renfermant le verbe actif doit d'abord signifier la même chose que lui, et comme il y ajoute le pronom, cette addition doit avoir pour effet de rappeler de quelque manière le sujet ou la personne qui agit. L'action du verbe, quand il est pronominal, au lieu de se porter immédiatement sur l'objet qui ne lui sert alors que de complément indirect, au moins pour l'ordinaire, ne l'atteint qu'après avoir, pour ainsi dire, fait retour vers le sujet et en avoir

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reçu quelque modification. Le verbe ordinaire appelle naturellement l'attention sur l'espèce d'action elle-même ou sur l'objet qui est son complément direct; et le verbe pronominal, par sa rétroactivité vers la personne, en fait saillir quelque qualité ou la représente comme ajoutant quelque chose d'elle-même à l'action.

ATTAQUER quelqu'un, S'ATTAQUER à quelqu'un. Prendre quelqu'un pour objet de ses attaques et de ses coups.

S'attaquer, c'est se porter à attaquer, attaquer avec résolution, et c'est d'ordinaire à plus fort que soi qu'on s'attaque.

Ah! tu sauras, maraud, à ta confusion,
Ce que c'est qu'un valet qui s'attaque à son maître.
MoL. (Amphitryon.)
S'attaquer à Dieu (BOURD.), au Créateur (Boss.).
Il n'y a dans attaquer d'autre idée que celle du
fait l'ayant trouvé sur son chemin, il l'attaqua.
Dans s'attaquer il y a de plus un rapport à la
personne qui s'en prend à quelqu'un, qui l'en-
treprend, un rapport aux sentiments particuliers
qui l'animent et la rendent si osée, le ressenti-
ment, la haine, la vengeance, l'humeur ou bien
l'acharnement de sa volonté et l'ardeur de ses
poursuites. En deux mots, attaquer n'exprime
qu'un simple acte, l'agression, la provocation,
un acte d'hostilité, abstraction faite de toute cir-
constance; s'attaquer y ajoute l'idée d'un retour
vers le sujet et représente celui-ci ou comme ne
craignant pas d'attaquer, comme attaquant ou-
vertement, ou comme animé de telle ou telle
passion dans son attaque, ou bien encore comme
prenant à partie avec discernement, par choix et
préférence, celui-ci ou celui-là, à cause d'un
tort vrai ou prétendu. Ce qui est essentiel dans
attaquer, c'est le fait en lui-même, et dans s'at-
taquer, c'est la circonstance toute relative à
l'agent, d'oser attaquer, d'attaquer avec achar-
nement et passion, et telle personne plutôt que
telle autre.

IMAGINER, S'IMAGINER. Ces deux verbes signifient se représenter quelque chose dans l'esprit, quand ils ont un nom pour complément immédiat, et se faire ou avoir une opinion, quand ils sont suivis d'une proposition incidente, commençant par que. Ainsi, on dit, d'une part, imaginer et s'imaginer des fantômes; de l'autre, imaginer et s'imaginer qu'on viendra à bout d'une entreprise.

Or, dans les deux cas, ces mots diffèrent de même, c'est-à-dire en ce qu'ils marquent le fait ou l'acte, l'un simplement, l'autre avec une circonstance prise du sujet, savoir qu'il croit à la chose imaginée, qu'il y donne son assentiment.

Il importe de suivre cette distinction dans les deux sens où imaginer et s'imaginer paraissent synonymes.

1o Imaginer, s'imaginer. Se représenter, se faire une idée.

Ces verbes, considérés seulement dans le cas où ils ont un nom pour complément immédiat, signifient tous deux se représenter quelque chose dans l'esprit. Imaginer, c'est se représenter quelque chose d'idéal, qu'on feint, qu'on crée, qu'on invente, sans aucun égard à la réalité de la re

thèse, concevez comme possible que je sois votre père, mais persuadez-vous que je le suis réellement. Nos bons auteurs, qui emploient quelquefois imaginer que, quoique Beauzée l'ait nié, le font suivre ordinairement du verbe pouvoir. J. J. dit de ses ennemis : «Sans doute, ils n'imaginent pas qu'on puisse sincèrement croire en Dieu. » Et ailleurs : « Je n'imaginais pas même qu'on pût vouloir nuire à quelqu'un qu'on devait aimer. » Ils n'imaginaient point qu'il fût possible de traverser les Palus-Méotides. » MONTESQ. « Rome n'imaginait point qu'elle pût être, si elle ne commandait pas. » ID. C'est-à-dire ne concevait pas l'idée d'elle-même comme possible sans le commandement. Imaginer équivaut à concevoir; s'i

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qu'une chose peut être; on s'imagine qu'elle est. On peut se tromper dans les deux cas, mais l'erreur est bien plus grande dans le second que dans le premier. J'imagine que je réussirai, c'est-àdire je conçois mon succès comme possible; je m'imagine que je réussirai, c'est-à-dire je me persuade, j'ai la confiance que je réussirai, comme si mon succès était actuel, ou tout au moins assuré. « Quelques anciens ont imaginé que la voie lactée était (c'est-à-dire pouvait bien être) le chemin que tenaient les moindres divinités pour se rendre au conseil du grand Jupiter. » FÉN. S'ils se sont trompés, c'est une erreur hypothétique, idéale, théorique, un petit mécompte, et non une déception, puisqu'ils ont affirmé, non que la chose était, mais qu'elle pouvait bien être '.

présentation. S'imaginer, imaginer à soi, pour soi, c'est se représenter quelque chose à quoi l'on croit, à quoi l'on s'attache, qu'on s'impose, qu'on se persuade. Il y a deux manières d'avoir de l'imagination; elles sont exprimées par ces deux verbes. Imaginer, c'est être créateur, c'est avoir de l'imagination, en ce sens qu'on est capable de se former des représentations idéales, hypothétiques. S'imaginer n'est pas seulement conceptif, il joint la croyance à la représentation; c'est avoir de l'imagination, en ce sens qu'on se laisse aisément entraîner à croire à ses conceptions. Dans imaginer se trouve l'imagination du poëte, de l'inventeur; dans s'imaginer l'imagination du rêveur. Dans imaginer, l'imagination produit; dans s'imaginer, elle impose la croyance à quel-maginer à penser, se persuader. On imagine que chose d'imaginé. Imaginer des fantômes et des périls, c'est simplement en produire l'idée dans son esprit; se les imaginer, c'est de plus croire qu'ils existent et avoir peur de sa création: Hoffmann imagine des fantômes, l'enfant s'imagine des fantômes. Pour faire de son imagination un usage convenable, il faudrait n'imaginer que les choses qui peuvent être, et ne s'imaginer que les choses qui sont. Imaginer est plus original, plus inventif; s'imaginer est plus logique, plus abstrait, et ce verbe emportant une croyance est très-rarement suivi d'un nom, mais presque toujours il est suivi d'un infinitif ou d'une proposition incidente, commençant par que. Les géographes ont imaginé des lignes et des cercles qui coupent le globe en tous sens, mais sans se les imaginer. « Il n'est pas besoin de s'imaginer aucun vide.» P. R. C'est-à-dire qu'il n'existe réelle4. Se figurer a le même sens général que imaginer ment aucun vide. Dans les sciences hypothéti- avoir une opinion. Mais, au lieu d'ètre créateur comme et s'imaginer, savoir se faire une idée, et se faire ou ques, comme la géométrie, on dit à chaque imaginer, et décevant comme s'imaginer, il est figuinstant, imaginez telle ou telle chose, une ligne ratif, pittoresque; il ne donne pas l'être à ce qui n'est qui, etc. Quand on se sert de s'imaginer, c'est point, il représente ce qui est, il en met sous les yeux qu'il y a croyance à la réalité de la chose. «Il est de l'esprit les formes, la disposition, tous les traits. absurde de s'imaginer des infinis en divers gen- rêveur que désigne se figurer, c'est ce que Voltaire Ce n'est plus l'imagination de l'inventeur ni celle du res. » FÉN. C'est-à-dire qu'il existe de tels infinis. appelle l'imagination de détail et d'expression, celle « Il n'y a rien de si déraisonnable que de s'ima- qui n'est qu'ouvrière, qui travaille sur quelque chose giner une infinité d'êtres sur de simples idées de de donné, celle qui distingue le grand écrivain et qui logique.» MAL. C'est-à-dire encore qu'il existe consiste à concevoir vivement le comment, la manière, une infinité d'êtres. » M. Jourdain : « Je vous dis les circonstances d'un fait on l'extérieur d'un objet, que ces souliers me blessent. » — - Le maître tail-ses formes et ses couleurs. Quand on parle d'un géant, leur: « Vous vous imaginez cela. » MOL. « Les Juifs s'imaginaient le Messie tout autre qu'il ne devait

être. » Boss.

nous nous figurons aussitôt un homme de haute stature, robuste, etc. « Les peintres peignent les choses comme on se les figure. » MAL. Et réciproquement on se figure les choses comme les peintres les peignent.

2o Imaginer, s'imaginer. Se faire ou avoir une Effectivement, se figurer est synonymne de se peindre. opinion.

Figure-toi Pyrrhus, les yeux étincelants,
Entrant à la lueur de nos palais brûlanis....
Peins-toi dans ces horreurs Andromaque éperdae........
RAC.

Ces deux verbes, suivis d'une proposition incidente, commençant par que, signifient, non plus se représenter quelque chose, se faire une idée, mais se faire ou avoir une opinion. Leurs diffé- Ce qu'on se figure est un tableau ou en tableau dans rences sont alors analogues à celles qui les distin-l'esprit. « Figurez-vous le spectacle d'un homme soufguent dans le premier sens. Imaginer marque une lui ses vertus et ses victoires. » FLECH. « Je me figure frant. >> MASS.« Tout seul qu'il est, on se figure autour de opinion hypothétique, relative à la possibilité; assez, sans la voir, cette magnificence. » MOL. «Saint s'imaginer une opinion sur la réalité. Il imagine Augustin, voyant la cour des empereurs de Rome si qu'il en viendra à bout, c'est-à-dire il conçoit pompeuse et si magnifique, se figurait par proportion comme possible d'en venir à bout; il s'imagine la magnificence et la beauté de la cour céleste. » Bourd. qu'il en viendra à bout, c'est-à-dire il est dans -En fait d'opinion se figurer, ne signifie pas, comme la ferme persuasion qu'il en viendra à bout. Sca-figurer, par exemple, qu'on est malade, n'est pas une ses deux synonymes, une supposition toute gratuite. Se pin dit à Octave : « Imaginez-vous que je suis votre fiction toute pure, c'est une croyance ou une pensée père qui arrive, et répondez-moi fermement. »> fondée sur quelques indices; mais s'imaginer qu'on C'est-à-dire, non pas, imaginez, faites l'hypo- | est malade est le fait d'un malade imaginaire, «Que

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