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Une béatification est un fait particulier et d'intérieur en quelque sorte; une canonisation est un événement qui intéresse tous les catholiques et qu'on célèbre avec solennité. « Cette cérémonie est une canonisation d'un Borgia, jésuite: toute la musique de l'Opéra y fait rage; il y a des lumieres jusque dans la rue Saint-Antoine; on s'y tue.» SEV. Saint-Simon raconte que revenant de son ambassade en Espagne, il dîna chez des religieuses du bourg d'Agreda, où avait vécu et était morte la fameuse Marie d'Agréda, déja béatifiée, et que la gent quietiste fit enfin canoniser depuis, à toute peine, à l'appui de la constitution Unigenitus.

Un décret d'Alexandre VII, de l'année 1659, défend expressément d'étendre aux béatifiés les honneurs rendus aux canonisés. Il faut un indult du pape pour ériger des autels en leur nom, pour exposer leurs images ou leurs reliques dans une église; mais jamais il ne fut permis de les porter en procession.

Comme béatifier n'a pas la rigueur de canoniser, il se dit bien dans le langage commun pour signifier l'action d'un particulier qui attribue à quelqu'un une place dans le séjour des bienheureux. « Au temps des dragonnades, le monarque ne doutait pas de la sincérité de cette foule de conversions qu'on lui annonçait de toutes parts; les convertisseurs avaient grand soin de l'en persuader, et de le béatifier par avance. » S. S. « On voit comme le moine Jacques Clément fut béatifié, comme on mit son portrait sur l'autel, comme on l'invoqua. » VOLT. Canoniser s'emploie aussi quelquefois en ce sens; mais c'est pour renchérir sur beatifier. « Sainte Geneviève n'était pas encore en possession de cette gloire immortelle dont elle jouit, que la voix publique la mit au rang des saints, la béatifia et la canonisa. » BOURD. « Jésus-Christ a béatifié et canonisé la pauvreté. » ID.

BEAU, JOLI. Ces deux mots se disent de choses dont la vue nous plaît par elle-même, indépendamment de toute idée d'utilité.

Mais le beau est dans les choses une perfection, et le joli un simple agrément : on admire l'un, on goûte l'autre. Différence extrêmement importante, puisqu'elle revient à celle de l'admirable à l'agréable.

Le beau, comme l'admirable, frappe, étonne, transporte; le joli, comme l'agréable, séduit et amuse. Un beau génie, un beau poëme, une belle tragédie; un joli paysage, une jolie chanson, un joli madrigal. La vue des mers, qui nous fait concevoir l'infini, et l'aspect de la voûte immense des cieux, excitent en nous le sentiment du beau; mais une prairie émaillée de fleurs n'est que jolie. L'idée du beau comprend celles de grandeur, de régularité et de noblesse; l'idée du joli représente plutôt quelque chose de petit, de peu relevé, mais de fin, de délicat, de charmant. Un beau château, une jolie maison de campagne; une belle femme, une jolie petite fille. Le même objet que nous avons appelé beau nous paraîtrait joli simplement, s'il était exécuté en petit. « Le nom de belle pensée, si on prend le mot de beau dans sa propre signification, emporte grandeur,

selon Aristote, qui a décidé que les petits hommes n'étaient point beaux, quelque bien faits qu'ils fussent, et qu'ils étaient seulement jolis. » Bouн. En littérature et dans les beaux-arts, il faut de l'âme et une haute raison pour produire et pour apprécier le beau; il suffit d'avoir de l'esprit pour produire et pour sentir le joli. Ce qui est beau est plein de vérité, de sens, d'élévation, touche au sublime; ce qui est joli n'est qu'élégant, brillant ou ingénieux. • Voltaire n'est pas beau, il n'est que joli. » MONTESQ. « Je m'inscris en faux contre la lettre où vous assurez que j'ai dit que les Imaginaires (lettres de Nicole) étaient jolies; je n'ai jamais dit ce mot, c'est une supposition. J'ai dit belles et très-belles : la justesse de leur raisonnement emporte cette louange. » SÉv.

Une belle femme se distingue par le teint, la taille, la proportion et la régularité des traits. Une jolie femme peut n'avoir aucun de ces avantages et ne laisser pas néanmoins de plaire beaucoup. « Je trouvai là Mme de Velbac, plutôt jolie que belle, ayant dans la figure cette piquante irrégularité, qui semble être un caprice de la nature et qui compose ce qu'on appelle un visage de fantaisie, mais bien plus séduisante encore par son esprit et par son caractère. » MARM. « Les femmes de Perse sont plus belles que celles de France; mais celles de France sont plus jolies. Il est difficile de ne point aimer les premières, et de ne se point plaire avec les secondes : les unes sont plus tendres et plus modestes, les autres sont plus gaies et plus enjouées. » MONTESQ.

Le beau nous cause un plaisir d'estime, si on peut parler ainsi, plaisir plus grave que vif; nous avons de ce qui est beau une haute idée, nous ne pouvons lui refuser nos hommages et nos applaudissements. Mais le joli nous cause un plaisir d'attrait, plaisir auquel on est plus sensible ou qui fait plus d'impression sur le cœur. Quelquefois une belle personne impose, fait l'effet d'une belle statue, d'un chef-d'œuvre de l'art, on se sent comme forcé de s'incliner devant, elle enlève les éloges; mais une jolie personne, sans être aussi bien, a je ne sais quel charme qui touche davantage notre sensibilité, nous gagne et nous inspire une véritable passion. « Deux jeunes filles furent présentées à Philocharès, roi de Lydie, qui voulait prendre femme, Mégano et Myrtis. Mégano était fort grande, de belle taille, les traits du visage très-beaux et si bien proportionnés qu'on n'y trouvait que reprendre; l'esprit fort doux. Avec cela, ses qualités ne touchaient point, faute de vénus qui donnât le sel à ces choses. Myrtis, au contraire, excellait en ce pointlà, n'ayant pas une beauté si parfaite, mais n'ayant si petit endroit sur elle qui n'eût sa vénus. Le roi choisit Myrtis, et voulut qu'on la nommât Aphrodisée à cause de ce charme. Mégano en mourut de déplaisir, et on mit sur son tombeau : Si les rois ne m'ont aimée, ce n'est pas que je ne fusse assez belle pour mériter que les dieux m'aimassent, mais je n'étais pas, dit-on, assez jolie. » LAF.

1. Agrément, grâce, charme; en latin venus ou venustas.

Il arrive un âge où une femme, n'ayant plus l'éclat et les attraits de la jeunesse, est encore belle, mais non jolie. « Séliane, dans sa jeunesse, avait été jolie et belle: elle était belle encore, mais elle commençait à n'être plus jolie. » MARM.

α

Qui dit de belles choses mérite attention, mais n'est pas toujours écouté attentivement; on le trouve trop savant ou trop sérieux. Qui dit de jolies choses est toujours écouté volontiers, tant est fort notre penchant au plaisir. On sait l'histoire, de cet orateur athénien qui, voyant ses auditeurs distraits, passa du beau au joli, du sévère au plaisant, en se mettant tout à coup à raconter une fable. (Voy., dans Lafontaine, Le Pouvoir des fables.)

BEAUCOUP, FORT, BIEN, CONSIDÉRABLEMENT, ABONDAMMENT, COPIEUSEMENT, LARGEMENT, AMPLEMENT, A FOISON. Adverbes servant à porter au superlatif l'action exprimée par les verbes auxquels ils se joignent.

(Sév.), pleurer (LAF.) abondamment. « La terre s'ouvrit ; et parmi les feux que ce gouffre poussait abondamment ils en virent sortir un dragon effroyable. » LES.

Copieusement, latin copiose, de copia, moyens d'existence, ressources, est relatif, non plus à la production, comme le mot précédent, mais à la consommation. Une terre produit des subsistances abondamment; on mange ou on boit d'une chose copieusement. Ce mot s'étend à toutes les fonctions animales, mais on l'y restreint. Dans le Médecin malgré lui, Sganarelle demande à Géronte: « La malade va-t-elle où vous savez?..... Copieusement? » On n'emploie guère copieusement, même dans les limites qui viennent d'être tracées, si ce n'est en médecine ou par plaisanterie. « Je continuai à boire de l'eau sur la garantie de Celse, ou plutôt je commençai à noyer la bile en buvant copieusement de cette liqueur.» LES.

Largement regarde les choses données ou fournies avec libéralité, sans aucune épargne. Payer, récompenser, promettre largement. « Comme l'argent manqua bientôt au prince d'Orange, ses Allemands et ses Suisses aimèrent mieux prendre le parti du roi, qui en donnait largement. » Boss. On ne saurait manquer de louer largement Les dieux et leurs pareils. LAF.

Beaucoup a rapport à la quantité; et fort, à l'intensité, à l'énergie. Il pleut beaucoup, quand il tombe beaucoup d'eau; il pleut fort ou il gèle fort, quand l'action de pleuvoir ou de geler se fait avec force, vivement. Qui travaille beaucoup fait beaucoup d'ouvrage; qui travaille fort met à travailler beaucoup d'ardeur et de vigueur. Un enfant grandit beaucoup; ses parents souhaitent fort qu'il s'établisse bientôt, l'exhortent fort à l'économie. Une campagne rend beaucoup à son Amplement fait penser à l'application ou à l'upropriétaire, et lui plaît fort. Pour récolter beau-sage des choses et exprime qu'elles sont plus que coup, il faut se mettre fort en peine de ce qui convient à chaque terroir.

« Pour produire abondamment, il faut être nourri largement. » BUFF.

suffisantes, qu'il en reste. On satisfait amplement quelqu'un. Cela me dédommage amplement de la perte que j'ai faite. Ce qui est amplement traité dans un livre va au delà du nécessaire pour ce qui concerne la clarté ou l'intelligence des choses. Molière dit de Mignard :

Il nous dicte amplement les leçons du dessin.

A foison appartient au style familier. Cela seul le distingue nettement de tous les mots qui précèdent. De plus, comme il vient du latin fundere, répandre, jeter, disperser, et que foisonner est synonyme de fourmiller et de pulluler, il suppose une multitude et comme un tas de petites choses de la même espèce qui semblent fourmiller ou pulluler.

Bien a pour idée accessoire un sentiment d'approbation, d'admiration ou de surprise. Voici une nouvelle qui vous surprendra bien. Quand je dis qu'une femme aime bien son mari, l'adverbe bien dont je me sers pour indiquer le degré de son amour, témoigne aussi que je le trouve bien ou bon, que j'y applaudis. « Si entrant dans un spectacle, j'y trouve contre mon attente une grande quantité de monde, je dirai: Il y a bien du monde ici; et ce tour exprime une sorte d'étonnement. Je dirai, au contraire, il y a beaucoup de monde, si j'y arrive prévenu d'y trouver une grande affluence. Il a beaucoup d'esprit signifie seulement une grande quantité d'esprit; il a bien de l'esprit me paraît de plus marquer le goût qu'on sent pour l'esprit de la personne dont on parle. Il me semble encore qu'un avare, un envieux dira d'un homme riche, il a bien de l'ar-« Ils donnent à leurs chevaux une bonne écurie, gent. Un autre dira seulement, il a beaucoup d'argent.» COND.

Je sais qu'il est des amants à foison;
Tout en fourmille.

Une certaine année
Qu'il en était (des rats) à foison.

LAF.

ID.

et de l'avoine et de la paille à foison. » VOLT.
« J'ai de l'or, des pierreries à foison. » MARM.
Là le Tibre, de son eau trouble,
Quoique d'abord on vous y trouble,
Vous fournira dans la saison

Des écrevisses à foison.

SCARR.

BEAUCOUP, PLUSIEURS, QUELQUES, CER

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Considérablement annonce une grande quantité ou un grand degré en choses de conséquence, qui importent, dont on doit avoir une haute idée. Adraste, dont les troupes avaient été considérablement affaiblies dans le combat, s'était retiré. » FÉN. « Cela augmenta considérablement le nom-TAINS. Ces mots regardent la quantité et servent bre des habitants de l'Europe.» MONTESQ. On dit à marquer qu'on en considère une partie plus ou en parlant d'un travail auquel on attache ou on moins grande. doit attacher un grand prix : Ce travail est considérablement avancé (ACAD.).

Abondamment, du latin abundare, sourdre ou sortir en abondance, se dit des choses produites, poussées hors de l'endroit qui les contient. Suer

Beaucoup se distingue sans peine de ses synonymes. Il se dit de tout ce qui peut être mesuré, estimé ou compté; au lieu que plusieurs, quelques et certains s'emploient en parlant de ce qui peut être compté seulement. Beaucoup d'eau, d'ar

deur, de mérite, etc. ; plusieurs, quelques, certaines personnes, choses, vertus, occasions, etc. A celle qui a beaucoup aimé plusieurs péchés seront remis (Boss.). Le contraire de beaucoup est peu; plusieurs, quelques et certains sont opposés à un et à tous. Ensuite, lorsque beaucoup s'applique aussi, comme ses synonymes, à des choses qui se calculent, à un nombre d'individus, il a cela de tout à fait propre, qu'il suppose ce nombre considérable: deux ou trois personnes, deux ou trois choses, ne suffisent pas pour faire beaucoup de personnes ou de choses; elles suffisent pour qu'on puisse dire plusieurs personnes ou plusieurs choses, quelques personnes ou quelques choses, certaines personnes ou certaines choses.

Plusieurs est précis; quelques et certains sont vagues et indéterminés. Plusieurs signifie plus d'un, et on ne s'en sert que quand l'opposition avec un seul est expressément indiquée ou facile à sous-entendre. « Ne voyez-vous pas plusieurs prêtres, plusieurs ministres, plusieurs prédicateurs, plusieurs docteurs? Mais il n'y a qu'un seul évêque dans un diocèse et dans une Eglise. » Boss. << Une armée qui est conduite par un seul et bon chef réussit bien mieux que celle qui est commandée par plusieurs chefs. » FÉN. « Alexandre pleurait de n'avoir pas encore subjugué un monde, quand on disait qu'il y en avait plusieurs. » ID. Quelques et certains se mettent toujours devant des noms de personnes ou de choses pour en représenter un nombre indéfini. Mais quelques a rapport à la quantité seule, et certains est relatif aussi à la qualité. Quelques mètres de plus ou de moins ne changeraient rien à la hauteur apparente de certains édifices. Le jour n'est que de quelques heures dans certains pays. Il suffit de quelques instants d'examen pour juger certains ouvrages. Quelques répond à combien, et certains veut dire d'une certaine sorte. Prévenir une personne de quelques moments (Boss.); interdire à un jeune homme la lecture de certains livres (FÉN.).

BERGER, PASTEUR, PÂTRE. Celui qui garde un troupeau.

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roi veut voir vos bergers danser au son d'une flûte champêtre, sous les saules et les peupliers, y mêler leurs voix rustiques et chanter ses louanges. » LABR. L'églogue est une sorte de poésie où l'on introduit des bergers pour personnages.

Pasteur et pâtre reproduisent le même mot latin pastor; mais pasteur le reproduit exactement, et pâtre le présente modifié, altéré, défiguré, sans sa terminaison originelle. C'est pourquoi pasteur est un terme relevé et pâtre un terme bas.

Pasteur se dit seul au figuré, et seul il est usité en histoire pour indiquer des peuples spécialement adonnés aux soins des troupeaux. « Les Arabes sont tous pasteurs. » BUFF. « Les Anglais, jusqu'au xvIIe siècle, furent des peuples chasseurs et pasteurs, plutôt qu'agriculteurs. » VOLT. « Suivant Caligula, comme un pdtre est d'une nature supérieure à celle de son troupeau, les pasteurs d'hommes, qui sont leurs chefs, sont aussi d'une nature supérieure à celle de leurs peuples. » J. J. « Il faut qu'un prince se regarde comme pasteur (et c'est le nom que l'antiquité sacrée et profane donnait aux bons rois); il doit en avoir la vigilance, l'attention, la bonté. » ROLL.-En poésie, dans la haute poésie surtout, le mot pasteur est aussi le seul qui convienne : Tel que le vieux pasteur des troupeaux de Neptune, Protée....

J. B. Rouss.

Voltaire commence ainsi une épître à Saint-Lambert:

Chantre des vrais plaisirs, harmonieux émule, Du pasteur de Mantoue et du tendre Tibulle.... Ailleurs il dit des cultivateurs de son temps: Ils ne sont point formés sur le brillant modèle De ces pasteurs galants qu'a chantés Fontenelle. - Enfin, même en prose, pasteur figure toujours bien dans le haut style, ou toutes les fois qu'on veut donner quelque relief à un berger ou à l'état de berger. « Dieu nous a cherchés, il a couru comme un pasteur qui se fatigue pour retrouver sa brebis égarée. » FÉN. « Télémaque avertit son père qu'il va armer les deux fidèles pasteurs qu'il avait chargés de garder les portes. » ID. « A la fête de Versailles (1664), divers personnages représentaient les Saisons, les Faunes, les Drya

Le berger garde proprement et seulement des brebis, autrefois berbis. « Semblable à un lion qui entre dans un troupeau de faibles brebis, il dé-des, avec des pasteurs, des vendangeurs, des chire, il égorge, il nage dans le sang, et les bergers fuient tremblants, pour se dérober à sa fureur. » FÉN. Les filles ressemblent aux brebis : sile berger n'a pas toujours l'œil dessus, serviteur, elles s'écartent, et le loup les mange. » LES. Pasteur et pâtre, de pascere, pastum, faire paître, désignent des gardiens de toute espèce de bestiaux, brebis, chèvres, boeufs, vaches, cochons, etc.

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Mais ce qui distingue plus ordinairement berger de pasteur et de pâtre, c'est que, sous le rapport de la noblesse, il se tient entre ces deux derniers. C'est le mot commun, celui dont on se sert quand on ne veut ni relever, ni rabaisser la condition de l'homme dont on parle, mais donner l'idée d'une occupation champêtre simple, douce, agréable: Les bergers de Théocrite et de Virgile (D'AL., LAH.); un berger qui joue de la flûte en gardant son troupeau sur le bord d'un fleuve (LES.). « Le

moissonneurs. » VOLT. « La fiction célèbre de cet anneau trouvé par le pasteur Gygès. » D'AG. « Anges saints, accoutumés à converser avec ces anciens bergers, Abraham, Isaac et Jacob, annoncez à ceux de la contrée que le grand pasteur est venu; que la terre va voir encore un roi berger qui est le fils de David. » Boss. « La plupart des sujets de Théocrite sont des combats de flûte et des querelles de bergers: le goût du chant et de la poésie n'était point étranger aux pasteurs de la Grèce et de l'Italie. » LAH.

Pâtre, au contraire, est un terme bas ou de dédain, qui représente l'état de berger comme le dernier de tous, ou un berger comme grossier, ignorant, rustre. «< Despréaux, admirateur passionné des bergers de Théocrite et de Virgile, quelquefois pâtres plus que bergers, goûtait peu nos bergers imaginaires, ceux de Fontenelle, surtout, à cause de leur trop grande finesse. » D'AL.

Un pauvre paysan, que l'or sut engager, De ce fardeau pour moi voulut bien se charger. Je lui dis que de moi l'enfant tenait naissance, Qu'il devait avec soin élever son enfance : Je lui cachai toujours son nom et son pays: Le patre crut enfin tout ce que je lui dis. REGN. « Nous ne voyons pas que nos pâtres s'occupent beaucoup des planètes et des étoiles fixes. » VOLT. Sixte-Quint, ce patre de la Marche d'Ancône, devenu pape, avait osé appeler Henri IV génération båtarde et détestable de la maison de Bourbon. ID. « Chefs ambitieux, un pâtre gouverne ses chiens et ses troupeaux, et n'est que le dernier des hommes!» J. J. « Spartacus se vit jusqu'à six-vingt mille hommes à ses ordres, pdtres, bandits, esclaves, transfuges. » VERT. « Romulus et Rėmus, dans la suite, dédaignant la vie fainéante des pâtres, s'adonnèrent à chasser dans les forêts d'alentour.... Ils fondent sur les voleurs, ils enlèvent leur butin et le distribuent aux bergers. » ROLL. O pâtres, dit Héraclite, ô rustres qui habitez sous le chaume et dans les cabanes, recevez-moi parmi vous à manger votre pain noir.»> LABR. Rome fut fondée par un ramas de pâtres et de vagabonds (COND.). On oppose sans cesse les pâtres aux rois (LAF., LAH.).

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a

BLÅMER. — I. DÉSAPPROUVER, IMPROUVER, RÉPROUVER, CONDAMNER, DÉSAVOUER. II. CENSURER, CRITIQUER. III. TROUVER À REDIRE, ÉPILOGUER, CONTRÔLER, FRONDER. -IV. REPRENDRE, RÉPRIMANDER, CORRIGER. Penser et dire qu'une chose ou une action est mauvaise, défectueuse, contre la raison ou le droit, ou bien qu'une personne a mal agi, qu'elle a démérité, ou qu'elle doit mal agir, qu'elle doi: démériter.

Blåmer est le terme générique; il exprime l'idée commune simplement, au lieu que chacun des verbes suivants la présente modifiée d'une certaine manière aussi chacun d'eux se met-il bien après blamer pour y ajouter ou l'expliquer. << Dieu veut qu'on trouble le vice, qu'on le blâme, qu'on le condamne. » FÉN. « Ne blamezvous pas, ne censurez-vous pas tous les jours ces mêmes personnes? MASS. « Où est le temps où l'on chassait, où l'on reprenait, du moins où l'on blamait ceux qui assistaient au banquet sans manger? Boss.

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Mais la différence entre ce mot et les suivants ne se borne pas là. Blâmer a aussi son idée propre. Le blame est le contraire de la louange; et comme la louange est honorable, le blame a quelque chose de diffamant et d'humiliant, c'est une sorte de reproche dont on s'offense, c'est une légère flétrissure de l'opinion. « Pompée avait souverainement le faible de vouloir être approuvé; il prêtait l'oreille aux vains discours de ses gens.... Ainsi, pour n'être pas blâme, il fit une chose que la postérité blamera toujours (d'aller livrer bataille à César). » MONTESQ. « On accusa Louis XIV d'avoir craint de combattre le prince d'Orange. On reprocha aussi au prince d'Orange de n'avoir pas livré bataille à Louis XIV. Car tel est le sort des rois et des généraux, qu'on les blâme toujours de ce qu'ils font et de ce qu'ils ne font pas.» VOLT. « Les Romains ont loué dans un Romain (Mucius Scé

SYN. FRANC.

vola) ce qu'ils auraient blámé dans un ennemi de Rome. ROLL. On ne blame guère sans un peu de mépris, et le blâme est opposé à l'admiration, tout comme à la louange. « N'avez-vous pas blamé saint Anselme d'avoir introduit, sous le nom d'intérêt, une manière basse d'exprimer la béatitude? N'avez-vous pas méprisé ce langage?» FEN. « Toutes les fausses beautés que nous blámons dans Cicéron ont des admirateurs en grand nombre. » PASC. Cette nuance se trouve aussi dans le latin vituperare, auquel blamer correspond exactement; et d'ailleurs, elle résulte de l'étymologie du mot: blamer paraît venir de ẞhaoqueïv, injurier, diffamer, de ẞhánтev et phur, blesser en paroles, dire du mal. Dans l'ancienne jurisprudence criminelle, le blâme était une véritable peine qu'on infligeait.

Séguier l'affublerait d'un beau réquisitoire ; La cour pourrait te faire un fort mauvais parti, Et blamer par arrêt tes vers et ton Changti. VOLT. I. Désapprouver, improuver, réprouver, condamner, désavouer.

Ces mots expriment des actes intérieurs par lesquels, se rendant compte de la manière d'être ou d'agir de son semblable, on la trouve mauvaise, non fondée en raison, non plausible, non justifiable, au lieu de l'approuver, de l'agréer, d'y applaudir, de l'estimer. Ils signifient le sentiment ou l'opinion qu'on a, ce qu'on pense quant à soi, le cas qu'on fait des choses ou des personnes; rien de plus. On dira bien, en parlant de certains livres, qu'ils contiennent des doctrines que la saine morale ou la saine politique désapprouve, improuve, réprouve, condamne ou désavoue. On dira bien aussi d'une personne qu'on consulte dans son cabinet sur un projet ou sur un fait accompli, qu'elle le désapprouve, qu'elle l'improuve, qu'elle le réprouve, qu'elle le condamne ou le désavoue. Mais, dans ces deux phrases, aucun des verbes suivants ne conviendrait, parce qu'ils sont tous chargés d'idées accessoires dont visiblement il n'est pas question dans ces exemples. Quand on désapprouve, qu'on improuve, qu'on réprouve, qu'on condamne ou qu'on désavoue, on est dans la simple position d'un homme qui donne froidement son avis, qui dit ce qu'il lui semble, qui prononce, qui décide, qui juge; et non pas dans celle d'un accusateur public qui fait connaître ou révèle les défauts; ni dans celle d'un ennemi, d'un homme passionné, qui poursuit et prend plaisir à trouver des défauts; ni dans celle d'un ami ou d'un maître qui tend à rendre meilleur en faisant perdre les défauts qu'on a,

Entre désapprouver, improuver et réprouver la ressemblance est très-grande, parce que ces trois verbes ont le même radical. Leurs différences ne provenant que de la diversité de leurs préfixes, ont déjà été indiquées dans la I partie.

Désapprouver est le plus faible des trois : c'est simplement n'être pas pour, ne pas donner son assentiment, se tenir neutre en quelque sorte, mais manifester son éloignement d'une manière ouverte; improuver, c'est être contre ce mot emporte une opposition plus forte au fond, quoique souvent moins apparente. Tout chrétien

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de l'autre. » BOURD. « C'est la même lumière trèssimple de la justice divine qui autorise tous les préceptes, proscrit tous les crimes, réprouve toutes les transgressions. » Boss. « Cette union des Grecs et des Latins fut passagère; toute l'Eglise grecque la réprouva. » VOLT. « Est-il aussi constant que le mariage contracté avec la veuve de son frère est réprouvé dans l'Evangile, qu'il est constant que le mariage contracté avec une seconde femme, la première encore vivante, y est rejeté? » Boss.

voyant commettre une mauvaise action la désap-
prouve; mais il ne s'en cache pas, il le dit haute-
ment. Un chrétien fervent gardera le silence
peut-être, mais il improuvera cette même action,
il se sentira porté contre, il prendra contre elle
une sorte de rôle plus actif, il s'intéressera da-
vantage à la chose, il sera moins indifférent, il
sera mécontent. D'ailleurs, on désapprouve plu-
tôt à la hâte, sur de simples apparences; au lieu
qu'improuver suppose plus de connaissance de
cause, plus de réflexion. Réprouver, c'est s'élever
contre, rejeter, reconnaître tout à fait inadmis-
sible, faire l'opposition la plus violente, pronon-ver.
cer une sorte d'anathème, faire reculer loin de
soi sans pitié ni rémission. Ce mot renchérit donc
encore sur improuver.

D

Condamner paraît différer assez peu de réprou Ils signifient l'un et l'autre blamer avec rigueur, sévèrement, bannir, proscrire. On condamne comme on réprouve ce qu'on trouve très-mauvais et entièrement contraire à la justice Il y a donc gradation. « On désapprouve ce qui ou aux bonnes mœurs. « Le cinquième concile ne paraît pas bien, bon, convenable. On im- général condamna quelques écrits favorables à prouve ce qu'on trouve mauvais, répréhensible, Nestorius.... Les livres d'Origène furent aussi révicieux. On réprouve ce qu'on juge odieux, dé-prouvés. » Boss. On désigne également par les testable, intolérable. » ROUB.

α

Désapprouver, c'est blamer hautement ce qui déplaît, ce qui est contre le goût, désagréable, ou ce qui ne paraît pas bien. « Les vieillards ne peuvent encore désapprouver des choses qui servaient à leurs passions, et qui étaient si utiles à leurs plaisirs. Comment pourraient-ils leur préférer de nouveaux usages et des modes toutes récentes où ils n'ont nulle part? » LABR. « Démétrius de Phalère désapprouvait les dépenses qu'on faisait pour les théâtres, les portiques et les nouveaux temples. > ROLL. Cette raison est bonne et solide; mais j'en ai une autre à vous dire que peut-être vous ne désapprouverez pas. » Boss. «Richelieu désapprouva Polyeucte. » VOLT. « Vous n'aurez qu'à marquer sur un petit papier ce que vous désapprouverez (dans la tragédie que je vous envoie). » ID.

noms de damnés et de réprouvés les hommes qui subissent les peines de l'enfer.

Cependant on réprouve plutôt par dégoût ou par antipathie, et on condamne toujours par des raisons. Réprouver exprime le sentiment, et condamner une sentence. Nous avons un grand éloignement pour ce que nous réprouvons; rien ne peut justifier à nos yeux ce que nous condamnons. Le cœur, l'honnêteté, l'instinct du bien sont ce qui nous porte à réprouver; l'examen et la lumière sont ce qui nous détermine à condamner. « Quelques personnes de piété, sans avoir examiné ces sciences, les condamnent trop librement, ou comme inutiles, ou comme incertaines. » MAL. « L'amour des pauvres fut le prétexte dont on se servit pour condamner la piété des femmes qui répandirent des parfums sur les pieds de JésusImprouver, c'est blamer, pres-Christ. » Boss. « Ce serait une injustice que de que toujours indirectement, à part soi, ce qu'on vouloir condamner Olympe, qui est femme de juge mauvais, dangereux, nuisible. « Je lui bien, parce qu'il y a une Olympe qui a été une montrai cette lettre; il en improuva une partie débauchée. » MOL. par son silence. » Bussy. « Dissimuler, se contenter d'improuver par un lâche silence les outrages dont on charge Jésus-Christ. » MASS. << Leur long silence (de Burrhus et de Sénèque) est encore une marque d'improbation. » LAH. « Il semble que Tite Live improuve tacitement cette loi, en disant que.... » ROLL. « L'assemblée ne montra par aucune plainte ni par le moindre murmure qu'elle improuvat cette action. » ID. « Apparemment que vous improuvez cette tournure, car vous m'avez écrit que, quand vous ne répondiez pas à quelque article de mes lettres, c'était une marque d'improbation. » DUDEFF. « Lorsqu'on sait un complot d'assassinat, on n'en est pas quitte pour l'improuver; il faut avertir celui qui est en péril. Boss. « Cranmer dissimula une iniquité si criante (la répudiation d'Anne de Boulen): tant il craignait de laisser Henri VIII dans la pensée qu'il pût improuver ce qu'il faisait. » ID. «On aurait eu peur de paraître improuver mes persé cuteurs en ne les imitant pas. » J. J. — Réprouver, c'est blâmer avec aversion ce qui répugne ou révolte, ce qu'on trouve odieux ou très-mauvais. «Quand on vous parle de Simon le magicien et de Judas, vous réprouvez l'attentat de l'un et

Ce qui frappe davantage dans la réprobation, c'est le soulèvement de la nature morale; et dans la condamnation, c'est la conviction de l'esprit. En réprouvant, on abhorre. « Lien funeste abhorré par l'amour et réprouvé par l'honneur.» J. J. « Comment chérir tendrement les gens qu'on réprouve?» ID. En condamnant, on déteste.« Vous êtes les premiers à condamner ces impiétés, à les détester. » BOURD. « Je condamne et déteste tous les sens impies qu'on a voulu donner à cet ouvrage. » FÉN.

Désavouer se distingue entre tous les mots de cette famille par un caractère unique. Il implique le refus de reconnaître pour sien ce qu'on blâme, la négation d'y avoir part, d'y être pour quoi que ce soit. Nous blamons, nous désapprouvons, etc. des choses auxquelles tout le monde sait que nous sommes étrangers; nous désavouons des choses dans lesquelles on nous mêle, qu'on nous impute ou qu'on pourrait nous imputer. « Mme Guyon a condamné et désavoué, il est vrai, les erreurs en question. Mais la condamnation n'est pas une rétractation, et le simple désaveu, loin d'être une rétractation, est tout le contraire. » FÉN. « C'est mettre obstacle à la réunion des calvinistes que

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