Page images
PDF
EPUB

cienne qu'il étudia sous Cornutus.» LAH. « Les subtilités, les exagérations stoïciennes, qui forment le fond de la philosophie de Sénèque. » ID. « Cette doctrine fut celle de Zénon et de la secte stoicienne.» MARM. Stoïque convient dans les peintures de caractères, il exprime une qualité intérieure qui est un principe de conduite. « J'ai regardé avec des yeux assez stoïques les libelles, diffamatoires qu'on a publiés contre moi. » BOIL. Vertu, âme, courage (ACAD.), intrépidité (J. J.), sagesse (MARM.), rigueur (D'AL.), rigorisme (LAH.), morgue (ID.) stoïque.

α

« Des maximes stoïciennes sont celles que Zénon ou ses disciples ont enseignées; les ouvrages de Sénèque en sont pleins et en tirent leur principal mérite. Des maximes stoïques sont celles qui persuadent un attachement inviolable à la vertu la plus rigide et le mépris de toute autre chose, indépendamment des leçons du Portique; telles sont tant de belles maximes répandues dans le Télémaque. Une vertu stoïque est une vertu courageuse et inébranlable; une vertu stoicienne pourrait bien n'être qu'un masque de pure représentation; car il n'y a eu, dans aucune école, autant d'hypocrites que dans celle de Zénon. Panétius, l'un de ses disciples, plus attaché à la pratique qu'aux dogmes de sa philosophie, était plus stoique que stoicien.» BEAUZ.

PLATONICIEN, PLATONIQUE. Conforme aux idées de Platon.

Même différence entre ces deux mots qu'entre les deux précédents, si ce n'est que platonique a un sens moins étendu que stoïque. Platonicien, de l'école de Platon ou qui s'y rapporte; platonique, conforme à un type créé par Platon. Plutarque a les opinions platoniques, douces et accommodables à la société civile: Sénèque les a stoiques et épicuriennes, plus éloignées de l'usage commun, mais plus fermes. » MONTAIGN. La doctrine platonicienne était enseignée dans l'école de Platon, dans l'Académie; par amour platonique on entend une sorte d'amour entre les personnes de différent sexe, qui a pour caractère essentiel de ne s'adresser qu'à l'âme et d'être dégagée des désirs physiques, suivant la définition que Platon en a donnée.

IONIEN, IONIQUE; ÉOLIEN, ÉOLIQUE; DORIEN, DORIQUE; ITALIEN, ITALIQUE. Tous ces adjectifs servent à qualifier les choses relativement aux pays qu'ils signifient par leur radical.

Mais, terminés en ien, ils qualifient en faisant connaître simplement le lieu; et, terminés en ique, ils qualifient, en caractérisant, en déterminant la nature, en annonçant que la chose est de tel ou tel genre. On dira dialecte, mode, ionien, éolien, dorien, si on veut uniquement exprimer en quels pays de la Grèce ils étaient usitės; mais s'agit-il de marquer que ces dialectes et ces modes forment des genres à part, et de les opposer comme tels, il faudra donner aux mêmes adjectifs la terminaison ique.

1

distinctifs des dialectes ionique, éolique, dorique et attique; du moins, c'est ainsi qu'on devrait les appeler.

Pourquoi dit-on plutôt, au moins de nos jours, philosophie ionienne, et philosophie italique? C'est que la philosophie des Ioniens a été diverse dans ses directions et ses méthodes, tandis qu'en Italie, en suivant toujours la même voie, elle a donné naissance à un genre de doctrines, à un mode de philosopher qui a ses caractères propres. SARDONIEN, SARDONIQUE. Ris sardonien ou sardonique, sorte de ris convulsif, qui est l'effet d'une contraction dans les muscles du visage. On l'appelle ainsi à cause de sa ressemblance avec celui que causait, dit-on, une plante de Sardaigne, sardoa (herba).

Mais sardonien marque seulement le lieu où croissait cette plante, et d'où est venue au ris sa dénomination. Sardonique caractérise ce ris en lui-même; il en exprime le genre, et c'est pourquoi il se dit seul au figuré, en parlant d'un ris qui annonce beaucoup de malignité. « On changea l'air terrible et fier de la gravure anglaise en un souris traître et sardonique. » J. J. « Nouvelles très-curieuses, et qui vous feront plaisir, répondit Thiriot avec son sourire sardonique. » MARM.

Même au propre, sardonien s'emploie peu; ce ne peut être qu'une expression d'érudit, qui veut faire connaître la chose, non par sa nature, mais par son origine, ou par sa forme extérieure, par l'espèce de grimace qui la constitue physiquement. Le ris qu'on nomme sardonien n'est autre chose qu'une convulsion de nerfs du visage.»> DESC. « Les vapeurs violentes tirent les muscles de la bouche, mais ce n'est point un véritable ris qu'elles causent, c'est une convulsion; il faut lui donner un autre nom, aussi l'appelle-t-on rire sardonien. » VOLT.

TERMINAISON ISTE.

Dans l'ordre des qualificatifs, cette désinence joue le même rôle que dans l'ordre des substantifs abstraits, la terminaison isme, d'où elle dérive. Comme toutes deux tirent leur origine du grec, elles sont généralement nobles et usitées en matière de science et de spéculation; elles expriment l'attachement à un système, à une doctrine, à une méthode. Cependant, lorsque les mots qui les ont se trouvent correspondre à d'autres mots de valeur à peu près égale, mais autrement terminés, ils se prennent souvent dans un sens défavorable, ou du moins ils marquent quelque chose d'inférieur, surtout si leur radical appartient à la langue vulgaire.

C'est ce qui se remarque déjà dans la langue grecque: le ooptotis affecte la qualité qui est propre au cogós; c'est une sorte de charlatan; et de même, le ypaμμations était pour ainsi dire un manoeuvre comparativement au ypaμμateúç: celui-ci possédait la science de la grammaire; celuiEn cas de doute sur la patrie d'un écrivain là en enseignait les éléments aux enfants; c'était grec, on peut obtenir quelque lumière en exami- un maître d'école. En français, la même difféhant s'il écrit dans le dialecte ionien, éolien ou rence est observée entre le grammatiste et le dorien. Dans les grammaires grecques se trouve grammairien. Le contraire semblerait devoir d'ordinaire un chapitre consacré aux caractères avoir lieu, puisque le premier de ces mots vient

SYN. FRANÇ.

17

immédiatement du grec, tandis que le second se forme du français grammaire; mais grammatiste est pris du grec avec le sens qu'il a dans cette langue. A cet égard, nous avons imité les Latins: au rapport de Suétone, leur grammatista signifie un faible et le grammaticus un habile grammairien.

TERMINAISONS ISTE, EUR ET IQUE. Dogmatiste, dogmatiseur, dogmatique, DOGMATISTE, DOGMATISEUR, DOGMATIQUE. Qui dogmatise, établit des dogmes; qui parle affirmativement.

« Le premier se dit proprement des philosophes par opposition à pyrrhonien, et signifie celui qui croit quelque chose; dogmatiseur se dit de ceux qui font des dogmes à leur fantaisie et qui se croient faits pour instruire les autres. » COND.

Dogmatiste, à base nominale, qualifie spéculativement en désignant l'opinion philosophique qu'on a embrassée; dogmatiseur, formé du verbe dogmatiser, qualifie moralement, eu égard, non plus à l'esprit, mais à la conduite; il impute l'habitude et comme la profession de prendre toujours un ton dogmatique. C'est ainsi que le médecin inoculiste pense de telle manière, il est partisan de l'inoculation; au lieu que le médecin inoculateur a telle pratique, il inocule. Le dogmatiste ne partage pas la doctrine de ceux qui doutent de tout, c'est-à-dire la doctrine des pyrrhoniens ou des sceptiques; le dogmatiseur ne doute point du tout de ce qu'il croit et a le défaut de l'énoncer d'une manière tranchante, et qui ne souffre point de contradiction.

Quant dogmatique, il sert à désigner, et comme dogmatiste, un partisan du dogmatisme, un philosophe anti-pyrrhonien, et comme dogmatiseur, un présomptueux qui exprime toujours ses opinions impérieusement et décisivement. Mais, d'une part, c'est une qualification plus caractéristique et moins extérieure que dogmatiste: le dogmatiste appartient à telle secte, à telle école; ce mot indique, pour ainsi dire, son adresse, la société dont il fait partie. Le philosophe dogmatique l'est essentiellement, au fond, par lui-même, en raison de ses dispositions toutes personnelles, et quand même aucun autre que lui ne les aurait ou ne les aurait eues. Le premier a embrassé le dogmatisme, s'est enrôlé sous la bannière des anti-pyrrhoniens; le second est doué de dogmaticité, dirions-nous, s'il était jamais permis de se servir d'un barbarisme. D'autre part, le dogmatique se considère encore plus en lui-même que le dogmatiseur. Dogmatique annonce un trait du caractère, et dogmatiseur un défaut dans la conduite. Là, c'est une qualité essentielle, intrinsèque et permanente, ici, une qualité de forme, qui n'est rien qu'en fait et par le fait. On dit un esprit dogmatique, et plus ou moins dogmatique; on n'emploie pas ainsi dogmatiseur.

nages sont l'un et l'autre membres d'une société qui porte le nom d'académie, et qui a pour objet des matières qui demandent de l'étude et de l'application. » GIR.

Académicien est grec et latin; il tient de son origine une sorte de noblesse qui le rend propre à exprimer, comme dans les deux langues qui l'ont employé d'abord, un philosophe de la secte de l'Académie; et, par suite, il signifie celui qui fait partie d'une compagnie de gens de lettres, de savants ou d'artistes nommée académie.

Académiste est un titre prétentieux et de création moderne, que se sont arrogé et qu'ont généreusement donné à ceux qui suivent leurs leçons, les maîtres qui enseignent les exercices du corps, l'équitation, l'escrime, la danse dans des lieux appelés du nom pompeux d'académies. « Le titre d'académie a été tellement prodigué en France qu'on l'a donné à des assemblées de joueurs, à des tripots. On appela les jeunes gens, qui apprenaient l'équitation et l'escrime dans des écoles destinées à ces arts, académistes et non pas académiciens. » Volt.

Malgré sa terminaison grecque, académiste. mot du reste à peu près hors d'usage aujourd'hui, doit donc se distinguer par une inferiorite de signification. Un académiste est un apprenti cavalier ou ferrailleur, ou quelque chose de pire encore. « Il se tenait droit sur son cheval en bandant le jarret comme un académiste qu'il était. » LES. « Harlay se ruina autant qu'il le put avec un extérieur austère, et pourtant aussi parfaitement débauché et aussi ouvertement qu'un jeune académiste. » S. S.

MACHINISTE, MÉCANICIEN. Qui par état s'occupe de machines.

Ces mots ont entre eux le même rapport que les deux précédents. Mécanicien a été traduit exactement du latin mechanicus, formé lui-même du grec unyavý. Machiniste a bien une terminaison grecque, mais elle se trouve ajoutée à une base toute française, machine. De là vient à chacune de ces deux désignations son caractère distinctif.

Machiniste, ainsi que plusieurs noms de même désinence et à radical puisé dans la langue commune, signifie une occupation manuelle, basse, qui ne comprend que les opérations de l'ouvrier. Il ressemble sous ce rapport à aubergiste, bandagiste, bouquiniste, copiste, droguiste, ébéniste, éventailliste, fumiste, liquoriste, pépiniériste, herboriste, modiste, organiste. « Un peuple est un corps artificiel; le magistrat est le machiniste qui doit rétablir les ressorts, et remonter, au besoin, toute la machine. » COND. Le machiniste de l'Opéra ne fait qu'exécuter selon les idées de l'auteur de la pièce; il n'invente pas, il construit, monte ou conduit des machines. Un dieu pend à la corde, et crie au machiniste. LAF. << A Ecbatane, Alexandre se mit à célébrer des jeux et des fêtes: il lui était venu de Grèce trois mille baladins, machinistes, et autres bons ouvriers pour ces sortes de divertissements.» ROLLLe mécanicien est plus savant, développe plus d'intelligence et d'invention; il s'élève jusqu'à la ACADÉMISTE, ACADÉMICIEN. « Ces deux person- théorie, en même temps qu'il pratique, ou plu

TERMINAISONS ISTE ET IEN. Académiste, académicien. Machiniste, mécanicien.

TERMINAISONS AN, IEN ET IQUE.

Persan, persien, persique.

PERSAN, PERSIEN, PERSIQUE. Ils se disent tous trois des choses de la Perse.

Mais persan désigne proprement ce qui convient aux habitants actuels de la Perse: langue, modes, jalousie, persanes; contes persans; ouvrage écrit en persan; au lieu que persien et persique sont réservés pour les choses de l'ancienne Perse.

tôt même il n'est que théoricien, il ne travaille pas de la main, mais de génie seulement. « Le législateur est le mécanicien qui invente la machine, le prince n'est que l'ouvrier qui la monte et la fait marcher.» J. J. C'est-à-dire que le prince n'est proprement que le machiniste. Mécanicien est le nom qu'on donne à un homme savant dans la partie des mathématiques qu'on appelle mécanique. Le philosophe mécanicien doit se proposer deux choses: de reculer les limites de la mécanique, et d'en aplanir l'abord. » D'AL. «Jusqu'à Leibnitz, les mécaniciens avaient cru que la force d'un corps devient double quand sa vitesse devient double.» ID. Nommer mécanicien l'homme qui dans une machine à vapeur conduit la ma-persienne aux Thermopyles. » Boss. « Alexandre chine ou les machines, c'est honorer les gens aux dépens de la justesse du langage.

TERMINAISON AN.

Perse, persan.

Les mots latins terminés en anus, a, um, font en français ien: trojanus, troïen; prætorianus, prétorien; — ou bien ain: africanus, africain; publicanus, publicain; — ou bien encore an (italien ano): romanus, romain ou roman (italien romano). La desinence française an, doit donc avoir, quant au fond, le même sens que nos terminaisons ain et ien, c'est-à-dire qu'elle doit être indicative du lieu ou du pays auquel on appartient par son origine, ou de la profession qu'on

exerce.

PERSE, PERSAN. Originaire de la Perse et qui y demeure.

Le premier nom s'applique exclusivement aux anciens peuples de la Perse. Il n'a pas de terminaison significative, non plus que le mot latin d'où il est tiré, Persa, æ, non plus que Scytha, æ, Medus, i, qui nous ont donné Scythe et Mède.

Persan ne se dit que des modernes habitants du même pays, et la raison de cette nouvelle forme du mot, quand on l'applique aux Perses de nos jours, tient sans doute à l'habitude où nous sommes de terminer de cette façon les noms des peuples orientaux, surtout de ceux qui sont soumis à la loi de Mahomet: mahométan, musulman, ottoman, banian; et de même pour les noms d'hommes, de pays et de dignitės: Soliman, Tamerian, Gengis-kan, Artaban, Aman; soudan, sulian, osman, iman, capitan, divan; Indostan, Aracan, Ispahan, Téhéran, Erivan, Liban; auxquels on peut ajouter: turban, alcoran, talisman, toman, ramadan, maïdan, bezestan, forban, doliman.

Quoi qu'il en soit, l'usage exige qu'on observe cette difference à la rigueur, sous peine de n'être point entendu quand on parle de la population ou d'un individu de Perse. Dans les Lettres persones et dans l'Esprit des lois, Montesquieu n'y manque jamais: là, il dépeint les mœurs persanes ou les mœurs des Persans et des Persanes au XVIII siècle; ici, il rappelle, comme dans la Grandeur et décadence des Romains, l'histoire, les institutions, les coutumes des Perses, à l'époque d'Alexandre et des conquêtes de Rome.

Dans ce dernier sens, persien, qui vient du pays de la Perse, qui en est ou y a rapport, est le mot le plus commun. « Léonidas arrêta l'armée

subjugua toutes les terres de la domination persienne.» ID. Clitus avait dit d'Alexandre : « Il fera bien de passer sa vie avec des Bactriens et des esclaves, qui adoreront volontiers sa ceinture persienne et sa robe blanche. » ROLL. « Les gens de pied lacédémoniens, en la journée de Platée, ne purent ouvrir la phalange persienne. » MONTAIGN. « Il y a beaucoup de noms persiens, qui gardent l's à la fin, comme Arsaces et Menes. » VAUG.

Quant à persique, il sert comme dorique et ionique, à exprimer un certain ordre d'architecture, un type, un idéal, ayant tels caractères distinctifs. Que si, sans cette idée accessoire, on dit le golfe persique, c'est par une exception facile à expliquer. Les Romains avaient appelé persicus sinus le golfe de Perse; par fidélité géographique, le français a dû lui conserver cette qualification littéralement; Montesquieu pousse même l'exactitude jusqu'à le nommer le sein persique.

TERMINAISONS AN ET ISTE.

Artisan, artiste.

ARTISAN, ARTISTE. Ils désignent tous deux un homme comme exerçant un art.

An, italien, ano, latin, anus, a, um, répond au français ain, qui équivaut à ien. Entre artisan et artiste la différence semblerait devoir être la même qu'entre mécanicien et machiniste. C'est cependant tout le contraire qui a lieu artisan est une qualification moins noble qu'artiste. Cela s'explique aisément.

Artisan et artiste ayant absolument même radical, doivent différer comme leurs terminaisons, et c'est un fait que la terminaison iste l'emporte en noblesse sur les désinences ain, an, ou ien'. Que si cette règle ne s'applique pas à mécanicien et à machiniste, c'est que leur radical, bien qu'au fond le même, dérive immédiatement, pour le premier du latin, et pour le second du français. Artisan se dit en fait d'arts mécaniques, et artiste en fait d'arts libéraux, c'est-à-dire d'arts qui demandent l'exercice du génie en

1. A ces dernières désinences on peut ajouter leur équivalent in, qui le cède aussi à iste en noblesse. « Ces hommes sont très-turgotins (partisans du ministre Turgot), c'est ainsi qu'on les appelle, car turgotistes les rendrait trop fameux, cela leur donnerait l'air d'une secte; à eux n'appartient pas tant d'hon

neur. DUDEFF,

Haut sert à caractériser une personne morale-
ment et en soi. « Tarquin était haut et cruel. »
COND. On dit avoir le cœur haut. (CORN.)
Lui voyant faire ainsi la renchérie,
Amour se mit en tête d'abaisser
Ce cœur si haut.

LAF.

<< Dion attribue cette largesse à la crainte dont César était frappé. C'est bien mal connaître le plus intrépide et le plus haut de tous les hommes. » ROLL. « Ce caractère de Cicéron est à la fois naturel, haut et humain. » VOLT.

même temps que l'opération de la main. « Les | sente sous le point de vue extérieur, dans la maimportants qu'on n'appelle pas artisans, mais nifestation, dans les manières. artistes, travaillant uniquement pour les oisifs et les riches, mettent un prix arbitraire à leurs babioles. » J. J. « Certains faiseurs de poétiques sont des artistes, ou plutôt des artisans malheureux, dont le sort est de refroidir tout ce qu'ils touchent, et d'user tout ce qu'ils polissent. » D'AL. Du reste, comme la nécessité ou l'inutilité du génie pour tel ou tel art n'est pas facile à établir, comme on peut en développer même dans les arts mécaniques, le mot artiste ne forme pas une désignation aussi nette que celui d'artisan. Quand on a dit de quelqu'un, que c'est un artisan, vous n'en demandez pas davantage, vous savez à quelle classe il appartient, qu'il est ouvrier, qu'il travaille de ses mains; celui que vous entendez qualifier d'artiste, ne vous est pas pour cela bien connu; ce peut être un artiste dramatique, un peintre artiste, un artiste en cheveux, un artiste coiffeur, même un artiste vétérinaire. Artisan est l'expression rigoureuse d'une profession, d'une classe de citoyens: artiste indique plutôt la manière habile, exquise, avec laquelle on travaille; et c'est la raison pourquoi l'adverbe artistement existe.

TERMINAISON AIN.

Haut, hautain. Proche, prochain.

Adjective, comme substantive, cette terminaison, dérivée de la latine anus, a, um, a toujours le même sens : elle marque proprement un rapport au lieu d'où la personne ou la chose tire son origine, et par extension un rapport à la société, à la secte, à la profession à laquelle la personne appartient. Il n'est pas besoin à cet égard d'entrer dans de plus longs détails. Mais il s'agit principalement ici de déterminer la différence qu'apporte la terminaison ain entre un adjectif composé qu'elle distingue et un adjectif simple qui est le radical du premier, entre hautain et haut, prochain et proche, par exemple.

Ce désespoir est d'une âme bien haute. ID. Hautain fait connaître une personne par rapport aux airs qu'elle se donne, au ton, au langage, aux procédés. Traiter d'une façon despotique et hautaine (ROLL.); un accueil hautain (VOLT.).

Si vous saviez quels airs hautains et rudes,
Quel ton sévère et quel sourcil froncé,
De leur vertu le faste rehaussé

Prend contre vous.

VOLT.

En un mot, haut annonce une hauteur intrinsèque, qui tient au fond, et hautain une hauteur secondaire et participée en quelque sorte, apparente, affectée, qu'on se donne et qui parfois choque davantage. Les enfants sont hautains (RAC., J. J., LABR.): ils ont l'image, la mine, les gestes, le discours de la hauteur des personnes hautes.

PROCHE, PROCHAIN. Qui est près de l'endroit où l'on parle ou dont on parle. Ces mots viennent tous deux de propè, près de, ou de proximus, le plus proche, ou bien, comme le veut Dæderlein. du grec póxa, qui se trouve dans Hérodote et signifie, aussitôt; mais certainement ils ont même radical, et toute leur différence doit provenir de l'absence pour l'un et de la présence dans l'autre d'une terminaison significative.

Proche et prochain expriment d'abord un rapport de lieu, puis un rapport de temps, et enfin un rapport de personne à personne. Or, dans ces trois acceptions leur différence est la même : dans proche la proximité est essentielle, rigoureuse; au lieu que prochain indique la proximité d'une manière plus relative, plus faible, moins directe.

Elle exerce en pareil cas une influence atténuative: la qualité, exprimée par le radical d'une manière absolue et directe, se trouve dans l'ad- 1o A l'égard de l'espace. Deux maisons proches jectif composé représentée relativement et média- l'une de l'autre sont contigues; la maison protement, moins comme une propriété de fond, chaine n'est proche que relativement, c'est-à-dire qu'on possède par soi-même, que comme quelque eu égard aux autres qui sont encore plus éloichose d'emprunté et dont on jouit par participa- gnées qu'elle, mais elle-même peut être fort loin tion, moins comme une qualité essentielle que d'ici. « Quand Vénus, la terre et Mars sont en comme une qualité de fait. Ce qui est haut a conjonction, leurs orbes sont assez proches du telle qualité, la hauteur, absolument; ce qui est soleil. » VOLT. « La lumière émane des étoiles les hautain sent la hauteur, a des airs de hauteur, plus prochaines en six mois, selon un certain rappelle la hauteur comme le lieu de son origine, calcul. » ID. On dit que la ville est proche; et, la ou l'ordre auquel il appartient. Ce qui est pro-ville prochaine. D'une part, on affirme qu'elle che se trouve tout près; ce qui est prochain est comme ce qui est proche. Chacun de ces exemples mérite des développements particuliers. HAUT, HAUTAIN. Dans qui ou dans quoi il y a de la hauteur, de la fierté.

est proche, c'est une qualité qu'on lui attribue, qu'on lui assigne expressément; de l'autre, on la traite de prochaine en passant, sans insister, c'est une épithète qu'on lui donne, et de là vient qu'on peut placer cet adjectif devant son substanHaut est le mot simple, générique : il exprime tif: au prochain village, dans la plus prochaise l'idée commune en soi, d'une manière essentielle, ville. Deux villages sont plus, moins, aussi proquant à l'âme et aux sentiments. Hautain, quiches de Paris l'un que l'autre, et non pas prose montre haut, qui affecte la hauteur, la repré-chains; le mot prochain ne peut pas servir ainsi

d'attribut dans une proposition, ce n'est qu'une épithète. On dit, dans la chambre prochaine (RAC.): gagner la campagne prochaine (LAF.); dans une cour prochaine (ID.): aborder au rivage prochain (MONTESQ.); prendre le frais des arbres prochains (MOL.). Et non-seulement l'idée de proximité est, dans proche, essentielle, prédominante, caractéristique, tandis qu'elle n'est qu'accessoire et indicative dans prochain, mais encore prochain suppose une proximité éventuelle et incertaine. L'une des villes les plus proches de Paris est Versailles; nous nous arrêterons dans la ville la plus prochaine, c'est-à-dire dans celle qui viendra la première.

2 A l'égard de la durée. Dans cette acception on dit plus volontiers prochain, qui signifie comme proche, dans un rapport analogue à celui de la proximité. Que si proche s'emploie aussi dans ce cas, il différe toujours de prochain de la même manière. Je sens que ma dernière heure est proche, marque une proximité plus sûre et plus grande que, je sens ma fin prochaine. Dans Bajazet, Racine oppose même prochain à certain: Mais on me présentait votre perte prochaine. Pourquoi faut-il, ingrat! quand la mienne est certaine, Que vous n'osiez pour moi ce que j'osais pour vous? Dans, à la prochaine occasion, rien n'annonce que l'occasion doive se présenter de sitôt.

3° A l'égard des personnes, considérées les unes relativement aux autres, proche donne l'idée d'une certaine parenté : c'est un de mes proches, un proche parent; et prochain, un rapport moins étroit le prochain, notre prochain, aimer son prochain.

TERMINAISONS IT, I.

Bénit, béni.

Deux formes propres aux participes passés des verbes dont l'infinitif est en ir : écrire, écrit ; finir, fini. Il n'y a donc aucun doute sur l'origine des adjectifs qui s'en trouvent revêtus : ce sont primitivement des participes passés, et c'est de là qu'il faut partir, si l'on veut arriver à déterminer leur différence d'avec d'autres adjectifs de même radical, qu'ils peuvent avoir pour synonymes. Du reste, elles équivalent tout à fait l'une à l'autre, si ce n'est que la première a plus de rapport avec la terminaison des participes passés latins des verbes en ire et la reproduit plus fidèlement, tandis que la seconde s'en éloigne davantage et a plus d'affinité pour les radicaux venus d'ailleurs que du latin, ou tout au moins francisés. Contrit et érudit traduisent exactement les participes passés latins, contritus et eruditus; au contraire, affranchi, ébahi, affaibli, aguerri, saisi, ne correspondent pas à des participes latins en itus,

[blocks in formation]
[merged small][ocr errors]

du verbe benedicere: benedictus, bendictus, benictus, bénict, bénit, béni.

Mais, on le voit d'abord, bénit est plus près de la source commune et la rappelle mieux. Aussi est-ce un terme de liturgie: il a un sens légal et de consécration; il se dit pour marquer la bénédiction de l'église, donnée par les prêtres avec les cérémonies convenables : du pain, un cierge, des drapeaux bénits (ACAD.); un anneau bénit (VOLT.); des chapelets bénits (LES.); une abbesse (S. S.), une église (VOLT.), une épée (VOLT., D'AL.) bénites.

Au contraire, béni, moins semblable au mot latin qui lui sert pourtant aussi de type, appartient au langage commun et se prend dans toutes les autres acceptions du verbe bénir: il a un sens moral et de louange; il se dit pour marquer la protection particulière de Dieu sur une personne, une famille, une nation, ou pour désigner les louanges affectueuses que l'on donne à Dieu, ou même à un bienfaiteur. « Dieu promit à Abraham qu'en lui toutes ces nations aveugles seraient bénies, c'est-à-dire rappelées à sa connaissance, où se trouve la véritable bénédiction.>> Boss. L'Evangile ne reconnaît point la différence des nations, si ce n'est pour les assembler en NotreSeigneur, et pour en faire un même peuple béni, par la grâce de la nouvelle alliance. » ID. « La postérité de saint Bernard est bénie comme celle d'Abraham. » FÉN.

[ocr errors]

TERMINAISONS IT ET AIN. Subit, soudain.

D

SUBIT, SOUDAIN. Prompt, qui arrive instantanément, dans le moment.

Subit vient du latin subitus, participe passé du verbe subire, aller dessous, venir par dessous, secrètement, et éclater, surgir. Soudain est un véritable adjectif, formé de subitaneus,subtaneus, soubtain, soutain, soudain.

Ce qui est subit, est tel par le fait; ce qui est soudain, est tel par sa nature. L'expression, mort subite, donne l'idée d'un événement; l'expression, mort soudaine, signifie un genre de mort. « Quand on nous rapporte l'exemple d'une mort subite, et qu'on nous dit qu'un homme vient d'être enlevé tout à coup.... » BOURD. « Mort soudaine seule à craindre; et c'est pourquoi les confesseurs demeurent chez les grands. » PASC. On dit raison subite de partir (RAC.); course subite (ID.); mal subit (MoL.); révolution subite (MONTESQ.); ruine subite (Boss.); fortunes subites (ID.); subite velléité (J. J.): crue subite des eaux (LAF.); en faisant le récit de ce qui s'est passé ou a eu lieu. Mais on dit : fuite soudaine (MOL.), frayeur soudaine (REGN.), pour caractériser des sortes de fuite, de frayeur. C'est aussi, en général et sans avoir égard au temps, que nos plus grands écrivains s'expriment ainsi qu'il suit La colère a un mouvement soudain et précipité (Boss.); tel homme paraît agir par des réflexions profondes, tel autre par de soudaines illuminations (ID.); il y a des inspirations soudaines qu'on appelle des bonnes for

« PreviousContinue »