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pondant point à des noms latins en ilium ou en ilia.

SOMME, SOMMEIL. Grand assoupissement, état de quelqu'un qui repose et dort.

Beauzée, Roubaud et Condillac reconnaissent d'une manière plus ou moins explicite et nette que le premier de ces mots est objectif et absolu, le second subjectif et relatif; que l'un représente l'acte, l'autre l'action; que l'un se qualifie en lui-même, et l'autre par rapport à la situation et aux circonstances. C'est en effet la différence qui doit se trouver entre deux mots synonymes, dont l'un est privé et l'autre pourvu d'une désinence significative.

Somme représente l'assoupissement absolument et objectivement, comme un acte de la vie que tous les hommes accomplissent, les uns d'une façon, les autres d'une autre, mais toujours en général un bon somme, un somme léger, le premier somme; on dit, faire un somme, un petit somme. On ne dit pas, faire un sommeil, parce que le sommeil n'est pas, comme le somme, un objet, une tâche commune tous, mais un état passager et tout relatif à celui qui dort. On prend son somme, comme on prend son repas. Sous un chêne aussitôt il va prendre son somme.

LAF.

comme un objet, sommeil comme se faisant, comme un événement, l'un touche au passif, l'autre à l'actif, l'un serait plutôt l'effet, l'autre représenterait plutôt la cause. « Le dormir, suivant Roubaud, est l'effet du sommeil; le somme est le résultat du dormir. Nous invoquons le sommeil, et non le somme: nous invoquons la cause, le dieu bienfaisant qui nous fait dormir; nous n'invoquons pas l'effet, l'acte que nous faisons de dormir. Le sommeil nous fuit, nous presse, nous tourmente, nous tient dans ses bras. >>

Sommeil signifie quelquefois particulièrement quelque chose d'imparfait, un assoupissement qui commence, l'envie de dormir. Rien de plus naturel, vu son caractère de relativité.

TERMINAISONS EIL ET AT.

Appareil, apparat.

APPAREIL, APPARAT. Pompe, étalage, qui fait que les personnes ou les choses paraissent, se montrent avec éclat.

Apparat, immédiatement traduit du latin apparatus, ne devrait se dire, à la rigueur, que quand il est question des Latins et de ce qui les concerne.« Trajan se prêta avec trop de complaisance à s'entendre louer dans un discours d'apparat pendant plus de deux heures. » LAH. « Qu'est-ce qu'une oraison funèbre? Un discours d'appareil, une déclamation. » VOLT. — Mais ensuite on emploie apparat en parlant des choses qui regardent les savants et les cérémonies de l'Eglise. « Le duc d'Albret, qui était élevé pour l'Eglise, soutenait ce jour-là une thèse en Sorbonne en grand apparat. » S. S. « Les fiançailles de Melle de Rohan avec Tallard se firent dans le cabinet du roi par l'évêque de Metz avec tout

Le somme est une chose. On ne prend pas son sommeil pas plus qu'on ne prend son étude; on les commence, on les continue, on les achève : le sommeil et l'étude ne sont pas des choses ou des objets qui aient l'être indépendamment du sujet, mais des actions qui n'existent que par le sujet et au moment de l'action du sujet. Le sommeil est tranquille, doux, inquiet, fâcheux, à raison des circonstances extérieures ou intérieures qui sont propres au dormeur. Aussi sommeil a beaucoup plus d'usage et d'étendue que somme. Somme fait abstraction de toutes les circon-l'apparat possible. » ID. Pour exprimer quelque stances qui conviennent particulièrement au sujet; il ne comporte que des qualifications générales et intrinsèques; il montre l'assoupissement comme une chose faite ou à faire, mais non pas pendant qu'elle se fait et se fait de telle ou telle manière. C'est pourquoi on ne peut pas employer avec somme, comme avec sommeil, les verbes troubier, rompre, interrompre, respecter.

On dit également, un long ou profond somme, et un long ou profond sommeil. Mais les deux adjectifs sont des épithètes de nature dans la première expression, et des épithètes de circonstance dans la seconde. Rien ne repose mieux des fatigues d'un voyage que de dormir d'un long et profond somme; comme j'étais fatigué, j'ai dormi cette nuit d'un long et profond sommeil.

Dans son abstraction, le terme général somme désigne une tâche, un tout indivisible; tandis que sommeil indique un ensemble de plusieurs parties. « L'action de dormir étant interrompue, dit Roubaud, le somme est achevé, on ne peut faire qu'un nouveau somme; le sommeil interrompu se reprend, vous rentrez par un nouveau somme dans le sommeil; et le sommeil d'une nuit est composé de tout le temps que vous avez dormi même à différentes reprises. »

Enfin, somme expriniant la chose comme étant,

α

chose de tout moderne et de tout laïque, nous nous servons d'appareil : « Quel contre-sens de donner un prix public, un prix d'appareil, à la vertu des femmes, à la pudeur ! » LAH.

En général, apparat se prend plutôt en mauvaise part et emporte une idée d'emphase et de pédanterie, qui est étrangère à appareil. « Dans toutes les causes vulgaires l'apparat serait ridicule. » MARM. « La plaidoirie moderne donne rarement lieu à l'appareil de la haute éloquence.» ID.

Enfin, en sa qualité de participe passé, apparat indique l'effet; au lieu qu'appareil se rapporte à l'action et aux moyens déployés pour produire cet effet. Festin d'apparat, est une expression purement caractéristique ou énonciative: appareil est propre à montrer la chose en train de se faire. Philippe mettait beaucoup plus de recherche dans les apprêts d'un combat que dans l'appareil d'un festin. » LAH. « L'excès et apparat, la multitude, diversité, et exquis appareil des viandes est venu à son honneur. » CHARR.

α

D

TERMINAISON EUR.

Le chaud, la chaleur; le froid, la froideur; le frais, la fraicheur.

La désinence eur, en latin or, termine dans

notre langue deux sortes de mots, savoir, d'une | tivement adjectifs et les substantifs abstraits ordipart, des noms qualificatifs à base verbale et naires. Or, tous ces moyens de distinction concoumasculins, comme conciliateur, séducteur, con- rent à représenter comme relatifs les substantifs solateur, couvreur, traiteur; de l'autre, des abstraits en eur, et comme absolus leurs synonysubstantifs abstraits, tous féminins en français, mes à terminaison índifférente. quoique masculins en latin, et presque tous à base nominale, comme pudeur, candeur, couleur, fareur, rigueur, fureur, saveur, odeur. Le sens précis des premiers est assez facile à déterminer. Essentiellement actifs, ils désignent celui qui fait l'action marquée par le verbe radical, qui a coutume de la faire, qui en fait métier ou profession, celui qui a la force, la capacité d'agir, et qui en use. Ils correspondent exactement, tant pour la forme que pour le sens, aux noms actifs abstraits en ion. La plupart sont formés comme eux du supin latin en tum, sum, ssum: par exemple, réformateur, de reformatum, de même que réformation; proviseur, de provisum, de même que provision; agresseur, d'agressum, de même qu'agression.

Le chaud, le froid, le frais, font considérer les qualités qu'ils expriment comme subsistantes dans des êtres idéaux, ou bien dans quelque sujet vague et indéterminé; la chaleur, la froideur, la fraicheur, montrent ces mêmes qualités comme séparées des réalités sans doute, mais non pas comme ayant perdu tout rapport avec elles, comme ne pouvant plus se reparticulariser, et comme subsistantes par soi. Le chaud, le froid et le frais sont des objets qui ont pour qualités propres la chaleur, la froideur et la fraicheur. On ne dit pas le chaud, le froid, le frais de l'eau, comme on dit, la chaleur, la froideur et la fraîcheur de l'eau, et c'est évidemment parce que les trois premiers mots sont absolus et les trois derniers relatifs. On dit, goûter le frais (LES.), absolument; et relativement, goûter la fraicheur d'un lieu (ID.). C'est encore à cause de leur caractère d'absolu et d'indétermination, que les uns, à la différence des autres, s'emploient bien sans l'article dans l'expression, il fait

chaud ou froid, qu'on prend le frais, simplement, si à la place de ces mots chaud, froid, frais, on voulait mettre leurs synonymes, chaleur, froideur, fraicheur, on s'apercevrait bien vite que la relativité de ceux-ci ne permet pas une pareille substitution: on n'a pas, on ne prend pas des qualités abstraites comme on a et comme

Les substantifs abstraits féminins, à base nominale, en eur, ont une valeur beaucoup plus difficile à saisir. Ils signifient une qualité abstraile, c'est-à-dire, considérée indépendamment des autres qualités qui l'accompagnent dans le sujet où elle se trouve. Mais cette qualité abs-chaud, froid ou frais. Quand on dit qu'on a traite est représentée hors du sujet, extrinsèquement, relativement, en rapport avec son action et avec l'effet qu'elle produit. Par là elle se particularise, se manifeste, s'actualise; et la terminaison eur, dans ce second, comme dans le premier cas, entraîne toujours une idée d'action et d'état ou d'effet produit, et par suite exprime souvent une qualité ou un état temporaire et pas-on prend des objets. sager. Le mot stupeur désigne un état momen- Le chaud, le froid et le frais ont pour caractané, état bien caractérisé par des signes exté- tères, non-seulement d'être absolus, indétermirieurs qui font une certaine impression; le mot nés, et d'exprimer des objets plutôt que des stupidité marque un état ou une qualité constante, qualités, mais encore de désigner quelque chose inherente au sujet et intrinsèque. En latin, la de complet, de constant et en même temps de crainte exprimée par timor est représentative, passif. «En cet état Charles VI allait à cheval en actuelle et temporaire; tandis que timiditas in-plein midi, pendant une chaleur excessive, dans dique une disposition habituelle à la crainte et un pays sec et sablonneux. Tous ceux de sa considérée dans le sujet.-On reconnaît de la valeur suite, accablés de chaud, allaient deçà et delà à une chose qui vaut actuellement, effectivement, par des chemins séparés, pour éviter la pouset suivant l'estimation qu'on en fait dans un mo- sière. » Boss. « Le chaud, dit Roubaud, veut une ment donné; la validité est une qualité constante, chaleur hien sensible. Dans le discours ordinaire, inhérente à certaines choses, intrinsèque, et c'est vous direz un chaud lourd, étouffant, et une plutôt une capacité, une aptitude, une vertu, chaleur ardente, brûlante. Le chaud est un air qu'une qualité effective, manifestée, qui ait qui vous accable, et la chaleur un feu qui vous cours, qui soit mise en exercice présentement.

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dévore. »

Mais la longue fatigue et le chaud qui m'accable....
REGN.

<< On chasse les grives à l'heure de la journée où la chaleur est la plus forte. » — BUFF. D'ailleurs, la chaleur se présente souvent comme un événe ment qui a lieu et dure plus ou moins, détermination étrangère au chaud. « Nous partirons ce soir après la chaleur. ACAD.

Attendons quelque temps que la chaleur se passe.
REGN.

« Au figuré, dit Condillac, froid et froideur se disent des personnes. Le premier représente la lenteur et l'indifférence un tempérament que rien ne peut émouvoir son froid m'impatiente. Le second montre l'indifférence de celui qui n'est

Noirceur et noircissure diffèrent à peu près de même.

FROIDEUR, FROIDURE. Qualité de ce qui est froid ou privé de chaleur.

La froideur est la qualité d'un corps particulier en vertu de laquelle il produit sur nos sens une certaine impression. La froideur de l'eau, de la glace, du marbre. « Aux quatre éléments sont

pas remué dans le moment, quoiqu'il soit capable | deur conserve les mêmes nuances caractéristide l'être traiter avec froideur; avoir de la ques: il se dit de la vigueur des hommes et de froideur pour quelqu'un. » Un homme est d'un l'âcreté des paroles, c'est-à-dire, toujours d'une froid qui glace tout le monde (ACAD.), et dans qualité active. un cas particulier quelqu'un se plaindra de la froideur de l'accueil que cet homme lui a fait. A quoi il faut ajouter que le froid empêche plutôt de recevoir les impressions, d'être ému, et que la froideur empêche plutôt d'agir ou fait qu'on agit mollement, avec indifférence, sans empressement. La froideur de l'imagination (ACAD.). Le frais est une chose qu'on cherche, qu'on prend, dont on donne; la fraîcheur est une qua-attachées quatre propriétés essentielles : froideur, lité de l'air, de la nuit, des bois, du printemps, à tel ou tel degré, qui augmente ou diminue, et qui produit sur nous des effets bons ou mauvais. Le frais est toujours agréable et salutaire; car telle est l'idée pure du radical température modérée, également éloignée du froid et du chaud; la fraicheur étant une qualité qu'on considère plus particulièrement comme cause, se trouve propre à marquer une action quelquefois violente et nuisible. D'un autre côté, on met du vin au frais, et non à la fraîcheur, parce que le frais est durable, constant, et la fraîcheur momentanée. On voyage au frais pendant la nuit c'est là une proposition générale et absolue. Mais on dira dans un cas particulier : il a marché à la fraîcheur; et relativement: il a marché à la fraîcheur du matin.

TERMINAISONS EUR ET URE.

Verdeur, verdure. Froideur, froidure. Eur désigne une qualité abstraite, mais active, mais se manifestant et se faisant sentir par des effets. Ure indique un résultat, un assemblage, ou une qualité provenant de cet assemblage. Simple rapprochement, qui suffit pour faire distinguer d'abord les noms qui ont la première désinence d'avec leurs synonymes à radicaux identiques qui ont la seconde.

VERDEUR, VERDURE. Qualité de ce qui est

vert.

chaleur, sécheresse et humidité. » BAKTH. La froidure exprime collectivement l'état de toute l'atmosphère à une certaine époque ou dans un certain climat, effet résultant de l'expansion du froid dans l'air. « Malgré l'hiver et sa froidure. » BEAUM. « Les relations nous disent que le nord de l'Asie est dans un climat très-froid, et que la raison de cette froidure vient de la hauteur du terrain et de ce que les montagnes, allant toujours s'aplanissant vers le nord, n'offrent plus d'obstacles au vent. » MONTESQ.

Lorsque les aquilons, messagers des hivers, Ramènent la froidure et sifflent dans les airs. VOLT. A la différence de froidure, froideur se dit au figuré ainsi que verdeur, et par la même raison; or, ainsi que verdeur, il se montre dans les deux sens revêtu des mêmes caractères. (Voy. froid et froideur, pag. 213.)

TERMINAISONS EUR ET TÉ.

Rigueur, rigidité. Pudeur, pudicité. Rondeur, rotondité.

Ces deux terminaisons ont pour caractère commun de servir à désigner des qualités abstraites. Mais l'une les désigne extrinsèquement, en rapport avec les effets qu'elles causent, ou la conduite qu'elles font tenir; l'autre les représente intrinsèquement, comme inhérentes à un sujet. Ainsi, la saveur et la tiédeur rappellent les impressions produites sur nos organes par les corps qui développent ces qualités; tandis que la sapidité et la tépidité retiennent toute attention sur les corps mêmes auxquels ces qualités sont inhérentes. Les substantifs en eur tiennent un peu du verbe; les substantifs en té correspondent exactement à l'adjectif, ni plus ni moins.

RIGUEUR, RIGIDITÉ. Qualité d'un homme sévère, austère, ferme, et même un peu dur ou rude.

La verdeur est une qualité active des plantes, qui les fait vivre et se développer; c'est la qualité du bois qui est vert en ce sens qu'il n'est pas mort et sec, mais encore plein de séve. La verdure est une qualité qui résulte de l'assemblage des feuilles, des plantes, des arbres; car ce mot est collectif et ne se dit que de l'effet produit sur la vue par la réunion de plusieurs choses vertes dans les prés, la campagne ou les bois. C'est au point que ce mot signifie quelquefois les choses vertes La rigueur se considère hors du sujet, dans les elles-mêmes réunies : un lit de verdure, un tapis de actions qu'elle lui fait produire; la rigidité se verdure, se coucher ou danser sur la verdure, jon-considère exclusivement dans le sujet où elle se cher les rues de verdure. - Dans un sens dérivé, on se sert de verdeur pour exprimer l'acidité du vin, c'est-à-dire encore une qualité active qui produit un certain effet, une certaine impression. « Le plomb uni aux acides fait un sel fort doux qui corrige au goût la verdeur du vin. » J. J. suite, verdeur est seul d'usage au figuré, parce que en latin la désinence or est plus noble que la désinence ura, et ne s'emploie pas comme celle-ci en termes d'arts mécaniques; or, au figuré, ver

trouve ou, pour employer les termes de Roubaud: « On a la conduite, l'empire rigoureux; on a des principes, des mœurs rigides. » On use de rigueur, on traite avec rigueur, on exerce des rigueurs, quand on a de la rigidité dans le ca

En-ractère.

La rigueur est effective et fait qu'on agit d'une certaine façon; la rigidité n'est qu'une disposition à la rigueur. « La rigueur, dit encore Rou| baud, est une roideur de jugement et de volonté

qui fait qu'on prend toujours, dans la sanction, | le sens le plus strict et les peines les plus rudes; qu'on ne donne aucun accès à la pitié, à la clémence, à l'indulgence, dans l'exercice de la justice. La rigidité est la roideur d'une vertu ou d'une rectitude d'âme invariablement attachée aux règles les plus sévères. » Un juge est rigoureux; un moraliste ou un casuiste, rigide. Une sentence est rigoureuse, et une loi rigide.

Abner s'appelle, dans Athalie,

Des vengeances des rois ministre rigoureux. RAC. On se soumet à des pratiques austères et à une vie rigoureuse (Boss.); on fait des lois pour adoucir des usages trop rigoureux (VOLT.). Mais on dit un stoicien (VOLT., COND.), un socinien (Boss.), un docteur (MASS.), un censeur (LABR.), rigide; un critique en réputation de grande rigidité (BOIL.). Vertu rigoureuse s'entend de la pratique. Nous nous représentons une vertu rare et singulière comme une vertu rigoureuse dans sa conduite, tout opposée aux inclinations de la nature. » BOURD. Mais vertu rigide regarde la théorie, les maximes qu'on suit, les conseils dont on est capable. Dans la Henriade, la Ligue s'est assemblée pour élire un roi :

Soudain Potier se lève et demande audience.
Sa rigide vertu faisait son éloquence. VOLT.
PUDEUR, PUDICITÉ. Qualité d'une personne
pudique, honnête.

Pudeur indique plutôt une manière d'agir, et pudicité une manière d'être.

La pudeur produit des effets et inspire une certaine conduite. « Qui voudrait réduire Boccace à la même pudeur que Virgile, ne ferait rien qui vaille. LAF. < Qui vous a poussée, ô divine Vierge, à vous cacher si profondément? Je pense que ça été sa pudeur.» Boss. « Atosse, fille de Cyrus et l'une des femmes de Darius, fut attaquée d'un cancer au sein. Elle ne pouvait se résoudre, par pudeur, à découvrir son mal. » ROLL.

demander ou de faire certaines choses. « Vous aurez l'impudeur de conclure un mariage abominable en unissant le frère avec la sœur.» BEAUM. RONDEUR, ROTONDITÉ. Qualité de ce qui est rond.

Ici la terminaison eur ne rappelle aucune action ni aucun effet. Les deux mots signifient la qualité abstraite, mais avec une différence pourtant qui provient de ce que la désinence té représente cette qualité, quoique abstraite, par rapport au sujet qui la possède. Rondeur n'exprime que la figure; rotondité l'exprime aussi, mais avec d'autres qualités qui l'accompagnent dans le sujet, la grosseur, l'ampleur, la capacité. Rotondité, suivant la remarque de l'Académie, ne s'emploie guère que dans le style familier en parlant d'une personne fort grosse.

J'aurais un bon carrosse à ressorts bien liants; De ma rotondité j'emplirais le dedans. REGN. On doit dire, la rondeur d'une roue, et on peut | dire, la rotondité d'une boule. « On dira, observe Roubaud, la rondeur et la rotondité de la terre; la rondeur, pour désigner sa figure; la rotondité pour désigner sa capacité ou l'espace renfermé dans sa rondeur, en différents sens. »

TERMINAISONS EUR ET ANCE.

Valeur, vaillance.

Entre ces deux terminaisons le rapport est à peu près le même que celui qui se trouve entre les terminaisons eur et té; et par la même raison.

Eur n'a rien qui le distingue que son caractère verbal: il marque l'action, l'effet produit par la qualité abstraite, sa manifestation, son développement. Ance, comme terminaison dérivée d'un participe, a de plus une certaine analogie avec l'adjectif, et c'est pourquoi il présente souvent ou en partie la qualité comme intrinsèque; il la désigne au dedans et non au dehors, comme rendant le sujet tel ou tel, et non comme se manifestant par des effets. Aussi, telle est la différence établie par Roubaud entre les synonymes valeur et vaillance.

VALEUR, VAILLANCE. Courage des héros, des guerriers qu'anime le désir de la gloire.

La pudicité n'a rapport qu'au sujet auquel elle est inhérente. Au lieu que la pudeur est un sentiment actif qui fait qu'on se soulève, qu'on se détourne et qu'on rougit en voyant ou en entendant des choses contraires à la décence, à la modestie ou à l'honnêteté, la pudicité se considère passivement c'est une qualité, une sorte de propriété qu'on possède, qu'on défend, qu'on conserve ou qu'on perd. « Un seigneur qui se joue, dans ses domaines, de la pudicité de ses jeunes vassales. BEAUM. « Entreprendre contre la pudicité d'une femme. » SCARR. « La dame Melancia est la perle des duègnes, un vrai dragon pour garder la pudicité du sexe. » LES. « La loi qui conserve la pudicité des esclaves est bonne dans tous les Etats.» MONTESQ. Pascal prétend qu'on n'a jamais le droit de tuer un homme, « sinon lors-lance, et dans les combats tout cède à sa valeur. qu'on ne peut autrement éviter la perte de la pudicité ou de la vie. » Malherbe dit qu'Ariane fut délaissée par Thésée

Après l'honneur ravi de sa pudicité.

La pudicité, dit fort bien Roubaud, se manifeste, se défend et se conserve par la pudeur. › Dans une occasion particulière, on se conduit avec ou sans pudeur, et non avec ou sans pudicité. On n'a pas l'impudicité, mais l'impudeur de

a La vaillance, dit Roubaud, est la vertu ou la force courageuse qui règne dans le cœur, et constitue l'homme essentiellement vaillant; la valeur est cette vertu qui se déploie avec éclat dans l'occasion de s'exercer, et qui rend l'homme valeureux dans les combats. La vaillance annonce la grandeur du courage, et la valeur la grandeur des exploits. Le héros a une haute vaillance, et fait des prodiges de valeur. »

Telle nation est le modèle de la haute vail

Dans le didactique, dans l'ordre des idées, quand il ne s'agit pas ou pas encore de la qualité comme effective, c'est vaillance qui est le mot propre. « Les préceptes de l'Alcoran sont d'être juste et vaillant, de faire l'aumône aux pauvres.... » VOLT. « Ce dialogue ne donnait pas une opinion fort avantageuse à la belle Fleur-de-lys de la vaillance de son conducteur.» LES.

Et j'attendais, seigneur, à vous le déclarer,

Que par vos grands exploits votre rare vaillance Put faire à l'univers croire votre naissance. CORN. Mars signifie la vaillance personnifiée. » LAH. Dans Eschyle, la Force et la Vaillance servent de garçons bourreaux à Vulcain qui enchaîne Prométhée sur un rocher. » VOLT. « Le modeste langage de la vaillance est, je fus brave un tel jour.... » J. J.

Mais dans l'ordre des faits, quand on raconte ce qui s'est passé, valeur est, à son tour, le seul mot qui convienne. « Après la bataille de Potidée, on attribua à la nation spartiate la précellence de valeur en ce combat. » MONTAIGN. « Philippe fut vaincu à la journée des Cynocéphales; et cette victoire fut due à la valeur des Etoliens. » MONTESQ.

Ma valeur est connue;

Je ne me bats jamais qu'aussitôt je ne tue. REGN. Un homme vaillant est capable de se bien battre; un homme valeureux à fait ses preuves, il

s'est bien battu.

TERMINAISONS EUR ET IS.

Couleur, coloris.

Eur marque l'actif, is le passif: le premier désigne une qualité se faisant sentir par un certain effet ou une certaine impression; le second signifie un résultat, un assemblage. C'en est assez pour arriver à déterminer en quoi diffèrent couleur et coloris, par exemple.

COULEUR, COLORIS. Qualité que la vue perçoit dans les corps et qui provient de la lumière réfléchie par leur surface.

« Les couleurs, dit Beauzée, sont les impressions primitives que fait sur l'oeil la lumière réfléchie par les diverses surfaces des corps: ce sont elles qui rendent sensibles à la vue les objets qui composent l'univers. Le coloris est l'effet qui résulte de l'ensemble et de l'assortiment des couleurs naturelles de chaque objet, relativement à sa position à l'égard de la lumière, des corps environnants et de l'œil du spectateur : c'est le coloris qui distingue la nature et la situation de chaque objet. »

La couleur se considère plutôt comme cause d'impression, et le coloris comme un effet résultant d'un mélange de couleurs. « Les tableaux du Titien excellent par la beauté du coloris; et l'on dit qu'ils en sont redevables à l'art particulier que ce peintre avait de préparer et d'employer les couleurs.» BEAUZ. « De plusieurs systèmes Platon en fit un, qui prit le coloris de son style: il avait le talent de donner des couleurs aux objets sans répandre sur eux aucune lumière. » COND. «Toutes les couleurs, se mêlant mieux ensemble (au moyen de l'huile), font un coloris plus doux, plus délicat et plus agréable.» ROLL.

Colorer c'est donner une couleur déterminée par laquelle un objet fasse sur notre vue telle impression; colorier est un terme de peinture, c'est donner à un objet, par un assortissement convenable de couleurs, l'éclat, l'air, l'apparence qu'il doit avoir. On colore une liqueur; on colorie un tableau.

TERMINAISONS EUR ET IE.
Fureur, furie.

FUREUR, FURIE. Violente agitation, grand emportement.

Toutes deux destinées en général à signifier des qualités abstraites, les désinences eur et ie sont propres en même temps à rappeler l'action d'un verbe, c'est-à-dire ici du verbe furere (ètre hors de soi, éprouver une passion violente), qui a le même radical. Mais l'une est active, se rapporte à la cause et à son action présente, immédiate; l'autre est passive, se rapporte à l'effet ou à l'action dans ses suites, dans sa manifestation extérieure.

Vaugelas et Roubaud ont fait entre fureur et furie une distinction conforme à cette remarque. << Il semble, dit le premier, que le mot de fureur dénote davantage l'agitation violente du dedans, et le mot de furie l'agitation violente du dehors'. >>

La furie consiste dans la manifestation, dans l'éclat; elle ne se concentre pas comme la fureur; on n'aime pas à la furie, comme on aime à la su

reur.

N'as-tu pas sur mon dos exercé la furie?

(Sosie à Mercure dans Amphitryon.) MOL. Crains tes emportements; j'en connais la furie. VOLT.

S'emporter jusqu'à la furie (Boss.). — La fureur est en nous; par elle notre âme se porte ardemment vers l'objet de son désir. « La fureur des désirs. » BUFF.

Je suis au désespoir, et je sens dans mon cœur
Mon amour outragé se changer en fureur. REGN.
Ces derniers mots me rendent immobile;
Je ne sais où je suis; ma fureur est tranquille.

VOLT.

La furie nous met hors de nous, dans une sorte d'état passif. On contient sa fureur, on s'aban[donne à la furie.

« La fureur, dit Roubaud, n'est pas furie, si elle n'est point manifestée; la fureur mène à la furie. La fureur a des accès; la furie est l'effet de l'accès violent. On souffle la fureur pour exciter la furie. L'on met un frein à la fureur, et la furie est la fureur effrénée. »

Furie convient plutôt en parlant des choses inanimées, parce qu'elles n'ont pas en ellesmêmes la cause ou le principe de leurs actions, parce qu'elles ne sont pas susceptibles de passion ou d'agitation intérieure: la furie du combat, du mal, de la fièvre; le canon tirait avec furie.

D'autre part, comme furie marque une sorte d'état passif auquel on s'abandonne et dans lequel on n'est plus maître de soi, ce mot se prend très-rarement en bonne part. Au contraire, nous disons, une noble fureur, une sainte fureur, une fureur héroïque, une fureur poétique, une fureur prophétique. Nous attribuons la fureur à Dieu même. Racine dit que les chiens attendent à la porte de Mathan que la fureur de Dieu se deploie sur lui.

4. En latin, la même différence existe, suivant Dæderlein, entre mæror et mæstitia.

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