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titude de rêves qui se succèdent, on dit qu'il tombe en rêveries. Ce mot se prend donc pour une multitude de réves, ou pour l'état où l'on est, quand on en fait beaucoup. »

tannicus; mais avec quel sang-froid odieux et | quelle fourbe réfléchie!» LAH. « La réunion de la fourbe la plus profonde et de la scélératesse la plus noire forme le caractère d'Atrée. » ID. Mais la fourberie est plus légère et plus innocente; Enfin, quoique réverie soit plus propre à marfourberie est un terme comique plutôt que tragi- quer un défaut et la faute qu'il fait commettre, que. On dit une petite fourberie (REGN.). « Cris-rêve signifie aussi quelquefois une chimère. Mais pin rival de son maître, pièce de Regnard, n'est alors le rêve est plus considérable, plus suivi, qu'une fourberie de valet déguisé, qui veut es- moins indéterminé, moins l'œuvre de la pure croquer une det. » LAH. Dans le caractère des fantaisie: le rêve du bonheur; le rêve de l'imRomains on remarquait a un éloignement déclaré mortalité; le rêve de Charles-Quint était la modes petites ruses, des déguisements, des fourbe-narchie universelle. De sorte qu'ici encore la ries. » ROLL. « Les plus grandes affaires de l'État, | rêverie n'est qu'une espèce de rêve, un petit rère, à Rome, ne se décidaient qu'en conséquence des un rêve affaibli, incomplet, vague, de peu d'imauspices et des augures, où il entrait mille frau-portance; sans compter que dans ce sens rêverie des et mille fourberies. » ID. Sans doute les four-ne s'emploie guère qu'au pluriel, pour signifier beries de Scapin, ne sont pas seulement, comme sans précision une foule d'idées étranges ou exil les appelle, des gentillesses d'esprit et des ga- travagantes: les rêveries des astrologues; livre lanteries ingénieuses; mais enfin elles ne sont plein de rêveries; débiter des rêveries pour des pas aussi criminelles que les fourbes. vérités.

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Ajoutez que la fourbe se considère en elle-même, et la fourberie par rapport à l'agent, et à sa manière d'agir. « Il n'y a jamais eu d'homme que l'on pût accuser de fourberie avec moins de raison que Moïse.» MAL.

Outre cela, le rêve se considère en lui-même, et la rêverie par rapport à l'esprit qui la conçoit.

BROUILLE, BROUILLERIE. L'idée commune à ces deux mots est celle de désaccord, de mésintelligence, de dissension.

La brouille marque la chose d'une manière absolue, comme étant; la brouillerie la marque d'une manière relative, comme survenant; l'une exprime plutôt l'état, l'autre l'événement qui l'amène : il y a de la brouille dans un ménage, et il s'élève une brouillerie entre deux personnes.

RÊVE, RÊVERIE. Action ou état de celui qui rêve, qui abandonne son imagination à elle-même. La rêverie est une espèce de rêve, tient du rêve, mais n'est pas tout à fait rêve. Le rêve a lieu pendant la nuit, et dans le rêve on renonce absolument à la direction de ses pensées: la rêverie se passe pendant la veille, et dans la rêverie nous La brouillerie a ensuite moins de durée et des moexerçons encore sur notre esprit quelque influence; tifs d'une moins grande importance; elle suppose ce n'est qu'un rêve relatif, incomplet, passager. qu'on s'est brouillé pour un rien, que la haine « Rêverie, suivant Condillac, se dit de ces pen- est très-peu forte, et qu'on se raccommodera fasées sans ordre auxquelles l'esprit se livre quel-cilement. « Sophie est mal à son aise: c'est sa quefois par amusement, par délassement, ou première brouillerie; et une brouillerie d'une parce qu'il est occupé de quelque passion qui l'inquiète. » « On rêve également, dit Rivarol, et quand on dort et pendant la veille; ce dernier état est celui d'un homme qui, selon l'expression vulgaire, bat la campagne. Ces deux époques de la vie, l'une de rêve pendant le sommeil, et l'autre d'aberration dans la veille ont cela de semblable, qu'il y a interruption totale de commerce avec La chicanerie est une misérable petite chicane; les objets extérieurs mais à la moindre sensa-elle porte sur des choses moins importantes, sur tion, on revient d'abord à soi. Notre langue indique la relation de ces deux états, par le rapport et la différence de rêve à rêverie. »

:

De plus, le rêve est passif, et la réverie active: on a un rêve, on raconte son rêve; et on se livre à ses rêveries. « L'un, dit Laveaux, a rapport à l'objet, l'autre à l'esprit qui s'en occupe; l'un frappe l'esprit sans qu'il le veuille, l'autre occupe l'esprit de son consentement. » L'un est le fait d'un homme qui rêve; l'autre est le fait d'un rêveur, d'un homme qui a la mauvaise habitude de ne pas gouverner sa pensée pendant la veille, de se repaître de ses imaginations. L'idée de défaut s'attache plutôt à la rêverie, parce qu'elle dépend de nous en partie, parce qu'on se complaît dans ses illusions, et parce que la terminaison fréquentative du mot désigne une habitude. Ce caractère de fréquence et de multiplicité a été bien saisi par Condillac : « Quand le moment. dit-il, arrive, qu'un malade est livré à une mul

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heure est une si grande affaire! » J. J. « On a admiré dans le Dépit amoureux la scène de la brouillerie et du raccommodement d'Eraste et de Lucile. » VOLT.

CHICANE, CHICANERIE. Mauvaises difficultés soulevées dans une affaire, dans une querelle, dans un procès.

des minuties, sur des mots. La chicane a encore quelque fondement : « Que dit-on pour autoriser la supposition du Pentateuque? Rien de suivi, rien de positif, rien d'important; des chicanes sur des nombres, sur des lieux ou sur des noms.» Boss. La chicanerie n'en a aucun, elle se prend à des vétilles. « M. de Cambrai est toujours prêt à pointiller sur des mots qui ne disent rien. Ou est la bonne foi parini les hommes, si de telles chicaneries (la vérité m'arrache ce mot) sont des préjugés, et encore des préjugés décisifs ? » Boss. Pascal appelle une pure chicanerie la dispute de la Sorbonne sur le pouvoir prochain.

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goût et de cet art, ses tours, ses ruses. « La chicanerie, dit Condillac, est une action, un procédé, qui est l'effet du goût pour la chicane. » La chicane emploie des chicaneries, et ce dernier mot a rapport à la manière dont agit celui qui chicane. Des reproches de passion, d'aveuglement, de chicanerie dans les matières contestées.» P. R.

il est de peu de conséquence et sans circonstances odieuses, est une volerie (Boss., SÉv.). D'ailleurs, volerie emporte une idée de fréquence, et s'emploie le plus souvent au pluriel et familièrement pour représenter une suite ou une répétition de petits vols. « Les Arabes du désert furent presque toujours des voleurs républicains.... Je ne veux point discuter avec vous les prépuces de Sichem et les voleries des Arabes. >> VOLT.

TAPIS, TAPISSERIE. Tenture, tissu de laine ou de soie qui sert à couvrir l'intérieur des apparte

POINTILLE et POINTILLERIE diffèrent de même. La pointillerie est une mauvaise petite pointille. Du reste, pointille est français, quoique l'Académie ait cessé de l'admettre depuis 1762. « On ne peut fonder d'objections sur de telles pointil-ments. les. DESC. « Les calvinistes reviennent toujours à des pointilles du raisonnement humain. » Boss. << M. de Cambrai met la perfection et la pratique de la piété dans des pointilles. » ID.

Tapis est le mot primitif, il signifie la chose en elle-même; tapisserie est un mot dérivé, il signifie quelque chose qui ressemble au tapis, qui tient du tapis. Ce n'est pas qu'il manque à la tapisserie Pourquoi n'emploierait-on pas aussi vétillerie quelque chose pour être tapis, elle a pour cela concurremment avec vétille, à l'exemple de Rol-plus qu'il ne faut. La tapisserie est une espèce de lin? Agesilas savait qu'il y a une exactitude et une sévérité qui, pour être poussée trop loin, dégénère en petitesse et en rétillerie, et qui, par trop d'affectation de vertu, devient un vice réel et dangereux. »

tapis, qui rappelle spécialement l'action de l'ouvrier, le travail de l'art, la fabrication et les qualités de la main-d'œuvre, et qui sert spécialement à la décoration, ainsi que la balustrade, par exemple. De là vient que le tapis, simplement TRACAS, TRACASSERIE. Ces deux mots ont utile par lui-même, est destiné à couvrir les tapour idée commune celle de contrariétés et d'em-bles, le carreau ou le parquet d'une chambre, barras éprouvés ou causés.

Tracas exprime la chose en elle-même, d'une manière passive et sans rapport à un agent; la tracasserie est un tracas produit volontairement et avec dessein de nuire. On fait une tracasserie, et non un tracas à quelqu'un. Tracas ne se trouve guère qu'avec l'article défini, le : le tracas des affaires, du ménage, du commerce, du monde.

LÉSINE, LÉSINERIE. Basse avarice.

L'un est le vice, l'autre l'action vicieuse : la lésine, une lésinerie: une lésinerie est une action inspirée par la lésine.

Toutefois lésinerie se dit aussi, comme lésine, en parlant du caractère la lésinerie. Mais alors ce mot exprime moins le vice que l'habitude vicieuse; il fait moins considérer le défaut par rap port à l'âme que par rapport à la conduite, à l'exercice, à la pratique, qui en résultent.

Réciproquement on dit aussi d'une manière relative, une lésine, comme une lésinerie; mais une lésinerie est plus petite, plus mesquine; elle porte sur des misères, c'est une économie de bouts de chandelles, elle est moins honteuse, elle tourne au comique.

CAQUET, CAQUETERIE. Ces deux mots ont en commun l'idée qu'exprime le verbe caqueter.

Mais, la caqueterie, suivant Condillac, se dit plus particulièrement de l'action d'un caqueteur, et le caquet de la multitude de ses propos inutiles. C'est-à-dire que l'un est relatif, actif, coneret: l'autre absolu, passif, abstrait. Mais, alors que caqueterie se prend objectivement et au pluriel. pour une pluralité ou une suite de caquets, ce mot a rapport au bruit, à la manifestation; il ne cesse pas d'être concret et représentatif. VOL, VOLERIE. Action de s'emparer injustement de ce qui appartient à autrui.

Volerie est un diminutif de vol. Une tricherie, c'est-à-dire un vol commis au jeu, surtout quand

tandis que la tapisserie, généralement travaillée avec plus d'art, pare en même temps qu'elle couvre les murailles seulement. « Les lits étaient couverts de tapis et garnis de coussins pour les convives.» ROLL. « Pyrrhus ordonna de tenir un éléphant derrière une tapisserie pour le faire paraître quand il l'ordonnerait. » ID.

C'est parce que tapis, à la différence de tapisserie, n'a aucun rapport au travail, à la façon, à l'industrie, que de ces deux mots il est le seul qui soit applicable à des objets naturels : tapis de gazon, de mousse, etc. « Voyez ces riches tapis dont la terre commence à se couvrir dans le printemps. » Boss.

HOTEL, HOTELLERIE. Maison où l'on reçoit les voyageurs et les étrangers.

Hôtel est le mot primitif; il exprime absolument l'idée que le mot dérivé hôtellerie désigne en l'affaiblissant. L'hôtellerie a moins de grandeur et d'importance que l'hôtel; elle reçoit les personnages les plus vulgaires; c'est une auberge. « Un fils de Masinissa, nommé Misagène, ayant été porté par une tempête à Brunduse, où il était resté malade, on lui envoya le questeur L. Stertinus, qui fut chargé de lui louer un hôtel dans cette ville, de lui fournir abondamment tous les secours dont il aurait besoin, et de lui préparer des vaisseaux pour le conduire sûrement en Afrique. » ROLL. « Le long de ce canal, Pompée fit bâtir des hôtelleries dans les endroits où les traites le demandaient, afin que les passagers y pussent trouver le couvert et les commodités nécessaires pour eux et pour leurs bêtes. » ID.

Ensuite, on descend à l'hôtellerie, et on loge à l'hôtel : l'une est un pied à terre, l'autre un séjour habituel; dans l'une entrent des voyageurs qui ne demeurent que quelques jours, dans l'autre on reçoit des étudiants et toutes sortes de gens sans ménage. « Là demeurait Cogollos, dans un fort bel hôtel. » LES. « Tout ce que j'ai broché

n'est qu'une esquisse dessinée avec du charbon sur le mur d'une hôtellerie où l'on couche une nuit. » VOLT.» En Egypte, les maisons étaient appelées des hôtelleries, où l'on n'était qu'en passant. Boss.

TERMINAISONS ERIE ET MENT.

Chuchoterie, chuchotement. CHUCHOTERIE, CHUCHOTEMENT. Action de chuchoter, c'est-à-dire de parler bas à l'oreille de quelqu'un pour n'être pas entendu d'autres per

sonnes.

tions de nos réformés furent suivies partout de sédition et de pilleries. » Boss. « Avant-hier, on roua un violon qui avait commencé la danse (une révolte à Rennes) et la pillerie du papier timbré.> SEV.

BADINERIE, BADINAGE. L'idée commune à ces deux mots est celle qu'ils tiennent du verbe badiner, d'où ils dérivent l'un et l'autre.

Mais badinage exprime le genre et badinerie un trait : le badinage, une badinerie. Jamais on ne dit d'une manière absolue la badinerie. — « A examiner la cadence du vers phaleuque, on dirait qu'il est fait exprès pour le badinage et pour La terminaison erie étant fréquentative, mar-l'amusement. » ROLL. « L'esprit de badinage. que une plus grande abondance de paroles, une S. S. « Le talent de plaire aux femmes consiste suite de chuchotements, ou un chuchotement pro- | dans une espèce de badinage. » MONTESQ. — « Le longé. Mais la principale différence entre ces portrait de Mme de Mirepoix (en vers, par Mondeux mots provient de ce que cette même termi- tesquieu) est une badinerie qui fut faite à Lunénaison designe, non-seulement l'action comme ville pour amuser une minute le roi de Pologne.» ment, mais encore le résultat de cette action, MONTESQ. l'ouvrage qu'elle produit: chuchotement détermine le genre de bruit, et chuchoterie le genre d'entretien. Le chuchotement peut ennuyer et importuner; la chuchoterie peut intriguer, parce qu'elle implique une intention de se cacher, et a rapport au sujet même dont on s'entretient en chuchotant. Ce qui déplaît dans le chuchotement, c'est le fait et l'air : lorsque J. J. Rousseau passait dans les rues, il croyait remarquer « un chuchotement ricaneur. » Ce qui déplaît dans la chuchoterie, c'est le discours. Elle avança son visage comme pour me parler à l'oreille. Je tremblai qu'on ne cherchât du mystère à cette chuchoterie. » J. J.

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TERMINAISONS ERIE ET AGE.

Toutefois, si on ne dit pas la badinerie absolument, on dit bien un badinage comme une badinerie. Mais alors badinage signifie une action ou une manière d'agir; et badinerie, un produit, ce qui résulte du badinage. Un badinage est une occupation ou une manière de faire faire des vers, c'est s'amuser à un charmant badinage (VOLT.); une badinerie est la chose qui provient du métier de badiner, en quelque sorte. Je n'aime pas ce badinage, c'est-à-dire cette manière ou cette action de badiner: je n'aime pas cette badinerie, c'est-à-dire ce qui vient d'être dit ou fait en badinant. Un auteur a un badinage, c'est-àdire une façon particulière de badiner :

Imitons de Marot l'élégant badinage. BOIL. Mais ce qu'un auteur a composé en badinant est une badinerie. « La métamorphose de la perruPillerie, pillage. Badinerie, badinage. Bavarderie, bavardage. Radoterie, radotage. Raba-n'a jamais été achevée. BOIL. Des personnes que de Chapelain en comète est une badinerie qui cherie, rabdchage. Etc. Lainerie, lainage.

un peu sérieuses traiteront de badineries le procès du chien et les extravagances du juge (dans les Plaideurs); mais enfin je traduis Aristophane.>> RAC.

Ces terminaisons, toutes deux communes et peu nobles, désignent également l'action et son résultat. Mais l'une est diminutive, l'autre collective et compréhensive; l'une présente l'idée en Ajoutez à cela que badinerie indique quelque petit, l'autre en grand. Les noms en erie s'em-chose de plus petit que badinage : les badineries ploient souvent au pluriel pour signifier les di- sont des enfantillages ou des puérilités. « Etre vers traits, les faits ou les tours particuliers, les paré, courir de çà et de là, se déguiser, se masdifférents cas où l'action se réalise, où un défaut quer, sont des jeux d'enfants; nous nous rions de se manifeste. Les noms en age tiennent plus de leurs badineries. » Boss. « On remarque dans les l'absolu; ils ne s'emploient guère qu'au singulier amitiés sensibles des soins, de petites libertés, ou pour représenter la chose comme un tout consi- pour les mieux nommer, des badineries et des déré en lui-même et qui est d'une certaine na-puérilités. » BOURD. ture. Un discours plein de rabâcheries n'est que du rabâchage.

PILLERIE, PILLAGE. Action de piller et perte qui en résulte.

On distinguera de même bavarderie et bavardage. Bavardage est général et tout relatif à la forme: le bavardage; le bavardage des commères (ACAD.), des provinces (Sév.), des académies Tous les synonymistes, Condillac, Laveaux et (J. J.), de la conversation (ID.). Mais bavarderie Leroy, qui ont traité ces deux mots, leur ont est particulier et se rapporte au fond, à la matrouvé les mêmes différences. Le pillage porte sur tière. « Le maréchal me prit en particulier avec des objets d'un plus grand prix, il est plus désas- ses bavarderies. » S. S. « Marc-Tulle Cicéron, treux et entraîne plus de dégât. Il est commis, dans ses bavarderies éloquentes, dit quelque d'ailleurs, par des soldats, par un corps d'ar-part.... » VOLT. « Voici ma bavarderie academimée; au lieu que la pillerie est l'action de pil-que (un discours académique). » ID. Ce que vous lards, d'un ramas de voleurs armés, de séditieux venez de conter là est du bavardage, et une baou d'émeutiers, par exemple, qui ne font que | rarderie. - Que si bavarderie, au lieu de marpiller de tous les côtés. « Les premières prédica- quer, comme d'ordinaire, un fait, un trait, dê

signe une disposition habituelle, il la représente comme fréquentative, comme une sorte de démangeaison. « Si un hérétique s'était souillé d'un crime pareil à celui de Théodose, avec quelle complaisance tous les historiens déploieraient contre lui leur bavarderie! » VOLT.

Pareillement, une radoterie est un trait de radotage. « Ma fille, il faut que je vous conte: c'est une radoterie que je ne puis éviter » SÉV. « Ma tragédie n'est pas un jeu d'enfant, mais elle tient beaucoup du radotage. » VOLT. · Rabachage signifie le défaut, et rabâcherie ce qui en provient. Ensuite, rabachage indique quelque chose de moins petit et une moins grande répétition des mêmes choses. La Guerre de Genève est un rabdchage de la Pucelle. » DUDEFF.

Appliquez la même règle de distinction à caqueterie et caquetage, clabauderie et clabaudage, badauderie et badaudage (ACAD., 1692, J. J.), flagornerie et flagornage (BEAUM.), filouterie et floutage (VOLT.), etc.

LAINERIE, LAINAGE. Marchandises de laine. Lainerie, par sa terminaison si familière aux petites industries, rappelle plus particulièrement l'art ou le travail de l'ouvrier; tandis que la terminaison de lainage suggère seulement l'idée d'étendue, de grande collection. Le commerce des lainages est le commerce des choses de laine, en général ou en gros; le commerce des laineries est celui des ouvrages, des draps, des étoffes faites avec de la laine. Le lainage comprend les laines brutes comme celles qui sont travaillées. et même ces dernières n'ont reçu qu'une façon en grand, qui n'est pas descendue aux détails, qui n'a point été appliquée aux petits objets, qui a peu modifié, par conséquent, la matière première. Enfin, lainage, comme plus absolu, a plus de rapport à la nature, au genre de matières; et lainerie, comme relatif, en a davantage à la façon, au genre d'ouvrage.

TERMINAISONS ERIE ET ADE.

Fanfaronnerie, fanfaronnade. FANFARONNERIE, FANFARONNADE. Action de faire le fanfaron, ou ce que dit le fanfaron, vanterie en paroles.

le fanfaron, tandis que la fanfaronnerie caractérise un homme qui est fanfaron. « Le duc de Villars avait une valeur brillante, avec une fanfaronnerie poussée aux derniers excès et qui ne le quittait jamais. » S. S.

TERMINAISON AIL.

TERMINAISONS AIL ET ERIE.
Bercail, bergerie.

BERCAIL, BERGERIE. Lieu destiné à renfermer les moutons.

La terminaison ail, comme la terminaison oir, semble désigner l'usage ou la destination des choses. Un gouvernail est un instrument qui sert à gouverner le navire; un éventail, un instrument dont on se sert pour s'éventer; un épouvantail, quelque chose dont on se sert pour épouvanter les oiseaux; un attirail, une grande quantité de choses nécessaires pour certains usages; un soupirail, une ouverture pratiquée à une cave pour lui donner du jour et de l'air, pour lui permettre de respirer en dessous; un tramail, un filet pour prendre du poisson; un sérail, un lieu destiné chez les Turcs à ètre habité par les femmes. Bercail doit donc aussi exprimer simplement le lieu où l'on renferme les brebis ou les moutons.

Erie, marquant un lieu, signifie celui où les artisans travaillent, comme fonderie, raffinerie, brasserie, apothicairerie, et, par conséquent. bergerie doit rappeler les soins et les opérations du berger, tout comme boucherie et boulangerie. par exemple, rappellent les opérations du boucher et du boulanger.

La bergerie est le lieu particulier où le berger exerce son état, c'est à-dire donne ses soins aux troupeaux confiés à sa garde. «Ils virent une bergerie solitaire, et un vieillard assis à la porte de la cabane. » MARM. C'est, dans une ferme, le quartier destiné au berger et à ses troupeaux: tandis que le bercail est seulement l'étable où sont renfermés ces derniers. On ramène les brebis à la bergerie, et on les fait entrer le soir dans le bercail.

TERMINAISON ISME.

Roubaud et Butet s'accordent sur le sens de cette terminaison. Elle est grecque d'origine, ainsi que le prouve l'étymologie de sophisme, d'aphorisme, de syllogisme, etc., en grec copioua, apoptoμò;, aulλoytaμòg. Aussi est-elle très-relevée, et ne s'emploie-t-elle guère qu'en matière de science et de spéculation, pour exprimer un système ou une doctrine qu'on professe, une méthode que l'on suit. C'est le sens qu'elle donne,

Ade, comme age, signifie quelque chose d'étendu, de compréhensif, et, quand il s'agit d'action, quelque chose qui se répète. Et c'est pourquoi les substantifs en erie, la plupart fréquentatifs, ont des synonymes de l'une et de l'autre terminaison. Mais, en ce qui concerne erie et ade dans les deux mots pris pour exemple, erie marque un défaut dont on fait métier ou profession, dont on a l'habitude, ou un trait qui en derive; ade exprime une simple action consistant en gestes ou en paroles, qui apparaît et frappe beaucoup, car la terminaison ade est très-par exemple, en philosophie aux mots matérialoin d'être diminutive comme la terminaison erie. On trouve insoutenable la fanfaronnerie d'un homme qui fait de continuelles fanfaronnades. Une gasconnade, une arlequinade, une pasquinade, une capucinade, ne supposent pas qu'on soit gascon, arlequin, pasquin, capucin; de même la fanfaronnade est d'un homme qui fait

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lisme, sensualisme, idéalisme, stoïcisme, épicurisme, cartésianisme; en religion, aux mots christianisme, mohométisme, jansénisme, molinisme, jésuitisme; en politique, aux mots républicanisme, libéralisme, absolutisme; en grammaire, aux mots idiotisme, gallicisme, barbarisme. Ces sortes de substantifs se prennent assez sou

vent en mauvaise part, et indiquent l'affectation, | lité, dont les deux premiers signifient, ce qui l'abus, l'excès; et, suivant les deux philologues fait qu'on est constitutionnel, et les deux derque nous venons de citer, cela arrive surtout niers, ce qui fait qu'on est libéral. quand il existe dans la langue d'autres substantifs de même radical, propres à exprimer à peu près la même idée.

TERMINAISONS ISME ET TÉ.

Le constitutionalisme et le libéralisme font qu'on est constitutionnel et libéral, c'est-à-dire qu'on appartient au parti des constitutionnels et des libéraux, qu'on en partage les opinions, les doctrines; la constitutionalité et la libéralité font qu'on est Mysticisme, mysticité. Spiritualisme, spiritua- sentiments conformes, qu'on est attaché de cœur constitutionnel et libéral, c'est-à-dire qu'on a des lité. Popularisme, popularité. Etc. à la constitution et à la liberté et tout disposé à MYSTICISME, MYSTICITÉ. Dispositions inté-agir en conséquence. Les deux premiers mots rieures des mystiques, c'est-à-dire des philosophes ou des dévots, qui laissent leur esprit s'enfoncer dans de profondes rêveries touchant Dieu et l'immortalité.

vos principes.

A ces exemples on peut ajouter encore servilisme et servilité.

signifiant l'opinion et la profession qu'on en fait, le parti qu'on embrasse, ne peuvent se dire qu'en parlant des hommes; les deux autres signifiant la qualité d'être constitutionnel, libéral, peuvent Le mysticisme est une doctrine, la mysti- se dire aussi, parmi les choses, de celles qui sont cité, une qualité. L'un a rapport aux opinions, conformes à la constitution et à la liberté : la conl'autre au caractère. Les philosophes qui pro-stitutionalité d'une ordonnance; la libéralité de fessent le mysticisme ont pour adversaires les partisans du rationalisme; la mysticité rend rêveur, contemplatif et peu propre aux affaires. Le mysticisme est pour la spéculation, c'est une conviction; la mysticité est un sentiment dont on est pénétré, et qui porte à agir d'une certaine manière. On trouve de la mysticité dans l'âme de personnes simples et naïves, dont l'esprit ne connaît et ne connaîtra jamais les idées du mysticisme. Le mysticisme fait qu'on appartient à l'école ou à la secte des mystiques; la mysticité constitue mystique. On dira plutôt mysticisme en parlant des philosophes et des théologiens, lesquels s'occupent de théorie, de discussions et de controverses; et mysticité en parlant des âmes et des livres pieux, qui sont effectivement et foncièrement mystiques.

Il est à remarquer aussi qu'à mysticisme s'attache plus nécessairement l'idée d'excès. Dans le livre des Maximes des Saints Fénelon établit une bonne et saine mysticité (S. S.).

On distinguerait pareillement spiritualisme et spiritualité. « L'âme de Fénelon était naturellement portée à se répandre en spiritualité. » LAH. – De même popularisme et popularité: « Ne connaître que cette vile adulation sans cesse prodiguée parmi nous à la plus vile multitude, cet abject popularisme, nommé si improprement popularité. » ID.

Roubaud distingue à peu près de la même manière héroïsme et héroïcité, stoïcisme et stoïcité. Mais ses exemples sont mal choisis; héroïcité et stoïcité n'ont jamais été employés par des écrivains de quelque poids; d'ailleurs, la différence de stoïcisme à stoïcité se retrouve en grande partie entre les deux adjectifs stoïcien et stoïque, tous deux incontestablement français.

Aujourd'hui que tout est livré à la discussion, et que l'on s'élève sur toutes choses à des théories, des systèmes, le nombre des noms en isme augmente prodigieusement, et par conséquent aussi le nombre des substantifs de cette désinence ayant même radical que d'autres substantifs à terminaison différente, qui deviennent leurs synonymes. On peut déjà compter parmi les synonymes en isme et en té, constitutionalisme et constitutionalité, libéralisme et libéra

TERMINAISONS ISME ET ANCE. Intolérantisme, intolérance. Tolérantisme, tolérance.

INTOLÉRANTISME, INTOLERANCE. Ces deux mots servent à exprimer les dispositions de ceux qui ne veulent souffrir d'autres idées religieuses, philosophiques ou politiques, que les leurs.

Isme indique un système, une doctrine qu'on professe; ance marque tout à la fois action et qualité. « L'intolérantisme, dit fort bien Condillac, est un système de conduite fondé sur l'intolérance. » Il faut ajouter seulement que ce système est plutôt enseigné ou soutenu en théorie, que pratiqué. L'intolérance, au contraire, est un sentiment conformément auquel on se conduit effectivement: « Elle consiste, suivant le même synonymiste, dans un zèle vrai ou faux, raisonnable ou excessif, avec lequel on poursuit ceux qui ne suivent pas notre religion. » L'un est pour la spéculation, et réside dans l'esprit ; l'au tre est pour la pratique, et se trouve dans les sentiments, d'où il passe dans les actions.

D'ailleurs isme étant propre à marquer un excès, il y a dans l'intolérantisme un degré de plus de violence. « Le monstre de l'intolérantisme. » VOLT. « Un execrable intolérantisme. » ID.

C'est à cause de cela que tolérantisme signifie une tolérance qu'on juge trop grande et par conséquent blâmable. Voltaire écrit au président Hénault : « Vous flétrissez l'indulgence, la tolérance, du nom de tolérantisme. » Et le docteur Bartholo, dans le Barbier de Séville, s'écrie: Sottises de toute espèce: la liberté de penser, Qu'a produit notre siècle pour qu'on le loue? l'attraction, le tolérantisme.... »

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TERMINAISONS ISME ET ERIE.

Bigotisme, bigoterie; cagotisme, cagoterie. Pédantisme, pédanterie. Charlatanisme, charlatanerie. Coquétisme, coquetterie.

Isme et erie terminent quelquefois les mêmes

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