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à un certain jour marqué, les lettres de renonciation réciproque. » Boss. « Madame Guyon a souscrit à la condamnation de ses ouvrages: moyennant cela et la renonciation à son directeur, avec quelques autres choses conformes à sa déclaration faite entre mes mains, on l'a reçue aux sacrements. » ID. Mais le renoncement est une vertu intérieure, un détachement de cœur et d'affection. «La plupart des préceptes de Jésus-Christ ont pour objets des vertus intérieures, l'amour des ennemis, le détachement des biens du monde, le renoncement aux satisfactions humaines. » NIC. « La circoncision du cœur, c'est le retranchement de tout le sensible, et le renoncement entier à soi-même.» Boss. « Ce renoncement de cœur, ce mépris de tout ce qui passe, recommandé à chacun de nous dans l'Evangile. » MASS. « La vie chrétienne est une vie de renoncement et de sacrifice. » ID. « Les poésies qu'Ausone avait faites avant son renoncement aux muses profanes. » ROLL

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au fait propre de sentir. « Suivant Descartes, les bêtes sont de pures machines qui ont toujours les organes du sentiment pour n'éprouver jamais la moindre sensation. » VOLT.

D'autre part, sensation signifiant une action se dira des affections passagères qui ne durent point. On dit bien, produire une sensation de frayeur; on ne dirait point, produire une sensation d'aversion. Une sensation de plaisir, de joie, de douleur, n'est point un sentiment de plaisir, de joie, de douleur. L'une est instantanée, rapide, superficielle, et considérée par rapport à sa cause, à sa production ou à sa vivacité; l'autre est plus intime et plutôt considérée sous le point de vue de sa durée et de son intensité. On dit bien une sensation de douleur, mais non une sensation de souffrance.

Considéré d'une manière plus générale, le mot sensation, conformément à son sens fondamental et primitif, ne peut se dire que des affections de l'âme résultant d'une action réelle. Il est presque exclusivement déterminé à signifier les impressions produites sur nos sens par les objets extérieurs, et qui sont suivies dans notre intelligence d'idées relatives à ces objets. Au contraire, sen

« Le quatrième acte de justice, qui doit être le plus fréquent, est la renonciation à l'alliance du peuple dont on a à se plaindre. » MONTESQ. «L'Etat subsiste indépendamment de l'amour pour la patrie, du désir de la vraie gloire, du renoncement à soi-même, et de toutes ces vertus hé-timent exprime toutes les affections que l'âme roïques que nous trouvons dans les anciens. » ID. On dit renonciation à une succession (ACAD.), à une province qu'on cède (Boss.), à une couronne (VERT.), etc.; on dit renoncement aux plaisirs (ACAD., MAL., COND.), aux honneurs et à la vanité (ACAD.), à ses volontés, à ses inclinations naturelles, aux douceurs et à la tranquillité de la vie (BOURD.).

α

Beauzée propose la même distinction. « Renonciation, dit-il, est un terme d'affaires et de jurisprudence; c'est l'abandon volontaire des droits que l'on avait ou que l'on prétendait avoir sur quelque chose. Renoncement est un terme de spiritualité et de morale chrétienne; c'est le détachement des choses de ce monde et de l'amourpropre. Toutefois, et quoi qu'en dise Beauzée, la renonciation étant extérieure, peut n'être qu'extérieure, c'est-à-dire, à la différence du renoncement, forcée et non pas volontaire. « Les Colonne prétendaient que la renonciation du pape Célestin V était nulle, parce qu'elle lui avait été arrachée. » COND. Voltaire traite de « renonciation imposée par la force » celle du prince Alexis, fils du czar Pierre Ier, au trône de Russie. SENSATION, SENTIMENT. Ces deux mots ex priment une impression faite sur l'âme, qui en modifie l'état en mieux ou en pis et devient un mobile pour sa volonté.

Mais l'un est plus relatif au fait même de l'impression, à la cause qui le produit; l'autre, à l'état où l'âme se trouve à la suite. En agissant sur nos sens, les objets nous causent des sensations agréables ou désagréables; notre âme éprouve alors un sentiment de plaisir ou de peine. Un orateur véhément, parlant sur un sujet terrible, produit sur son auditoire une sensation de frayeur, et chacun des auditeurs éprouve ou conçoit un sentiment de frayeur.

Ou bien le sentiment, au lieu d'être quelque chose de postérieur, est quelque chose d'antérieur

éprouve en tant que raisonnable, dont l'origine est, non pas dans une action réelle et extérieure, mais dans des idées abstraites, et à la suite desquelles nous ne recevons aucune idée. Ainsi, presque toutes nos idées sensibles ont été précédées de sensations. Les plaisirs que nous éprouvons après avoir compris un problème, une énigme, une découverte, ou conçu la moralité d'une action, ou aperçu la beauté d'un objet d'art, sont des sentiments, et ces mouvements de l'âme ne sont pour nous l'occasion d'aucune connaissance. Maine de Biran (Rapport du physique et du moral, p. 133), a parfaitement fait cette distinction, l'usage de la langue la confirme. On subit des sensations; on conçoit des sentiments. On éprouve, on reçoit des sensations; on a et on entretient des sentiments. Sur ce point les synonymistes Girard et Roubaud sont arrivés au même résultat.

et

DISSENSION, DISSENTIMENT. Ils donnent tous deux l'idée d'une différence de sentiments, d'opinions.

Mais la dissension est plus violente que le dissentiment ; c'est le dissentiment qui se manifeste au dehors, qui éclate; c'est une querelle, une émeute. Une ville est en proie à la dissension quand ses habitants sont divisés en plusieurs factions qui se disputent le pouvoir ou les droits politiques. Il y a dissentiment entre deux savants qui ont sur un point des opinions différentes.

VIOLATION, VIOLEMENT. Ils expriment l'infraction d'un devoir.

Violation est un terme nouveau, quoiqu'il soit ́ seul dans Nicod et que nous en connaissions un exemple de Bossuet: il ne se trouve dans le Dictionnaire de l'Académie qu'à partir de 1762. On a d'abord employé violement seul, et aujourd'hui nous ne disons plus guère que violation. Violement n'a cependant pas disparu et ne doit pas disparaître tout à fait; car il a une nuance spéciale.

Violation se dit d'une infraction extérieure, qui

Laveaux ajoute avec l'Académie qu'il est passé en usage d'objectiver aussi les fondations et de les prendre pour les fondements eux-mêmes. «En ce sens, dit-il, fondement est préférable. » Pas toujours: faire les fondations vaut mieux que poser les fondements, quand on veut rappeler tous les travaux qui entrent dans cette opération, comme ceux qui consistent à creuser la terre, à en retirer les déblais, à rassembler et à employer les matériaux; et c'est à cause de ce rapport spécial à l'action que fondation ne se dit point au figuré comme fondement.

se fait sentir au dehors et appelle la répression; ce mot est relatif aux lois sociales. Le violement marque une infraction intérieure, pour ainsi dire, qui n'est point portée à la connaissance du magistrat; c'est une violation de la loi divine ou de la loi morale. Ce qui est violation au regard de la société est violement au regard de Dieu et de la conscience. Violation, comme renonciation, est un terme de jurisprudence; et violement, comme renoncement, un terme de morale et sur tout de morale chrétienne. La violation est un délit; le violement est un péché ou une faute contre le devoir. « Des violements de la charité. » PASC. « Le violement des préceptes de l'Eglise, le violement du sabbat. » MASS. «Saint Pierre vengea par la mort d'Ananias et de Saphira le violement de l'unité des fidèles. » Boss. « La première révolte de la créature contre son Dieu a été la transgression et le violement de la loi. » BOURD. «Je préférerai mon mal particulier, plutôt que de faire un plus grand mal au genre humain par le violement des lois qui en assurent la tranquil-sulte de la manière dont on sait bâtir, et non lité. D'AG.

D'autre part, la violation étant tout extérieure, se réduisant au fait, à la manifestation, sans rapport à l'intérieur et aux dispositions, peut très-bien, à la différence du violement, ne pas provenir d'un agent moral. « Si les montagnes étaient supposées avoir porté des mers, ce serait une violation des lois de la gravitation et de l'hydrostatique. »> VOLT. '.

RÉNOVATION, RENOUVELLEMENT. Rétablissement d'une chose dans son premier état.

Les fondements se considèrent en eux-mêmes tels qu'ils sont; les fondations rappellent l'action de fonder, le fondateur et son talent. « Un architecte avisé proportionne de telle sorte le fondement avec l'édifice, qu'on mesure et qu'on découvre déjà l'étendue et l'ordre de tout le palais, en voyant la profondeur, les alignements, la solidité des fondations.» Boss. La solidité des fondations n'est point du tout celle des fondements: elle ré

pas de la nature des matériaux, de la largeur ou de la profondeur du mur. « Il s'en faut beaucoup que les fondations de la plupart de nos maisons soient aussi solides que l'étaient les grands chemins dans le voisinage de Rome. » VOLT.

FRACTION, FRAGMENT; SECTION, SEGMENT. Primitivement fraction signifie l'action de faire un fragment, et section l'action de faire un segment. Fragment est un morceau de quelque chose qui a été fracassé (fractus). Pour avoir un segment dans un cercle, on fait une section, c'est-à-dire qu'on retranche une partie du cercle au moyen de la corde. « Les grains de cette grêle avaient la figure des segments d'une boule divisée en On assiste à une rénovation de vœux; la réno-huit parties égales par trois sections qui s'entreration des vœux de telle personne s'est faite de telle manière, dans telles circonstances. Par le renouvellement des vœux l'âme reçoit une nouvelle force pour persévérer dans la piété.

< Rénovation marque plus l'action de la cause qui renouvelle; renouvellement, l'état de la chose renouvelée. » COND.

Rénovation annonce plutôt une célébration; une cérémonie, une fête. Il existe de Bossuet un tout petit traité ayant pour titre : Rénovation de l'entrée dans la sainte religion. Il commence par ces mots : « Il faut la célébrer tous les ans dans des transports de joie. »

FONDATION, FONDEMENT. Action de poser le soutien d'un édifice ou ce qui résulte de cette action.

Condillac et Laveaux sont d'accord sur le caractère actif et subjectif du premier de ces mots, et sur le caractère de passivité et d'objectivité du second. Fondement se dit de la partie d'un mur enfermée dans la terre jusqu'au rez-de-chaussée; fondation est l'action de poser les fondements. » LAV. « Le fondement est la masse de pierre qui supporte ou supportera le bâtiment, et la fondation est le travail nécessaire pour asseoir les fondements. C'est pourquoi on dit, faire les fondations et poser les fondements. » COND.

1. Viol se trouve défini par le Dictionnaire de l'Académie et les autres d'une manière si distincte, que chercher, Comme l'a fait Beauzée, à le séparer de violation et de violement serait un soin superflu.

coupent au centre à angles droits. » DESC.

Cette différence se retrouve, d'une manière plus ou moins apparente, dans tous les sens dérivés. Fragment et segment signifient toujours des objets; fraction et section indiquent des divisions, quelque chose d'idéal et d'abstrait, qui rappelle une opération faite sur des objets. Un livre se compose de fragments, comme qui dirait de segments et il se divise en sections. - De même, prolongation donne l'idée d'une addition à quelque chose d'idéal, le temps; et prolongement exprime une addition à quelque chose de matériel, comme un chemin, un mur, une galerie.

DÉPOPULATION, DÉPEUPLEMENT. L'Académie définit le premier de ces mots, l'état d'un pays dépeuplé; et le second, l'action de dépeupler un pays ou l'état d'un pays dépeuplé.

Mais si l'un des deux convient mieux pour exprimer l'action. c'est assurément le premier; de sorte que l'on dirait plutôt prendre part à la dépopulation qu'au dépeuplement d'un pays. Et quand tous deux marqueraient l'état, dépopula tion serait toujours relatif à l'action qui a produit cet état. « Le czar Pierre a contribué à la dépopulation de ses États. » VOLT. La dépopulation augmente (VOLT.), continue (MONTESQ.) tous les jours. « Il plut du sang, dit Lafontaine, et cette image lui paraît encore faible pour exprimer la dépopulation. » MARM. Mais c'est seulement l'ef

fet, le résultat, que représente dépeuplement | tôt par dérision, en parlant de la prétendue science dans cette phrase de Saint-Simon: «Quand un roi des magiciens, sans compter que ce mot a plus a un premier ministre, il ignore les fautes, les encore de rapport à l'action que son synonyme, choix indignes et ce qui en résulte, la misère et et représente les cérémonies et les pratiques faites les cris des sujets, la ruine, le dépeuplement. » pour produire l'enchantement. Au surplus, il se peut que ces deux mots diffèrent aussi en ce que dépeuplement entre plutôt dans le langage commun, parce que sa terminaison est toute française et qu'il est formé d'un verbe français, dépeupler; tandis que dépopulation a une terminaison toute latine et est formé d'un verbe latin, depopulari.

A propos des mots prosternation et prosternement, l'Académie commet une erreur semblable, et l'on peut faire de ses définitions la même critique. «Un souverain est-il payé de ses peines par toutes les prosternations des courtisans?» LABR. « Il eut peine à se reconnaître et à se relever de ce prosternement où il était. » S. S.

Il faut que la ressemblance entre ion et ment soit bien grande, car beaucoup de mots à présent terminés en ion l'ont été d'abord en ment seulement ou en ment et en ion tout à la fois. Ainsi on a dit pressement (NICOD) avant de dire pression, et c'est un mot dont nous connaissons deux exemples dans Bossuet. Epurement (Boss., BUFF.) paraît aussi antérieur à épuration. Élèvement s'est dit en même temps qu'élévation; il s'en trouve des exemples dans Pascal et jusque dans Massillon. De plus, il arrive quelquefois à nos meilleurs écrivains de terminer en ment les substantifs dont la désinence ordinaire est ion, soit qu'ils y soient entraînés par l'analogie seule, soit qu'ils aient le sentiment d'une nuance particulière à ment et qui n'est point du tout rendue par ion. Ainsi, au lieu de dévastation, Condillac a employé dévastement; et, au lieu de perversion, de

Les bases verbales auxquelles s'ajoute ment sont toutes françaises, ainsi que cette terminaison elle-même; et, au contraire, la terminaison ion est d'origine latine et s'ajoute toujours à des radicaux latins. De là résulte une différence sou-subversion et de submersion, Voltaire a dit pervent importante entre les substantifs en ment et leurs synonymes en ion : les uns sont du langage commun ou du langage des arts; les autres appartiennent au style noble, figuré, ou bien ce sont des termes didactiques, de science ou de spéculation.

tomie.

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vertissement, subvertissement et submergement, qui manquent dans les dictionnaires.

Pour nous, nous pensons que les deux formes devraient être permises et usitées, attendu que chacune modifie l'idée à sa manière. On peut s'en assurer encore par l'examen des exemples qui viennent d'être cités.

Ainsi, repoussement ne se dit qu'en langage ordinaire, d'une arme à feu qui, pour être trop char- La pression cause le pressement; le pressement gée, repousse celui qui la tire; répulsion est un est l'état de la chose qui a subi la pression. Vous terme de physique. - Isolement est communé- exercez sur cet objet une pression trop forte; le ment usité pour désigner l'état d'une personne pressement éprouvé par cet objet l'a tout endomisolée, et isolation est un terme de physique qui magé. La pression se considère pendant, et le signifie l'action d'isoler les corps qu'on veut élec-pressement après. D'ailleurs, pourquoi prestriser. Convertissement n'est guère d'usage sion ne signifierait-il pas, comme renonciation et qu'en matière d'affaires ou de fabrique de mon-sensation, une action plus saillante, c'est-à-dire naie; tandis que conversion s'emploie en juris- extérieure et physique, tandis que pressement, prudence, en logique, en médecine, dans la théo- comme renoncement et sentiment, se dirait d'un rie militaire et en matière de religion et de acte intérieur, de l'âme et de ce qui en dépend? morale. Fléchissement est plus commun que << Notre Dieu entre avec nous en société, s'égale flexion dans les cas où ils se disent des mêmes et se mesure avec nous par les tendresses de son choses; mais, de plus, flexion est un terme d'ana-amour, par les pressements de sa miséricorde, qui On dit également, réfléchissement et attire à soi notre cœur. » Boss. réflexion de la lumière, de la voix, du son; mais, L'épuration est une opération par laquelle on en langage de science, en physique, on se servira donne aux choses la qualité que signifie épureplutôt de réflexion, qui, d'ailleurs, est seul noble, ment. L'épuration se fait avec plus ou moins de et s'emploie seul au figuré. - Renouvellement est lenteur; l'épurement est plus ou moins parfait. de tous les styles, même de la conversation; ré- Agis, roi de Lacedémone, entreprit l'épuration novation ne se dit guère que dans le langage de des mœurs de ses sujets; c'est qu'en effet l'épurel'Ecriture ou de l'Eglise, dans le langage du pa- ment des mœurs pouvait seul faire refleurir sa lais ou dans celui de la littérature: la rénovation patrie corrompue. Ensuite, épurement paraît de l'homme intérieur par la grâce, la rénovation mieux convenir aussi, non pas au figuré en géd'un titre. « Dans le public imbu d'une saine lit-néral, mais quand on parle de l'âme et de son térature, ce ne sera jamais à l'élite des bons es- perfectionnement. « La croix est la vraie épreuve prits que l'on risquera de déplaire par d'heureuses de la foi, le vrai fondement de l'espérance, le innovations, par des rénovations utiles. » MARM.-parfait épurement de la charité. » Boss. Desséchement exprime, dans le langage commun, Mêmes différences entre élévation et élèvement. ce qu'exprime dessiccation en termes de chimie On parvient à l'élévation; on se trouve dans l'éleou de botanique. Il en est de même de mouve-vement. L'un montre la personne ou la chose pasment à l'égard de motion: ce dernier est un sant par divers degrés; l'autre la fait voir en terme didactique. Enchantement signifie la possession du rang qu'elle occupe. On travaille à même chose qu'incantation, l'action d'enchanter; l'élévation d'un mur dont l'élèvement me nuira seulement, incantation étant tout latin se dit plu- beaucoup, parce qu'il me privera d'air et de lu

mière. — D'autre part, élèvement pourrait être particulièrement appliqué à ce qui regarde l'âme. Ainsi, Massillon appelle l'orgueil un élèvement du

cœur.

TERMINAISON IVE.

TERMINAISONS IVE ET ION.

Imaginative, imagination. Négatire, négation; affirmative, affirmation. Correctif, correction. La terminaison ive se trouve ajoutée à des ad

minaison adjective if, ive, dérive du latin vis, force, puissance, faculté. C'est donc aussi ce que doivent signifier les noms en ive, tandis que leurs synonymes en ion marqueront l'action présente, quelque chose d'actuel.

Dévastation, dévastement. Lorsque l'ennemi est dans un pays, la campagne est en proie à la dévastation, et le dévastement est l'état de la campagne après la retraite de l'ennemi. La dé-jectifs féminins pris substantivement. Or, la terrastation cesse et disparait aussitôt que le dévastateur s'éloigne; le dévastement reste et marque la trace laissée par le passage du dévastateur. Quelle dévastation! c'est-à-dire, comme on dévaste! avec quelle furie! Quel dévastement! c'està-dire, comme le pays a été dévasté! que de ruines! Les Athéniens, pendant la guerre du Péloponnese, voyaient du haut de leurs remparts L'imaginative est la faculté qui a la puissance la dévastation de leurs champs; et, plus d'un d'imaginer; l'imagination, la faculté qui imasiècle après, ils se ressentaient encore du dévas-gine. Dans l'une, la faculté est considérée par tement de leurs champs.

D

IMAGINATIVE, IMAGINATION. Faculté d'ima

giner.

rapport à ce qu'elle peut; dans l'autre, par rapport à ce qu'elle fait, si bien même que par imagination on entend quelquefois la chose imaginée. Ensuite, et conformément encore à la valeur de sa désinence, l'imaginative signifie toujours la faculté d'imaginer, en tant que force ou puis

tion la désigne aussi comme représentant, embellissant ou grossissant ce qui est, les objets.

L'usage est aujourd'hui de n'employer imaginative que familièrement, pour exprimer le talent des expédients.

J'ai bien joué moi-même un tour des plus adroits.
Quand je veux, j'ai l'imaginative

....

La perversion est d'un homme qui va se pervertissant; le pervertissement est d'un homme perverti, et la perversité d'un homme pervers. Les deux premiers, les seuls à considérer ici, désignent un changement de bien en mal; mais pertersion le montre se produisant, dans son dé-sance, en tant qu'elle crée ou invente; l'imaginaveloppement, et pervertissement le représente comme produit ou effectué, comme un résultat. « Prétendre que la secte chrétienne n'est que le pervertissement de la religion naturelle. » VOLT. L'idée des sorciers et des possédés est un pervertissement de la raison. » ID. Peut-être aussi perversion a-t-il plus de rapport à l'extérieur, aux actions proprement dites, et pervertissement à l'intérieur, à la partie de l'homme dont les actions sont des actes, c'est-à-dire quelque chose qui éclate et qui frappe moins; en sorte qu'on dirait, en parlant de la conduite d'un libertin: Voyez jusqu'à quel point il porte la perversion; et en ayant égard à son caractère seul: On ne saurait rien ajouter au pervertissement de son âme. La subversion est une espèce de crise dont le subvertissement est le résultat. La subversion met et le subvertissement montre les choses sens dessus dessous. Le gouvernement de France était, sous Charles IX, parvenu à cet excès de subvertissement que deux mille soldats du pape étaient un secours utile. » VOLT.

Submersion présente à l'esprit l'image d'une scene: il peint les vagues qui s'approchent, qui gagnent, envahissent et finissent par engloutir. Submergement est tout abstrait il signifie le fait accompli. Dieu voyant le pervertissement des hommes, vengea l'abandon de son culte par une submersion effroyable le submergement de la terre fut fatale à l'espèce humaine, parce qu'il rendit la nature moins forte et moins vigoureuse, et qu'il affaiblit la première constitution de l'univers. La submersion de l'Egypte est due aux inondations du Nil; et le submergement de ce pays fait sa fertilité.

On pourrait citer encore d'autres exemples et les distinguer de même. Ainsi on trouve abrégemeat pour abréviation dans la Logique de PortRoyal, at Beaumarchais a dit protégement pour protection, araulement pour annulation, tergitersement pour tergiversation.

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Aussi bonne, en effet, que personne qui vive. MOL. NÉGATIVE, NÉGATION; AFFIRMATIVE, AFFIRMATION. Ces mots rappellent l'idée marquée par le verbe d'où ils dérivent, savoir: les deux premiers, celle de nier (negare); les deux autres, celle d'affirmer.

La négation est l'action de nier; la négative est une proposition qui a la propriété, la vertu de nier. Une négation est plus ou moins fréquente, une négative plus ou moins forte. Le fait de nier est plus présent, plus direct, plus pur dans le premier de ces mots que dans le second; aussi marque-t-il un acte de l'esprit dont la négative ne présente que le reflet. C'est la négation qui denne à la négative la propriété exprimée par cette dernière. Non, ne, ni, sont également appelées des négations et des négatives: des négations, parce qu'elles représentent un certain acte de l'esprit ; des négatives quand on a égard à leur valeur grammaticale.

Primitivement, négation et affirmation sont des termes de philosophie ou plutôt de psychologie; négative et affirmative, des termes de logique. Tout jugement se réduit à une affirmation ou à une négation; dans les disputes les uns soutiennent l'affirmative, les autres la négative; et la logique enseigne aux argumentants dans quels cas ils doivent prendre l'une ou l'autre.

CORRECTIF et CORRECTION, qui tous deux signifient un changement ou un adoucissement à quelque chose de trop grand ou de trop fort, de trop rude, diffèrent de même.

Le dernier donne l'idée d'un remède eu égard à l'effet qu'il produit, et le premier fait concevoir

ce remède par rapport à la vertu qu'il a de pro- | Armure est donc un nom collectif, et n'a guère duire cet effet. La correction tempère, le correctif de rapport de synonymie avec arme, qu'autant est propre à tempérer; l'une s'applique à un mal que ce dernier se prend au pluriel. actuel et tend à le corriger actuellement; l'autre s'applique à un mal possible et tend à prémunir contre ce danger. Un critique téméraire adoucit par des corrections ce que ses répréhensions ont d'excessif (Boss.); un auteur se sert de correctifs de peur qu'on ne prenne ses paroles dans un sens faux ou exagéré (FÉN.).

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A quoi il faut ajouter avec Girard qu'armure signifie exclusivement les armes défensives, parce que sans doute ce sont celles dans lesquelles se montre et l'on considère davantage le travail, la façon, l'art et l'habileté de l'armurier. On revêt son armure, et l'on prend ses armes,

TISSU, TISSURE. Liaison de fils formant une étoffe.

Le tissu est l'objet en lui-même, l'étoffe, la toile, le tout formé par l'entrelacement de différents fils, l'ouvrage tissu, avec sa longueur, sa largeur et ses qualités intrinsèques, comme d'être de soie, de laine, de cheveux, rouge ou vert. La tissure désigne la façon, la manière dont a été fait le tissu par le tisseur ou le tisserand, la qualité de la fabrication, résultant de la main-d'œuvre; elle est lâche ou serrée, égale ou inégale. « Les lits des sauvages sont d'un tissu de coton. » MONTAIGN. « Tous nos efforts ne peuvent seulement arriver à représenter la tissure de la chétive araignée. » ID. « Je n'aime point de tissure où les liaisons et les coutures paraissent. » ID. - On peut dire que la tissure d'un tissu est telle ou telle suivant le plus ou le moins d'habileté de l'ouvrier.

α

Les substantifs en ure sont à base verbale : les uns se forment de l'impératif français, comme tournure, tissure; les autres du supin latin, comme signature de signatum, texture de textum. A la différence de leurs synonymes sans terminaisons significatives et la plupart à base nominale, ils marquent donc un rapport à une action. C'est en quoi ils ressemblent aux substantifs en ion et en ment. Mais ils ne sont pas relatifs, comme ces derniers, à l'action elle-même; ils se rapportent au résultat, et c'est pourquoi Butet les appelle des résultatifs. Ainsi, tandis que les noms à terminaisons indifférentes signifient la chose d'une manière absolue et en elle-même, les noms en ure la montrent comme étant l'effet, le produit, le résultat d'une action marquée par le verbe radical, et comme ayant, par suite de cette action, des qualités extrinsèques et indépendan-au figuré, pour exprimer la façon dont les choses tes de sa nature, une forme, une manière d'être, une disposition, un arrangement, une façon, survenus en elle et y ayant été mis par un agent ou un ouvrier.

Le devant d'une maison est une expression qui signifie d'une manière abstraite la partie antérieure de la maison; et la devanture est un terme d'art qui représente tous les ouvrages de menuiserie, de serrurerie, etc., qui se trouvent dans cette partie. La terminaison ure, dit Roubaud, désigne si bien un résultat, qu'elle sert souvent à exprimer un ensemble, un tout formé de la réunion, de l'assemblage de plusieurs choses du même genre. Ainsi, la mâture est l'ensemble des mâts, la ferrure la totalité du fer employé dans un ouvrage, la parure l'ensemble des ornements qui servent à parer, la figure l'ensemble et le résultat des traits du visage. » De même la toiture est tout ce qui sert à couvrir une maison, et le toit n'en est qu'une partie, celle qui est exposée à l'air et à l'eau.

ARME, ARMURE. Instrument pour se défendre. Arme exprime la chose en elle-même, indépendamment d'un travail subi antérieurement, lequel est toujours rappelé par armure : dans le danger, on se fait une arme et non une armure, d'une pierre ou d'un bâton.

Ensuite, « l'armure, dit fort bien Roubaud, est l'ensemble des armes d'un guerrier, » ce sont les armes artistement agencées et formant un tout.

Au figuré, le tissu d'un discours, c'est l'ordre des idées, le discours lui-même divisé et disposé de telle manière; la tissure est l'arrangement, la forme seule on saisit, on expose le tissu d'un discours, et on en admire la tissure. C'est ainsi que ce qu'on regarde dans le contexte d'un écrit, c'est le sens; et dans la contexture, l'art.- Du reste,

sont comme tissées, tissure ne se dit guère; on se sert proprement des mots texture et contexture.

SEING, SIGNATURE. Le nom de quelqu'un, écrit par lui-même au bas d'une lettre, d'une promesse, d'un contrat ou d'un acte quelconque, pour le certifier, le confirmer ou le rendre valable.

Le seing exprime la chose d'une manière absolue ou par rapport à la nature de cette chose; la signature la désigne d'une manière relative ou par rapport à la personne qui appose le seing. Le seing n'a pas toujours été le nom de la personne, mais un signe quelconque une tache d'encre, imprimée avec la paume de la main sur un acte public, était le seing ordinaire des empereurs ottomans. A l'époque où on croyait aux sorciers, on s'imaginait que le diable appliquait une marque à toutes ses favorites, « et que le sceau du diable était un petit seing (signum) qui rendait la peau insensible. » VOLT.

Ducange pense que le mot seing vient du signe de la croix qu'on apposait autrefois au bas des actes avec la signature, comme un symbole du serment qu'on faisait de les observer. Aujourd'hui, votre nom est votre seing, et votre seing est votre signature, quand on le considère par rapport à vous, en tant que vous l'écrivez et à la manière dont vous l'écrivez. Deux frères ont le même seing et peuvent avoir des signatures bien differentes; c'est ainsi que deux écrits peuvent être les mêmes sans être de la même écriture. Le seing or

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