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fluence d'André Dumont. Elle demandait la clôture de toutes les églises. Levasseur fit observer que ce serait violer évidemment la liberté des cultes; il invoqua l'ordre du jour. Adopté. Après cette manifestation hébertiste, ce fut le tour des danto-` nistes. Un des secrétaires donna lecture d'une lettre écrite par Chabot au président de la Convention nationale, pour se plaindre de ce qu'on avait arrêté sa sœur et un de ses amis : « Les hébertistes, disait-il, sont donc plus audacieux que les brissotins! Ceux-ci n'ont pas fait arrêter mes parens dans leur triomphe à l'Aveyron. Merlin de Thionville demanda, comme repré sentant du peuple et comme ami, que Chabot et Bazire fussent enfin arrachés au soupçon et à l'intrigue qui les attaquaient. — Cette lettre fut renvoyée au comité de sûreté générale. — Robespierre fit ensuite la motion suivante :

Robespierre. Parmi les belles actions qui se sont passées dans la Vendée, et qui ont honoré la guerre de la liberté contre la tyrannie, la nation entière doit distinguer celle d'un jeune homme dont la mère a déjà occupé la Convention. Je veux parler de Barra: ce jeune homme âgé de treize ans a fait des prodiges de valeur dans la Vendée. Entouré de brigands qui, d'un côté, lui présentaient la mort, et de l'autre lui demandaient de crier vive le Roi! il est mort en criant vive la République! Ce jeune enfant nourrissait sa mère avec sa paie; il partageait ses soins entre l'amour filial et l'amour de la patrie. Il n'est pas possible de choisir un plus bel exemple, un plus parfait modèle pour exciter dans les jeunes cœurs l'amour de la gloire, de la patrie et de la vertu et pour préparer les prodiges qu'opérera la génération naissante. En décernant des honneurs au jeune Barra, vous les décernez à toutes les vertus, à l'héroïsme, au courage, à l'amour filial, à l'amour de la patrie.

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› Les Français seuls ont des héros de treize ans : c'est la liberté qui produit des hommes d'un si grand caractère. Vous devez présenter ce modèle de magnanimité, de morale, à tous les Français et à tous les peuples aux Français, afin qu'ils ambit jonnent d'acquérir de semblables vertus, et qu'ils attachent

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un grand prix au titre de citoyens français; aux autres peuples, afin qu'ils désespèrent de soumettre un peuple qui compte des héros dans un âge si tendre.

> Je demande que les honneurs du Panthéon soient décernés à Barra, que cette fête soit promptement célébrée et avec une pompe analogue à son objet et digne du héros à qui nous la destinons. Je demande que le génie des arts caractérise dignement cette cérémonie, qui doit présenter toutes les vertus; que David soit spécialement chargé de prêter ses talens à l'embellissement de cette fête. » ( Vifs applaudissemens..)

David. Ce sont de telles actions que j'aime à retracer. Je remercié la nature de m'avoir donné quelques talens pour célébrer la gloire des héros de la République, c'est en les consacrant à cet usage que j'en sens surtout le prix. (On applaudit.)

Barrère. Citoyens, il ne peut y avoir ici qu'un suffrage, ou plutôt des acclamations unanimes pour l'adoption de la belle motion que Robespierre vient de faire. Je demande que l'assemblée décrète que la gravure qui représentera l'action héroïque et la pieté filiale de Joseph Barra, de Palaiseaux, sera faite aux frais de la République, et envoyée par la Convention nationale dans toutes les écoles primaires, pour y retracer sans cesse à ta jeunesse française l'exemple le plus pur de l'amour de la patrie et de la tendresse filiale.

Les propositions de Robespierte et dè Barrère furent adoptées au milieu des plus vifs applaudissemens.

Le 29 décembre (9 niyôse) Hérault reddit un compte succinct de ses opérations dans le Haut-Rhin il repoussa ensuite l'imputation qui lui avait été faite d'avoir des liaisons intimes et suspectes avec Proly, Pereyra et Dubuisson: il déclara qu'il connaissait à peine les deux derniers, et que le premjer, qu'il avait rencontré plus souvent, n'avait jamais proféré en sa présence une seule parole qui l'eût mis à portée de le dénoncer. Hérault fait cette profession de foi: Si d'avoir été jeté par le hasard de la naissance dans une caste que Lepelletier et fui n'ont cessé de combattre et de mépriser, est un crime qui lui reste à expier; s'il

doit encore à la liberté de nouveaux sacrifices, il prie la Convention d'accepter sa démission de membre du comité de salut public. La Convention décréta l'impression du discours d'Hérault, et passa à l'ordre du jour sur sa démission. Mallarmé informa ensuite la Convention que Saint-Just et Lebas, commissaires dans le Bas-Rhin, avaient envoyé à la maison de la Force, à Paris, les administrateurs du directoire de la Meurthe, qui avaient été choisis et nommés par Soubrany et Milhaud il proLesta de leur innocence, de leur patriotisme, et demanda un prompt rapport. Simon déclara aussi que des dénonciations mensongères avaient surpris Saint-Just et Lebas sur les administrateurs de Strasbourg, qui avaient été incarcérés. L'assemblée renvoya ces deux objets aux comités de salut public et de sûreté générale.

Les plaintes portées contre Saint-Just et Lebas nous donnent occasion de faire l'historique de leur mission en Alsace. Nous commencerons par dire quelques mots de celle de Hérault dans le Haut-Rhin. M. Monet, alors maire de Strasbourg, a bien voulu nous communiquer de vive voix tous les élémens de notre récit et de nos explications.

Les actes de Hérault-Séchelles dans le Haut-Rhin se bornèrent à une promenade sans but et sans résultat. Il cherchait à ne rien faire, et il ne fit rien. Herault était un homme à belles manières et un homme de plaisir, A Paris, il portait la perruque jacobine; dans les départemens il se coiffait en ailes de pigeon. Il ne résidait pas dans une ville sans y commencer aussitôt des intrigues amoureuses. Celle qui fit le plus de bruit en Alsace, parce qu'elle était scandaleuse, fut sa liaison avec la soeur d'un général autrichien. Les patriotes de ce pays regardaient Hérault comme un arlequin. Lorsqu'il repassa par Strasbourg pour revenir à Paris, le maire lui parla de la dénonciation dont il venait d'être l'objet devant la Convention, et lui demanda comment il espérait s'en tirer. Hérault répondit avec beaucoup d'aisance qu'il n'aurait pour cela qu'à dire un mot à son ami Couthon. >

Lorsque Saint-Just et Lebas furent envoyés en Alsace, cette frontière était dans un état déplorable. La perte des lignes de Wissembourg avait été suivie d'une retraite précipitée de l'armée française; les Autrichiens l'avaient ramenée jusque sous le canon de Strasbourg. Les revers qui s'étaient succédé de ce côté depuis les tentatives de Beauharnais pour délivrer Mayence, avaient eu pour conséquence de réduire nos troupes à un complet dénûment. Les soldats manquaient de tout, et il fallait refaire le matériel de l'armée, en même temps qu'il en fallait remonter l'état moral.

Il y avait à Strasbourg un assez grand nombre de représentans du peuple au moment où Saint-Just et Lebas y arrivèrent. C'étaient J.-B. Lacoste, Baudot, Ruamps, Soubraný et quelques autres. Saint-Just et Lebas prirent le titre de commissaires extraordinaires. Ils ne rendirent pas aux autorités constituées la visite qu'ils en avaient reçue, et ce changement au cérémonial en usage annonça quel pouvoir ils venaient exercer. Ils se distinguèrent aussitôt de leurs collègues, en évitant de se produire dans les lieux publics. Le laconisme était le caractère de leurs arrêtés, aussi bien que de leurs discours dans les conférences où les engageaient les affaires du département et de l'armée. Jacobins rigides, mais sans affectation, on voyait en eux des hommes habitués à régler leur conduite privée sur les principes moraux qui servaient de base à leurs convictions politiques. Vouloir et agir pour le salut de la France, telle était leur occupation de tous les instans, Aussi leur accueil toujours grave, leur manière d'aller droit au but sans paroles inutiles, leur sentiment de justice et la fermeté qui y répondait, en imposaient-ils à ce point, que nul n'osait les aborder sans trembler. C'est là du moins ce que M. Monet déclare avoir vu éprouver par les autres, et avoir éprouvé lui-même.

Pendant tout le temps que Saint-Just et Lebas gouvernèrent à Strasbourg, il n'y fut pas versé une goutte de sang. Il n'y avait eu dans cette ville que deux exécutions à mort avant leur arrivée ce furent les seules. L'accusateur du tribunal révolution

naire, ce Schneider à qui l'imagination et le style de M. C. Nodier ont acquis de nos jours une si odieuse renommée, n'est point un personnage romanesque quant aux mœurs ignobles dans lesquelles cet écrivain nous l'a montré; mais il faut beaucoup diminuer du sang dont il l'a couvert. Le tribunal qu'il promenait à sa suite dans le département du Bas-Rhin n'y frappa tout au plus que douze individus. Il ne se passa de remarquable dans les tournées de Schneider que la particularité suivante. Il entra un jour dans un village, avec son fatal cortége, au moment où le prêtre constitutionnel de l'endroit se mariait. Prêtre lui-même, il voulut que sa présence profitât à un confrère. En conséquence il fit dresser la guillotine, et ordonna aux habitans de doter les époux par une quête publique et immédiate. Le parti qui lui résistait à Strasbourg, et qui avait réussi à le paralyser, travailla bientôt à l'écarter entièrement. Ce n'était pas Schneider seulement, c'étaient la plupart des membres du tribunal révolutionnaire qu'il fallait remplacer. Ce tribunal, présidé par Taffin, autre prêtre défroqué, était composé d'hommes sans principes, sans probité, sans tenue. On commença la réforme par l'accusateur public, parce qu'il était le plus vicieux et le plus à craindre. Adonné aux femmes et à des excès continuels de boisson, il était tombé dans l'espèce de stupidité ordinaire à ceux qui s'enivrent fréquemment avec de la bière. Cependant il n'était pas facile d'opérer sa ruine. Deux partis divisaient Strasbourg; l'un, le parti français, qui avait d'abord adopté Diétrick pour maire, et ensuite M. Monet. Ce parti, national avant tout, avait suivi la société des Jacobins dans la ligne de ses oppositions, se séparant comme elle de tous les pouvoirs qui avaient successivement entrepris de gouverner la France depuis 1789 jusqu'au 31 mai. L'autre était le parti alsacien, dont Turkem fut long-temps le chef. Plus démocratique en apparence, ce parti était foncièrement fédéraliste. Il tendait à faire prévaloir l'esprit allemand, et à spéculer dans la révolution les intérêts et les franchises de la province. Schneider était l'un des plus chauds partisans de ce projet de république alsacienne, auquel on avait su rallier une portion

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