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poudres et salpêtres, seront mis sous la direction et autorité de la commission ; les effets seront délivrés par elle aux ministres de la guerre et de la marine, d'après une délibération du conseil exécutif provisoire et sur leur récépissé.

IX. Les compagnies d'ouvriers cesseront d'être attachées au corps de l'artillerie, et de former corporation; les citoyens qui les composent seront employés individuellement par la commission en qualité d'artistes.

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, X. La commission des armes et poudres est placée sous la surveillance immédiate du comité de salut public, à qui elle rendra compte de toutes ses opérations.

› XI. La trésorerie nationale tiendra à la disposition de cette commission une somme de 40 millions pour subvenir à toutes les dépenses de cette fabrication révolutionnaire.

» Les fonds décrétés pour la fabrication extraordinaire d'armes sont mis à la disposition de la commission, ainsi que la somme mise à la disposition du ministre des contributions publiques, par l'art. XIV du décret du 14 frimaire.

>> XII. Le comité de salut public est autorisé à prendre, pour l'exécution du présent décret, toutes les mesures nécessaires pour la préparation et l'exécution des travaux de cette commission.

» XIII. Les trois ministres continueront à avoir la signature dans la partie des armes et poudres, jusqu'au 1er ventôse, jour auquel la nouvelle commission prendra l'exercice de ses fonctions. »

Second décret.« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport du comité de salut public, décrète :

› Art. 1er. Ceux qui entraveront ou ralentiront, par des défiances ou des propos malveillans, les mesures prises par le comité de salut public, par les sections ou les citoyens, pour la fabrication extraordinaire du salpêtre et de la poudre, seront traités comme suspects et détenus jusqu'à la paix.

» II. Les dispositions pénales portées contre ceux qui s'opposent à la fabrication des armes ou aux réquisitions du comité

de salut public, ou à celles de la commission, sont communes à ceux qui empêcheraient la fabrication du salpêtre et des poudres.»

Le 4 février (16 pluviôse), la Convention décréta l'abolition de l'esclavage. Un des trois députés nouvellement arrivés de Saint-Domingue fit un rapport sommaire sur les événemens qui y avaient eu lieu. Il remonta à la cause des malheurs auxquels elle avait été en proie; il la vit dans la politique odieuse et les intrigues de l'Angleterre et de l'Espagne qui, voulant faire perdre à la République cette colonie intéressante, avaient trouvé le moyen d'y organiser la guerre civile. Mais les nègres, armés pour la cause de la France, avaient déjoué par leur courage ces perfides projets, et demandé, pour prix de leur service, la liberté : elle leur avait été accordée. L'orateur conjura la Convention de confirmer cette promesse, et de faire jouir pleinement les colonies des bienfaits de la liberté et de l'égalité. Levasseur (de la Sarthe) demanda l'abolition de l'esclavage sur tout le territoire de la République, dont Saint-Domingue était partie. - Lacroix demanda que la Convention ne se déshonorât pas par une discussion prolongée. L'assemblée se leva spontanément, et l'abo lition fut décrétée au milieu des applaudissemens. Les députés de couleur s'embrassèrent, et furent successivement embrassés par le président et tous les députés. Danton proposa le renvoi du décret aux comités pour combiner les moyens de le rendre utile à l'humanité, sans aucun danger pour elle. - Débats relatifs à la rédaction; Lacroix en présenta une qui fut adoptée en ces termes :

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• La Convention nationale déclare abolir l'esclavage' des nègres dans toutes les colonies; en conséquence elle décrète que tous les hommes, sans distinction de couleur, domiciliés dans les colonies, sont citoyens français, et jouiront de tous les droits assurés par la constitution. »>

Le lendemain, Robespierre lut son rapport sur la morale sociale. La théorie de la politique qu'il y développe roule tout entière sur cette pensée Le citoyen doit être soumis au ma

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gistrat, le magistrat au peuple, et le peuple à la justice, le principe de la justice étant l'égalité et la fraternité. Il ne manque aux formules de Robespierre que l'intelligence des traditions, découverte que rendait impossible à cette époque l'état de la science historique, et à laquelle le sentiment révolutionnaire n'a abouti qu'après quarante ans d'efforts. C'est ici le premier manifeste de la doctrine du devoir. Tout est chrétien dans les idées, quoique le mot n'y soit pas; on reconnaît même à certains tours de phrases que la lecture de l'Évangile était familière à l'auteur; il dit par exemple : Celui qui cherche le bien public................ celui qui se cherche lui-même. Il y a loin sans doute de la conception du chef in sur la morale à celle qui est la base de notre doctrine, à nous Français du XIXe siècle, et qui la définit le critérium souverain et absolu en toutes choses; qui reconnaît et enseigne qu'elle est la loi de Dieu révélée par son fils JésusChrist, mais il n'y a pas d'affirmation dans toute l'étendue de son rapport qui y soit contraire. On ne pourra au reste mesurer la portée d'application que ce rapport contient, si l'on n'a lu attentivement l'histoire des événemens accomplis depuis le 31 mai. Les actes révolutionnaires que Saint-Just proposera en quatre rapports successifs y sont tous indiqués et justifiés. La question des suspects, celle des hébertistes et des dantonistes, celle des abus de pouvoir commis dans les départemens par des proconsuls connus du lecteur, toute la situation intérieure en un mot, y est examinée, jugée, et ordonnée du point de vue du principe moral.

Rapport sur les principes de morale politique qui doivent guider la Convention nationale dans l'administration intérieure de la République, fait par Robespierre, au nom du comité de salut public, à la séance du 5 février (17 pluvióse) 1794.

Citoyens représentans du peuple, nous avons exposé il y a quelque temps les principes de notre politique extérieure (1); nous venons développer aujourd'hui les principes de notre politique intérieure.

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Après avoir marché long-temps au hasard, et comme emportés par le mouvement des factions contraires, les représentans du peuple français ont enfin montré un caractère et un gouvernement; un changement subit dans la fortune de la nation annonça à l'Europe la régénération qui s'était opérée dans la représentation nationale. Mais, jusqu'au moment même où je parle, il faut convenir que nous avons été plutôt guidés, dans des circonstances si orageuses, par l'amour du bien et par le sentiment des besoins de la patrie que par une théorie exacte et des règles précises de conduite, que nous n'avions pas même le loisir de tracer.

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» Il est temps de marquer nettement le but de la révolution, et le terme où nous voulons arriver; il est temps de nous rendre compte à nous-mêmes, et des obstacles qui nous en éloignent encore, et des moyens que nous devons adopter pour l'atteindre: idée simple et importante, qui semble n'avoir jamais été aperçue. Eh! comment un gouvernement lâche et corrompu aurait-il osé la réaliser? Un roi, un sénat orgueilleux, un César, un Cromwell doivent avant tout couvrir leurs projets d'un voile religieux, transiger avec tous les vices, caresser tous les partis, écraser celui des gens de bien, opprimer ou tromper le peuple pour arriver au but de leur perfide ambition. Si nous n'avions pas eu une plus grande tâche à remplir, s'il ne s'agissait ici que

(1) Robespierre parle ici de son rapport du 17 novembre (27 brumaire) 1793. (Note des auteurs.)

des intérêts d'une faction ou d'une aristocratie nouvelle, nous aurions pu croire, comme certains écrivains plus ignorans encore que pervers, que le plan de la révolution française était écrit en toutes lettres dans les livres de Tacite et de Machiavel, et chercher les devoirs des représentans du peuple dans l'histoire d'Auguste, de Tibère ou de Vespasien, ou même dans celle de certains législateurs français; car, à quelques nuances près de perfidie ou de cruauté, tous les tyrans se ressemblent.

» Pour nous, nous venons aujourd'hui mettre l'univers dans la confidence de vos secrets politiques, afin que tous les amis de la patrie puissent se rallier à la voix de la raison et de l'intérêt public; afin que la nation française et ses représentans soient respectés dans tous les pays de l'univers où la connaissance de leurs véritables principes pourra parvenir; afin que les intrigans, qui cherchent toujours à remplacer d'autres intrigans, soient jugés par l'opinion publique sur des règles sûres et faciles.

» Il faut prendre de loin ses précautions pour remettre les destinées de la liberté dans les mains de la vérité, qui est éternelle, plus que dans celles des hommes, qui passent; de manière que si le gouvernement oublie les intérêts du peuple, ou qu'il retombe entre les mains des hommes corrompus, selon le cours naturel des choses, la lumière des principes reconnus éclaire ses trahisons, ét que toute faction nouvelle trouve la mort dans la seule pensée du crime.

>> Heureux le peuple qui peut arriver à ce point! car, quelques nouveaux outrages qu'on lui prépare, quelles ressources ne présente pas un ordre de choses où la raison publique est la garantie de la liberté ?

› Quel est le but où nous tendons? La jouissance paisible de la liberté et de l'égalité, le règne de cette justice éternelle, dont les lois ont été gravées, non sur le marbre et sur la pierre, mais dans les cœurs de tous les hommes, même dans celui de l'esclave qui les oublie, et du tyran qui les nie.

Nous voulons un ordre de choses où toutes les passions bas

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