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traits qui prouvaient le courage et le talent de Westermann. Après quelques débats, la proposition de Lecointre fut adoptée.

Dans son projet de rapport contre la faction Fabre-d'Églantine, Robespierre récrimine très-amèrement contre les dantonistes à l'occasion de ce dernier décret. (Voir le trentième volume de l'Histoire parlementaire, p. 175.)

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Passons maintenant à la séance des Jacobins. Une intrigue avait été montée dans les comités de la société pour que cette soirée (7 janvier 18 nivose), où la querelle entre les ultrarévolutionnaires et les indulgens devait être sérieusement vidée, fût consommée en dénonciations oiseuses. Déjà Saintex, qui sera bientôt exclu à la demande de Robespierre, avait été entendu au nom des quatre comités réunis sur la question de savoir si le club aurait des fonctionnaires salariés. Il avait conclu à la négative, et cette proposition avait été unanimement adoptée. Le rapporteur du comité de présentation vint demander ensuite l'expulsion de Rivez, agioteur, dont la femme avait tenu une loterie étrangère. Robespierre signala cette tactique. Il dit qu'on voulait occuper la séance d'un rapport sur un homme peu connu dans la société, et qui n'y marquait ni en bien, nien mal.

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Votre comité de présentation, s'écria-t-il, a été dupe d'intrigans qui se fourrent partout; il y en a, et dans vos comités, et dans votre société, et autour des membres de la Convention; il y en a partout. — Je demande qu'on laisse de côté toutes ces petites intrigues, qu'on passe immédiatement aux grands objets de salut public, et qu'on ne discute que ceux-là. Boullanger a des dénonciations importantes à vous faire ; qu'il soit entendu. ›

Boullanger. Je viens dénoncer un grand conspirateur : c'est moi. On m'accuse d'avoir provoqué la dissolution de la Convention nationale. J'ai été dénoncé hier an comité de salut public, pour avoir dit à ma section que la Convention était faible, qu'il fallait la surveiller et même la changer au définitif. Citoyens, je ne veux pas raconter les faits, mais il suffit de vous dire que le jour où l'on prétend que j'ai mérité ce reproche est le plus beau jour de ma vie.

>>J'ai, au contraire, non-seulement soutenu la Convention, mais même déclaré qu'il fallait maintenir le gouvernement révolutionnaire aussi longtemps qu'elle le croirait nécessaire à la tranquillité et au bonheur du peuple.

Robespierre. « Il est bien vrai que cette dénonciation a été faite au comité de sûreté générale, qui l'a crue d'abord d'assez grande conséquence pour la porter de suite au comité de salut public, mais elle s'est trouvée fausse.

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» Je rends justice au patriotisme de Boullanger qui, bien loin d'être l'auteur des propos dénoncés, a donné dans toutes les occasions des preuves du civisme le plus pur. ›

Robespierre développé ensuite un système de calomnie formé par de nouveaux brissotins plus dangereux, plus perfides, et plus plats que les anciens. Mais, quelles que soient, dit-il, les trames qu'ils ourdissent, la liberté est fondée à jamais. (Qui, oui, pour jamais, s'écrient à la fois tous les membres de la société et les citoyens des tribunes, levés simultanément, et agitant leurs chapeaux.)

Robespierre. Vous venez de le voir, de l'entendre, ce mou vement magnanime qui s'est échappé de vos coeurs généreux il est le gage assuré de votre bonheur, de votre liberté.

› Citoyens, je ne veux point commander votre confiance: s'il était quelqu'un parmi vous qui pût en douter, qu'il n'en croie point mes paroles ni vos suffrages; qu'il en croie-les faits.

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» Il est des hommes nouveaux, des patriotes d'hier, qui veulent s'accrocher aux piliers de la révolution, qui veulent monter sur la Montagne, pour en expulser ceux qui y siégent depuis si long-temps avec tant de succès...

Il est parmi nous des patriotes que l'on vexe; nous ne pouvons pas les délivrer de la persécution : car il est aussi parmi vous des fripons qui mettent tant qu'ils peuvent des obstacles au bien que nous voudrions faire, et qui y réussissent quélquefois ; mais leurs succès éphémères passeront; la République doit triompher de toutes les cabales, et chaque patriote se rangera sous ses drapeaux.

› Quant à la société, elle fera le triage nécessaire parmi ses membres, et saura n'accorder ses suffrages qu'à ceux qui le mériteront. S'il reste dans son sein quelque écume, elle ne balancera pas à la rejeter. >

Robespierre termine par une invitation aux représentans du peuple de se montrer en tout dignes de la cause de ce même peuple qui se glorifie dans ses représentans.

→→ Ce discours énergique est vivement applaudi. La société passe à la discussion de l'affaire de Philippeaux, qui est appelé trois fois à la tribune. Philippeaux ne paraît point.

› On appelle à la tribune successivement, et à trois reprises' différentes, Bourdon, de l'Oise; Fabre-d'Églantine, et CamilleDesmoulins. Bourdon, Fabre, et Camille ne paraissent point.

Robespierre. Les champions qui devraient combattre ne se présentant pas dans l'arêne, je ne crois pas que Philippeaux” mérite un arrêté pour l'expulser de cette société : 10 parce qu'il n'en fut jamais; 2o parce qu'il ne professa jamais les principes des amis de la liberté et de l'égalité.

Puisque ceux qui ont provoqué cette lutte fuient actuelle ment le combat, que la société les appelle au tribunal de l'opinion publique : elle les jugera. Quant à la société, qu'elle mette à son ordre du jour une question qui n'est pas étrangère à cette rixe : tès crimes du gouvernement anglais, et les vices de la constitution britannique. Mais, comme la société n'est pas assez préparée pour traiter ces grandes matières, je demande qu'on ajourne cette discussion à la séance qui suivra celle de demain.

Si l'on veut prendre la peine de faire ce parallèle entre deux nations, dont l'une a déjà reconquis ses droits et sa liberté, et dont l'autre gémit encore sous l'oppressión des tyrans, qu'on examine d'un côté le génie révolutionnaire qui sauva la chose publique ; qu'on voie les victoires de l'Alsace, la prise de Toulon, les miracles qu'a enfantés la liberté française et ceux qu'elle doit encore enfanter; qu'on voie de l'autre la stupeur dans laquelle sont restés ees insulaires à l'annonce de nos succès. Voilà les objets qui doivent être à l'ordre du jour.`›

Goupilleau de Fontenay monte à la tribune et y explique quelques faits relatifs à la guerré de la Vendée. Un citoyen accuse Goupilleau d'être le complice de Bourdon de l'Oise.

Lachevardière. Goupilleau a fait des fautes graves dans la Vendée, mais la Convention est coupable d'avoir envoyé à Fontenay, pour y combattre les rebelles, Goupilleau de Fontenay.> Ces dernières paroles excitent un grand tumulte dans l'assemblée. Lachevardière vole à la tribune; on l'en fait retirer. -Plusieurs membres réclament la parole pour l'honneur de la Convention. Bientôt le bruit devient si grand, que le président est obligé de se couvrir.

Robespierre. Je dirai avec franchise qu'on profite de la moindre circonstance pour perpétuer le trouble, et empêcher la. société de jouir du calme dont elle a tant besoin. S'il échappe à quelqu'un une expression impropre..... ›

Bentabolle. Une insulte à la Convention! (Non! non! s'écrie-t-on de toutes parts.)

Robespierre. Je suis bien aise qu'une circonstance, qui semble légère en elle-même, vienne prouver le système de division que j'ai dénoncé.

» J'atteste que personne n'a voulu croiser les principes auxquels nous avons besoin de nous rallier.

> Goupilleau n'avait que le tort de revenir trop souvent sur un article que la société avait déjà trop entendu.

» Quant à la seconde circonstance, il y a eu dans le propos du préopinant trop de chaleur sans doute, mais plus d'inexactitude, plus d'impropriété dans l'expression, que d'envie d'avilir la Convention. ›

Bentaboll.

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Il l'a avilie. »

Robespierre. La Convention n'est pas aussi aisée à dégrader qu'on semble le craindre, et je soutiendrai ici les principes que je professai si constamment sous le règne des brissotins.

› L'honneur de la Convention est un peu lié à celui de chacun de ses membres. Le mien, sans doute, doit y être compromis; eh bien! je déclare que je ne vois point que la Convention soit

avilie, et celui qui se plaît à la voir continuellement dégrader, qui manifeste à chaque instant cette crainte, celui-là n'a aucune dignité de lui-même, de la Convention, ni du peuple.

› La Convention ne tient que d'elle l'honneur dont elle est couverte ; elle n'a au-dessus d'elle que le peuple français ; quant à ceux qui désireraient peut-être que la Convention fût dégradée, qu'ils voient ici le présage de leur ruine, qu'ils entendent l'oracle de leur mort certaine ; ils seront exterminés. >

(Toute l'assemblée émue se lève, et à grands cris proclame la ruine des traîtres et le triomphe du peuple français.—Quatre fois ce mouvement sublime a eu ligu dans cette séance intéressante et digne de la majesté d'un peuple libre. )

Robespierre. «Que nos ennemis examinent sérieusement cette séance, et ils verront qu'il n'y a plus de factions. Elles sont écrasées par le génie de la liberté et par l'énergie de la Convention. Représentans du peuple, ne croyez pas à la puissance de vos ennemis, s'il est vrai que vous en ayez de réels. Vos ennemis sont ceux qui vous trompent; les autres sont trop impuissans pour être formidables. Soyez vainqueurs de l'Autriche, de la Prusse, de tous les oppresseurs du peuple; soyez vraiment les mandataires d'un grand peuple, et vous n'aurez rien à craindre. Eh quoi! un homme, une faction, oseraient se mesurer avec le peuple français! Ne le croyez pas ! Soyez calmes; ne vous levez pas avec vivacité, lorsqu'un propos mal entendu échappe de la bouche d'un patriote.

› Qu'y a-t-il de commun entre ces propos, votre caractère et vos sublimes devoirs? Conservez votre tranquillité, compagne immortelle de la force et de la vertu. S'il est des coupables, jugez-les; examinez leur cause. Ne souffrez pas qu'un individu substitue sa voix à celle de la vérité.

. Ce que je dis est superflu, car je ne pense pas qu'il puisse y avoir un individu assez insensé pour renouer une intrigue; il ne serait pas plus heureux que les coquins que la Convention a punis. La Convention ne juge jamais qu'avec connaissance de cause; que ses membres en fassent de même : ce n'est pas dans

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