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tillerie de la place, et la priver par là de son plus grand moyen de défense, pour transporter ladite artillerie dans le camp de la Madeleine, mal situé selon les gens de l'art, et dans lequel, en cas d'un revers ou d'une trahison, elle ne pouvait manquer de tomber aux mains des ennemis. Ces différens griefs furent établis surabondamment par le témoignage écrit du général Favart, et par sa volumineuse correspondance avec Lamarlière; par le témoignage écrit du général Dufrêne et celui de l'adjudant-général Merlin-Lejeune; par le témoignage oral de Lesage-Sénault, et par celui de Duchêne, représentans, qui avaient été tous deux en mission auprès de Lamarlière. D'autres témoins déposèrent sur des faits reprochés également à ce général dans l'acte d'accusation, sur ses habitudes aristocratiques, sur la menace qu'il avait faite à l'officier Calandiny de le faire expirer sous le bâton, parce qu'il l'avait dénoncé aux Jacobins, etc., etc.-Les témoins à décharge ne touchèrent à aucun fait de la cause. Ils se bornèrent à attester, les uns pour l'avoir entendu dire, les autres pour le savoir par eux-mêmes, que Lamarlière avait toujours professé les bons principes. Parmi ces témoins, au nombre de quatre, figuraient trois conventionnels, Sallengros, Taillefer, Dubois-Dubay; le quatrième témoin fut Chevalier, gendarme.

BARNAVE ( Antoine-Pierre-Joseph-Marie), âgé de trente-deux ans, homme de loi, ex-constituant, né dans la commune de Saint-Égrède, district de Grenoble, et DUPORT-DUTERTRE (Marguerite-Louis-François), âgé de trente-neuf ans, ex-ministre de la justice, né à Paris, furent condamnés à mort et exécutés le 29 novembre (9 frimaire). Ils furent jugés d'après l'acte d'accusation dressé contre eux par l'assemblée législative le 29 août 1792, et contre Duportail, Tarbé, Bertrand, Al. Lameth, etc., pour avoir conspiré contre la liberté française de concert avec la ci-devant cour.

KERSAINT (Armand-Guy-Simon), âgé de cinquante-deux ans, né à Paris, ex-député, ci-devant gentilhomme breton, ancien officier de marine, convaincu d'avoir sciemment et mécham

ment avili la représentation nationale, et provoqué le rétablissement de la royauté en France ; d'avoir participé à la conspiration contre l'unité et l'indivisibilité de la République, contre la liberté et contre le peuple français, fut condamné à la peine de mort le 4 décembre (14 frimaire), et exécuté le lendemain.

RABAUD (Jean-Paul) dit SAINT-ÉTIENNE (1), âgé de cinquante ans, né à Nîmes, ministre protestant, député, « déclaré traître à la patrie, et mis hors la loi par un décret du 28 juillet précédent, comparut devant le tribunal révolutionnaire le 5 décembre (15 frimaire), et fut immédiatement envoyé à l'échafaud. La DUBARRY. La fameuse courtisane Dubarry a été exécutée hier 17 décembre (17 frimaire), entre trois et quatre heures. Elle avait vécu dans la débauche et le crime; elle est morte sans courage. › (Le Républicain français, n. CCCLXXXVII.)

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LE TONDU, dit LEBRUN (Pierre-Marie-Henri), âgé de trente ans, né à Noyon, homme de lettres, imprimeur, et ex-ministre des affaires étrangères, réfugié rue de l'Égalité, maison d'Harcourt, sous le nom de Lebrasseur, Liégeois; accusé d'avoir participé aux complots des Girondins, fut condamné à la peine de mort le 27 décembre (7 nivôse).

DIETRICH (Frédéric), âgé de quarante-cinq ans, né à Strasbourg, ex-maire de cette ville, fut condamné à mort le 28 décembre (8 nivôse), sur la déclaration du jury portant qu'il était constant qu'il avait entretenu des manoeuvres et intelligences avec les ennemis intérieurs et extérieurs de la République, et que Diétrich était auteur de ces manœuvres. ›

GONTAUT-BIRON (le duc Armand-Louis de), ex-constituant, ex-commandant des armées de la République, fut condamné et exécuté le 31 décembre (11 nivôse au matin). Il fut accusé d'avoir conspiré contre l'unité et l'indivisibilité de la République, la tranquillité et la sûreté intérieure du peuple français, et d'avoir

(1) La plupart des ministres protestants avaient suivi, jusqu'à la révolution, l'usage, né dans les persécutions, de se cacher sous un nom d'emprunt. Ainsi Rabaud se faisait appeler Saint-Etienne; Jeanbon, avait pris le nom de SaintAndré, etc. (Note des auteurs.)

trahi les intérêts de la République, en abusant de sa qualité pour favoriser, soit par l'inaction dans laquelle il avait tenu les forces qui lui étaient confiées, soit en occasionnant la défaite des troupes de la République par le défaut de secours de celles à sa disposition, les succès des brigands de la Vendée sur le territoire français. › (Le Républicain français, n. CDXI.)

- Nous devons ajouter à cette liste le nom de CLAVIÈRË (1) et celui de ROLAND; le premier se suicida à la Conciergerie; le second, réfugié dans les environs de Rouen, vint se tuer sur la grande route de Paris lorsqu'il apprit la mort de sa femme (2).

ANNÉE 1794.

A mesure que nous approchons du moment où la querelle entre les dantonistes et les hébertistes, et l'opposition que ces deux partis font au comité de salut public, chacun de son point de vue particulier, touchent à leurs conséquences extrêmes, les faits vérifient de plus en plus notre introduction à la période dont nous poursuivons l'histoire. Échappant à la tutelle des die

(1) Voici la lettre écrite le 19 frimaire (9 décembre), par Fouquier-Tinville au président de la Convention, pour lui annoncer le suicide de Clavière :

« Citoyen président, j'ai l'honneur d'informer la Convention qu'Etienne Clavière, ex-ministre des contributions publiques, dont le jugement aurait eu lieu aujourd'hui, s'est jugé lui-même, sur la notification de l'acte d'accusation et de la liste de témoins, aux termes de la loi. Ce conspirateur et ministre infidèle s'est donné hier, vers neuf heures du soir, un coup de couteau dans la chambre où il était détenu, et sur son lit. Il a été dressé procès-verbal qui constate ces faits. Lecture en à été donnée publiquement à l'audience, ensemble de l'acte d'accusation, le tout en présence du citoyen Cambon et autres députés qui avaient été cités pour être entendus dans cette affaire.

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D'après le décret de la Convention qui met les suicidés décrétés d'accusation, et contre lesquels il y a acte d'accusation, au rang des condamnés par le tribunal par jugement, les biens du suicidé Clavière ont été déclarés acquis à la République.

» Pour éviter à l'avenir que ces conspirateurs ne se suicident, lorsque je leur ferai signifier l'acte d'accusation, je les ferai garder par des gendarmes et fouiller. FOUQUIER. >>

(2) Le 15 novembre ( 25 brumaire ) là Convention reçut la lettre suivante sur le suicide de Roland:

tateurs toutes les fois que l'occasion l'y sollicite, la majorité conventionnelle accorde des votes tantôt aux ultra-révolutionnaires, tantôt aux indulgens, selon les chances de la guerre acharnée qu'ils se livrent devant elle. Il faut que le pouvoir renonce à toutes les questions préventives, à toutes celles où la prévoyance est le seul argument à faire valoir. L'événement décide toujours, et c'est parce qu'il est toujours la démonstration d'un danger signalé à l'avance par le comité de salut public, que la majorité conventionnelle est ramenée sous son joug lorsqu'il s'agit d'un vote important.

Malheureusement ce sont aussi les faits, et non point les principes, qui maintiennent l'unanimité entre les hommes du pouvoir. Le principe jacobin n'y prévaut que dans les circonstances qui lui donnent fatalement la prépondérance, encore la concession forcée qu'il obtient se borne-t-elle ordinairement à la forme. Ainsi Robespierre a fait décréter en vain la liberté des cultes; en vain cette mesuré a-t-elle été présentée par lui comme dominant la politique révolutionnaire; on n'a pu le nier enprésence des manifestes de la coalition, mais on a cru faíré assez que de donner un simple démenti aux rois de l'Europe, en désa

Les représentans du peuple envoyés dans le département de la Seine-Inferieure et circonvoisins écrivent de Rouen, le 23 brumaire:

Citoyens collègues, informés hier au soir qu'un particulier avait été trouvé mort à cinq lieues d'ici, et sur la grande route de Paris à Rouen; instruits qu'on avait trouvé dans ses poches des papiers qui faisaient soupçonner que ce pouvait être Roland, ex-ministre de l'intérieur, nous avons arrêté qu'un de nous s'y transporterait sur le champ. Legendre s'y est rendu pendant la nuit, il s'est fait représenter le cadavre, et a reconnu facilement que c'etait celui de l'ex-ministre Roland, qui s'était rendu justice pour se soustraire aù glaive de la loi. Lejuge de paix nous a remis quatre pièces qui ont été trouvées dans ses poches. La pre mière contient l'apologie de sa vie et de sa mort, avec quelques imprécations prophétiques.Sur le verso il donne les prétendus motifs de sa mort; les deux autres sont les cartes de sa section. La quatrième est l'adresse d'une personne chez laquelle sans doute il se proposait de descendre à Rouen: elle est en état d'arrestation. Nous avons requis le juge de paix de le faire enterrer à l'endroit où il a été trouvé. La Convention nationale trouvera peut-être nécessaire de faire planter sur sa fosse un poteau sur lequel sera une inscription qui transmettra à la postérité la fin tragique d'un ministre pervers, qui avait enpoisonné l'opinion publique, qui avait acheté fort cher la réputation d'un homme vertueux, et qui était le chef de la coalition criminelle qui a voulu sauver le tyran et anéantir la république. »

vouant l'hébertisme par un décret. Quant à l'exécution, on n'y songe même pas. Profondément hostile à la question religieuse, la Convention, qui n'ignore pas qu'à cet égard la majorité du comité marche avec elle, accueille avec faveur tous les bulletins de ceux de ses membres qui persécutent le christianisme dans les départemens avec le zèle des proconsuls païens. André Dumont, Albitte, Carrier, etc., bravent impunément l'opinion encore impuissante des Jacobins.

Combien d'efforts et combien de travaux avant que le chef de ce parti soit réellement au timon des affaires! Qu'il y a loin encore de cette séance du 26 décembre (6 nivose), où il a subi la loi des deux comités réunis contre lui, jusqu'à l'époque où nous le verrons faire décréter l'existence de Dieu et l'immortalité de l'ame! En attendant, son influence personnelle grandit dans le peuple. Ne pouvant agir, il parle et il enseigne. Ases rapports antérieurs, où la France a déjà applaudi à tant d'idées vraies et à tant de bons sentimens; à ses discours de philosophie pratique qui ont déjà si fort avancé son omnipotence aux Jacobins, il ajoute son fameux rapport (5 février-17 pluviose) sur les principes de morale qui doivent régler l'administration intérieure de la République. Il suit avec anxiété la lutte des factions ennemies, essayant de ramener et de réconcilier sur le terrain des questions générales ce qu'il y a d'honnêtes gens des deux côtés. Il rencontre partout une opiniâtreté aveugle. Alors il se fait simple spectateur, et tout occupé à retirer de la mêlée quelques bons citoyens que l'on veut sacrifier, ou à dénoncer individuellement et nominativement quelques fripons, il attend que les partis succombent à leurs propres excès. Or, pour que les hébertistes soient abandonnés par leurs amis du comité de salut public, il sera nécessaire qu'ils fassent un appel à l'insurrection. Collotd'Herbois et Billaud-Varennes céderont devant cette démarche, et répudieront les ultra-révolutionnaires. Pour que les dantonistes soient frappés à leur tour, il faudra que la contre révolution soit imminente. Mais les deux factions seront immolées sans discernement, et les coupables seront plutôt choisis par la

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