D D ; que prend pour un Dieu, & fe profterne devant lui. « Je ne fuis point un Dieu, lui crie Ulyffe, je fuis votre pere, dont l'absence vous a coûté » tant de larmes; la merveille qui » vient de s'opérer en moi, eft l'ouvrage de Minerve. Elle m'avoit donné en arrivant la figure d'un vil mendiant elle vient de me rendre l'éclat de mes jeunes années. C'eft ainfi les Immortels, dont le pouvoir eft fans bornes, tantôt » nous environnent de gloire & de majefté, tantôt nous plongent dans la mifère & dans l'humiliation. Ve» nez, mon fils, embraffer votre » pere. ».... A ces mots, il laisse couler de fes yeux des larmes que jufques-là il avoit retenues. Télémaque se précipite pour l'embrasser, & tous deux ne peuvent fe raffafier de pleurs. 20 Après s'être donné pendant longtems des marques réciproques de la plus vive tendreffe ils délibérent fur ce qu'ils ont à faire, & Ulyffe fait efpérer à fon fils qu'avec le fecours de Minerve, il exterminera fans peine les indignes poursuivans de Pénélope. Ils partent pour le rendre à Itaque, & Ulyffe fe déguise de nouveau en mendiant, pour ne donner à fes ennemis aucun ombrage, & fe mettre en état de les attaquer a coup fûr. Il trouve le moment d'entretenir Pénélope fans être connu. Elle lui rend compte de l'infolente conduite des Princes qui fe font emparés du palais d'Ulyffe, de la haine qui l'anime contr'eux, & des moyens qu'elle a employés pour éluder leur pourfuite; mais malgré fa répugnance & fa haine, elle fe verra forcée le lendemain de fe déclarer, & de s'arracher malgré elle du palais d'un époux, dont l'image lui eft toujours préfente, & dont jufqu'à ce moment elle avoit espéré le retour. Elle doit leur propofer un combat dont elle fera le prix. C'étoit l'exercice de la bague; & celui des Princes, qui, avec l'arc d'Ulyffe, enfileroit douze bagues fans les toucher, emmeneroit Pénélope pour l'époufer. Ulyffe donne les plus grands éloges à ce projet, & lui dit qu'elle ne doit point craindre de propofer ce com bat parce qu'elle peut s'affûrer qu'Ulyffe fera de retour avant que les Princes ayent pû tendre son arc, & faire paffer leurs fléches au travers des douze bagues. Cet exercice, qui ne paroiffoit 'qu'un jeu, alloit devenir un spctacle tragique par le carnage dont il feroit fuivi. Tous les Princes font de vains efforts pour tendre l'arc. Ulyffe fe préfente à fon tour, & les prie de lui permettre de le manier pour effayer les forces; ils le refusent avec un mépris infultant; mais Pénélope & Télémaque les y ayant fait confentir; deux bergers affidés ferment à l'inftant toutes les portes du palais. Ulyffe prend l'arc & le tend fans effort; il enfile les douze bagues, & Télémaque s'étant approché de lui avec une épée & un javelot, Ulyffe se fait connoître, & fon fils & lui font main baffe fur les poursuivans qui étoient fans armes, & qui tenterent ́envain de s'évader. On ne fit grace qu'au Chantre Phémius, en confidération du précieux talent qu'il avoit reçû des Dieux immortels. Les pourfuivans l'avoient appellé appellé auprès d'eux, pour chanter pendant leurs repas, & il n'avoit pû fe défendre de leur obéir. La reconnoiffance d'Ulyffe & de Pénélope fuivit le meurtre des Princes, & il feroit difficile de fe repréfenter la joie & les tranfports que firent éclater ces deux époux, qui n'avoient point ceffé de s'aimer, & qui, après une fi longue féparation, jouiffoient contre toute efpérance du bonheur de se revoir. Le calme fe rétablit dans l'Ile d'Itaque, & les peuples accourent en foule, pour rendre hommage à leur Souverain. Il goûta pendant le refte de fes jours, & jufqu'à une extrême vieilleffe, un repos dont les longues traverfes qu'il avoit effuyées, lui faifoient fentir encore plus vivement les douceurs. Mais enfin un fils nommé Télégone, qu'il avoit eu de Circé, eut ordre de fa mere d'aller le chercher pour s'en faire connoître ; & les vents contraires l'ayant pouffé fur les côtes de l'Isle d'Itaque, dont il ignoroit le nom, il fut obligé de faire des courses pour avoir des vivres. Ulyffe étant 11. Partic. Xx |