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fous le nom de Jeux Néméens. On les célébroit tous les cinq ans, & le prix des vainqueurs étoit une couronne d'ache ou de perfil fauvage. Après avoir obtenu de Lycurgue la grace d'Hypfipyle, les Argiens continuerent leur marche, & arriverent devant Thébes. Les Thébains vinrent avec toutes leurs forces à leur rencontre, mais dans un premier combat qui fe donna fur les bords du fleuve Ifmenus, ils lâcherent le pied, & fe retirerent derriére leurs murailles. Ils fe défendirent mieux contre les affauts continuels que leur donnoient les Argiens. Il y en eut un entre autres du côté où Capanée avoit fon quartier, où l'on fit de fi grands efforts, qu'il s'en fallut peu la ville ne fût emportée. Capanée étoit déja fur le rempart, mais il en fut enfin renversé, & mourut de cette chûte, ou, felon d'autres, il fut tué d'un coup de foudre, pendant qu'il vomiffoit d'horribles blafphêmes contre les Dieux. Dans un autre affaut où commandoit Amphiaraus, la terre s'ouvrit, & il fut englouti avec fon char. Tous les au

que

ttes Chefs, à l'exception d'Adrafte, périrent fucceffivement. Les Thébains de leur côté, perdoient beaucoup de monde, mais une prédiction du Devin Tiréfias les avoit raffurés: il leur avoit déclaré, que la guerre finiroit lorsque le dernier Prince de la maifon Royale fe feroit immolé lui-même pour le fervice de la patrie. Menecée fils de Créon, s'appliqua cette prédiction ; & dans une fortie où les troupes combattoient des deux parts avec le plus grand acharnement, ce Prince tranfporté de zéle pour le falut des Thébains, s'avança entre les deux armées, & leur ayant fait figne qu'il vouloit parler,

Apprenez, leur dit-il, l'Arrêt des destinées,
Par qui vous allez voir vos mifères bornées.
Je fuis le dernier Sang de vos Rois defcendu
Qui par l'ordre des Dieux doit être répandu.
Recevez donc ce fang que ma main va répandre
Et recevez la paix où vous n'ofiez prétendre.
11 fe tait, & fe frappe en achevant ces mots a
Et les Thébains voyant expirer ce héros,
Comme fi leur falut devenoit leur fupplice,
Regardent en tremblant ce noble facrifice.

Les Thébains & les Argiens frap

pés d'un spectacle fi touchant, étoient

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difpofés à la paix; mais la haine implacable des deux freres y mit un obftacle invincible; il falloit que l'un ou l'autre mourût, & ils convinrent enfin, pour épargner ce qui reftoit de troupes de part & d'autre, de terminer leur querelle par un combat fingulier. Le jour pris, tous deux s'élancent avec fureur l'un con tre l'autre. Etéocle eft bleffé le

mier fang,

pre& tombe baigné dans fon

Polynice tout fier du fuccès de fon crime,
Regarde avec plaifir expirer fa victime,

2

Dans le fang de fon frere il femble se baigner
Et tu meurs, lui dit-il, & moi je vais régner.
Regarde dans mes mains l'Empire & la victoire,
Va rougir aux enfers de l'excès de ma gloire
Et pour mourir encore avec plus de regret,
Traître, fonge en mourant que tu meurs mon fujet
En achevant ces mots, d'une démarche fiére,
Il s'approche du Roi couché fur la pouffiére
Et pour le défarmer il avance le bras.
Le Roi qui femble mort obferve tous fes pas;
11 le voit, il l'attend, & fon ame irritée,
Pour quelque grand deffein femble s'être arrêtées
L'ardeur de fe venger flatte encor fes défirs
Et retarde le cours de fes derniers foupirs.
Prêt à rendre la vie, il en garde le reste,
Et fa mort au vainqueur eft un piége funefte
Et dans l'inftant fatal que ce frère inhumain
Lui yeut ôter le fer qu'il tenoit à la main a

'

11 lui perce le cœur, & fon ame ravie

En achevant ce coup abandonne la vie.
Polynice frappé pouffe un cri dans les airs,
Et fon ame en courroux s'enfuit dans les enfers.

:

Tel fut le terme où l'ambition, la haine & la rage conduifirent ces indignes freres la caufe de la guerre ceffa par leur mort, & les Thébains s'étant retirés derriére leurs murs, Adrafte qui reftoit feul des fept Chefs, reprit la route d'Argos, avec le peu de troupes qui avoient échapé aux fureurs de la

guerre. Créon monta fur le thrône de Thébes, en attendant que Laodamas fils d'Eteocle, fût en âge de regner. Le premier ufage qu'il fit de fon autorité fut de défendre, fous peine de la vie, d'enterrer les morts, & nommément les corps des deux freres ennemis. Argie, veuve de Polynice, moins touchée de la crainte de mourir, que du défir de rendre à fon mari les devoirs funébres, alla pendant la nuit chercher fon corps, pour lui donner la fépulture. Antigone étoit fortie de Thébes pour le même deffein, & avoit trompé la vigilance des gardes. Elles furent

furprises dans ce pieux devoir, & Créon ayant fait mourir Argie, avoit condamné Antigone a être enterrée vive, mais elle prévint fon fupplice en s'étranglant. Hæmon fils de Créon, qui afpiroit au mariage de cette Princeffe, défefpéré de l'avoir perdue, s'égorgea auprès de fon tombeau, & Euridice fa mere n'ayant pû furvivre à ce nouveau malheur, se donna aussi la mort. pendant l'inhumanité de Créon ne demeura pas long-temps impunie. Les meres de ceux qui étoient morts implorérent contre lui le fecours de Théfée; & ce Prince ayant déclaré

la

Ce

guerre à Creon, le vainquit dans un combat, & le laiffa mort fur le champ de bataille. Il fit publier auffitôt la révocation de la défense de Créon, & les parens des morts eurent la liberté de les enterrer. On remarqua, ou l'on crut remarquer, que les corps d'Etéocle & de Polynice ayant été mis fur un même bucher, les flammes fe féparerent, & l'on attribua cet effet à la continuation de la haine de ces Princes que la mort même n'avoit pas éteinte.On

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