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douter qu'il étoit le criminel dont les Dieux demandoient la punition. Il fe fit lui-même juftice en fe banniffant volontairement de Thebes; mais pénétré en même tems de l'horreur de fon état, il fe crut indigne de voir la lumière du jour, & s'arracha lui-même les deux yeux. Jocaste alla s'enfermer pour fe dérober à la vûe des hommes, & fe pendit de désespoir. Antigone, fille aînée d'Edipe, ne l'abandonna pas'; & ce fut un fpectacle bien touchant que de voir cette pieuse Princesse guider les pas incertains de fon pere, & lui procurer les fecours que les hommes lui refufoient, pour ne pas encourir les malédictions qu'@dipe avoit prononcées contre ceux qui auroient quelque communication avec le meurtrier de Laïus. Elle le conduifit près de Colone, bourg de l'Attique, dans un bois confacré aux Euménides, dont l'entrée étoit interdite à tous prophanes, & encore plus aux criminels que poursuivoit la vengeance céleste. Quelques Athéniens furpris de l'y voir, voulurent le forcer d'en fortir; & il cou

roit rifque de périr par leurs mains, pour ce nouveau crime, fi Antigone ne les eût fléchis par fes priéres & par fes larmes. Il fut mené à Athènes, où Théfée le reçut avec humanité & il y paffa le refte de fes jours.

Il avoit réglé avant fon départ, qu'Etéocle & Polynice fes deux fils gouverneroient enfemble le Royaume de Thébes; mais ils ne purent confentir au partage de l'autorité, & ne travaillerent qu'à s'exclure l'un l'autre des droits qu'ils avoient au pouvoir fouverain. Après bien des difficultés, qu'une haine mutuelle & irréconciliable faifoit naître fans ceffe, on parvint enfin à les accommoder, & on les fit convenir qu'ils regneroient tour-à-tour, chacun pendant une année. Ils étoient jumeaux; & contre l'ordre de la nature ils donnoient l'exemple unique d'une averfion invincible, & qui avoit, dit-on , commencé même avant qu'ils euffent vû le jour. Etéocle qui étoit l'aîné monta le premier fur le thrône, & s'étant affûré des troupes, refufa au bout de l'année d'exécu

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ter la convention. Polynice réfolut de fe faire raifon par les armes, & alla implorer, contre la perfidie de fon frere, le fecours d'Adraste, Roi d'Argos, fils de Talaüs, & l'un des defcendans de Perfée. Dans le même tems, Tydée, fils d'Oënée Roi d'Etolie, s'étoit réfugié à la cour de ce Prince, pour se faire expier du meurtre de fes oncles Alcathoüs & Lycopée, ou, felon d'autres, de fon frere qui s'appelloit Ménalippe. Ils y avoient tous deux reçû l'accueil le plus favorable; & peu de tems après, Adrafte, pour obéir à un Oracle, leur fit époufer fes deux filles. Argie l'aînée fut donnée à Polynice, & Déipyle à Tydée. Le beau-pere & les deux gendres prirent enfuite des mefures pour le rétabliffement de Polynice fur le thrône de Thébes. On effaya d'abord les voies de la douceur; & Tydée fe chargea d'aller trouver Etéocle, pour tâcher de l'amener à des fentimens d'équité. II refusa fiérement d'entendre à aucune propofition; il s'en fallut même affez peu que Tydée ne fût infulté dans un repas, où les principaux

Thébains avoient été invités; mais il fçut fe faire refpecter par un défi généreux qu'il fit aux plus braves d'entr'eux, en leur donnant le choix du genre de combat. Il vainquit par le fecours de Pallas, tous ceux qui oferent se présenter, & reprit le chemin d'Argos. Les Thébains que la honte & la colère animoient également, drefferent fur fon paffage une embufcade de cinquante hommes choifis dans leur jeuneffe: Tydée feul contre tous, les égorgea tous, à l'exception d'un feul qu'il chargea porter à Etéocle la nouvelle de ce combat.

de

Adrafte inftruit du peu de fuccès des négociations de Tydée, & de l'indigne complot qu'on avoit formé pour le faire périr, déclara la guerre à Etéocle, & engagea dans fon parti Capanée, Hippomédon, Parthénopée & Amphiaraus: ces quatre guerriers joints à Polynice, Adrafte & Tydée, furent nommés, par excellence, les fept Chefs, & commanderent féparément chacun un corps d'armée.

ADRAST E.

ADRASTE, le plus diftingué de tous par fa puiffance, s'étoit fait aimer & refpecter de fes fujets par la bonté de fon naturel, par fa douceur, & par fon exacte juftice: il étoit monté fur un cheval que les fables des Poëtes ont rendu célébre: on le nommoit Arion ; & pour en faire le premier cheval du monde, on avoit dit qu'il étoit le même que Neptune, d'un coup de fon trident, avoit fait fortir du fein de la terre lorfque Minerve & lui fe difputerent à qui feroit le préfent le plus utile aux hommes. Les Néréides avoient été chargées du foin de le nourrir & de le dreffer. Neptune l'avoit prêté à Hercule lorfqu'il fit la guerre à Augias, Roi de l'Elide: il étoit venu enfuite au pouvoir d'Adrafte, qui lui dut fon falut; & l'on n'a point dit depuis ce qu'il étoit devenu.

TYDE' E.

TYDEE fut confidéré comme le plus brave des fept Chefs: il ne cherchoit point à briller par de

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