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civiles les plus honorables, ne sera jamais véritablement noble, nette et gentille. Toujours il lui manquera quelque chose.

III.

(Page 15. Je ne vois rien d'aussi clair pour le bon sens qui ne veut pas sophistiquer.)

L'erreur, pendant tout le dernier siècle, fut une espèce de religion que les philosophes professèrent et prêchérent hautement comme les apôtres avaient professé et prêché la vérité. Ce n'est pas que ces philosophes aient jamais été de bonne foi : c'est au contraire ce qui leur a toujours et visiblement manqué. Cependant ils étaient convenus, comme les anciens augures, de ne jamais rire en se regardant, et ils mettaient, aussi-bien que la chose est possible, l'audace à la place de la persuasion. Voici un passage de Montesquieu bien propre faire sentir la force de cet esprit général qui commandait à tous les écrivains.

Les lois de la nature, dit-il, sont celles qui dérivent uniquement de la constitution de notre étre; pour les connaitre bien, il faut considérer un homme avant l'établissement des sociétés : les lois de la nature seraient celles qu'il recevrait dans un état pareil. (Espr. des lois, liv. II.)

Ainsi les lois naturelles, pour l'animal politique et religieux (Comme `a dit Aristote), dérivent d'un état antérieur à toute association civile et religieuse ! Je suis, toutes les fois qu'il ne s'agit pas de style, admirarateur assez tranquille de Montesquieu ; cependant, jamais je ne me persuaderai qu'il ait écrit sérieusement ce qu'on vient de lire. Je crois tout simplement qu'il récitait son Credo, comme tant d'autres, du bout des lèvres, pour être fêté par les frères, et peut-être aussi pour ne pas se brouiller avec les inquisiteurs, car ceux de l'erreur ne badinaient pas de son temps.

IV.

(Page 20. Jamais il n'assistait à la messe dans le camp, sans y voir quelque mousquetaire communier avec la plus grande édification.)

« Je vous ai parlé du lieutenant de la compagnie des grenadiers « qui fut tué. Vous ne serez peut-être pas fâché de savoir qu'on lui << trouva un cilice sur le corps. Il était d'une piété singulière, et avait

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<«< même fait ses dévotions le jour d'auparavant. On dit que, dans cette compagnie, y a des gens fort réglés. Pour moi je n'entends guère « de messes dans le camp qui ne soit servie par quelque mousque<«< taire, et où il n'y en ait quelqu'un qui communie de la manière du « monde la plus édifiante.» (Racine à Boileau, au camp devant Namur, edit. de Geoffroi, Paris, 1808, tom. VII, pag. 275,

1692. OEuvres lettre XXII.)

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V.

(Page 20. Une croix amère, toute propre à le détacher du monde.) « J'ai été affligé de ce que vous ne serviez pas; mais c'est un dessein pure miséricorde pour vous détacher du monde et pour vous ra<< mener à une vie de pure foi, qui est une mort sans relâche.» ( OEuvres spirit. de Fenelon, in-12, tom. IV, Lettre CLXIX, pag. 171,172.)

« de

VI.

(Page 21. Et que dirons-nous de cet officier à qui madame Guyon, etc.)

<< Il ne faut pas vous rendre singulier; ainsi ne vous faites pas une «affaire de perdre quelquefois la messe les jours ouvriers, surtout à «l'armée. Tout ce qui est de votre état est ordre de Dieu pour vous. » (OEuvres de madame Guyon, tom. XXXIV; tom. XI des Lettres chrétiennes et spirit., lettre XVI, pag. 54, Londres, 1768, in-12.)

VII.

(Page 27. Le titre de DIEU DES ARMÉES brille à toutes les pages de l'Ecriture-Sainte.)

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Mascaron a dit dans l'oraison funèbre de Turenne, au commencement de la première partie : « Presque tous les peuples de la terre quelque différents d'humeur et d'inclination qu'ils aient pu être, « sont convenus en ce point d'attacher le premier degré de la gloire à «la profession des armes. Cependant si ce sentiment n'était appuyé «que sur l'opinion des hommes, on pourrait le regarder comme une qui a fasciné tous les esprits. Mais quelque chose de plus réel «et de plus solide me détermine là-dessus ; et si nous sommes trom

« erreur

pés dans la noble idée que nous nous formons de la gloire des con«< quérants, grand Dieu! j'ose presque dire que c'est vous qui nous << avez trompés. Le plus auguste des titres que Dieu se donne à luimême, n'est-ce pas celui de DIEU DES ARMÉES? etc., etc. »

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Mais qui n'admirerait la sagesse d'Homère, qui faisait dire à son Jupiter, il y a près de trois mille ans : Ah! que les hommes accusent les dieux injustement ! Ils disent que les maux leur viennent de nous, tandis que c'est uniquement par leurs crimes qu'ils se rendent malheureux plus qu'ils ne devraient l'étre. Disons-nous mieux? Je prie qu'on fasse attention à l'ép μópov ( Odyss. 1, 32.)

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VIII.

(Page 34. La terre, avide de sang, ouvre la bouche pour le recevoir et le retenir dans son sein jusqu'au moment où elle devra le rendre.)

Isaïe, XXVI, 21. Gen. IV, 11. Dans la tragédie grecque d'Oreste, Apollon déclare : << Qu'il ne faut point s'en prendre à Hélène de la << guerre de Troie, qui a coûté si cher aux Grecs; que la beauté de << cette femme ne fut que le moyen dont les dieux se servirent pour << allumer la guerre entre deux peuples, et faire couler le sang qui « devait purifier la terre, souillée par le débordement de tous les crimes.» (Mot à mot, pour POMPER les souillures.) Eurip., Orest. V, 1677-80.

Peu d'auteurs anciens se montrent plus versés qu'Euripide dans tous les dogmes de la théologie antique. Il a parlé comme Isaïe, et Mahomet a parlé comme l'un et l'autre : Si Dieu, dit-il, n'élevait pas nation contre nation, la terre serait entièrement corrompue. ( Alcoran, cité par le chev. Will. Jones; hist. de Thomas-Kouli-Khan. Works, in-4°, tom. V, pag. 8.) Fas est et ab hoste doceri.

IX.

(Page 38. C'est le cri qu'on entendit aux beaux jours de Louis XIV.) Voici ce qu'écrivait Bolingbroke au sujet de la guerre terminée par la paix de Nimègue, en 1679 : « La misérable conduite de l'Autriche, la pauvreté de quelques princes de l'empire, la désunion et, pour «parler clair, la politique mercenaire de tous ces princes; en un mot

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a les vues étroites, les fausses notions, et, pour m'exprimer encore « aussi franchement sur ma nation que sur les autres, la scélératesse du «< cabinet anglais, n'empêchèrent pas seulement qu'on ne mit des bor<< nes à cette puissance, mais l'élevèrent à une force presqu'insurmon«<table à toute coalition future. » ( Bolingbroke's Letters on the study and use of history, Bâle, 1788, in-8°, Lettre VIII, pag. 184.)

En écrivant ces lignes, Bolingbroke se doutait peu qu'en un clin d'œil les Hollandais fouleraient aux pieds Louis XIV à Gertruidenberg, et qu'ils seraient le nœud d'une coalition formidable qui serait brisée à son tour par une puissance du second ordre: Un gant et un verre d'eau.

X.

(Page 39. Sous l'empereur Arnoulf, Rome fut prise par un lièvre. L'empereur Arnoulf faisait le siége de Rome : un lièvre qui s'était jeté dans le camp de ce prince s'échappe en courant du côté de la ville; les soldats le poursuivant avec de grands cris, les assiégés, qui se crurent au moment d'un assaut général, perdirent la tête et prirent la fuite, ou se précipitèrent du haut des remparts. Arnoulf, profitant de cette terreur panique, s'empara de la ville.( Luitpr., hist., liv. I, chap. 8.) Muratori ne croit pas trop à ce fait, quoiqu'il nous ait été raconté par un auteur contemporain. (Muratori Ann. d'Italia ad ann. DCCCXCVI, in-4°, tom. V, pag. 215.) Je le crois cependant aussi certain que celui des oies.

XI.

(Page 72. Le poète que vous avez cité rappelle lui-même cette loi, etc., etc.)

Illuc testiculi tibi conscius unde fugit mus

ubi velari pictura jubetur

Quæcumque alterius sexús imitata figuram est.

(Juven., sat. VI, 338, 341.)

XII.

(Page 72. Le Christianisme s'est emparé à son tour de la nuit. etc.)

Pour chanter ici tes louanges,

Notre zèle, Seigneur, a devancé le jour;

Fais qu'ainsi nous chantions un jour avec les anges

Le bien qu'à tes élus réserve ton amour.

Lève-toi, soleil adorable,

Qui de l'éternité ne fais qu'un heureux jour;
Fais briller à nos yeux ta clarté secourable,
Et répands dans nos cœurs le feu de ton amour.

Fuyez, songes, troupe menteuse,
Dangereux ennemis par la nuit enfantés;
Et que fuie avec vous la mémoire honteuse
Des objets qu'à nos sens vous aviez présentés.

Que ce jour se passe sans crime,

Que nos langues, nos mains, nos yeux soient innocents;
Que tout soit chaste en nous, et qu'un frein légitime
Au joug de la raison asservisse nos sens......

Chantons l'auteur de la lumière

Jusqu'au jour où son ordre a marqué notre fin;

Et qu'en le bénissant notre aurore dernière

Se perde en un midi sans soir et sans matin, etc., etc.

(Voyez les hymnes du Bréviaire romain, traduites par Racine, dans les œuvres mêlées de ce grand poète. ) Celui qui voudra sans vocation essayer quelque chose dans ce genre, en apparence si simple et si facile, apprendra deux choses en jetant la plume : ce que c'est que la prière, et ce que c'est que le talent de Racine.

XIII.

et

(Page 77. Les voyageurs modernes ont trouvé en Amérique les vestales, le feu nouveau la circoncision, le baptême, la confession, enfin la présence réelle sous les espèces du pain et du vin.)

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Rien n'est plus vrai que cette assertion. Voy. les Lettres américaines de Carli-Rubbi, in-8°, tom. I, lettres, 4, 5, 6, 9.

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